Convention Abbreviation: CCPR
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-troisième session -
Communication No. 1204/2003
Au nom de: L'auteur
État partie: Pays-Bas
Date de la communication: 18 juin 2002 (lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 30 mars 2005,
Adopte ce qui suit:
1.2 Le 5 janvier 2004, le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, agissant au nom du Comité, a estimé que la recevabilité de la communication devait être examinée séparément du fond.
Exposé des faits
2.1 L'auteur vient d'une famille politiquement active. Son père aurait été membre du parti Toudeh et aurait été détenu pendant cinq ans sous le règne du Chah, et pendant deux ans lorsque l'ayatollah Khomeiny était au pouvoir. Son frère et sa sœur étaient également politiquement actifs et avaient dû fuir d'Iran. Ils ont obtenu le statut de réfugié aux Pays-Bas.
2.2 En 1989, l'auteur a commencé à travailler à l'Institut Kavosh à Téhéran. Le Conseil culturel de l'Institut menait de nombreuses activités politiques contre le régime, telles que la publication et la distribution de tracts, de livres interdits, de bulletins et de revues. L'auteur a contribué à ces activités en dactylographiant des tracts et des textes pour des revues au domicile de M. Reza Baharani, membre du Conseil iranien des écrivains, à Téhéran. En avril 1993, la police a effectué une descente à l'Institut, mais rien n'y a été trouvé. À la suite de cet incident, l'auteur a décidé de revenir à Roudsar, sa ville natale.
2.3 À Roudsar, l'auteur et une autre femme ont publié des tracts et écrit des lettres sur la situation des femmes en Iran et ont encouragé d'autres femmes à participer à leurs activités. Le 24 juillet 1994, la police a arrêté l'auteur à son domicile avec d'autres femmes. Elles ont été conduites à la prison de Sepah où l'auteur aurait été battue jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. L'auteur a ensuite été détenue au secret pendant quatre semaines, interrogée jour et nuit et battue. On a refusé de lui fournir un médicament dont elle avait besoin pour soigner son asthme. L'auteur est restée à la prison de Sepah jusqu'au 14 avril 1995, date à laquelle elle a été transférée dans un autre lieu de détention. Au cours de son transfert, elle a réussi à s'échapper parce que son père avait soudoyé ses gardiens; elle a quitté l'Iran le 10 mars 1996.
2.4 Le 11 mars 1996, l'auteur est arrivée aux Pays-Bas. Le 28 mars 1996, elle a demandé le statut de réfugié et un permis de résidence. Le 1er août 1996, sa demande a été rejetée par le Secrétaire d'État à la justice. Le 10 septembre 1997, elle a été déboutée de son recours contre cette décision.
2.5 Le 6 octobre 1997, l'auteur a interjeté appel auprès du Tribunal de district de S'-Gravenhage. Le 31 juillet 2000, le Tribunal de district a rejeté son appel, estimant qu'elle n'avait pas démontré qu'elle avait des raisons de craindre d'être persécutée au regard du droit relatif aux réfugiés. La décision était fondée sur la conclusion selon laquelle le récit de l'auteur était vague, contradictoire et/ou incohérent et n'était pas étayé par les éléments qu'elle avait présentés au tribunal.
2.6 Le 30 juillet 2002, dans une nouvelle communication adressée au Comité, l'auteur a fait valoir que le jugement du 31 juillet 2000 était définitif et qu'elle pouvait être expulsée d'un jour à l'autre. Or, le 11 août 2003, elle a informé le Comité par l'intermédiaire de son conseil que même si elle n'avait pas le droit de rester aux Pays-Bas aucun arrêté d'expulsion n'avait, en fait, été émis à son encontre. Elle a même déclaré que «les autorités néerlandaises [n'appliquaient] pas une politique d'expulsion active. Les Pays-Bas [laissaient] les gens se vider de leur sang».
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme être victime d'une violation des articles 7 et 9 du Pacte car, ayant été détenue dans le passé en Iran en raison de ses activités politiques, elle risque d'être immédiatement arrêtée et incarcérée si elle retournait dans son pays, où elle serait soumise à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle affirme qu'elle est encore recherchée par les autorités iraniennes.
3.2 Pour ce qui est de la procédure devant les autorités d'immigration néerlandaises, l'auteur affirme que l'interprète était impoli et qu'il a délibérément donné une traduction erronée d'une partie de ses propos. Le fonctionnaire des services de l'immigration aurait eu du mal à se concentrer lors de l'entretien en raison d'une douleur au genou; en outre, le premier avocat qui l'a représentée ne lui a pas donné le temps nécessaire pour qu'elle expose son cas, et le second ne l'a vue que brièvement. Elle affirme qu'il n'y avait aucun traducteur à l'audience du Tribunal de district du 22 juillet 1999 et que les contradictions que le Tribunal a relevées dans son récit étaient dues à des problèmes d'interprétation. Elle conteste la conclusion des tribunaux selon laquelle un des documents officiels iraniens qu'elle avait présentés n'était pas authentique.
