University of Minnesota



Noel Léopold Dumont de Chassart c. Italy, Communication No. 1229/2003, U.N. Doc. CCPR/C/87/D/1229/2003 (2006).



GENERALE
CCPR/C/87/D/1229/2003
14 septembre 2006

Original: FRANCAIS

Communication No. 1229/2003/Rev.1 : Italy. 14/09/2006.
CCPR/C/87/D/1229/2003. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
87ème session

10 - 28 juillet 2006

 

Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif

se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

- Quatre-vingt-septième session -

Communication No. 1229/2003

 

Présentée par : Noel Léopold Dumont de Chassart (représenté par un conseil, le Studio Legale Associato de Montis, lors de la lettre initiale)
Au nom de : Noel Léopold Dumont de Chassart

État partie : Italie

Date de la communication : 25 mars 2003 (date de la lettre initiale)

 

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 2006,

Adopte ce qui suit :

 

Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur est M. Noel Léopold Dumont de Chassart, citoyen belge né le 20 juin 1942 à Uccle (Belgique), résidant actuellement en Italie. Il se déclare victime de violations par l'Italie des articles 2, paragraphes 1 et 3 a) et c), 17, 23, paragraphes 1 et 4, et de l'article 24, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'auteur était représenté par le Studio Legale Associato de Montis, à Cagliari, Italie, lors de la communication initiale. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l'Italie, le 30 avril 1976 et le 15 septembre 1978 respectivement.

Rappel des faits

2.1 Le 27 octobre 1998, la femme de l'auteur, d'origine autrichienne, s'adresse aux tribunaux italiens où ils résident pour une séparation de corps d'avec son époux. Le 2 mars 1999, le Tribunal civil de Cagliari prononce la séparation, confie temporairement la garde des trois enfants du couple à la mère, et réglemente le droit de visite et de garde de l'auteur. La décision oblige également les deux parents à prendre toute décision d'intérêt majeur pour les enfants de manière consensuelle. D'après l'auteur et l'Etat partie, ceci équivaut à une interdiction de quitter le territoire italien pendant la procédure. Le 25 mars 1999 l'auteur dépose un recours devant le Tribunal précité se plaignant des difficultés considérables qu'il a pour maintenir une relation avec ses enfants, en raison du 'comportement obstructionniste' de la mère. Le 9 juin 1999, la mère quitte l'Italie pour l'Autriche avec les trois enfants, alors âgés de onze, huit et cinq ans, et ceci d'après l'auteur malgré son intervention auprès de la gendarmerie locale. Le 6 août 1999, le juge d'instruction modifie les mesures provisoires de garde des enfants, et les confie à l'auteur, tout en ordonnant le retour immédiat des enfants en Italie. Il retient que la mère a violé les dispositions du Tribunal du 2 mars 1999, en particulier en ce qui concerne l'obligation des parents d'adopter de manière consensuelle les décisions d'intérêt majeur pour les enfants, ce qui n'a pas été le cas pour l'intervention médicale sur un des enfants et le transfert des enfants vers l'étranger. D'après l'auteur, le Tribunal lui suggère d'attendre un délai raisonnable pour l'exécution de cette demande. Entre le 3 et 12 août 1999, la mère serait revenue au domicile de l'auteur et l'aurait saccagé. L'auteur indique que la gendarmerie n'a pris aucune disposition à ce sujet malgré sa demande d'intervention, et rejeta la plainte de cambriolage.

