Convention Abbreviation: CCPR
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-et-unième session -
Communication No. 1272/2004
Au nom de: L'auteur
État partie: Pays-Bas
Date de la communication initiale: 23 juin 2003 (date de la lettre initiale)
Réuni le 23 juillet 2004,
Adopte ce qui suit:
1.2 Le 29 juin 2004, le Comité, agissant par l'intermédiaire du Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, a décidé d'examiner séparément la question de la recevabilité et le fond.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 En 1985, le divorce des parents de l'auteur, qui vivaient au Maroc, a été prononcé. Sa mère a quitté le domicile conjugal, où l'auteur a continué de vivre avec son père. En août 1989, ce dernier s'est remarié. Entre 1989 et 1990, la mère de l'auteur s'est également remariée et vivait dans un village situé à une cinquantaine de kilomètres du lieu où l'auteur vivait avec sa grand-mère paternelle. L'auteur affirme que, conformément aux normes culturelles locales, sa mère avait complètement intégré sa nouvelle belle-famille et abandonné la sienne. (1) Elle avait donc renoncé, en fait et en droit, à s'occuper de l'auteur en déclarant dans un «acte de remise d'enfant» qu'elle transférait la protection de l'auteur au père. En 1990, celui-ci s'est installé aux Pays-Bas avec sa nouvelle femme. Il aurait toutefois maintenu le contact avec sa fille, prenant les décisions concernant son éducation, en consultation avec la grand-mère de l'enfant et lui fournissant l'argent nécessaire à son éducation et son entretien. En 1995, la grand-mère paternelle de l'auteur s'est installée en France mais, en vertu du droit français applicable, l'auteur n'aurait pas pu la rejoindre. Le 1er septembre 1995, l'auteur est allée, par ses propres moyens, retrouver son père aux Pays-Bas.
2.2 Le 12 septembre 1995, l'auteur a déposé auprès des autorités néerlandaises une demande de permis de séjour pour rester avec son père, résidant aux Pays-Bas. Le 2 juin 1997, le Secrétaire à la justice a refusé cette demande puis, le 18 mai 1998, a rejeté la demande de l'auteur tendant à invalider la décision précédente.
2.3 Le 22 janvier 1999, le tribunal de district a rejeté le recours formé par l'auteur contre la décision du Secrétaire à la justice. Le tribunal a fait remarquer que, selon la loi néerlandaise, un permis de séjour peut être accordé pour permettre le regroupement de personnes unies par une relation familiale qui préexistait à l'arrivée d'un parent aux Pays-Bas. Ce droit ne peut donc être revendiqué si la relation familiale avait cessé d'exister, par exemple à cause de l'assimilation permanente de l'enfant à une autre famille qui fait que les parents d'origine n'exercent plus l'autorité parentale ni n'assurent l'entretien de l'enfant. La revendication du droit à un permis de séjour devient aussi plus difficile à mesure que s'allonge la période de séparation continue. Le tribunal a estimé improbable que le père de l'auteur ait laissé celle-ci dans la famille de sa grand-mère à partir de 1990 et pendant cinq ans en considérant qu'il s'agissait là d'une mesure provisoire, et qu'il comptait dès le départ qu'elle le rejoindrait aux Pays-Bas. Le tribunal a jugé, au contraire, que la décision de faire venir l'auteur aux Pays-Bas résultait plus probablement du déménagement de la grand-mère en France, en 1995. Au vu de tous ces éléments, le tribunal a estimé que la relation familiale avait pris fin avec le départ du père du Maroc.
2.4 S'agissant de la plainte faisant valoir que l'auteur devrait quand même être autorisée à rester aux Pays-Bas pour des raisons humanitaires suffisamment urgentes, le tribunal a estimé que la requérante n'avait pas apporté la preuve que son renvoi serait cause de difficultés qu'il serait déraisonnable de lui faire subir. Il n'était pas davantage prouvé que l'auteur était désormais si intégrée à la société néerlandaise et si étrangère à la société marocaine que la résidence hors des Pays-Bas serait inconcevable et «si pénible» qu'il faudrait l'autoriser à rester dans ce pays. Analysant la plainte au regard de la protection de la vie familiale visée à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le tribunal a estimé, au vu des faits susmentionnés, qu'aucune immixtion dans la vie de famille n'avait été établie. L'auteur n'avait pas davantage établi une quelconque obligation pour l'État, en la circonstance, de lui permettre de rester. Aucun empêchement objectif de continuer de jouir d'une vie familiale au Maroc n'avait été établi. En conséquence, le tribunal, ayant pesé le pour et le contre, a estimé que la décision avait été prise en «toute équité» et ne contrevenait à aucun des principes généraux qui fondent une administration saine et rationnelle.
