Comité des droits de l'homme
Trente-huitième session
CONSTATATIONS DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME (ARTICLE 5, PARAGRAPHE 4,
DU PROTOCOLE FACULTATIF CONCERNANT LE PACTE INTERNATIONAL RELATIF
AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES) -TRENTE-HUITIEME SESSION
concernant
La communication No 167/1984
Présentée par : Le chef Bernard Ominayak et la bande du lac Lubicon (représentés par un avocat)
Au nom de : La bande du lac Lubicon
Etat partie concerné: Canada
Date de la communication : 14 février 1984 (date de la communication initiale)
Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 26 mars 1990,
Ayant l'examen achevé de la communication No 167/1984 , présentée par le chef Ominayak et la bande du lac Lubicon en application du Protocole facultatif concernant le Pacte international relatif aux droits civils et poltiques.
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies par l'auteur de la communication et par 1'Etat partie,
Adopte le texte ci-après :
Constatations présentées en application de l'article 5, paragraphe 4, du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication (première lettre datée du 14 février 1984, et lettres postérieures)est le chef Bernard Ominayak (ci-après appelé l'auteur), de la bande du lac Lubicon (Canada). Il est représenté par un avocat.
2.1. L'auteur fait état de violations, par le Gouvernement canadien, du droit que possède la bande du lac Lubicon de disposer d'elle-même et, en vertu de ce droit, de déterminer librement son statut politique et poursuivre son développement économique, social et culturel, ainsi que de son droit de disposer de ses richesses et ressources naturelles et de ne pas être privée de ses propres moyens de subsistance. Ces violations seraient contraires aux obligations contractées Par le Canada aux termes des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
2.2 Le chef Ominayak dirige et représente la bande du lac Lubicon, qui regroupe des Indiens cree vivant a l'intérieur des frontières du Canada, dans la province de l'Alberta. Ceux-ci sont soumis a la juridiction du Gouvernement fédéral du Canada, prétendument en vertu de la tutelle exercée par le Gouvernement canadien sur les nations indiennes et leurs terres situées en territoire canadien. La bande du lac Lubicon, qui a conscience de son identité, constitue un groupe économique et socio-culturel relativement autonome. Depuis des temps immémoriaux, ses membres habitent, chassent, pêchent et pratiquent le, commerce des fourrures sur un territoire de 10 000 kilomètres carrés en Alberta du Nord. Comme son territoire est difficile d'accès, jusqu'à une date récente elle a eu peu de contacts avec des non-Indiens. Les membres de la bande parlent essentiellement le crée. Nombreux sont ceux qui ne savent ni parler, ni lire, ni écrire l'anglais. La bande conserve sa culture, sa religion, sa structure politique traditionnelles et son économie de subsistance.
2.3 Par la loi sur les Indiens de 1970 et le Traité No 8 du 21 juin 1899 (concernant les droits fonciers des aborigènes en Alberta du Nord), le Gouvernement canadien aurait reconnu le droit des habitants originels de cette région a poursuivre leur mode de vie traditionnel. Malgré ces lois et accords, le Gouvernement canadien a autorisé le Gouvernement de la province de l'Alberta a exproprier le territoire de la bande du lac Lubicon au profit d'intérêts de sociétés privées (octroi de concessions pour la prospection de pétrole et de gaz). Le Canada est accusé d'avoir ainsi violé le droit de la bande à déterminer librement son statut politique et a poursuivre son développement économique, social et culturel comme le garantit le paragraphe 1 de l'article premier du Pacte. Qui plus est, les activités de prospection de ressources énergétiques sur le territoire de la bande violeraient le paragraphe 2 de l'article premier du Pacte, qui accorde a tous les peuples le droit de disposer de leurs richesses et ressources naturelles. En détruisant l'environnement et en sapant l'assise économique de la bande, elles priveraient la bande de ses moyens de subsistance et de la jouissance du droit à l'autodétermination garantie par l'article premier du Pacte.
3.1 L'auteur déclare qu'il n'a été recouru pour cette même affaire a aucune autre procédure d'enquête internationale ou de règlement international.
3.2 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, il est déclaré que la bande du lac Lubicon continue de faire valoir ses revendications par les voies politiques et juridiques internes. L'administration et les représentants des sociétés pétrolières se serviraient des moyens politiques et juridiques disponibles au Canada pour empêcher et retarder les actions en justice de la bande jusqu'à ce que celle-ci finisse par ne plus pouvoir défendre sa cause, parce que si le développement industriel de la région, qui s'accompagne de la destruction du milieu écologique et de l'assise économique de la bande, se poursuit au rythme actuel celle-ci ne pourra pas survivre longtemps en tant que nation.
3.3 Le 27 octobre 1975, des représentants de la bande du lac Lubicon ont déposé auprès du Secrétaire de district chargé du cadastre de la province de l'Alberta une demande de notification d'opposition (caveat) qui informerait toutes les parties intéressées par les terres en question que la bande revendique un titre de propriété aborigène sur ces terres, comme .le prévoit la loi sur les titres fonciers provinciaux. La Cour suprême de l'Alberta a reçu les conclusions présentées au nom du gouvernement provincial, qui vont à l'encontre de la notification d'opposition, et celles présentées au nom de la bande du Lac Lubicon. Le 7 septembre 1976, le Procureur général de la province a déposé une demande d'ajournement, dans l'attente du règlement d'une affaire similaire. Il a été fait droit à ladite requête. Le 25 mars 1977, le Procureur général a toutefois présenté à la législature provinciale un amendement a la loi sur les titres fonciers visant à empêcher le dépôt de notifications d'opposition; l'amendement a été adopté avec effet rétroactif au 13 janvier 1975, soit une date antérieure au dépôt de la notification d'opposition par la bande du lac Lubicon. Dans ces conditions, la procédure engagée devant la Cour suprême, n'ayant plus de raison d'être, a été annulée.
3.4 Le 25 avril 1980, la bande a introduit une action auprès de la Cour fédérale du Canada lui demandant de déclarer son droit sur ses terres, a leur utilisation et au produit de leurs ressources naturelles. L'action contre le gouvernement provincial et toutes les sociétés pétrolières à l'exception d'une seule (Pétro-Canada) a été rejetée pour une question de conflit d'attribution. L'action assignant en justice le gouvernement fédéral et Pétro-Canada a été déclarée recevable.
