concernant la
communication No 164/1984
Au nom de : G. F. Croes
Etat partie concerné : Pays-Bas Date de la communication : 11 janvier 1984 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Réuni le 7 novembre 1988, Annulant, en vertu du paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur provisoire, une décision antérieure sur l'admissibilité datée du 25 octobre 1985,
Adopte ce qui suit :
2.1 Il est indiqué que l'auteur avait fondé le MEP en 1971, et que ce parti revendiquait l'indépendance d'Aruba depuis 1972. En raison de son activité politique, l'auteur aurait fait l'objet de tracasseries, aurait été accusé d'être un radical et un révolutionnaire, physiquement menacé et en butte aux attaques de divers adversaires politiques. Il avait déposé des plaintes auprès du procureur pour diffamation et autres délits, mais il est affirmé qu'on lui a refusé une réparation satisfaisante et que les autorités n'ont pas tenu compte de ces violations. 2.2 Dans le cadre des préparatifs des élections au Parlement de l'île au mois d'avril 1983, l'autorisation d'orqaniser un défilé, demandée par le MEP -qui aurait été le parti majoritaire lors de six élections (le MEP a perdu la majorité lors des élections de novembre 1985)- lui aurait été refusée, apparemnent au motif que la demande présentée par le MEP à cet effet avait disparu. L'auteur aurait été amené &croire par les services de la police qu'aucun obstacle ne s'opposait à ce qu'il organisât le défilé, mais, le 24 avril 1983, ordre a été donné par les autorités de police de disperser le défilé du MEP, et un policier a tiré sur l'auteur, l'atteignant à la poitrine à deux doigts du coeur. Il a été opéré et, par la suite, emmené Par avion dans un hôpital de Miami, aux Etats-Unis d'Amérique, oij il a subi une deuxigme intervention. Il est en outre affirmé que le policier qui a tiré les coups de feu n'a pas été poursuivi, bien que l'auteur eût fait une demande dans ce sens le 11 juin 1983, et à nouveau le 16 novembre 1983, dans le cadre d'une plainte déposée aupres du juge de première instance d'Aruba. AQrèS que le juge eut refusé de Qoursuivre, le 22 décembre 1983, l'auteur a saisi la Cour suprême des Antilles néerlandaises, qui a déclaré son recours irrecevable le 24 février 1984. L'auteur a donc fait valoir que les recours internes avaient été épuisés en ce qui concernait sa plainte, et que l'enquête elle-même avait duré beaucoup trop 1ongtemgs et avait dépassé les délais raisonnables selon les termes du Protocole facultatif.
2.3 L'auteur affirmait en particulier que son droit 4 la vie, son droit à être traité également et le droit de voir d'autres personnes traitées également devant la loi des Antilles néerlandaises étaient violés par les autorités des Antilles néerlandaises et des Pays-Bas. Il prétendait en outre que le droit à la libre détermination du peuple d*Aruba était menacé de violation grave par les autorités en cause. 3. En réponse à une demande de renseiqnements supplémentaires, l'auteur affirmait, dans une lettre datée du 27 septembre 1984, que l'attentat dont il se disait victime était le résultat 'd'un complot en vue de me tuer, parce que je suis le chef du mouvement d'indépendance aruba", et donnait des détails Sur un autre incident au cours duquel des coups de feu auraient été tirés et sur une descente de police qui aurait eu lieu au domicile de ses parents au mois d'août 1977.
4. Par sa décision du 26 octobre 1984, le Comité des droits de l'hormne, agissant en application de l'article 91 de son règlement intérieur Provisoire, a transmis la communication à 1'Etat partie, en lui demandant de lui soumettre des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité.
