University of Minnesota



Dawood Khan c. Canada, Communication No. 1302/2004, U.N. Doc. CCPR/C/87/D/1302/2004 (2006).


 

GENERALE
CCPR/C/87/D/1302/2004
10 août 2006
FRANCAIS
Original: ANGLAIS

Communication No. 1302/2004 : Canada. 10/08/2006.
CCPR/C/87/D/1302/2004. (Jurisprudence)

Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
87ème session

10 - 28 juillet 2006

 

Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif

se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

- Quatre-vingt-septième session -

 

Communication No 1302/2004

 

 

Présentée par: Dawood Khan (représenté par un conseil, Stewart Istvanffy)
Au nom de: L'auteur
État partie: Canada
Date de la communication: 30 juillet 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 2006,

Ayant achevé l'examen de la communication no 1302/2004 présentée au nom de M. Dawood Khan en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte ce qui suit:

 

Décision concernant la recevabilité

 

1. L'auteur de la communication est M. Dawood Khan, né le 31 juillet 1950, de nationalité pakistanaise, qui réside actuellement au Canada et se trouve sous le coup d'une décision d'expulsion vers le Pakistan. Il affirme être victime de violations par le Canada des articles 2, 6, 7, 14 et 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil, Stewart Istvanffy. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'État partie le 19 août 1976.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1 L'auteur est chrétien. Il est né à Quetta, dans la province du Balouchistan, fief du groupe terroriste sunnite Sipah-e-Sahaba. Des minorités religieuses de Quetta ont été victimes de massacres. L'auteur participait à la plupart des grandes manifestations religieuses de sa paroisse. C'est un joueur de tabla − un instrument de musique traditionnel − réputé. En décembre 1998, il était membre du jury au concours de musique du Balouchistan. Après ce concours, des membres du groupe Sipah-e-Sahaba l'ont menacé parce qu'il avait sélectionné et élu la jeune fille chrétienne qui avait remporté le premier prix.

2.2 En juillet 1999, l'auteur a déménagé de Quetta à Lahore, au Penjab, pour fuir les persécutions. Le 31 décembre 1999, il a été enlevé par cinq militants du groupe Sipah-e-Sahaba. Ses ravisseurs l'ont menacé de le tuer ou de le torturer s'il ne se convertissait pas à l'islam et lui auraient également infligé des violences sexuelles. À l'appui de ces affirmations, l'auteur joint un rapport médical en date du 10 août 2004 qui atteste qu'il souffre de troubles post-traumatiques à cause des violences physiques, psychologiques et sexuelles qu'il aurait subies au Pakistan.

2.3 Le 7 janvier 2000, un homme s'est présenté chez l'auteur pour lui dire qu'il serait converti de force à l'islam le 14 janvier suivant, à la mosquée de June-e-Masjed. Le 5 février 2000, l'auteur et sa famille se sont enfuis à Waziribad. Les «dirigeants de sa communauté» et ses proches lui ont conseillé de chercher refuge à l'étranger. Ayant obtenu du Canada une invitation à venir jouer de son instrument, l'auteur a reçu un visa puis a quitté le Pakistan le 22 avril 2000. Depuis son départ, sa famille continue de recevoir des menaces. Un de ses cousins aurait été agressé par le groupe, qui le recherche.

2.4 Le 24 mai 2000, l'auteur a sollicité le statut de réfugié au Canada. Sa demande a été rejetée le 15 novembre 2000 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, au motif que ses déclarations étaient invraisemblables et incohérentes. L'auteur affirme qu'il n'était pas bien conseillé par son avocat et qu'en raison des troubles post-traumatiques dont il souffre, il n'a pas présenté tous les éléments de preuve existants. Il n'a pas dit non plus aux autorités qu'il avait été torturé et qu'il avait toujours des séquelles de ce traitement. Il n'a pas davantage produit de certificats médicaux ou d'autres informations sur les tortures qu'il dit avoir subies. Le 21 décembre 2000, l'auteur a demandé l'autorisation d'engager une procédure de réexamen judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Cour fédérale l'a débouté le 30 avril 2001.

2.5 Le 9 juillet 2001, l'auteur a sollicité le statut de résident permanent au Canada pour motifs humanitaires. Ce statut n'est accordé que si le candidat démontre qu'il serait dans une situation excessivement critique s'il devait rentrer dans son pays d'origine. Sa demande a été rejetée en date du 7 juillet 2003.