3.5 Le 16 février 1982, une action a été introduite auprès du Court of Queen's Bench de l'Alberta, demandant l'adoption d'une ordonnance conservatoire pour arrêter la mise en valeur de la zone jusqu'à ce que les questions relatives au droit revendiqué par la bande à ses terres et à ses ressources naturelles aient été réglées. Le but principal de l'ordonnance, déclare l'auteur, était d'empêcher le Gouvernement de l'Alberta et les sociétés pétrolières (c'est-à-dire les défendeurs) de continuer à détruire le territoire traditionnel de chasse et de piégeage de la nation du lac Lubicon. Cela aurait permis aux populations aborigènes cree du lac Lubicon de continuer à gagner leur vie et assurer leur subsistance en chassant dans le cadre de leur genre de vie traditionnel. Selon la communication, la Cour provinciale s'est abstenue de rendre sa décision durant près de deux ans, cependant que les prospections de pétrole et de gaz se poursuivaient, en même temps que la destruction accélérée de l'assise économique de la bande. Le 17 novembre 1983, la demande d'ordonnance conservatoire a été rejetée et la bande, bien que sans ressources financières, a été ultérieurement condamnée à payer tous les frais de justice et honoraires d'avocats afférents à l'action.
3.6 La décision du Court of Queen's Bench a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de l'Alberta. La Cour d'appel a rejeté ce recours le 11 janvier 1985. Dans son arrêt, la Cour d'appel a admis avec la juridiction inférieure que la revendication de la bande tendant à obtenir un titre de propriété aborigène sur ces terres soulevait une importante question de droit qui devait être tranchée par un jugement. Elle a néanmoins estimé que la nation aborigène du lac Lubicon ne subirait aucun dommage irréparable si la mise en valeur des ressources se poursuivait intégralement et que, tout pris en considération, il y avait donc lieu de refuser l'ordonnance.
3.7 Les défendeurs, déclare l'auteur, se sont efforcés de convaincre la Cour que les populations aborigènes du lac Lubicon n'ont strictement aucun droit de possession au regard de l'une quelconque des terres dont il s'agit, c'est-à-dire en toute logique, au regard de leurs habitations mêmes. Sur ce point, la Cour a déclaré que toute tentative d'expulser les membres de la bande du lac Lubicon de ses résidences pourrait effectivement donner lieu à des mesures conservatoires d'urgence, tout comme une tentative visant à lui interdire d'accéder à ses cimetières traditionnels ou autres lieux communautaires, ou à ses zones de Chasse. Dans sa requête, la bande du lac Lubicon, alléguant l'interdiction d'accès à toutes ces zones, a étayé ses dires par des photographies qui illustrent l'étendue des dommages et par plusieurs déclarations sous serment non contestées. Mais la Cour, négligeant les preuves fournies par les demandeurs, a conclu que ceux-ci n'avaient pas démontré que les défendeurs aient pris, ni même menacé de prendre, les mesures dont il s'agit.
3.8 L'auteur déclare que la Cour d'appel a, en droit, fondé sa décision sur sa propre définition du dommage irréparable. Le critère retenu est que le dommage doit être tel qu'il ne prête pas à un recours équitable et raisonnable devant un tribunal et qu'il y aurait déni de justice à refuser de procéder à l'injonction. L'auteur estime que la nation du lac Lubicon a manifestement satisfait à ce critère en produisant des preuves non contestées concernant les atteintes portées à ses moyens d'existence, à son économie de subsistance, à sa culture et au mode de vie lié à sa personnalité tant sociale que politique. Et pourtant, la Cour a conclu que la bande du lac Lubicon n'avait pas démontré l'existence d'un dommage irréparable.
3.9 Le 18 février 1985, les populations aborigènes du lac Lubicon ont présente leurs arguments à une chambre composée de trois juges de la Cour suprême, pour demander l'autorisation d'interjeter appel contre l'arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta. Le 14 mars 1985, la Cour suprême canadienne a rejeté la demande. D'une manière générale, déclare l'auteur, l'autorisation d'interjeter appel est accordée en fonction des critères suivants : les questions soulevées doivent être d'ordre public, l'affaire doit porter sur des questions de droit importantes, ou bien, à un titre ou à un autre, le dossier est d'une telle nature ou d'une telle portée qu'il justifie une décision au niveau de la Cour suprême canadienne. L'auteur déclare que les questions soulevées par la bande du lac Lubicon portaient notamment sur l'interprétation des droits constitutionnels des nations aborigènes, droits dont l'existence a été récemment confirmée par la loi constitutionnelle de 1982 sur les recours ouverts aux nations aborigènes, sur les droits de ces populations concernant la poursuite de leurs activités de subsistance traditionnelles dans leurs territoires de chasse traditionnels, sur le régime juridique applicable à une vaste partie de l'Alberta du Nord, sur les conflits qui opposent les sociétés terriennes traditionnelles du Canada et la société industrielle de ce pays, sur l'intérêt général et les intérêts des minorités, sur la délimitation des droits des autorités par rapport aux droits des individus, sur des considérations de justice fondamentale et d'équité, sur l'égalité devant la loi et sur le droit a une protection et a une application égales de la loi. Les quatre premières de ces questions, pour le moins, estime l'auteur, n'ont pas encore été tranchées par la Cour suprême canadienne, et elles relèvent indiscutablement des critères applicables au regard de l'autorisation d'interjeter appel.
4. Par sa décision du 16 octobre 1984, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie concerné, en vertu de l'article 91 du règlement intérieur provisoire, et l'a prié de soumettre des renseignements et des observations se rapportant à la question de la recevabiité de la communication. Les principaux points qui ressortent des renseignements et observations reçus de 1'Etat partie sont repris ci-après dans les paragraphes 5.1 à 5.7 et 6.1 à 6.4.
Epuisement des recours internes
5.1 Dans sa communication datée du 31 mai 1985, 1'Etat partie soutient que la bande du lac Lubicon n'a pas mené a leur terme tous les recours internes qu'elle a intentés et que la responsabilité des retards ayant pu survenir dans les procédures de recours n'incombe pas au Gouvernement canadien. L'Etat partie rappelle que la bande du lac Lubicon, agissant en vertu de son droit légal propre, et le chef Bernard Ominayak, agissant à titre personnel, ainsi que conjointement avec d'autres conseillers de la bande pour compte d'autrui, ont engagé trois procédures différentes, et il fait observer que leur le litige concernant la demande de notifications d'opposition (caveat)déposée par la bande a été tranché. Deux autres actions intentées, l'une devant la Cour fédérale du Canada et l'autre devant la Cour provinciale (Court of Queen's Bench) de la province de l'Alberta, seraient pendantes.