2.2 Le 2 novembre 1999, considérant le délai raisonnable dépassé, le Tribunal civil de Cagliari confirme la garde des enfants à l'auteur, lui attribuant l'exercice effectif de l'autorité parentale. Le Tribunal intime une nouvelle fois le retour immédiat des enfants en Italie et retient que la mère des enfants a violé l'article 574 du code pénal sur les enlèvements de mineurs. En vertu de cette mesure, l'auteur dépose près l'Autorité Centrale italienne, d'après lui le 24 septembre 1999 et d'après l'Etat partie le 22 novembre 1999, une demande pour la restitution de la part de l'Autriche des trois enfants, au sens de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980. Le 21 janvier 2000, le Tribunal de district de Langelois (Autriche) rejette la demande de restitution sur la base des articles 3 (1), 5 (2) et 13 (3) de la Convention de la Haye : (a) la mère était la gardienne exclusive des enfants au moment de l'enlèvement présumé; (b) les trois mineurs s'opposent à leur retour en Italie; et enfin (c) l'aîné des trois enfants aurait pu subir des dommages physiques à son retour en Italie car il suivait une thérapie en Autriche dans un établissement spécialisé. Le rejet de la demande de restitution est confirmé par la Cour d'Appel de Krems/Donau (Autriche) le 4 avril 2000 et par la Cour de Cassation autrichienne le 29 mai 2000. Par la suite, l'auteur dépose une nouvelle requête auprès de l'Autorité Centrale italienne visant à la réglementation de la part des autorités judiciaires d'Autriche de son droit de visite, en invoquant la procédure prévue par la Convention de la Haye. Cette demande est acceptée et les tribunaux autrichiens reconnaissent le droit de visite de l'auteur le 11 octobre 2000.

2.3 Entretemps, en février 2000, le Tribunal des mineurs de Cagliari passe le dossier des enfants aux archives sous prétexte que, les enfants n'étant plus sur le territoire italien, la question n'est plus de son ressort. En mai 2000 l'Autorité Centrale italienne dépose la demande d'exequatur et restitution des mineurs, conformément à la convention du Luxembourg du 20 mai 1980. La demande est rejetée par l'Autriche en juin 2000. Enfin, le 17 octobre 2000, le Tribunal italien prononce la séparation des époux et confirme ses décisions précédentes. Le Tribunal ouvre un dossier pénal contre la mère pour enlèvement le 5 décembre 2000. Le 30 mars 2001, la Cour d'Appel de Cagliari (section civile) rejette le recours de la mère contre la décision du 17 octobre 2000 du fait, entre autres, qu'il a été présenté au-delà des délais prévus par la loi.

2.4 L'auteur indique qu'il a adressé à partir du 3 septembre 2001 un courrier abondant au Président de la République italienne, au Président du Conseil des Ministres, au Président du Sénat, à la Cour constitutionnelle et à tous les ministres concernés : justice, intérieur, affaires étrangères, finances etc., ainsi qu'à la ligue italienne des droits de l'homme et au Président de la commission extraordinaire des droits de l'homme. Le 20 avril 2001, le Président de la République italienne se déclare incompétent en la matière. En décembre 2002 et le 20 mars 2003, respectivement, les ministères de la justice et des affaires étrangères classent le dossier, sous prétexte que les décisions des tribunaux autrichiens sont définitives. L'auteur indique qu'il a également adressé un recours au Médiateur européen au début de l'année 2002, lequel a déposé une question devant le Parlement Européen au sujet de la reconnaissance et de l'exécution des dispositifs judiciaires en matière de garde d'enfants. Enfin, une demande d'enquête adressée à la Cour Constitutionnelle italienne est restée sans réponse. L'auteur fait valoir qu'au bout de quatre années de requêtes et de parcours d'instances, toutes restées sans réponses ou sans réponses significatives, le seul recours possible est celui devant le Comité car les solutions nationales sont inefficaces et entrainent des délais abusifs au sens de l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif.

2.5 L'auteur indique que le refus des Autorités autrichiennes de restituer les enfants a fait l'objet d'une requête à la Cour européenne des droits de l'homme, contre l'Autriche (no. 63933/00 le 2 juin 2000). Cette requête a été déclarée irrecevable le 23 janvier 2004, au motif qu'aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et ses Protocoles n'a pu être relevée.

Teneur de la plainte

3.1 L'auteur fait valoir que l'État partie n'a pas garanti la bonne suite des décisions de la magistrature italienne, et a violé les articles 2, paragraphes 1 et 3 a) et c), 17, 23, paragraphes 1 et 4, et l'article 24, paragraphe 1 du Pacte.