2.6 Le 4 décembre 2000, l'auteur a demandé le réexamen de son cas dans le cadre de la procédure réservée aux demandeurs d'asile déboutés. Le 25 janvier 2003, il a été informé que cette procédure n'existait plus depuis l'adoption en 2001 de la nouvelle loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et qu'elle avait été remplacée par la procédure d'examen des risques avant renvoi. Le 24 février 2003, l'auteur a présenté une demande au titre de cette procédure en faisant valoir qu'il risquait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé au Pakistan. Sa demande a été refusée, le 8 juillet 2003. Il affirme que cette décision ne lui a été communiquée qu'en mars 2004. Le 16 mars 2004, il a demandé l'autorisation d'engager une procédure de réexamen judiciaire de la décision rendue à l'issue de l'examen des risques avant renvoi, ainsi qu'une demande de sursis à exécution de la décision d'expulsion. Le sursis a été accordé, le 23 mars 2004, mais en date du 7 juillet 2004, la Cour fédérale a refusé de l'autoriser à demander le réexamen judiciaire.

Teneur de la plainte

3.1 L'auteur affirme qu'il est victime d'une violation des articles 6 et 7 du Pacte parce que, comme il est de notoriété publique qu'il est chrétien, il risque d'être enlevé, détenu, brutalisé, torturé et exécuté par des groupes extrémistes sunnites s'il est renvoyé au Pakistan. Il affirme qu'il n'aurait droit à aucune protection de la police, qui a des sympathies pour le groupe Sipah-e-Sahaba. Selon lui, l'État partie ne cherche pas à éviter la violence motivée par des considérations religieuses et n'est pas capable d'assurer une réparation aux victimes de violences sectaires.

3.2 L'auteur affirme qu'il est victime d'une violation de l'article 18 parce que s'il était renvoyé au Pakistan il serait persécuté en raison de sa foi chrétienne et de son refus de se convertir à l'islam. Il donne des informations émanant de différentes sources sur la persécution qui vise les chrétiens en général et joint des documents provenant de paroisses chrétiennes au Pakistan qui confirment qu'il est en danger.

3.3 L'auteur affirme qu'il est victime d'une violation des articles 2 et 14 parce que la procédure actuelle d'examen des risques avant renvoi ne constitue pas dans son cas un recours utile. Il fait valoir que l'examen des risques est effectué par des fonctionnaires du service d'immigration qui n'ont aucune compétence en droit international relatif aux droits de l'homme ni dans le domaine juridique en général. Les décisions ne sont pas prises par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et sont souvent contraires à la jurisprudence de la Cour fédérale ou de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il est rare que la situation réelle dans le pays concerné soit prise en considération et, dans la très grande majorité des cas, l'avis rendu est négatif. L'auteur fait également valoir que les décisions sont prises «dans une logique de maîtrise de l'immigration, avec une forte pression exercée d'en haut pour faire augmenter les statistiques d'expulsion». Il n'y a pas de véritable contrôle judiciaire de la part de la Cour fédérale.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond

4.1 Dans une réponse datée du 6 mai 2005, l'État partie conteste la recevabilité et le fond de la communication. Il affirme premièrement que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes. Certains points qu'il fait valoir dans sa communication n'ont pas été soulevés dans le cadre des procédures nationales. L'État partie affirme que si l'auteur, lors de la première audition, n'a pas exposé dans le détail les tortures qu'il avait subies, il aurait dû le faire dans le cadre des procédures ultérieures. L'État partie rappelle que lorsque l'auteur a demandé à la Cour fédérale l'autorisation d'engager une procédure de réexamen judiciaire, le 21 décembre 2000, il n'a pas soulevé la question de l'équité de la procédure et de la justice naturelle. Il ne l'a pas fait non plus lors des procédures subséquentes. Aux raisons avancées par l'auteur, qui affirme qu'il était mal conseillé, l'État partie répond que la négligence d'un conseil ne saurait être imputée à l'État partie (1). Il affirme en outre que l'auteur n'a pas exercé un recours interne qui lui était ouvert lorsqu'il a présenté de nouveaux éléments de preuve le jour prévu pour son expulsion. Il aurait pu exciper du rapport médical soumis au Comité le 10 août 2004 et, partant, demander sur la base de ce rapport un sursis à l'exécution de l'expulsion. Il aurait pu également, en invoquant ces nouvelles preuves, renouveler ses demandes d'examen des risques avant renvoi et de séjour permanent au Canada pour motifs humanitaires. L'État partie considère par conséquent que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes.