5.2 S'agissant de l'action intentée devant la Cour fédérale, mentionnée dans la communication, 1'Etat partie rappelle que la bande et ses conseils juridiques ont, en avril 1980, tenté d'engager contre la province de l'Alberta et des sociétés privées des poursuites devant la Cour fédérale du Canada. Or, estime 1'Etat partie, ni la province de l'Alberta, ni des entités privées n'auraient pu être assignées comme défendeurs devant la Cour fédérale du Canada. Au lieu de reprendre la procédure devant la juridiction compétente, déclare 1'Etat partie, la bande a contesté l'exception préjudicielle soulevée par les défendeurs concernant la question de la compétence. Cette procédure a abouti, en novembre 1980, à une décision juridique défavorable à la bande. Ayant fait appel de cette décision devant la Cour fédérale d'appel, la bande a été déboutée en mai 1981.
5.3 Après la procédure concernant la question préjudicielle de la compétence de la Cour fédérale, une nouvelle action a été intentée, le 21 février 1982, devant la Cour provinciale de l'Alberta, contre la province et certaines personnes morales défenderesses. Comme il ressort de la communication, la bande demandait que soit rendue une injonction provisoire. En novembre 1983, à l'issue d'une longue procédure, la Cour provinciale a rejeté la demande de la bande en se fondant sur l'affaire Erickson c. Wiuu Adiustmea T, td. 119801 6 W. R. R. 188, OÙ étaient exposés les critères sur la base desquels un tribunal était habilité a rendre une injonction provisoire. Selon ce qui a été jugé dans cette dernière affaire, tout demandeur qui sollicite une injonction provisoire est tenu d'établir :
a) Qu'il existe une question grave qui doit être tranchée par un jugement:
b) Qu'un préjudice irréparable serait causé avant que ce jugement soit rendu si aucune injonction n'était émise; et
c) Que le principe de l'équilibre des avantages milite en faveur de l'octroi d'une réparation au demandeur.
L'Etat partie fait observer que la Cour provinciale de l'Alberta a rejeté la demande de la bande au motif que les demandeurs n'avaient pas prouvé qu'il y aurait préjudice irréparable et qu'une réparation suffisante leur serait accordée si, en fin de compte, ils gagnaient leur procès.
5.4 Au lieu d'engager un procès sur le fond, la bande a fait appel du rejet de sa demande d'injonction provisoire. La Cour d'appel de l'Alberta l'a déboutée de cet appel le 11 janvier 1985. La demande d'autorisation, présentée par la bande, de faire appel a la Cour suprême du Canada de la décision rejetant sa demande d'injonction provisoire a été rejetée le 14 mars 1985. Près de deux mois plus tard, le 13 mai 1985, ajoute 1'Etat partie, la Cour suprême du Canada a refusé d'accéder à une autre demande de la bande tendant à ce que la Cour déroge à ses propres règles et réexamine la demande d'autorisation. Ainsi, déclare 1'Etat partie, la Cour a maintenu sa règle bien établie, qui interdit le réexamen des demandes d'autorisation de faire appel.
5.5 L'Etat partie estime qu'après des retards aussi importants causés par la procédure préliminaire et la contestation de règles de procédure bien établies, l'auteur n'est pas fondé à se plaindre que les procédures de recours internes excèdent des délais raisonnables. Il estime que la bande, en sa qualité de demanderesse, a eu la possibilité d'accélérer, dans le cadre de l'une ou l'autre de ses actions, l'accomplissement des actes de procédure nécessaires pour que la cause soit en état.
Recours supplémentaires
5.6 L'Etat partie déclare qu'en vertu de la doctrine dominante en droit international, l'expression "recours interne" est censée s'appliquer, d'une façon générale, à toutes les procédures internes établies de réparation. L'alinéa b)du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, déclare-t-il, reconnaît qu'outre les recours juridictionnels, un Etat partie au Pacte peut garantir des recours administratifs et autres. Apres avoir déposé ses conclusions dans la procédure engagée devant la Cour fédérale, le Gouvernement fédéral a proposé, à la fin de 1981, de régler la question en offrant à la bande des terres de réserve en application du traité conclu en 1899. Les conditions proposées par la province (qui détient un titre de propriété sur les terres)n'ayant pas rencontré l'agrément de la bande, celle-ci a rejeté la solution envisagée pour ce conflit.
5.7 L'Etat partie estime que la revendication, par la bande du lac Lubicon. de certaines terres situées dans la partie septentrionale de l'Alberta n'est qu'un élément d'une situation qui est extrêmement complexe, du fait des revendications concurrentes de plusieurs autres communautés autochtones de la région. En juin 1980, environ deux mois après que la bande avait engagé son action devant la Division de première instance de la Cour fédérale, sis autres communautés indiennes ont saisi le Ministère des affaires indiennes d'une demande distincte faisant valoir un titre de propriété aborigène sur. des terres qui chevauchent celles revendiquées par la bande du lac Lubicon. 'Puis, en juin 1983, la bande crée de Big Stone a revendiqué auprès du Ministère des affaires indiennes -en invoquant . en l'occurrence un traité un droit de propriété sur une région chevauchant egalement des terres revendiquées par la bande du lac Lubicon. La bande cree de Big Stone représenterait cinq des communautés autochtones ayant déposé en juin 1980 une demande tendant a faire valoir un titre de propriété aborigène. Face à Cette situation extrêmement complexe, le Ministre des affaires indiennes et du développement du Nord a, en mars 1985, désigné un ancien juge de la Cour suprême de la Colombie britannique pour exercer les fonctions de délégué spécial du Ministre chargé de prendre contact avec des représentants de la bande, d'autres communautés autochtones et de la province, d'examiner avec eux l'ensemble de la situation et de formuler des recommandations. L'Etat partie estime qu'un examen des revendications de la bande du lac Lubicon qui ne prendrait pas en considération, simultanément, les revendications concurrentes des autres communautés autochtones compromettrait le recours interne choisi par celles-ci, c'est-à-dire le règlement négocié.
Droit à l'autodétermination
6.1 Le Gouvernement canadien soutient que la communication, dans la mesure où elle vise le droit à l'autodétermination, est irrecevable pour deux motifs. Premièrement, le droit à l'autodétermination s'applique à un "peuple", et le Gouvernement canadien considère que la bande du lac Lubicon n'est pas un peuple au sens de l'article premier du Pacte. Le Gouvernement canadien estime donc que la communication est incompatible avec les dispositions du Pacte et devrait. en tant que telle, être jugée irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole. Deuxièmement, les communications soumises au titre du Protocole facultatif ne peuvent émaner que de particuliers et doivent concerner la violation d'un droit conféré à des particuliers. La présente communication, estime 1'Etat partie, concerne un droit collectif, et son auteur n'a par conséquent pas qualité pour présenter une communication en application des articles premier et 2 du Protocole facultatif.