5.1 Dans sa réponse, datée du 28 mai 1985, 1'Etat partie a donné des faits la version suivante :
"Le requérant, M. Gilberto François Croes, est le chef d'un parti politique de l'île d'Aruba. Aruba est une des îles qui constituent les Antilles néerlandaises, lesquelles font partie du Royaume des Pays-Bas, qui comprend deux pays autonomes, les Pays-Bas et les Antilles néerlandaises. Le parti politique dont M. G. F. Croes est le chef cherche à obtenir pour Aruba un statut indépendant. Le 24 avril 1983, au cours d'incidents survenus pendant un défilé de voitures organisé dans l'île d'Aruba par le parti politique de M. Croes sans l'autorisation des autorités, M. Croes a été blessé d'un coup de Qistolet. Il a prétendu qu'un policier avait délibérément tiré sur lui. Le 26 mai 1983, le Ministère de la justice des Antilles néerlandaises a charqé une commission d'enquêter sur les actes et le comportement des forces de police au cours des événements du 24 avril. L'enquête a pris fin le 8 juillet 1983. La canmission d'enquête a conclu que les forces de police en service ce jour-là avaient fait preuve de la retenue et de la discipline voulues. C'est à dessein que la commission d'enquête n'a pas cherché a déterminer si la balle qui a blessé M. G. F. Croes avait été tirée Par un policier et, dans l'affirmative, si la culpabilité de celui-ci pouvait être retenue, attendu que les autorités charqées des poursuites se préparaient à enquêter sur ces questions. A l'issue de l'enquête, les autorités chargées des poursuites Ont conclu qu'il n'existait aucune preuve d'acte prémédité, délibéré ou intentionnel de la part (du policier), et qu'il ne pouvait même pas être prouvé que ce fût l'arme [du policier] qui avait tiré la balle ayant atteint M. Croes. En conséquence, la plainte contre [le policier] a été classée. Le 16 novembre 1983, M. G. F. Croes saisissait le tribunal de première instance d'une demande d'ouverture de poursuites contre [le policier]. Par une décision en date du 12 décembre 1983, le tribunal a confirmé la décision du procureur de ne pas poursuivre [le policier] et a débouté M. Croes de sa demande. Le 12 janvier 1984, M. Croes a saisi la Cour de justice des Antilles néerlandaises, qui a déclaré sa requête irrecevable pour vice de forme." 5.2 En ce qui concerne les droits invoqués par l'auteur, 1'Etat partie se réfere aux violations présumées des droits suivants :
"a) 'son droit à la vie'; b) 'son droit à un traitement égal';
c) 'ses droits à, ce qu'autrui soit traité avec égalité';
d) 'le droit à la libre détermination du peuple d'Aruba';
e) de plus, l'avocat de G. F. Croes déclare dans sa lettre en date du 18 mai 1984 que 'l'instruction même a duré beaucoup trop longtemPs et a excédé des délais raisonnables'. On voit mal si cette plainte concerne M. Croes lui-même ou [l'agent de police]. Dans ce dernier cas, Cette partie de la communication serait de toute manière irrecevable en vertu de l'alinéa b)du paraqraphe 1 de l'article 90 du rèqlement intérieur du Comité." 5.3 En ce qui concerne la question de la recevabilité, 1'Etat partie "Part du postulat que M. Croes invoque les articles 6, 14 et 26 et l'article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Pour ce qui est de son droit à ce qu'autrui soit traité avec égalité, le gouvernement n'a pu trouver dans le Pacte aucun article protégeant un tel droit. Quant à la question de savoir s'il considère que la comnunication de M. Croes est recevable, le qouvernement regrette de devoir répondre par la négative pour les raisons suivantes :
Premièrement, la communication constitue un abus du droit de présenter une comnunication, en raison de son caractère politique et propagandiste. M. Croes est le chef d'un parti politique qui prône l'indépendance de l'île d'Aruba. Son principal grief est que les autorités chargées des poursuites et les autorités judiciaires du Royaume des Pays-Bas le traiteraient de façon discriminatoire en sa qualité de chef plitique. Une plainte fondée sur l'article 26 du Pacte ne serait valable que si elle accusait les autorités chargées des poursuites ou les tribunaux d'appliquer la loi f M. Crocs d'une façon discriminatoire. Bien qu'il accuse en fait les autorités 'd'entente' contre lui et semble craindre que même le laboratoire judiciaire de Rijswijk (Pays-Bas)participe à l'entente, M. Croes n'apporte aucune preuve Concrète à l'appui de ses accusations et insinuations.