4.2 L'État partie affirme que l'auteur n'a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs tirés des articles 2, 6 et 7 du Pacte. L'auteur dit que la procédure d'examen des risques avant renvoi ne constitue pas un recours utile au sens de l'article 2, mais l'État partie fait valoir que le paragraphe 2 de l'article 2 décrit la nature et la portée des obligations des États parties, et que le paragraphe 3 ne reconnaît pas un droit individuel à un recours. Le droit à un recours découle uniquement d'une violation du Pacte qui a été établie. La plainte n'est donc pas étayée et devrait être rejetée en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.

4.3 Pour ce qui est des griefs tirés des articles 6 et 7, l'État partie se réfère aux conclusions de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui a estimé que l'auteur manquait de crédibilité, et rappelle qu'il n'appartient pas au Comité d'apprécier les conclusions d'une juridiction nationale sur la crédibilité de l'auteur. Quant au rapport médical du 10 août 2004, il ne prouve pas que l'auteur souffrait de troubles post-traumatiques quand il a été entendu dans le cadre de sa demande d'asile, quatre ans auparavant, et n'explique donc pas pourquoi il n'a pas raconté directement ce qu'il avait enduré. L'État partie ajoute que l'auteur n'a pas étayé ses nouvelles allégations sur la nature des tortures subies et sur les séquelles qu'il continue d'avoir sur le plan médical. Concernant le danger auquel serait toujours exposée sa famille au Pakistan, l'État partie relève que l'auteur a produit un certain nombre de nouvelles lettres de ses proches et de ses amis au Pakistan et au Canada, mais ces lettres ne font que servir ses propres intérêts.

4.4 L'État partie affirme que l'auteur n'a pas démontré qu'il courrait «personnellement» un risque au Pakistan. Il relève que les rapports émanant des grandes organisations de défense des droits de l'homme que l'auteur a soumis font état principalement d'une résurgence de la violence sectaire à l'égard des musulmans chiites au Pakistan, d'attaques contre les Ahmadis et d'assassinats systématiques de personnes étrangères aux conflits sectaires, en particulier à Karachi. Ces rapports ne disent pas que les chrétiens sont particulièrement la cible des extrémistes. Depuis le départ de l'auteur, le Pakistan a connu nombre de changements qui témoignent de la volonté de l'État de protéger ses citoyens contre les actes des factions extrémistes comme le Sipah-e-Sahaba. Le Gouvernement pakistanais a interdit cette organisation en juin 2002, de même que celle qui lui a succédé, la Millat-e-Islamia, en novembre 2003. Au sujet de l'accusation de collusion entre la police et le Sipah-e-Sahaba (et son successeur), l'État partie constate qu'il existe très peu d'informations crédibles, de première main, sur cette collusion présumée. Il affirme que l'auteur n'a pas démontré qu'il serait tué, torturé ou soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant s'il était renvoyé au Pakistan.

4.5 En ce qui concerne le grief tiré de l'article 7, l'État partie affirme que les allégations de l'auteur ne prouvent pas que celui-ci court personnellement un risque réel et prévisible d'être soumis à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il fait valoir que pour appliquer l'article 7 à une situation comme celle de l'auteur, où le persécuteur présumé n'est pas un agent de l'État, le niveau de preuve doit être plus élevé. Lorsque la crainte est inspirée par un agent non étatique, l'incapacité de l'État d'assurer une protection doit être prouvée «d'une façon claire et convaincante» (2). En l'espèce, l'auteur n'a pas établi que le Pakistan ne voulait pas ou ne pouvait pas le protéger contre le Sipah-e-Sahaba, ni apporté d'arguments dans ce sens.