3.2 Pour l'auteur, l'allégation de violation de l'article 2, paragraphe 3 c), découle de la carence totale de protection des enfants de la part de l'autorité locale de police le jour de l'enlèvement. Cette violation est d'autant plus grave que les appels adressés aux ministres intéressés sont restés sans réponse et effet. De plus, le manque complet de collaboration de la part des Autorités compétentes (ministère de la justice des mineurs et Autorité Centrale) pour garantir la bonne suite des décisions de la magistrature soulève une violation. D'après l'auteur, elle est d'autant plus grave que le recours au ministre de la justice n'a pas eu d'effet car les informations qui lui ont été communiquées par ses services étaient incomplètes et tendancieuses. Le classement aux archives du dossier des enfants par différents organes du ministère de la justice constituerait également une violation de cet article.

3.3 Quant à la violation de l'article 2, paragraphe 1, du Pacte, l'auteur affirme que le fait qu'il ne soit pas de nationalité italienne incite à faire appel à la violation du respect de l'individu en raison de son origine nationale. Cependant, d'après l'auteur, aucun élément ne lui permet toutefois d'invoquer une quelconque violation de cet article, à part le refus de visites consulaires aux enfants enlevés, telles que prévues par le ministère des affaires étrangères.

3.4 Eu égard à la violation de l'article 2, paragraphe 3 a), du Pacte, l'auteur prétend que le refus d'intervention du ministre de la Défense (par le biais du ministère de l'intérieur) à propos des infractions commises par la gendarmerie locale lors de l'enlèvement constitue une violation de cet article. L'absence de procès-verbal d'intervention aggraverait cette violation.

3.5 En ce qui concerne la violation de l'article 17, paragraphe 1, du Pacte, l'auteur soutient que le refus d'intervention de la gendarmerie lors du cambriolage de son domicile (qui d'après lui avait été interpelée et était présente sur les lieux) par la mère entre le 3 et 12 août 1999 constitue une immixtion arbitraire dans la vie privée et le domicile de l'auteur. De plus, le refus de la magistrature de reconnaître l'illégalité de cette immixtion constitue une violation de l'article 17, paragraphe 2, du Pacte.

3.6 Au sujet de la violation de l'article 23 du Pacte, l'auteur relève que sa famille n'a pas été protégée par l'État partie (article 23, paragraphe 1) dans toutes les situations précitées et dans la dissolution du mariage. Les dispositions prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire ont fait défaut tant pour éviter leur enlèvement qu'au cours des procédures internationales de restitution (article 23, paragraphe 2).

3.7 Eu égard à la violation de l'article 24, paragraphe 1 du Pacte, l'auteur développe que l'État partie n'a pas fourni les mesures de protection requises par l'article, du fait de son refus de présenter une communication au Comité concernant les nombreuses violations de l'Autriche de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, et son refus d'intervenir dans la procédure ouverte à la Cour européenne des droits de l'homme.

Observations de l'État partie concernant la communication

4.1 Par note verbale du 24 mai 2004, et au sujet de l'allégation de violation de l'article 2, paragraphe 1, du Pacte, l'État partie indique qu'elle est dépourvue de tout fondement juridique, car les nombreuses initiatives judiciaires et administratives que l'auteur a entreprises contre l'Autriche ont reçu le soutien administratif et juridique nécessaire, conformément aux dispositions des conventions internationales auxquelles l'Italie est partie. En particulier, l'État partie indique que suite à la requête introduite par l'auteur auprès de l'Autorité Centrale italienne, les Autorités judiciaires autrichiennes ont reconnu le droit de visite de l'auteur, et ont établi un programme de visite. L'auteur a renoncé à ses visites suite à des engagements professionnels qui ne pouvaient pas être déplacés, et a estimé « ne pas pouvoir accepter un droit de visite sous une stricte surveillance et avec des horaires de fantaisie ».

