Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 1er avril 2004,
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication, en date des 3 et 10 juin et du 22 juillet
2003, est Adrian Vlad, ressortissant allemand, né le 28 octobre 1962 à Craiova
en Roumanie. Il affirme que lui et sa famille sont victimes de violations
par l'Allemagne (1) des articles 2 (par. 1 et 3), 14 (par. 1), 16,
17, 23 (par. 1) et 26 du Pacte. Il n'est pas représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 De 1995 à 2001, l'auteur a loué un appartement à l'entreprise de
construction GBO à Offenbach. En 1998, il a cessé de payer les charges
locatives, revendiquant le droit de ne pas payer (Zurückbehaltungsrecht)
au motif que l'entreprise GBO aurait failli à son obligation de l'autoriser
à consulter les factures sur lesquelles reposait le calcul des charges
supplémentaires pour frais d'entretien. Le 6 septembre 1999, alors que
le montant des charges non payées atteignait 3 364,52 deutsche mark, l'entreprise
GBO a résilié unilatéralement le bail et intenté une action en justice
contre l'auteur et son épouse, Kerstin Vlad, en vue d'obtenir leur expulsion
et le paiement des sommes dues.
2.2 Par des jugements du 9 mai 2000, le tribunal du district d'Offenbach
a ordonné à l'auteur et à son épouse de libérer l'appartement et de verser
le montant des charges en souffrance, majoré des dépens. La cour régionale
de Darmstadt a rejeté leurs appels le 14 décembre 2000 et les a condamnés
à payer les dépens. Ces décisions n'ont pas fait l'objet d'une plainte
constitutionnelle dans le délai d'un mois qui a suivi la notification
des jugements, le 3 janvier 2001.
2.3 Le 7 janvier 2001, l'auteur a porté plainte contre les juges qui
composaient le tribunal de district d'Offenbach et la cour régionale de
Darmstadt, alléguant que leur défaut d'interprétation et d'application
des lois et règlements pertinents en matière de bail conformément à la
jurisprudence de la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof)
et de la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht)
constituait une «perversion de justice» et a menacé de se faire lui-même
justice. Les 10 et 29 janvier 2001, le Procureur général fédéral s'est
déclaré incompétent dans cette affaire. Dans une lettre personnelle datée
du 22 janvier 2001, un fonctionnaire de haut rang de la direction de la
police du sud-est de la Hesse a conseillé à l'auteur de ne pas aggraver
sa situation et de bien réfléchir aux frais et perspectives d'une plainte
constitutionnelle.
2.4 Le 1er mars 2001, le Président de la Haute Cour régionale de Francfort
a rejeté la requête en dommages et intérêts de l'auteur qui demandait
à être indemnisé pour les frais de justice, les frais et débours divers
et les frais liés à son expulsion en faisant valoir que les décisions
de la cour régionale de Darmstadt constituaient une violation manifeste
de la loi. Il a indiqué à l'auteur que le Land de Hesse ne pouvait être
tenu pour responsable des décisions rendues par ses juridictions sauf
s'il apparaissait dans une espèce particulière que l'administration de
la justice constituait une infraction pénale.
2.5 Le 27 mars 2001, le parquet de Darmstadt a décidé de ne pas ouvrir
d'enquête sur la plainte déposée par l'auteur étant donné que rien ne
donnait à penser que les juges de la cour régionale de Darmstadt avaient
violé le droit. De la même manière, la requête présentée par l'auteur
en vue d'obtenir une aide juridictionnelle pour faire appel de la décision
du parquet a été rejetée le 29 mars 2001 au motif que l'on pouvait raisonnablement
penser que le recours avait peu de chances d'aboutir. L'appel formé contre
la décision du parquet a été rejeté le 9 juillet 2001, et un autre appel
le 4 janvier 2002.
2.6 Le 20 avril 2001, l'auteur a adressé une requête au Ministre fédéral
de la justice et au Président fédéral leur demandant d'intervenir. Après
que ces deux requêtes ont été rejetées, l'auteur s'est livré à des manifestations
d'exhibitionnisme devant le Ministère fédéral de la justice et a menacé
la Présidence fédérale de s'immoler par le feu. Le 12 décembre 2001, le
tribunal de district de Berlin-Tiergarten a condamné l'auteur pour violation
de domicile car il avait escaladé la barrière située autour du bâtiment
de la Présidence fédérale. Cependant, suite à une requête de l'auteur,
la condamnation pénale a été annulée, après que le tribunal de district
a requis que l'auteur soit soumis à un examen psychiatrique pour déterminer
s'il pouvait être tenu pour pénalement responsable de l'infraction, et
par la suite une décision de non-lieu a été rendue.