Deuxièmement, M. Croes n'a pas épuisé tous les recours internes disponibles relativement à, ses plaintes en vertu du Pacte. En fait, il a saisi les autorités nationales : a) d'une protestation contre la décision de ne pas poursuivre [le policier]; b)d'une protestation contre la décision de ne pas le poursuivre lui-même, G. F. Croes, pour faux témoignage et pour organisation d'un défilé sans autorisation. En revanche, M. Croes n'a jamais invoqué devant les autorités nationales l'un quelconque des droits énoncés dans le Pacte et mentionnés plus haut. Parmi ceux-ci, deux au moins, énoncés dans les articles 6 et 14, sont, selon les dispositions de l'article 93 de la Constitution, *d'application immédiate', en ce sens qu'ils peuvent être invoqués par tout individu devant les tribunaux nationaux. La Constitution prévoit donc un important 'recours interne disponible'au sens de l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif.
Troisièmement, l'allégation de M. Crocs selon laquelle la procédure d'enquête aurait duré trop lonqtemps ne relève pas de l'alinéa b)du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte, car M. Croes n'était pas 'accu&d'une infraction pénale'au sens des dispositions de cet article. Quatrièmement, il semble que l'article 6 du Pacte soit invoqué pour les allégations selon lesquelles : a) les balles qui ont blessé M. Crocs auraient été délibérément tirées par un policier qui aurait prémédité de le tuer; b) les autorités chargées des poursuites et les autorités judiciaires se seraient liguées pour étouffer l'affaire et soustraire [le policier]à l'administration normale de la justice. M. Croes n'apporte aucune preuve à l'appui de ces allégations.
Enfin, M. Croes ne peut prétendre invoquer l'article premier du Pacte sans présenter même un commencement de preuve des allégations selon lesquelles : a) le peuple d'Aruba se dit victime d'une violation de l'article premier du Pacte de la part du Royaume des Pays-Bas; b) ce peuple a chargé M. Croes de soumettre en son nom une communication au titre de l'article premier du Pacte; c) le Royaume des Pays-Bas a violé les dispositions de l'article premier. A cet égard, il est significatif que l'avocat de M. Croes, dans le paragraphe 28 de sa lettre du 11 janvier 1984, n'invoque pas de violation effective de l'article premier, mais fasse état d'une 'menace' contre le droit à l'autodétermination, ce qui soulève la question de savoir si une violation future éventuelle d'un droit protéqé par le Pacte peut faire l'objet d'une plainte en vertu du Protocole facultatif. Le gouvernement répond à cette question par la négative. Pour les raisons qui précèdent, le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas estime que la communication de M. Gilberto François Croes est irrecevable en vertu des alinéas b), c), d) et f) du paraqraphe 1 de l'article 90 du règlement intérieur du Comité". 6.1 Avant d'examiner les prétentions contenues dans une communication, le Comité des droits de l'honrne doit, selon l'article 87 de son règlement intérieur provisoire, décider si la communication est recevable conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. 6.2 Aux termes de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité n'est pas habilité à examiner une communication Si la même question est déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de rèqlement. Rien n'indique que l'affaire considérée ici soit examinée par une autre instance. 