4.2 L'État partie expose les faits et indique que le Tribunal a confié temporairement les mineurs à la mère avec interdiction de les emmener hors d'Italie et en réglementant le droit de visite et de garde de l'auteur. Toutefois l'auteur, par un recours déposé le 25 mars 1999 se plaignait des difficultés considérables qu'il avait pour maintenir une relation valable avec ses enfants en raison du prétendu comportement obstructionniste de son épouse et le 11 juin 1999 il signalait que son épouse s'était installée en Autriche en emmenant avec elle les enfants mineurs sans son consentement. De plus, l'Etat partie explique que l'Autorité Centrale italienne a classé l'affaire le 23 novembre 2000, car la demande avait été réglée par les dispositions prises sur le droit de visite de l'auteur en Autriche. Toutefois, l'auteur avait décidé, le 23 mai 2000, de déposer une nouvelle demande, cette fois au sens de la Convention du Luxembourg du 20 mai 1980 en vue de la reconnaissance et de la mise en œuvre dans le système autrichien de la décision du Tribunal de Cagliari du 2 novembre 1999. Cette requête a été dûment transmise à l'Autorité Centrale autrichienne, en dépit du dépassement du délai maximal de six mois à partir de l'enlèvement, comme prévu par l'article 8 de la Convention du Luxembourg. La requête a été rejetée le 27 juin 2000 sur la base des articles 8, 9 et 10 de la Convention, dans la mesure où : (a) la requête avait été déposée hors délai; (b) si la requête était acceptée, l'éventuel retour des enfants en Italie aurait été contre leur intérêt, en raison du temps qu'ils avaient passé en Autriche; et enfin (c) accepter la requête aurait été inconciliable avec la décision de la Cour d'Appel de Krems/Donau du 4 avril 2000. Pour ces raisons, la procédure a été classée par les deux autorités centrales. L'État partie indique que, le 23 novembre 2000, l'auteur a transmis à l'Autorité Centrale italienne la décision du Tribunal de Cagliari du 17 octobre 2000 pour qu'elle soit reconnue par l'Autriche. L'État partie explique que la décision du 17 octobre 2000 ne faisait que confirmer la décision du 2 novembre 1999, qui avait déjà fait l'objet d'une décision négative de la part des tribunaux autrichiens.

4.3 L'État partie explique qu'il a, à plusieurs reprises, conseillé à l'auteur d'accepter les conditions de visite proposées par les Autorités autrichiennes, et qu'il a chargé le Service Social International de fournir à l'auteur une assistance complète pour faciliter les visites. Toutefois, le Service Social International a communiqué à l'État partie l'issue essentiellement négative d'une rencontre avec l'auteur, qui ne se préoccupait que du rejet de ses demandes de restitution. De même, une rencontre de l'auteur avec le fonctionnaire préposé de l'Autorité Centrale italienne le 30 janvier 2001 a été sans résultat. Ce n'est que le 11 juin 2001, à la demande formelle des Autorités Centrales impliquées, que l'auteur déposait auprès de l'Autorité Centrale italienne une demande visant à reconnaître son droit de visite sur toute l'année scolaire. Toutefois, bien que la demande fût transmise au Tribunal du district de Langenlois (Autriche) par l'Autorité Centrale autrichienne, le 19 juin 2001, aucune mesure n'a été prise par ce Tribunal.

4.4 Quant à l'allégation que les autorités de l'État partie n'ont pas protégé les mineurs du probable enlèvement par leur mère, l'État partie souligne que le ministère de l'intérieur et la police des frontières ont adopté toutes les mesures consenties dans ce type de cas, vu que les déplacements entre l'Italie et l'Autriche sont désormais régis par le Traité de Schengen. Cette convention prévoit l'abolition des frontières et donc aucune activité concrète, outres celles normalement effectuées aurait pu être mise en œuvre à la frontière par rapport à une éventuelle interdiction d'expatriation. L'État partie souligne que la décision du Tribunal de Cagliari en établissant une interdiction d'expatriation des mineurs n'a pas chargé la police des frontières de contrôler les frontières, et donc l'activité de vérification restait assujettie au Traité de Schengen. En outre, la décision du Tribunal ne prévoyait aucun contrôle de police continu sur les déplacements de la mère et des enfants. Toute imputation de négligence à la charge de l'État partie est donc à exclure.