4.6 L'État partie affirme que les griefs tirés des articles 14 et 18 sont incompatibles avec les dispositions du Pacte. À titre subsidiaire, ces griefs sont irrecevables faute d'être étayés. En ce qui concerne l'allégation de violation de l'article 14, l'État partie fait valoir que les procédures visant à déterminer le statut de réfugié ou le besoin de protection n'entrent pas dans le champ d'application de cette disposition. Elles relèvent du droit public, et leur caractère équitable est garanti à l'article 13 (3). Si toutefois les procédures d'immigration étaient considérées comme relevant de l'article 14, l'État partie objecte qu'elles respectent les garanties qui y sont énoncées. Le cas de l'auteur a été examiné par un organe indépendant, et l'auteur lui-même savait en quoi consistait cet examen, il était représenté par un conseil et il a eu toute latitude de participer à la procédure, y compris en témoignant oralement et en formulant des observations écrites. Il a pu former un recours et déposer une demande pour motifs humanitaires. L'État partie fait valoir par conséquent que le grief de violation de l'article 14 est incompatible ratione materiae avec les dispositions du Pacte et devrait être rejeté au titre de l'article 3 du Protocole facultatif.

4.7 En ce qui concerne le grief tiré de l'article 18, l'État partie constate que l'auteur n'invoque pas de violation de cette disposition. Il affirme en fait que sa religion chrétienne pourrait lui valoir d'être persécuté ou maltraité au Pakistan. Les autorités canadiennes n'ont toutefois pas cru qu'il était en danger à cause de sa religion. L'État partie rappelle que l'article 18 n'interdit pas à un État de renvoyer quelqu'un dans un autre État qui ne respecte pas cette disposition. Il invoque à ce sujet l'Observation générale no 31 [80] du 29 mars 2004, dans laquelle le Comité a précisé que les États parties avaient l'obligation de ne pas expulser quelqu'un de leur territoire «s'il existe des motifs sérieux de croire qu'il y a un risque réel de préjudice irréparable […], tel le préjudice envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte». L'État partie souligne que c'est seulement dans des cas exceptionnels que le Comité a conclu à l'applicabilité extraterritoriale de droits garantis par le Pacte, et qu'il a donc préservé le caractère fondamentalement territorial des droits énoncés dans cet instrument. En conséquence, l'État partie affirme que le grief tiré de l'article 18 devrait être déclaré irrecevable, étant donné qu'une violation de cette disposition échappe ratione materiae à la compétence du Comité.

4.8 Au sujet des plaintes générales de l'auteur concernant la portée du contrôle judiciaire effectué par la Cour fédérale et de la procédure d'examen des risques avant renvoi, l'État partie relève qu'il n'appartient pas au Comité d'examiner le système canadien en général mais seulement de vérifier si, en l'espèce, le Canada s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. En tout état de cause, des organes internationaux, dont le Comité lui-même, ont déjà conclu dans des décisions antérieures que les procédures mises en cause constituaient un recours utile (4).

Délibérations du Comité

5.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

5.3 En ce qui concerne l'argument de l'auteur qui affirme ne pas avoir eu accès à un recours utile pour contester son expulsion, le Comité relève que l'auteur n'a pas démontré en quoi les décisions des autorités canadiennes ne constituaient pas un examen approfondi et équitable de sa plainte, selon laquelle il risquait d'être victime de violations des articles 6 et 7 du Pacte s'il était renvoyé au Pakistan. Dans ces circonstances, le Comité n'a pas à déterminer si la procédure relative à l'expulsion de l'auteur relève du champ d'application de l'article 14 (en tant que décision portant sur des droits et obligations de caractère civil) (5). Cette partie de la communication est donc irrecevable au titre de l'article 2 du Protocole facultatif (6).

5.4 Le Comité rappelle que les États parties ont l'obligation de ne pas extrader, expulser ou refouler une personne vers un pays où elle court un risque réel d'être tuée ou soumise à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant (7). Le Comité doit donc déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que, en tant que conséquence nécessaire et prévisible du renvoi de l'auteur au Pakistan, il existe un risque réel de l'exposer à un traitement interdit par les articles 6 et 7 du Pacte (8) . Le Comité relève que la Section des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à l'issue d'un examen approfondi, a rejeté la demande d'asile de l'auteur au motif que le témoignage de celui-ci manquait de crédibilité et de vraisemblance (voir plus haut, par. 2.4); le Comité note aussi que le rejet, après un autre examen approfondi, de sa demande d'examen des risques avant renvoi était fondé sur des raisons similaires. Il constate en outre que dans les deux cas la Cour fédérale a refusé à l'auteur l'autorisation de faire appel (voir plus haut, par. 2.4 et 2.6). L'auteur n'a pas suffisamment montré en quoi ces décisions étaient incompatibles avec la norme susmentionnée, et il n'a pas non plus suffisamment prouvé qu'il serait exposé à un risque réel et imminent de violations des articles 6 et 7 du Pacte s'il était expulsé vers le Pakistan.