3.3 Enfin, l'auteur affirme que sa situation aux Pays-Bas constitue une violation de l'article 16 du Pacte dans la mesure où elle n'est ni autorisée à rester dans le pays ni expulsée. Elle est donc traitée de facto comme une non-personne sur le plan du droit.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et commentaires de l'auteur
4.1 Le 4 décembre 2003, l'État partie a formulé ses observations sur la recevabilité de la communication. Pour ce qui est de la plainte de l'auteur au titre de l'article 7, il fait observer qu'elle fait plusieurs commentaires critiques vagues sur la procédure d'asile néerlandaise. À cet égard, l'État partie fait observer que, devant les tribunaux, l'auteur n'a formulé aucune objection précise quant au déroulement de la procédure d'asile, privant ainsi les autorités compétentes de la possibilité d'y répondre. Il fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes. Il note, d'autre part, que le droit de présenter une communication individuelle ne doit pas être exploité pour formuler des plaintes abstraites concernant la législation et la pratique nationales.
4.2 Pour ce qui est de l'allégation de violation de l'article 9 du fait que la détention de l'auteur en Iran pendant neuf mois était illégale, l'État partie fait valoir que cette détention, et toute violation qui en aurait découlé, n'a pas eu lieu sous la juridiction des Pays-Bas et ne lui est donc pas imputable.
5.1 Le 23 décembre 2003, l'auteur a répondu aux observations de l'État partie sur la recevabilité. Elle conteste son argument selon lequel sa plainte constitue une action collective et réaffirme que son expulsion en Iran l'exposerait à un risque réel de violation des droits qui lui sont garantis par le Pacte et qu'en examinant sa plainte les autorités néerlandaises ont injustement conclu que ses affirmations n'étaient pas suffisamment étayées. À cet égard, elle renvoie le Comité à son analyse de la procédure d'asile et au fait de sa cause.
5.2 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, l'auteur affirme qu'elle ne dispose plus d'aucun moyen de droit. Elle se réfère à la remarque suivante faite par le Ministère de la justice dans une lettre adressée à son avocat: «À présent, la décision est définitive, et il n'y a plus aucune possibilité de réexaminer l'affaire.».
5.3 Pour ce qui est de la violation présumée de l'article 9, l'auteur affirme que l'État partie a délibérément mal interprété son affirmation selon laquelle, étant donné qu'elle avait déjà été victime d'une détention illégale en Iran, elle a de sérieux motifs de craindre d'être à nouveau détenue ou de «subir un traitement pire» si elle est renvoyée dans son pays. Elle affirme que l'État partie serait, dans ce sens, responsable de sa nouvelle incarcération.
5.4 L'auteur fournit une copie d'une lettre datée du 19 janvier 2004 émanant d'Amnesty International, dans laquelle cette organisation déclare qu'en cas de renvoi en Iran l'auteur serait exposée à un risque réel de violation de ses droits reconnus aux articles 7 et 9 du Pacte, et signale des carences présumées dans la procédure d'asile néerlandaise, y compris dans la manière dont le cas de l'auteur lui-même a été tranché.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle l'État partie violerait les articles 7 et 9 s'il renvoyait l'auteur en Iran en sachant pertinemment qu'il est probable qu'elle soit détenue arbitrairement ou soumise à une autre forme de traitement illégal à son arrivée, le Comité note que l'auteur ne s'attend pas à être expulsée des Pays-Bas. Il note aussi que, mis à part le fait de demander que le Comité examine la procédure d'asile néerlandaise, les réclamations de l'auteur se rapportent à des irrégularités présumées de cette procédure (voir par. 3.2) que les tribunaux nationaux n'ont pas eu la possibilité d'examiner. Le Comité considère que, n'ayant pas été étayée, cette plainte est irrecevable aux fins de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.3 Pour ce qui est de la violation présumée de l'article 16, le Comité estime que l'auteur n'a pas démontré qu'en refusant de lui accorder un permis de résidence tout en s'abstenant de l'expulser l'État partie a commis une violation de l'article 16. Le Comité estime par conséquent que cette plainte est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
** Les membres du Comité dont le nom suit ont pris part à l'examen de la communication: M. Nisuke Ando, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Michael O'Flaherty, Mme Elizabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer et M. Hipólito Solari-Yrigoyen.