6.3 L'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif interdit au Comité d'examiner une communication si les recours internes n'ont pas été épuisés. A cet égard, le Comité a rappelé que dans le cadre de la décision qu'il avait prise en vertu de l'article 91 de son rèqlement intérieur provisoire, il avait déclaré que, si 1'Etat partie prétendait que les recours internes n'avaient pas été épuisés il devait Dindiquer exactement quels [étaient], en l'espèce, les recours effectivement possibles". Le Comité a noté que dans sa communication du 28 mai 1985 1'Etat partie avait soutenu que l'auteur n'avait pas épuisé les recours internes. L'Etat partie a fait mention des démarches faites par M. Croes, mais il n'a pas spécifié quels étaient les recours internes utiles qui auraient été disponibles en l'espèce si M. Croes avait expressément invoqué les articles 6 et 14 du Pacte en exposant ses griefs aux autorités du pays. Le Comité a noté que les démarches faites par l'auteur pour épuiser les recours internes avaient pris fin avec le rejet de l'appel qu'il avait formé devant la Cour suprême des Antilles néerlandaises, le 24 février 1984. En l'absence de toute indication précise de la part de 1'Etat partie en ce qui concerne les autres recours internes utiles dont l'auteur aurait dû se prévaloir, le Comité a conclu que l'alinéa b)du paraqraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif ne saurait être invoqué pour l'enpêcher d'examiner cette affaire, mais il a indiqué que cette conclusion pourrait être reconsidérée à la lumière de tout nouveau renseignement qui serait présenté par 1'Etat partie en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole. 6.4 Le Comité a noté l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle l'envoi de la conmwnication constituait un abus du droit de pétition. Or, selon le Comité, les raisons invoquées par 1'Etat partie à cet égard ne paraissaient pas justifier cette conclusion. 7. En conséquence, le 25 octobre 1985, le Comité des droits de l'homme a décidé que la communication était recevable dans la mesure où M. Croes avait affirmé avoir été personnellement concerné par les faits qu'il avait exposés (lesquels sont reproduits dans les paragraphes 2.2, 2.3 et 3 ci-dessus), et dans la mesure où ces faits pouvaient soulever des questions au titre des articles 6, 9 (l), première phrase, 19, 21, 25 et 26 du Pacte. 8.1 Dans ses observations datées du 16 mai 1986, présentées conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, 1'Etat partie, donnant des précisions sur ses observations datées du 28 mai 1985, réaffirme que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles. Il déclare que l'auteur, dans sa Premiere action intentée contre l'Etat, n'a pas invoqué les dispositions d'application immédiate du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. C'est devant le Comité des droits de l'honrne que les obligations de 1'Etat partie en vertu du Pacte ont été mentionnées pour la première fois. En outre, l'auteur aurait pu intenter une action civile contre 1'Etat pour préjudice subi. L'Etat partie affirme que les tribunaux auraient effectivement reçu les plaintes de l'auteur fondées sur le Pacte, à l'exception de la plainte relative à une violation du droit à l'autodétermination, déposée en application de l'article premier. Si l'auteur avait agi conrne indiqué ci-dessus, il aurait pu épuiser tous les recours internes, et notamment aller jusqu'à saisir en appel l'instance supérieure du Royaume, la Cour suprême (Hoge Raad), et se conformer ainsi aux exigences du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif. 8.2 Pour ce qui est du fond de la communication, l'Etat partie soutient qu'il n'y a pas eu violation des droits invoqués par l'auteur. En ce qui concerne l'article 6, il rappelle qu'après enquête les autorités chargées des poursuites à Aruba ont conclu qu'il n'existait aucune preuve d'acte prémédité ou intentionnel de la part du policier, et qu'il ne pouvait pas être prouvé que la balle qui avait blessé M. Crocs avait été tirée par l'arme du policier; en conséquence, la plainte contre ce dernier avait été classée. 