6.2 Le Gouvernement canadien soutient que la bande du lac Luhicon ne constitue pas un peuple aux fins de l'article premier du Pacte et qu'elle n'est par conséquent pas en droit de revendiquer, en vertu du Protocole, le droit de disposer d'elle-même. Il fait observer que la bande du lac Lubicon n'est qu'une seule des 582 bandes indiennes du Canada et qu'une faible fraction d'un groupe plus important d'indiens cree, résidant dans la partie septentrionale de la province de l'Alberta. Le Gouvernement canadien considère par conséquent que les Indiens du lac Lubicon ne constituent pas un "peuple" au sens de l'article premier du Pacte.
6.3 Le Gouvernement canadien soutient que le droit à l'autodétermination, tel qu'il est défini à l'article p. remier du pacte, n'est pas un droit individuel; il offre plutôt le cadre nécessaire à l'exercice de droits individuels. Cet avis, affirme-t-il, est étayé par un membre de phrase extrait des observations générales formulées sur l'article premier par le Comité (document CCPR/C/Zl/Add. 3, du 5 octobre 1984), et aux termes duquel la réalisation du droit de tous les peuples de disposer d'eux-mêmes est "une condition essentielle de la garantie et du respect effectif des droits individuels de l'homme ainsi que de la promotion et du renforcement de ces droits". Le Comité, ajoute 1'Etat partie, reconnaît par là que les droits consacrés par l'article premier sont placés séparément, au-dessus de tous les autres droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans le Pacte international relatif aux droits économiquest sociaux et culturels. De l'avis du Canada, les droits qui sont énoncés à l'article premier, et donc dans la première partie du Pacte relatif aux droits civils et , , politiques, sont d'une autre nature et d'une autre espèce que ceux qui sont enoncés dans la troisième partie. Les premiers sont collectifs, les deuxièmes individuels. Ainsi la structure du Pacte, considéré dans son ensemble, corrobore à son tour l'argument selon lequel le droit à l'autodétermination est un droit collectif reconnu aux peuples. En tant que tel, affirme 1'Etat partie, il ne saurait être invoqué par un particulier en vertu du Protocole facultatif.
6.4 Le Gouvernement canadien affirme que la juridiction du Comité, telle qu'elle est définie dans le Protocole facultatif, ne saurait être invoquée par un particulier dès lors que la violation présumée concerne un droit collectif. Il soutient, en conséquence, que la communication considérée, qui concerne l'autodétermination de la bande du lac Lubicon, devrait être déclarée irrecevable.
7. Dans une réponse détaillée, datée du 8 juillet 1985, à la communication de 1'Etat partie, l'auteur récapitule ses arguments comme suit : dans sa réponse, le Gouvernement canadien avance trois arguments principaux. Il affirme tout d'abord que la bande du lac Lubicon n'a pas épuisé les recours internes disponibles. Or, la bande a en fait épuisé ces recours dans la mesure où ceux-ci lui permettraient effectivement d'obtenir justice et d'empêcher la destruction de ses moyens de subsistance. Deuxièmement, le Gouvernement canadien prétend que le droit à l'autodétermination ne peut pas être revendiqué par la bande du lac Lubicon. Or, il s'agit d'un peuple autochtone qui a conservé son économie et son style de vie traditionnel et qui occupe ses propres terres depuis des temps immémoriaux. Il doit pour le moins être en mesure d'exercer son droit à l'autodétermination puisqu'il s" agit du droit d'un peuple à ses propres moyens d'existence. Enfin, le Gouvernement canadien formule certaines allégations au sujet de l'identité et de la qualité de l'auteur... Or, "l'auteur" est identifié dans la première communication de la bande. Les "victimes" sont les membres de la bande du lac Lubicon, qui sont représentés par Bernard COminayak, leur chef élu a l'unanimité.
8.1 Par sa décision provisoire du 10 avril 1986, le Comité, rappelant que 1'Etat partie l'avait informé que le Ministère des affaires indiennes et du développement du Nord avait désigné un envoyé spécial et l'avait chargé d'étudier la situation, a prié 1'Etat partie de lui communiquer le rapport de l'envoyé spécial et tous renseignements sur ses recommandations et sur les mesures que 1'Etat partie avait prises ou envisageait de prendre à cet égard.
8.2 Dans la même décision, le Comité a prié l'auteur de l'informer de tout fait nouveau touchant les actions en justice pendantes devant les tribunaux canadiens.
9.1 Dans sa réponse, datée du 30 juin 1986, à la décision provisoire du Comité, l'auteur affirme qu'il n'y a guère eu de progrès en ce qui concerne aucune des actions engagées devant les tribunaux. Il réitère son argument selon lequel : "La demande d'ordonnance provisoire que la bande avait présentée pour que l'exploitation des ressources pétrolières qui a détruit les moyens de subsistance de ses membres soit arrêtée, a été rejetée, et la Cour supreme du Canada lui a refusé le droit d'interjeter appel... Les activités d''exploitation et la destruction se poursuivent donc sans répit. L'avocat de la bande tente toujours de faire valoir les droits de celle-ci devant les tribunaux bien que la bande ne dispose pas des ressources financières à cette fin et qu'il n'y ait aucun espoir de solution avant plusieurs années. La bande n'a donc aucune raison de modifier sa conclusion antérieure, à savoir qu'en pratique, les recours judiciaires internes ont été épuisés."
9.2 La bande signale aussi que l'enquêteur spécial du Gouvernement fédéral, M. E. Davie Fulton, a été déchargé de ses responsabilités à la suite de la présentation de son "document de travail" au Gouvernement fédéral du Canada.
"Dans le document de travail . . . . M. Fulton parvenait pratiquement à la même conclusion que la bande elle-même, a savoir que le Gouvernement canadien doit porter le blâme pour la situation existant au lac Lubicon et que c'est au Gouvernement fédéral qu'il appartient de régler le problème. Dans son rapport, M. Fulton proposait également un arrangement foncier basé sur la population actuelle de la bande, et il reconnaissait l'importance de donner à la bande qualité pour gérer les ressources en faune et en flore sauvages sur toute l'étendue de son territoire de chasse et de piégeage. L'arrangement foncier proposé par M. Fulton, en vertu duquel la bande se serait vu assigner une réserve sensiblement plus grande que la réserve de 25 miles carrés qui lui avait été promise en 1940, est compatible avec la position de la bande sur cette question... M. Fulton a également recommandé que l'Alberta indemnise la bande pour le préjudice causé par l'exploitation intensive des ressources de pétrole et de gaz pour laquelle cette province a accordé des concessions sur le territoire de la bande. Indépendamment du fait qu'il a déchargé M. Fulton de ses responsabilités en la matière, le Gouvernement fédéral, à ce jour, a refusé de rendre public le document de travail que celui-ci avait établi."