2.5 Depuis, l'auteur a continué de vivre aux Pays-Bas et aucune procédure d'expulsion n'aurait été engagée.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur soutient que son renvoi au Maroc constituerait une immixtion arbitraire ou illégale dans sa famille et son domicile, contrevenant à l'article 17 du Pacte, et une violation de son droit à la protection qu'exige sa condition de mineure, contrevenant à l'article 24 du Pacte. L'auteur fait également état, sans autres arguments, d'une violation de l'article 23 du Pacte.
3.2 L'auteur affirme qu'au Maroc il n'y a personne qui puisse s'occuper d'elle. Son père ne saurait, selon elle, retourner au Maroc à cette fin, parce que sa femme vit aux Pays-Bas depuis 1980 et ne souhaite pas rentrer. L'auteur affirme qu'elle est entrée à l'école aux Pays-Bas et est complètement intégrée à la société néerlandaise, parlant couramment la langue du pays.
Observations de l'État partie sur la recevabilité de la communication
4. Dans une communication du 28 juin 2004, l'État partie soutient que la communication est irrecevable au motif que tous les recours internes n'ont pas été épuisés puisque, après avoir présenté la communication, l'auteur a renouvelé sa demande de permis de séjour auprès des services d'immigration. Cette demande a été rejetée le 21 avril 2004, après quoi l'auteur a formé opposition devant le tribunal de district et demandé la suspension de la mesure d'expulsion en attendant le procès. La date de l'audience n'a pas encore été fixée.
Commentaires de l'auteur sur les observations de l'État partie
5. Dans une lettre du 13 juillet 2004, l'auteur a répondu aux observations de l'État partie, indiquant qu'elle avait déposé une nouvelle demande (et non «renouvelé sa demande») de permis de séjour, et qu'elle avait formé opposition auprès des services d'immigration et non du tribunal de district. Elle reconnaît qu'elle a présenté une demande en suspension en attendant l'ouverture de la procédure d'opposition. Elle estime que les recours internes concernant la demande en question ont été épuisés et que le dépôt d'une nouvelle demande, étayée par d'autres arguments, n'y change rien. Dans la nouvelle demande, il est dit qu'entre le moment où elle est arrivée aux Pays-Bas en 1995 et la décision finale du tribunal de district en 1999, rien n'a été fait pour la renvoyer et que ce serait de l'acharnement de le faire maintenant. L'auteur conclut que la communication devait donc être déclarée recevable.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité fait remarquer, s'agissant de la plainte au titre de l'article 24, qu'étant donné que l'auteur n'est plus à l'heure actuelle mineure, indépendamment de la qualification de la situation qui prévalait à un stade antérieur, aucun renvoi futur ne toucherait l'un quelconque des droits visés à cet article. Cette plainte est donc irrecevable ratione materiae en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif, pour incompatibilité avec les dispositions du Pacte.
6.3 S'agissant des plaintes au titre des articles 17 et 23, le Comité renvoie à sa jurisprudence selon laquelle l'expulsion d'un ou plusieurs membres d'une famille d'un État partie vers un autre pays peut, en principe, soulever des questions au regard des dispositions du Pacte. (2) Le Comité fait observer néanmoins que les questions soumises par l'auteur aux autorités dans la nouvelle action qu'elle a engagée, qui font l'objet de sa nouvelle demande, affecteront sensiblement la décision que le Comité pourra prendre au sujet de ses revendications, étant donné que la décision du Comité sera fondée sur l'examen de la situation de l'auteur au moment de ladite décision. Le Comité renvoie à sa jurisprudence selon laquelle, lorsque l'auteur engage une nouvelle procédure qui touche au fond de la plainte déposée devant le Comité, il est réputé ne pas avoir épuisé les recours internes au sens du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. (3) Le Comité déclare donc la communication irrecevable sur cette base.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 et du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information, à l'État partie.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Walter Kälin, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
1. Il convient de noter toutefois que, selon l'arrêt du tribunal de district, le père de l'auteur avait laissé celle-ci auprès de sa mère lorsqu'il est parti pour les Pays-Bas, en 1990.
2. Voir, par exemple, Winata c. Australie, affaire no 930/2000, constatations adoptées le 26 juillet 2001, et Sahid c. Nouvelle-Zélande, affaire no 893/1999, constatations adoptées le 28 mars 2003.
3. Voir Barov c. Philippines, affaire no 1045/2002, décision adoptée le 31 octobre 2003, et Romans c. Canada, affaire no 1040/2001, décision adoptée le 9 juillet 2004.