GENERALE
CCPR/C/85/D/1323/2004
22 novembre 2005
FRANCAIS
Original: ANGLAIS
Communication No. 1323/2004 : Spain. 22/11/2005.
CCPR/C/85/D/1323/2004. (Jurisprudence)
Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
85ème session
17 octobre-3 novembre 2005
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-cinquième session -
Communication No. 1323/2004
Présentée par: Amando Lozano Aráez, Francisco Aguilar Martínez, José Lozano Rodríguez, Felicita Baño Franco et Juana Baño Franco (représentés par un conseil, M. Jose Luis Mazón Costa)
Au nom de: Les auteurs
État partie: Espagne
Date de la communication: 4 novembre 2004 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 28 octobre 2005,
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1. Les auteurs de la communication, datée du 4 novembre 2004, sont Amando Lozano Aráez, Francisco Aguilar Martínez, José Lozano Rodríguez, Felicita Baño Franco et Juana Baño Franco. Ils affirment être victimes de violation par l'Espagne du paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'Espagne le 25 avril 1985. Les auteurs sont représentés par un conseil, M. Jose Luis Mazón Costa.
Exposé des faits
2.1 Le 26 février 1991, les auteurs ont constitué une société à responsabilité limitée, «A.B.L. Alimentación, S.L.», domiciliée en Espagne, dont l'objet commercial était la fabrication et la réparation de machines pour la conserverie alimentaire. En novembre 1993, la société devait près de 8 millions de pesetas (environ 48 000 euros) à deux autres sociétés commerciales, «Comercial Stainless Steel, S.A.» et «Comercial Industrial García, S.A.» (sociétés créancières). En mars 1994, les auteurs ont fondé une nouvelle société commerciale avec le même objet commercial, les mêmes locaux, les mêmes équipements et le même personnel que la première société. Selon le jugement rendu par le tribunal de première instance de Murcia, par cette opération les auteurs «ont vidé l'ancienne société de tout contenu, actif et activité sans la liquider ni la dissoudre».
2.2 Le 25 mai 2001, le tribunal pénal de première instance (Juzgado de lo Penal) de Murcia a condamné les auteurs à quatre mois d'emprisonnement pour dissimulation d'actifs (alzamiento de bienes) au détriment de créanciers. Il n'était pas fait référence dans le jugement à une responsabilité civile des auteurs.
2.3 Les représentants des deux sociétés créancières ont fait appel du jugement, et demandé que les auteurs soient reconnus responsables au civil des sommes dues. Le ministère public a retenu l'appel. Le 20 octobre 2001, la cour d'appel (Audiencia Provincial) de Murcia a confirmé la condamnation des auteurs et a en outre estimé que leur responsabilité était engagée puisque, selon les éléments de preuve disponibles, la dette était exigible. Elle les a donc condamnés à payer 9 163 330 pesetas (environ 55 000 euros) aux sociétés créancières à titre de dédommagement.
2.4 Les auteurs reconnaissent qu'ils n'ont pas présenté de recours en amparo à la Cour constitutionnelle. Ils considèrent que ce recours est inutile, puisque selon la Cour constitutionnelle la condamnation par un tribunal de deuxième instance, sans possibilité d'appel, d'un accusé acquitté en première instance n'est pas contraire au paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle repose sur l'idée que les juges de la cour d'appel ont davantage de discernement, d'expérience et de compétence que ceux de la juridiction inférieure.
Teneur de la plainte
3. Les auteurs se déclarent victimes d'une violation du paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte du fait que la cour d'appel a aggravé leur condamnation, en les privant de la possibilité de faire réexaminer celle-ci par une juridiction supérieure. Selon l'article 847 du Code de procédure pénale (Ley de Enjuiciamiento Penal) espagnol, il n'est pas possible de contester les décisions de la cour d'appel (Audiencia Provincial). Les auteurs soutiennent qu'à la différence d'autres États parties, l'Espagne n'a pas formulé de réserve concernant le paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
4.2 Le Comité s'est assuré, conformément au paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
4.3 En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 5 de l'article 14, le Comité rappelle que cette disposition consacre le droit de faire appel d'une condamnation devant une juridiction supérieure. Le Comité note que la cour d'appel a examiné et confirmé la condamnation des auteurs, qui n'a pas été prononcée en appel mais en première instance. La décision d'imposer un dédommagement n'est pas une aggravation de la condamnation au pénal, mais représente une condamnation au civil à laquelle ne s'applique pas le paragraphe 5 de l'article 14. En conséquence, le Comité conclut que la plainte est incompatible ratione materiae avec le paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte et il la déclare irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
4.4 En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la présente communication: M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhawati, M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.