10.1 Dans sa réponse, datée du 23 juin 1986, à la décision provisoire du Comité, 1'Etat partie a fait parvenir le texte du rapport de M. Fulton et a indiqué qu'il avait désigné M. Roger Tassé pour agir en qualité de négociateur. Il a en outre informe le Comité que, le 8 janvier 1986, le Gouvernement canadien avait verse a la bande 1,5 million de dollars à titre gracieux pour financer les frais de justice et autres frais connexes.
10.2 Dans une communication supplémentaire du 20 janvier 1987, 1'Etat partie soutient qu'à la suite du rejet de la demande d'injonction intérimaire de la bande :
"La bande aurait alors dû faire diligence pour demander son injonction permanente avant de former un recours devant les instances internationales. Dans le mémoire qu'elle a présenté . . . . la bande allègue que la lenteur des procédures lui causera un préjudice irréparable. Or une injonction permanente, si elle était accordée, aurait pour effet d'éviter ce préjudice de façon permanente."
11.1 Les 23 et 25 février 1987, l'auteur a présenté deux suppléments à sa communication, examinant notamment les questions de fond, telles que le document de travail Fulton, et soutenant que "le Canada n'[avait] pas retenu les principales recommandations du document de travail Fulton" et que "le Canada [tentait] d'appliquer rétroactivement à la bande une loi que le Comité [avait] jugée contraire a l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que le Canada [avait]modifiée conformément aux conclusions du Comité".
11.2 Au sujet des actions en justice pendantes devant les tribunaux, la bande réaffirme qu'une injonction permanente ne constituerait pas un remède efficace car elle arriverait trop tard, expliquant ce qui suit : "La reconnaissance de droits aborigènes ou même de droits conventionnels par une décision définitive des tribunaux ne remédiera pas au préjudice irréparable causé à la société de la bande du lac Lubicon, ne ramènera pas les animaux, ne restaurera pas l'environnement, ne rétablira pas l'économie traditionnelle de la bande, ne remplacera pas le mode de vie traditionnel détruit et ne réparera pas les atteintes portées aux liens spirituels et culturels qui l'attachent à la terre. Ainsi, tous les recours internes ont été effectivement épuisés pour ce qui est de la protection de la bande, ainsi que de son mode de vie unique en son genre et auquel elle est profondément attachée."
12. Dans une communication additionnelle datée du 12 juin 1987, l'auteur déclare : "La bande du lac Lubicon ne demande pas une décision sur des droits territoriaux mais seulement que le Comité des droits de l'homme l'aide a tenter de convaincre le Gouvernement canadien que : 1)l'existence de la bande est gravement menacée par la prospection pétrolière et gazière qu'on a laissé se poursuivre sans aucun contrôle dans ses territoires de chasse traditionnels et sans aucun égard pour la communauté humaine vivant dans la région, et que 2). le Canada est responsable de la situation actuelle et doit contribuer à y remédier, conformément a l'article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international reiatif aux droits civils et politiques."
13.1 Avant d'examiner une communication quant au fond, le Comité doit s'assurer qu'eile répond a toutes les conditions de recevabilite'prevues par le protocole facultatif.
13.2 En ce qui concerne la règle, énoncée à l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, selon laquelle les auteurs doivent épuiser les recours internes avant de présenter une communication au Comité des droits de l'homme, l'auteur de la présente communication a invoqué la disposition dudit article selon laquelle cette règle ne s'applique pas "si les procédures de recours excédent des délais raisonnables". L'auteur a en outre soutenu que le seul recours efficace en l'espèce était une requête en injonction provisoire car, a-t-il dit, "si le statu quo n'est pas maintenu, tout jugement définitif quant au fond, même s'il était en faveur de la bande, resterait sans effet", dans la mesure où "même s'il reconnaissait les droits aborigènes ou les droits conventionnels, le jugement définitif ne pourrait jamais restituer à la bande son mode de vie, ses traditions et ses moyens d'existence", Se référant à sa jurisprudence bien établie, selon laquelle "la règle qui impose d'épuiser tous les recours internes ne s'applique que si ces recours sont disponibles et efficaces", le Comité a conclu qu'il n'p avait en l'espèce pas de remède efficace encore ouvert à la bande du lac Lubicon.
13.3 En ce qui concerne l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle la communication de l'auteur, qui concerne l'autodétermination, devrait être déclarée irrecevable car "la juridiction du Comitb, telle qu'elle est ehfinie dans le Protocole facultatif, ne saurait être invoquée par un particulier dès lors que la violation présumée concerne un droit collectif", le Comité a réaffirmé que le Pacte reconnaît et protège dans les termes les plus nets le droit d'un peuple à l'autodétermination et son droit de disposer de ses ressources naturelles en tant que condition essentielle de la garantie et du respect effectif des droits individuels de l'homme ainsi que de la promotion et du renforcement de ces droits. Cependant, le Comité a fait observer que l'auteur, en tant que particulier, ne peut se prétendre, en vertu du Protocole facultatif, victime d'une violation du droit à l'autodétermination consacré par l'article premier du Pacte, qui traite des droits conférés aux peuples en tant que tels.
13.4 Le Comité a noté cependant que les faits présentés peuvent soulever des questions au regard d'autres articles du Pacte, y compris l'article 27. Ainsi, dans la mesure où les événements que l'auteur a décrits portent préjudice à l'auteur et aux autres membres de la bande du lac Luhicon, ces questions pourraient être examinées quant au fond afin de déterminer si elles révèlent des violations de l'article 27 ou d'autres articles du Pacte.
14. En conséquence, le Comité des droits de l'homme a décidé le 22 juillet 1987 que la communication était recevable dans la mesure où elle pouvait soulever des questions au regard de l'article 27 ou d'autres articles du Pacte. Il a prié 1'Etat partie, conformément à l'article 86 du règlement intérieur, de prendre des mesures provisoires pour éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé au chef Ominayak et aux autres membres de la bande du lac Lubicon.