Commentaires de l'auteur

5.1 Dans ses commentaires du 20 novembre 2004, l'auteur réitère qu'il n'a pas reçu de soutien administratif et juridique de l'État partie au sujet de la restitution de ses enfants. Il fait valoir que l'État partie aurait dû se soumettre à ses obligations de coopération prévues par les Conventions de La Haye et de Luxembourg. Quant aux visites qui avaient été organisés en Autriche, il explique que pour la première visite, qui devait avoir lieu du 16 au 23 avril 2000, la décision du Tribunal avait été suspendue entretemps, la mère aillant fait appel de cette décision. Pour la seconde visite (du 28 juillet au 6 août 2000), l'auteur en a été informé le 14 août 2000 par fax de l'Autorité Centrale italienne. Quant à la troisième visite, il en a été informé par fax le même jour alors qu'elle devait se faire du 12 au 19 août. Même s'il avait pu trouver un vol, il n'aurait pu voir ses enfants car la mère avait fait appel de la décision le 11 août. Enfin, l'auteur admet qu'il a refusé son droit de visite du 26 décembre au 1 janvier 2001 car les conditions imposées étaient « inhumaines » et qu'il n'y avait aucune garantie qu'il verrait ses enfants, le règlement des visites étant subordonné au jugement sans appel de la mère.

5.2 L'auteur fait valoir que l'État partie aurait dû s'opposer aux décisions de l'Autriche quant à l'application de la Convention du Luxembourg (voir par. 4.2). Premièrement, il est faux que les délais étaient dépassés car selon l'auteur les délais avaient couru à partir du 21 décembre 1999, date à laquelle la mère avait indiqué qu'elle allait renvoyer les enfants à l'auteur. Deuxièmement, quant à l'intérêt des enfants, l'auteur se réfère aux décisions des tribunaux italiens qui indiquent que c'est l'enlèvement et le comportement de la mère qui présentent des risques majeurs. Enfin, ce sont en fait les décisions autrichiennes qui vont à l'encontre des décisions italiennes. L'auteur ajoute qu'il n'a pas reçu d'assistance du Service Social International, qui s'est déclaré incompétent, mais admet qu'il avait déclaré ne pas vouloir accepter les droits de visite sous n'importe quelle condition. Il fait référence au rapport du service social autrichien, qui estime qu'un droit de visite de 7 jours par an est conforme à l'article 9, paragraphe 3, de la Convention relative aux droits de l'enfant.

5.3 Quant à l'argumentation de l'État partie relative au Traité de Schengen, l'auteur fait valoir que ce Traité n'a pas aboli les devoirs imposés par la Convention sur les droits de l'enfant ni les principes fondamentaux de la Déclaration Universelle relatifs aux devoirs de protéger les enfants. L'auteur souligne que l'Etat partie ne précise pas que le 9 juin 1999 il a contacté la gendarmerie pour empêcher le départ des enfants, en précisant que le Tribunal s'y opposait. Contrairement aux arguments de l'État partie, l'auteur affirme que toutes les autorités compétentes italiennes, y compris la gendarmerie, sont tenues de faire respecter les décrets des tribunaux, et que le départ des enfants violait l'exercice du droit de visite ainsi que l'obligation de la mère de paraître devant le Tribunal quelques jours plus tard. L'auteur fait valoir, enfin, que le Traité de Schengen prévoit le droit des Autorités d'un état de l'Union européenne de poursuivre les responsables d'enlèvements au-delà des frontières nationales, et selon ses informations, il n'y avait pas eu de contacts entre les Autorités italiennes et autrichiennes.

5.4 Quant à l'article 2, paragraphe 3 a), du Pacte, l'auteur indique que la négligence de la gendarmerie italienne qui a permis l'enlèvement de ses enfants n'a jamais été reconnue par les ministères concernés, lui enlevant toute possibilité d'action de recours. Quant à l'article 2, paragraphe 3 b), du Pacte, l'auteur indique que le gouvernement n'a donné aucune suite aux décisions de la magistrature italienne. Quant à l'article 23, paragraphe 4, du Pacte, l'auteur s'étonne que le Traité de Schengen suffise à éliminer les dispositions internationales sur la protection des mineurs. Enfin, quant à l'article 24, paragraphe 1, l'auteur soutient que sa nationalité belge et celle des enfants est à l'origine de l'indifférence du gouvernement italien. L'auteur rappelle que le 7 juin 2004 plusieurs centaines de personnes victimes d'enlèvements d'enfants ont manifesté devant le ministère des affaires étrangères à Rome pour protester contre l'inertie du gouvernement italien face à plus de 600 enlèvements d'enfants qui ridiculisent les décisions des Tribunaux italiens sur la garde des enfants et violent l'article 2, paragraphe 3, du Pacte.