2.7 Entre-temps, l'auteur avait déposé une plainte disciplinaire auprès
du Ministère de la justice de la Hesse au sujet de la décision prise par
le procureur le 27 mars 2001 de classer l'affaire. Le 30 juillet 2001,
le procureur principal a rejeté la plainte. L'appel formé par l'auteur
devant la Haute Cour régionale de Francfort n'a pas été admis, l'auteur
n'étant pas représenté par un avocat habilité à plaider devant cette juridiction.
2.8 Le 4 août 2001, un mandat d'arrêt a été délivré à l'encontre de l'auteur,
motivé par le fait que celui-ci ne s'était pas conformé aux décisions
de la cour régionale de Darmstadt. Par courrier interne, le 8 février
2002, le tribunal de district d'Offenbach a demandé à la direction de
la police d'Offenbach d'arrêter l'auteur s'il n'était pas placé dans un
établissement psychiatrique fermé. Au mois de novembre 2002, l'auteur
a été arrêté après avoir jeté divers documents sur le Président fédéral
au cours du dernier déplacement de celui-ci à Offenbach. Par la suite,
l'auteur a saisi sans succès le Parlement fédéral et le Parlement de la
Hesse, ainsi que le Chancelier fédéral.
2.9 Le 8 septembre 2003, l'auteur a formé un recours constitutionnel
contre la décision du Procureur général de la Hesse du 1er août 2003,
qui rejetait un autre appel contestant l'abandon des poursuites pénales
contre les juges du tribunal de district d'Offenbach et de la cour régionale
de Darmstadt. L'auteur faisait valoir en particulier que l'obligation
d'être représenté par un conseil pour faire appel de cette décision devant
une juridiction était contraire au droit constitutionnel relatif à l'accès
aux tribunaux. Le 17 novembre 2003, le greffe de la Cour constitutionnelle
fédérale a informé l'auteur qu'il avait enregistré son recours, après
lui avoir préalablement indiqué le 24 octobre 2003 que le recours serait
déclaré irrecevable pour défaut de fondement, non-épuisement des voies
de recours judiciaires et non-respect du délai d'exercice d'un recours
constitutionnel.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur s'estime victime de violations au titre des articles 2 (par.
3), 14 (par. 1), 16, 17, 23 (par. 1) et 26 du Pacte, affirmant que la
plupart des actions intentées par lui ont été indûment prolongées, que
ses plaintes n'ont pas été instruites sérieusement, que son courrier et
sa ligne téléphonique ont été surveillés et que l'expulsion de son logement
a nui à sa santé et à celle de sa famille.
3.2 L'auteur allègue qu'il a été empêché d'agir devant les tribunaux
et d'épuiser les voies de recours internes, étant donné qu'il ne disposait
que d'un seul mois pour former un recours constitutionnel contre les décisions
de la cour régionale de Darmstadt du 3 janvier 2001. Pendant ce délai,
il n'a pas été en mesure de trouver un avocat, notamment à cause de la
période de vacances consécutives au Nouvel An. En outre, il aurait été
menacé d'exécution par la police et menacé de détention psychiatrique
et de détention judiciaire par l'hôpital communal d'Offenbach et le tribunal
de district d'Offenbach respectivement. L'auteur allègue également qu'aucun
des 40 avocats qu'il a contactés n'a voulu l'assister aux fins de sa plainte
pour perversion de la justice, ce qui démontre l'impunité de facto des
juges allemands.
3.3 L'auteur demande réparation pour les dommages matériels qu'il a subis
et la détérioration de son état de santé.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Le Comité estime que, même en admettant que les prétentions de l'auteur
ne soient pas irrecevables au plan du non-épuisement des recours internes,
elles sont irrecevables en ce que l'auteur n'a pas été personnellement
touché par une violation alléguée d'une des dispositions du Pacte, et
parce qu'elles n'entrent pas dans le champ d'application d'une des dispositions
du Pacte invoquées par lui, ou parce que le bien-fondé de ses allégations
n'a pas été établi aux fins de la recevabilité.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 1, 2,
3 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
_________________________
[Adopté en anglais (version originale), français et espagnol. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la présente
communication: M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine Chanet, M. Franco Depasquale,
M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rafael Rivas Posada,
Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari
Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le
Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l'État partie le 23 mars
1976 et le 25 novembre 1993, respectivement.