15. Dans les observations qu'il a présentées le 7 octobre 1987 en application du paragraphe 2 de l'article 4, 1'Etat partie invoque le paragraphe 4 de l'article 93 du règlement intérieur provisoire du Comité, et demande à celui-ci de réexaminer sa décision de recevabilité, en faisant valoir que la bande n'a pas entièrement épuise les voies de recours internes utiles. L'Etat partie fait observer que la décision du Comité semble reposer sur l'idée qu'une injonction provisoire serait le seul recours utile disponible pour remédier à la violation alléguée des droits de la bande du lac Lubicon. Cette hypothèse, à son avis, ne résiste pas à l'examen. La position de 1'Etat partie, fondée sur les faits examinés par la Cour du Banc de la Reine (Court of Queen's Bench)de l'Alberta et par la Cour d'appel les deux juridictions qui ont eu à connaître de la demande de mesures conservatoires présentée par la bande - ainsi que sur la situation socio-économique de la bande, est que son mode de vie et ses moyens de subsistance n'ont pas été atteints de manière irréparable et ne sont pas menacés de manière imminente. C'est pourquoi une injonction provisoire n'est pas le seul recours utile dont dispose la bande, et un procès sur le fond et le processus de négociation proposé par le Gouvernement fédéral offrent un recours interne efficace. L'Etat partie estime donc qu'en application du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif, il est fonde à demander que tous les recours internes soient épuisés avant que le Comité n'examine l'affaire. L'Etat partie estime que l'expression "recours internes" doit, conformément aux principes pertinents du droit international. être Comprise comme s'appliquant à toutes les procédures locales existantes en matière de recours. Tant qu'il n'y aura pas eu une décision judiciaire finale sur les droits de la bande au regard de la loi canadienne, il n'existe pas de base, ni en fait ni en droit international, pour conclure que les recours internes sont inefficaces et que la communication est recevable conformément au Protocole facultatif. A l'appui de ses observations, 1'Etat partie présente un examen détaillé des procédures engagées devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta et fait valoir qu'il a pour politique de s'efforcer de résoudre par la négociation les revendications foncières justifiées et en suspens de bandes indiennes.
16.1 Répondant aux observations de 1'Etat partie, l'auteur, dans une lettre en date du 12 janvier 1988, soutient que ses allégations et celles de la bande du lac Lubicon sont tout à fait fondées. Selon le chef Ominayak, 1'Etat partie fonde sa demande de réexamen de la décision de recevabilité sur ce qui n'est rien d'autre qu'un nouvel énoncé des faits et cherche à pousser le Comité à rapporter sa décision, en prétendant étayer ses observations précédentes mais sans présenter en fait de nouveaux arguments. Rappelant que le Comité a déclaré que la communication était recevable dans la mesure où elle soulève des questions qui relèvent de l'article 27 "ou d'autres articies du Pacte", l'auteur donne la liste des articles du Pacte qui, selon lui, ont été violés. D'abord, il allègue que le Canada a violé les paragraphes 1 à 3 de l'article 2 du Pacte : le paragraphe 1, parce qu'il aurait traité la bande du lac Lubicon sans prendre en considération des éléments de nature sociale, économique et foncière inhérents à l'organisation communautaire autochtone de la bande; le paragraphe 2, car il continuerait de refuser de donner une solution à certains problèmes dont se plaint la bande alors que les droits enfreints pourraient encore être mis en oeuvre: et le paragraphe 3 parce que le Canada n'aurait pas mis à la disposition de la bande du lac Lubicon un recours utile en ce qui concerne ses droits en vertu du Pacte.
16.2 L'auteur allègue en outre que 1'Etat partie, par des actes qui ont eu des conséquences pour le mode de vie de la bande, a créé des circonstances qui "ont indirectement, sinon directement, causé la mort de 21 personnes et menacent la vie de pratiquement tous les autres membres 'de la communauté. De plus, la capacité de la communauté à se renouveler est menacée, le nombre de fausses-couches et d'enfants mort-nés ayant monté en flèche, et celui des anomalies à la naissance étant . . . passé de près de zéro à presque 100 %". Selon l'auteur, cela constituerait une violation de l'article 6 du Pacte. De plus, il est allégué que l'appropriation des terres traditionnelles de la bande sans son consentement, la destruction de son mode de vie et de ses moyens d'existence et les effets dévastateurs causés à la communauté constituent des traitements cruels, inhun? ainS et dégradants, au sens de l'article 7 du Pacte, dont la responsabilité incombe a 1'Etat partie.
16.3 L'auteur soulève plusieurs autres questions relatives à la non-observation par 1'Etat partie du paragraphe 1 de l'article 14, et de l'article 26 du Pacte. Il rappelle que la procédure engagée par la bande du lac Lubicon devant une juridiction interne, fondée sur les droits et titres de propriété aborigènes, conteste certains des pouvoirs et certaines des responsabilités que s'arroge 1'Etat qui, fait-il valoir, sont "par nature même des droits et des titres qui sont susceptibles d'être violés, ce qui est précisément ce que visent à empêcher l'article 14, paragraphe 1, et l'article 26 du Pacte". Dans ce contexte, il fait valoir que "la partialité des tribunaux canadiens est un obstacle majeur aux efforts déployés par la bande pour protéger ses terres, sa communauté et ses moyens d'existence, et que cette partialité procède pour l'essentiel de différences fondées sur la race et la situation politique, sociale et économique". En outre, les partis pris d'ordre économique et social auxquels se heurte la bande devant les tribunaux canadiens, en particulier dans le système judiciaire de l'Alberta, sont exacerbés par "le fait que plusieurs des juges siégeant et statuant dans ces tribunaux entretiennent manifestement des liens économiques et personnels avec les parties adverses".
16.4 En outre, il est allégué que, violant l'article 17 et le paragraphe 1 de l'article 23 du Pacte, 1'Etat partie a permis que la bande du lac Lubicon vive dans des conditions telles que le résultat direct en est la destruction des familles et des foyers. L'auteur explique que dans une communauté autochtone, le système familial repose tout entier sur les liens spirituels et culturels qui l'unissent à la terre et sur les activités traditionnelles auxquelles chacun se livre. Lorsque les uns et les autres disparaissent, comme dans le cas de la bande, l'élément essentiel de la société, la famille, subit un préjudice irréparable. De même, il est allégué que 1'Etat partie a violé le paragraphe 1 de l'article 18 du Pacte car, par suite de la destruction de leurs terres, les habitants de la bande du lac Lubicon sont "spoliés du substrat physique qui sert de support à leur religion, à leur système de croyances spirituelles".