Observations supplémentaires de l'État partie concernant les commentaires de l'auteur

6.1 Le 14 juillet 2005 l'État partie conteste intégralement les circonstances, en droit et en fait, dont l'auteur se plaint dans ses observations additionnelles. Quant à l'allégation que le gouvernement italien n'aurait pas opposé d'objection au gouvernement autrichien pour lui faire prendre acte des atteintes aux droits fondamentaux prévus aux termes des Conventions du Luxembourg et de la Haye, l'État partie indique que les griefs énoncés sont dépourvus de tout fondement juridique. Toute initiative judiciaire et administrative entreprise par l'auteur contre l'Autriche a bénéficié du soutien administratif et judiciaire prévu par les Conventions auxquelles l'État partie est partie. Pour ceci, l'État partie se réfère à ses commentaires précédents.

6.2 Sur le fond, l'État partie indique que l'auteur admet que la conduite des Autorités italiennes n'a pas lésé directement les droits des mineurs, qui doit être inscrite exclusivement aux décisions du gouvernement autrichien. Les omissions dont l'État partie est accusé ne constituent pas des situations juridiques faisant l'objet de protection dans le cadre du mécanisme établi par le Pacte et protégé par le Protocole facultatif. Le Préambule du Protocole facultatif délimite la protection assurée par le Comité aux droits expressément reconnus par le Pacte.

6.3 Quant aux arguments de l'auteur basés sur la Convention des Nations Unies pour la protection de l'enfant, il est clair que le Comité n'est pas compétent à se prononcer à ce propos, en vertu de l'article 1 du Protocole facultatif.

Réponse de l'auteur

7. Dans sa réponse du 10 octobre 2005, l'auteur réaffirme que l'État partie s'est borné à transmettre ses requêtes à l'Autriche, et n'a pris aucune position quant à l'enlèvement des enfants ou à la protection accordée à la mère par l'Autriche. L'Ambassade italienne en Autriche n'a jamais été chargée, tel que prévu par la législation italienne, de s'informer de la situation des enfants enlevés. L'État partie a causé un tort irréparable aux enfants en déclarant par écrit que le sort des enfants était du seul ressort des magistrats autrichiens. Enfin, l'auteur indique qu'il est tout à fait improbable que le Comité ne soit pas en droit de se prononcer sur la violation de droit des mineurs. Quoi qu'il en soit, ses droits de père ont été bafoués car aucune mesure n'a été prise par le gouvernement italien pour l'exécution des multiples décisions des tribunaux italiens : reconnaissance et exécution des décisions en matière de garde des enfants, rétablissement de la garde des enfants, et retour immédiat des enfants au lieu légal de résidence.

Délibérations sur la recevabilité

8.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2 Le Comité note que l'Etat partie a soulevé une objection quant à la recevabilité de la partie de la communication qui relève de la Convention des droits de l'enfant en vertu de l'article 1 du Protocole facultatif. Tout en notant la formulation juridiquement imprécise des réponses de l'Etat partie, le Comité interprète son objection d'irrecevabilité comme se rapportant à l'ensemble de la communication. Il incombe donc au Comité de déterminer si les critères relatifs à la recevabilité énoncés dans le Protocole facultatif sont réunis. Aux termes de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité n'est pas habilité à examiner une communication si la même question est déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité a vérifié que la même affaire n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

8.3 En ce qui concerne l'allégation de violation de l'article 2, paragraphe 1 du Pacte, l'auteur affirme que le fait qu'il ne soit pas de nationalité italienne incite à faire appel à la violation du respect de l'individu en raison de son origine nationale. Le Comité note que l'auteur admet qu'il n'a aucune preuve quant à cette allégation de discrimination basée sur sa nationalité et qui concerne la jouissance des droits contenus dans le Pacte. Cette allégation n'a donc pas été étayée aux fins de la recevabilité et est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.