8.3 En ce qui concerne l'alléqation de violation du paragraphe 1 de l'article 9, 1'Etat partie affirme qu'il n'a pas violé le droit de l'auteur à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il indique que les forces de police en service à Aruba le 24 avril 1983 se sont efforcées de maintenir l'ordre, de prévenir les troubles et de protéger la population, y compris l'auteur, contre tout préjudice physique. Dans ce contexte, l'auteur n'a été privé ni de son droit à la liberté ni de son droit 5 la sécurité de sa personne. Non seulement les forces de police en service ce jour-là avaient une formation suffisante, mais elles se sont cunQortées de façon à s'acquitter pleinement de leur devoir. Les troubles ont éclaté du fait que le MEP avait organisé un défilé sans autorisation , et en partie, 3 cause du, canportement des partisans du MEP. 8.4 A propos des articles 19, 21 et 25 du Pacte, 1'Etat partie rejette les allégations de l'auteur. Il souliqne que M. Croes a exercé tous ses droits démocratiques lui permettant d'exprirrtar des opinions politiques, de fonder un parti politique et d'être élu au Parlement des Antilles néerlandaises. Ainsi, rien ne permet d'affirmer qu'il y a eu violation de l'article 19. Pour ce qui est de l'article 21, 1'Etat partie indique que , conformément à la léqislation des Antilles néerlandaises et d'Aruba, quiconque désire organiser une manifestation sur la voie publique doit auparavant demander et obtenir l'autorisation des autorités compétentes. Dans l'affaire à l'étude, la demande d'autorisation d'orqaniser un défilé, déposée par le parti politique de l'auteur, n'est pas parvenue aux autorités, et c'est pourquoi l'autorisation d'organiser un défilé a été donnée à un autre parti politique. Toutefois, le parti de l'auteur a été autorisé à organiser une manifestation. Dans l'intérêt de l'ordre public, la police a dispersé le défilé qui avait commencé après la manifestation. L'Etat partie affirme que la réglementation en vigueur est conforme aux dispositions de l'article 21, car l'obligation d'obtenir l'autorisation d'organiser une manifestation publique est une restriction imposée conformément à la loi et nécessaire dans l'intérêt de l'ordre public. Pour ce qui est de l'article 25, 1'Etat partie donne une brève description du système électoral en viqueur aux Antilles néerlandaises et à Aruba au moment du dépôt de la plainte, et souligne que les droits de l'auteur et ceux de son parti conformément &cet article n'ont été nullement restreints. 8.5. Enfin, pour ce qui est des allégations de violation de l'article 26, 1'Etat partie renvoie à la décision du Tribunal des Antilles néerlandaises du 24 février 1984, et affirme qu'on ne peut déduire des considérants du Tribunal que M. Croes a été victime de discrimination. 9.1 En réponse aux observations de 1'Etat partie, les héritiers de l'auteur, dans une communication datée du 29 juin 1988, soutiennent que les allégations initiales de leur père sont fondées et que celui-ci a effectivement épuisé tous les recours internes disponibles. En particulier, ils affirment que l'argument avancé par l'Etat partie, selon lequel l'auteur aurait dû engager des poursuites civiles contre 1'Etat , ne répond pas aux préoccupations de l'auteur, car aucune compensation financière ne saurait effacer les torts causés par les violations des droits de l'homme dont l'auteur a été victime et qui, à leur avis, justifient encore des poursuites pénales. En outre, ils soutiennent qu'il n'était pas nécessaire pour M. Croes d'invoquer les dispositions des instruments internationaux et les obligations conventionnelles de 1'Etat partie, puisque les tribunaux auraient dû les appliquer ex officia. Ils affirment à ce propos que l'auteur, dans son mémorandum à la Cour suprême des Pays-Bas, en date du 10 janvier 1984, a effectivement invoqué le Pacte. 9.2 Pour ce qui est des allégations de violations de l'article 6 et du paragraphe 1 de l'article 9, les héritiers de l'auteur réaffirment que le coup de feu par lequel [nom supprimé]a blessé l'auteur relevait d'une tentative d'assassinat avec préméditation. Ils affirment que les policiers, "armés jusqu'aux dents", avaient l'intention d'attaquer les partisans non armés du MEP et de dresser les habitants de l'île les uns contre les autres, ce qui aurait donné un prétexte pour ajourner les élections prévues par le Gouvernement des Antilles néerlandaises. Ils nient que les partisans du MEP aient manifesté une agressivité quelconque au cours du défilé, et affirment que le défilé a été organisé après consultations avec le plus haut responsable de la police en service le 24 avril 1983. 