16.5 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, l'auteur réfute l'assertion de 1'Etat partie selon laquelle un procès sur le fond offrirait à la bande du lac Lubicon un recours effectif contre le gouvernement fédéral et réparation pour la perte de son économie et de son mode de vie. D'abord, cette assertion repose sur l'hypothèse qu'il peut être porté remède à des violations passées des droits de l'homme par le versement de paiements compensatoires: deuxièmement, il est évident que l'économie et le mode de vie de la bande ont subi des atteintes irréparables. En outre, le requérant prétend qu'il n'est plus possible à la bande d'intenter un procès sur le fond contre le gouvernement fédéral car, en octobre 1986, la Cour suprême du Canada a décidé que les droits sur les terres aborigènes situées à l'intérieur des limites provinciales mettant en cause les droits fonciers des provinces, il appartenait aux tribunaux provinciaux de statuer. C'est pour cette raison que le 30 mars 1987, la bande du lac Lubicon s'est adressée à la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta pour obtenir l'autorisation de modifier sa plainte en désignant aussi le Gouvernement canadien comme défendeur. Le 22 octobre 1987, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a rejeté cette demande. Ainsi, alors que d'après la constitution canadienne toute question concernant les Indiens et les terres indiennes au Canada relève exclusivement de l'autorité du gouvernement fédéral, il est allégué que la bande se trouve, dans l'état actuel des choses, impuissante à intenter une action contre le gouvernement fédéral auprès d'un tribunal canadien portant sur ces questions mêmes
17.1 Dans des observations complémentaires soumises le 3 mars 1988, 1'Etat partie affirme que des efforts réels et sérieux continuent d'être faits pour trouver une solution acceptable aux points soulevés par l'auteur et la bande du lac Lubicon. En particulier, il explique que : "Le 3 février 1988, le Ministre des affaires indiennes et du Nord a transmis au Procureur général de l'Alberta une demande officielle de terres de réserve pour la bande du lac Lubicon. Dans sa demande, il a informé le Procureur général de l'Alberta que le refus d'y acèder aménerait le Canada à entamer une action en justice en vertu de la loi constitutionnelle de 1930 pour résoudre le différend qui porte sur la quantité de terres à laquelle la bande du lac Lubicon a droit. Quoi qu'il en soit, le Ministre des affaires indiennes et du développement. du Nord a prié l'Alberta d'envisager, a titre de mesure provisoire, la cession immédiate de 25,4 miles carrés de terres [...]à la bande [...], sans préjudice de toute action en justice. Dans une lettre datée du 10 février 1988, le négociateur fédéral a communiqué à l'avocat de la bande les evénements décrits ci-dessus et a demandé d'entreprendre les négociations sur tous les aspects de la requête qui ne dépendaient pas de la réponse que l'Alberta ferait à la demande officielle [...]. L'auteur, dans une lettre du 29 février 1988, a rejeté l'offre tout en indiquant qu'il serait prêt à considérer une cession provisoire des 25,4 miles carrés sans préjudice des négociations et de toute action en justice. Suite à ces développements, les négociateurs des gouvernements fédéral et provincial se sont rencontrés les ler et 2 mars 1988. Ils ont conclu un accord provisoire en vertu duquel 25,4 miles carrés de terres réservées, y compris les mines et les minerais, étaient cédés à la bande. Cet accord ne porte pas atteinte aux positions respectives des parties, y compris à celle de la bande..."
17.2 En ce qui concerne l'efficacité des recours internes existants, 1'Etat partie est en désaccord avec les observations de l'auteur qui figurent au paragraphe 16.5 ci-dessus. Le Gouvernement canadien soutient qu'elles ne correspondent pas a la situation juridique qui prévaut entre la bande et les gouvernements fédéral et provincial. Il répète que la bande a intenté deux actions en justice, celles-ci étant encore pendantes. Une des actions a été intentée contre le gouvernement fédéral en Cour fédérale du Canada: l'autre a été intentée en Cour du Banc de la Reine de l'Alberta contre la province et certaines sociétés privées. Dans la mesure où la demande de terres de l'auteur est fondée sur un titre aborigène par opposition à un traité, la jurisprudence établit que l'action en justice doit être intentée contre la province, et non contre le gouvernement fédéral.
17.3 L'Etat partie ajoute que, dans l'action intentée en Cour de l'Alberta : "L'auteur a demandé que le gouvernement fédéral Se joigne à l'action intentée devant la Cour du Banc de la Reine. La Cour a décidé, en s'appuyant sur la jurisprudence, qu'une cour provinciale n'a pas compétence pour entendre une demande de redressement dirigée contre le gouvernement fédéral. L'action devait être intentée en Cour fédérale du Canada. C'est ce que le requérant a fait et, tel qu'indiqué précédemment, l'affaire est pendante. En conséquence, la bande peut toujours exercer un recours en Cour fédérale du Canada contre le Gouvernement canadien. De plus, le requérant a porté la décision de la Cour du Banc de la Reine devant la cour d'appel de l'Alberta."
17.4 Enfin, 1'Etat partie affirme catégoriquement que la plupart des allégations de l'auteur qui figurent aux paragraphes 16.2 et 16.3 ci-dessus ne sont pas fondées. et soutient qu'elles constituent un usage abusif de la procédure et devraient entraîner le rejet de la communication conformément à l'article 3 du Protocole facultatif.
18.1 Dans des observations complémentaires soumises le 28 mars 1988, l'auteur commente l'aperçu général que 1'Etat partie a donné de l'évolution de l'affaire (voir par. 17.1)et ajoute les remarques suivantes : a) la bande du lac Lubicon n'était pas partie à la négociation de l'offre de règlement; b) l'offre de règlement repose sur une conception "extrêmement partisane" des droits de la bande du lac Lubicon au titre de la législation canadienne et sur une détermination également partisane de la qualité de membre de cette bande: c) le gouvernement fédéral négocierait avec moins de la moitié de la bande du lac Lubicon des questions non territoriales comme celle du logement: d)à l'exception de 25,4 miles carrés, le Canada a donné à bail la totalité des terres traditionnelles de la bande en vue de leur exploitation par une usine de pâte à papier qui serait construite près de Peace River, dans l'Alberta, par la Daishowa Canada Company Limited; e)le projet d'usine de pâte à papier de la Daishowa met un point final à tout espoir de la part des membres de la bande de pouvoir poursuivre certaines de leurs activités traditionnelles: et f)la Commission parlementaire permanente chargée des questions aborigènes, organe officiel de contrôle du Parlement canadien compétent pour ces questions, n'approuve pas la manière dont le Ministre des affaires indiennes et du développement du Nord a abordé la question du règlement.
18.2 L'auteur réaffirme que les actions en justice que la bande a engagées devant les tribunaux reposent essentiellement sur des revendications touchant ses droits autochtones et que, eu égard a la décision prise le 22 octobre 1987 par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta et aux décisions récentes de la Cour suprême évoquées par 1'Etat partie, la bande continue à se voir dénier un recours contre le Gouvernement fédéral du Canada.