8.4 En ce qui concerne l'allégation de violation de l'article 24 du Pacte, le Comité note que cette violation aurait dû faire l'objet d'une plainte formulée pour le compte des enfants de l'auteur, mais que la communication n'a pas été présentés en leur nom (4) . Le Comité en conclut qu'elle est irrecevable en vertu de l'article 1 du Protocole facultatif.

8.5 Quant à la demande de l'auteur que l'Etat partie initie une action contre l'Autriche devant le Comité, le Comité note que la procédure prévue à l'article 41 du Pacte est totalement distincte de la procédure mise en place par le Protocole facultatif, et que les griefs de l'auteur soulevé à ce sujet sont donc irrecevables comme étant incompatibles avec le Pacte, en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.

8.6 L'auteur se réfère aux obligations de l'Etat partie en vue de la Convention sur les droits de l'enfant, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, du Traité de Schengen, ainsi que les Conventions de la Haye et du Luxembourg. En vertu de l'article 1 du Protocole facultatif, qui reconnaît au Comité la compétence de recevoir et déterminer des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans le Pacte, les griefs de l'auteur soulevé à ce sujet sont irrecevables.

8.7 Quant à l'allégation de violation de l'article 17 du Pacte en raison du refus d'intervention de la gendarmerie lors du cambriolage du domicile de l'auteur et du refus de la magistrature de reconnaître l'illégalité de cette immixtion, le Comité considère qu'aucune de ces allégations n'a été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité. En conséquence, les griefs soulevés par l'auteur à ce sujet sont irrecevables, en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.

8.8 Quant aux griefs en vertu de l'article 23, le Comité considère que l'auteur n'a pas avancé des informations ou arguments suffisants pour étayer, aux fins de la recevabilité, les allégations qu'il formule au titre de cette disposition. Le Comité décide donc que les griefs soulevés par l'auteur à ce sujet sont irrecevables, en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.

8.9 Le Comité rappelle que l'article 2 du Pacte ne peut être invoqué par les particuliers qu'en relation avec d'autres dispositions du Pacte, et note que le paragraphe 3 a) de l'article 2 stipule que chaque État partie s'engage à «garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus [dans le Pacte] auront été violés disposera d'un recours utile ». Le paragraphe 3 b) de l'article 2 assure une protection aux victimes présumées si leurs plaintes sont suffisamment fondées pour être défendables en vertu du Pacte. Il ne peut être raisonnablement exigé d'un Etat partie, en application du paragraphe 3 b) de l'article 2, de faire en sorte que de telles procédures soient disponibles même pour les plaintes les moins fondées (5) . Considérant que l'auteur de la présente communication n'a pas étayé ses plaintes aux fins de la recevabilité au titre des articles 17 et 23, son allégation de violations de l'article 2 du Pacte est aussi irrecevable, en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.

9. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide que :

a) La communication est irrecevable en vertu des articles 1, 2 et 3 du Protocole facultatif ;
b) La présente décision sera communiquée à l'auteur et à l'Etat partie.

 

__________________________

[Adopté en anglais, en espagnol et en français (version originale). Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]

* Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme. Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, M. Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen et M. Roman Wieruszewski.

Le texte d'une opinion individuelle signée de M. Rafael Rivas Posada est joint au présent document.

 

APPENDICE

OPINION DISSIDENTE DE M. RAFAEL RIVAS POSADA

 

Le Comité des droits de l'homme a décidé, le 25 juillet 2006, que la communication no 1229/2003 relative à l'affaire Dumont de Chassart c. Italie était irrecevable au motif que les allégations de l'auteur concernant des violations présumées de divers articles du Pacte (par. 1 et 3 a) et c) de l'article 2; art. 17; par. 1 et 4 de l'article 23; et par. 1 de l'article 24) n'étaient pas fondées.
Je me dissocie de la conclusion à laquelle le Comité est parvenu, sauf en ce qui concerne l'article 24 du Pacte car, en effet, la communication n'a pas été présentée au nom des enfants de l'auteur et est de ce fait irrecevable au regard de la teneur de l'article premier du Protocole facultatif.