5.5 Le Comité prend note du rapport médical sur l'état psychologique de l'auteur, produit le 10 août 2004, pour attester qu'il souffre de troubles post-traumatiques. Il fait observer qu'un tel rapport aurait dû être soumis plus tôt aux autorités canadiennes et qu'il n'est pas trop tard pour présenter, sur la base de ce nouveau rapport, une nouvelle demande d'examen des risques avant renvoi ou de résidence permanente pour motifs humanitaires. Le Comité conclut par conséquent que la plainte est également irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif du fait que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes (9).

5.6 En ce qui concerne le grief de violation de l'article 18 du Pacte, le Comité prend note de l'argument de l'auteur qui affirme qu'un homme l'a menacé, en janvier 2000, de l'obliger à se convertir à l'islam. Cependant, il prend note également de l'argument de l'État partie qui affirme que son obligation face aux violations des droits de l'homme susceptibles d'être commises par un autre État partie découle uniquement de l'existence d'un risque réel de préjudice irréparable tel que celui qui est envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte (10) . En tout état de cause, le Comité constate que même si des agents non étatiques, au Pakistan, avaient l'intention de soumettre l'auteur à des contraintes de nature à l'empêcher de jouir de la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, l'auteur n'a pas démontré que les autorités de l'État ne pourraient ou ne voudraient pas le protéger. Il conclut donc que ce grief est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif faute d'être suffisamment étayé.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif;

b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur de la communication, pour information.

__________________________

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]

* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer et M. Hipólito Solari-Yrigoyen.

Notes

1. Communication no 433/1990, A.P.A. c. Espagne, décision d'irrecevabilité adoptée le 25 mars 1994, par. 6.3.

2. Canada (Attorney General) v. Ward, [1993], 2 S.C.R. 689, p. 726.

3. Ahani c. Canada, communication no 1051/2002, constatations adoptées le 29 mars 2004, par. 10.8.

4. Commission interaméricaine des droits de l'homme, Organisation des États américains, Rapport sur la situation des droits de l'homme des demandeurs d'asile dans le cadre du système canadien de détermination du statut de réfugié (2000). Décisions d'irrecevabilité rendues par le Comité des droits de l'homme: Adu c. Canada, communication no 654/1995, décision adoptée le 18 juillet 1997, par. 6.2; Badu c. Canada, communication no 603/1994, décision adoptée le 18 juillet 1997, par. 6.2; Nartey c. Canada, communication no 604/1994, décision adoptée le 18 juillet 1997, par. 6.2. Décisions d'irrecevabilité rendues par le Comité contre la torture: P. S. S. c. Canada, communication no 66/1997, décision adoptée le 13 novembre 1998, par. 6.2; P. S. c. Canada, communication no 86/1997, décision adoptée le 18 novembre 1999, par. 6.3; R. K. c. Canada, communication no 42/1996, décision adoptée le 20 novembre 1997, par. 7.2; L. O. c. Canada, communication no 95/1997, décision adoptée le 19 mai 2000, par. 6.5; et M. A. c. Canada, communication no 22/1995, décision adoptée le 3 mai 1995, par. 4. Cour européenne des droits de l'homme: Vilvarajah et consorts c. Royaume-Uni, 14 E.H.R.R. 218 (1991), par. 126.

5. Ahani c. Canada, communication no 1051/2002, constatations adoptées le 29 mars 2004, par. 10.5.

6. Daljit Singh c. Canada, communication no 1315/2004, décision d'irrecevabilité adoptée le 30 mars 2006, par. 6.2.

7. Observation générale no 31 [80] du 29 mars 2004, par. 12.

8. Voir T. c. Australie, communication no 706/1996, constatations adoptées le 4 novembre 1997, par. 8.1 et 8.2, et A. R. J. c. Australie, communication no 692/1996, constatations adoptées le 28 juillet 1997, par. 6.9.

9. Daljit Singh c. Canada, communication no 1315/2004, décision d'irrecevabilité adoptée le 30 mars 2006, par. 6.3.

10. Observation générale no 31 [80] du 29 mars 2004, par. 12.

 

 



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