9.3 En ce qui concerne les allégations de violations des articles 19 et 21, les héritiers de l'auteur affirment que les arquments avancés par 1'Etat partie traduisent une interprétation extrêmement étroite de la portée des articles en question. Ils contestent le bien-fondé des observations de 1'Etat partie relatives 4 l'article 21 (voir le paraqraphe 8.4 ci-dessus), et réaffirment que le défilé a été dispersé alors qu'il avait commencé depuis plusieurs heures et avait parcouru plus de 30 km, et qu'il n'existait ws le moindre risque de rencontrer le défilé d'un parti politique rival. Ainsi, il n'existait aucune raison d'interdire ou de disperser le défilé. 9.4 S'agissant de l'allégation de violation de l'article 25, les héritiers de l'auteur, sans avancer d'arqument supplémentaire , contestent l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle les droits de l'auteur et de son parti politique n'auraient été aucunement restreints. Enfin, à propos de l'article 26, ils maintiennent que, sous couvert de justice, l'auteur a fait l'objet d'un traitement discriminatoire, du fait que l'enquête sur l'incident du coup de feu n'a pas été menée jusqu'au bout et que les autorités se sont efforcées de ne pas livrer les éléments de preuve. En d'autres termes, la discrimination serait due au fait que les autorités ont essayé "d'étouffer" l'affaire du policier. 10. Conformément au paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur provisoire et conformément à sa décision du 25 octobre 1985, le Comité des droits de l'homme a revu sa décision datée du 25 octobre 1985, concernant la recevabilité de la communication. Compte tenu des renseiqnements supplémentaires fournis par 1'Etat partie dans ses observations du 16 mai 1986, le Comité conclut que l'auteur aurait pu disposer de recours utiles, à la fois en ce qui concerne l 'incident du coup de feu et la dispersion du défilé de voitures. Le Comité a souligné en d'autres occasions que, dans le cadre d'une procédure engagée en vertu du Protocole facultatif, 1'Etat partie ne peut faire état, au détriment de l'auteur, de recours dont l'existence n'est pas évidente (communication No 113/1981, décision du 12 avril 1985, paragraphe 10.1). Dans le cas présent, toutefois, le Comité en arrive 6 conclure que les recours étaient évidents. M. Croes aurait pu intenter des poursuites civiles contre 1'Etat partie et demander réparation pour le préjudice subi en conséquence du fait que 1'Etat partie ne s'était pas acquitté des obligations que lui imposait le Pacte. L'auteur a affirmé, il est vrai, que ce type de recours ne répondait pas à ses préoccupations. Cependant, à cet égard, le Comite note que, si les Etats parties sont tenus d'enquêter de bonne foi sur toute alléqation de violation des droits de l'homme, les poursuites pénales ne sauraient constituer le seul recours possible. En conséquence, le Comité ne peut accepter l'argument de l'auteur et de ses héritiers selon lequel toute procédure enqagée devant les tribunaux d'Aruba autre que l'ouverture de poursuites pénales contre le policier ne constitue pas un recours interne utile au sens du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif. Le Comité ajoute que la plainte de l'auteur pouvait viser, dans tous ses aspects, les autorités d'Aruba en général, et que l'auteur et ses héritiers n'ont pas jusqu'ici épuisé les recours judiciaires disponibles. 11. En conséquence, le Comité des droits de l'honrne décide : a ) Que la décision du 25 octobre 1985 est annulée; b ) Que la conununication est irrecevable; c) Que la présente décision sera communiquée aux héritiers de Gilberto François Croes et à 1'Etat partie.