Les critères de recevabilité à appliquer aux communications soumises au Comité présentent souvent des difficultés d'interprétation plus ou moins grandes. Les uns, comme le fait que les recours internes doivent avoir été épuisés, que la même question ne doit pas être déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement et que la communication ne doit pas être anonyme, sont assez clairs et explicites et ne soulèvent pas de sérieux problèmes d'interprétation. D'autres en revanche exigent que le Comité applique des règles d'interprétation qui sont généralement sujettes à controverses. Entrent dans cette catégorie le recours abusif au droit de présenter des communications, l'incompatibilité éventuelle avec les dispositions du Pacte et, surtout, l'absence de fondement des allégations, qui sont autant de motifs d'irrecevabilité.

En l'espèce, le Comité, à mon avis, est revenu au recours exagérément fréquent à l'absence de fondement des griefs pour conclure à l'irrecevabilité de la communication. Pour moi, il n'est pas acceptable, lorsqu'un grief ne semble pas, à première vue, constituer une violation des articles du Pacte, d'avancer comme argument qu'il n'est pas fondé aux fins de la recevabilité. Une chose est le fondement juridique au regard des faits, qui doit conduire à l'examen de l'affaire au fond en vue de se prononcer sur une violation, et une autre chose, très différente, est le sérieux et le fondement des demandes, qui sont la condition requise pour que le Comité examine la communication, sans préjuger le fond de l'affaire.

Je ne suis pas d'accord avec l'affirmation du Comité, telle qu'elle figure au paragraphe 8.2 de sa Décision, selon laquelle, nonobstant la formulation juridiquement imprécise des réponses de l'État partie, l'objection d'irrecevabilité soulevée par l'État partie en ce qui concerne la Convention relative aux droits de l'enfant se rapporte à l'ensemble de la communication. Nulle part dans les réponses de l'État partie je ne trouve une réfutation de la recevabilité de la communication. Ce que l'État partie affirme (par. 4.1 de la Décision), c'est que l'allégation de l'auteur selon laquelle le paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte aurait été violé est dépourvue de tout fondement juridique. Autrement dit, que les faits rapportés par l'auteur ne constituent pas une violation de l'article − ce qui n'est pas du tout affirmer que l'auteur n'a pas étayé ses allégations afin de pouvoir passer à l'examen de la question de savoir si celles-ci constituent ou non une violation.

L'État partie lui-même a estimé que les faits allégués par l'auteur étaient suffisamment fondés pour jouer en sa faveur. Loin de considérer que ses griefs étaient dénués de fondement, l'État partie, selon ses propres déclarations, a apporté à l'auteur le soutien administratif et juridique nécessaire «conformément aux dispositions des conventions internationales auxquelles l'Italie est partie» (par. 4.1). À plusieurs reprises, les autorités de l'État partie sont intervenues pour essayer de défendre les intérêts de l'auteur, ce qui montre qu'elles ont toujours pensé que les faits tels qu'ils avaient été présentés méritaient d'être dûment examinés et que seule l'attitude des autorités autrichiennes a empêché que l'auteur puisse bénéficier du traitement auquel il croyait avoir droit.

En résumé, je considère que l'auteur a suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité de la communication à propos des articles 2, 17 et 23 du Pacte, sans préjuger l'éventuelle violation desdits articles.

Bogotá, le 15 août 2006

(Signé) Rafael Rivas Posada

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport du Comité à l'Assemblée générale.]

Notes

1. « Le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite:

a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour; et
b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus.

Le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat. »
2. « Au sens de la présente Convention:

a) le «droit de garde» comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence;
b) le «droit de visite» comprend le droit d'emmener l'enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle. »

3. « Nonobstant les dispositions de l'article précédent, l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit:

a) que la personne, l'institution ou l'organisme qui avait le soin de la personne de l'enfant n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour; ou
b) qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L'autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d'ordonner le retour de l'enfant si elle constate que celui-ci s'oppose à son retour et qu'il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.
Dans l'appréciation des circonstances visées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'Autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant sur sa situation sociale. »

4. Voir la Communication No. 514/1992, Fei c. Colombie, Constatations du 4 avril 1995, paragraphe 5.2.

5. Communications No. 972/2001, Kazantzis c. Chypre, décision adoptée le 7 août 2003, par. 6.6 ; No. 1036/2001, Faure c. Australie, Constatations du 31 octobre 2005, par. 7.2.

 

 



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