18.3 L'auteur réfute ensuite l'allégation de 1'Etat partie suivant laquelle les observations qu'il a présentées le 12 janvier 1988 ne sont pas fondées et constituent un abus du droit de présenter une communication en vertu du Protocole facultatif: il réaffirme qu'il est tout prêt à fournir des détails sur les "21 décès non naturels dont la cause directe ou indirecte a été la destruction de l'économie et du mode de vie traditionnel de la population du Lubicon". Enfin, il fait observer que 1'Etat partie continue à ne pas accéder à la demande du Comité tendant à la prise de mesures conservatoires conformément à l'article 86 de son règlement intérieur, comme le montre le soutien que le gouvernement fédéral a apporté à la Daishowa pour son projet d'usine de pâte à papier. Ce soutien signifie que loin d'adopter les mesures conservatoires qui éviteraient à la bande un préjudice irréparable, le Canada a fait sien un projet qui pourrait accélérer la dégradation des terres traditionnelles de la bande.
19.1 Dans de nouvelles observations qu'il a présentées le 17 juin 1988, 1'Etat partie décrit l'évolution récente de l'affaire et souligne à nouveau que la bande du lac Lubicon n'a pas épuisé les recours disponibles. Il explique que depuis le 11 mars 1988, date a laquelle la bande a refusé la proposition du Gouvernement tendant a lui céder a titre provisoire 25,4 miles carres de terres de réserve, "des négociations ont été engagées entre 'le gouvernement fédéral, la province de l'Alberta et l'auteur. Toutefois, aucun progrès réel n'a été réalisé sur la voie d'un règlement. En conséquence, le 17 mai 1988, le gouvernement fédéral a engagé une action en justice contre la province de l'Alberta et la bande du lac Lubicon, afin que le Canada puisse s'acquitter de ses obligations conventionnelles à l'égard de la bande en vertu du Traité No 8. Selon l'acte introductif d'instance, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta doit faire une déclaration selon laquelle la bande du lac Lubicon a droit à une réserve et indiquer la superficie de cette réserve [...]. Le 9 juin 1988, la bande du lac Lubicon a présenté les conclusions de la défense et a déposé une demande reconventionnelle. Le 10 juin 1988, toutes les parties au différend se sont présentées devant le juge Moore de la Ccur du Banc de la Reine de l'Alberta et ont décidé que tous les efforts devaient être faits pour accélérer le règlement 'de l'affaire, le procès devant en principe avoir lieu le 16 janvier 1989".
19.2 L'Etat partie reconnaît l'obligation qui lui est faite, en vertu du Traité No 8, de fournir une réserve à la bande du lac Lubicon. Il fait observer que l'affaire à l'origine du différend interne et de la communication à l'étude concerne la superficie des terres qui doivent constituer la réserve et les questions qui en découlent. C'est pourquoi 1'Etat partie soutient que la communication ne relève en réalité d'aucune des dispositions du Pacte et que l'allégation de violation est en conséquence infondée.
20.1 Dans des observations soumises le 5 juillet 1988, l'auteur apporte de nouveaux renseignements et commente les dernières observations présentées par 1'Etat partie. Il relève les "nombreux problèmes" que pose l'action en justice que le gouvernement fédéral a engagée devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta contre le gouvernement provincial, entre autres le fait a) qu'elle ne tiendrait absolument aucun compte des revendications de la bande concernant des terres autochtones: b) que le gouvernement fédéral cherche à obtenir un jugement déclaratif concernant l'effectif de la bande, "apparemment fondé sur une méthode singulière et très controversée de calcul de cet effectif qui a été exposée dans de précédentes observations", et c) que les problèmes considérés ont déjà été quant au fond, soumis aux tribunaux dans le cadre des procédures en cours relatives a l'affaire du Lubicon. L'auteur fait observer qu'étant donné que "cette action en justice a été intentée devant la juridiction la moins élevée du Canada, et qu'elle entraînera des citations à comparaître et une étude généalogique extrêmement longue et complexe du Lubicon, ainsi que la formation de recours contre toute décision rendue, il n'y a aucune raison de penser qu'elle aura d'autre effet que celui de retarder indéfiniment le règlement des revendications foncières du Lubicon". L'auteur est convaincu que c'est précisément là l'objectif que poursuit le Gouvernement.
20.2 Dans une lettre datée du 28 octobre 1988, l'auteur informe le Comité que le 6 octobre 1988, la bande du lac Lubicon a proclamé sa compétence sur son territoire, le gouvernement fédéral ne lui donnant aucun espoir d'un règlement satisfaisant de la situation dans laquelle elle se trouve. L'Etat partie a continué d'atermoyer, "intoxiquant l'opinion dans les médias et congédiant les conseillers qui préconisaient une solution favorable au peuple du Lubicon. Parallèlement, la bande constate que la province de l'Alberta continue de délivrer des concessions pour la prospection de pétrole et de gaz et, désormais, aussi pour l'exploitation du bois sur les terres traditionnelles du peuple du Lubicon..."
20.3 L'auteur fait également observer que l'initiative du peuple du lac Lubicon a amené "le gouvernement de la province de l'Alberta à réagir d'une manière positive. Le Premier Ministre, Don Getty, a négocié un accord avec le chef Ominayak, en vertu duquel l'Alberta proposera au gouvernement fédéral de lui vendre 79 miles carrés de terres avec les droits sur le sol et le sous-sol, pour en faire une réserve destinée à la bande du lac Lubicon. La province a accepté de vendre au gouvernement fédéral 16 miles carrés supplémentaires avec les droits sur le sol uniquement, et de subordonner la mise en valeur du sous-sol de cette région à l'approbation de la bande. Ainsi, la superficie totale que la province a convenu de céder s'élève à 95 miles carrés, ce qui correspond à la superficie à laquelle la bande peut prétendre, compte tenu de son effectif actuel, en vertu de la Loi fédérale du Canada sur les Indiens... Le gouvernement fédéral a fait savoir qu'il était disposé a envisager le transfert de 79 miles carrés de terres au profit du peuple du lac Lubicon. Il a toutefois refusé d'accepter le transfert des 16 miles carrés restants, qu'il recommande de céder à la bande en pleine propriété. Cette mesure aurait pour effet d'obliger la bande à payer des impôts et des droits de mutation sur ces terres, tout en libérant le gouvernement fédéral d'une partie de ses obligations envers le peuple du lac Lubicon...".
21.1 Dans une autre communication datée du 2 février 1989, 1'Etat partie fait observer qu'en novembre 1988, à la suite d'un accord conclu entre le gouvernement provincial de l'Alberta et la bande du lac Luhicon sur la cession de 95 miles carrés de terres pour établir une réserve, le gouvernement fédéral a entamé des négociations avec la bande sur les modalités du transfert des terres et sur des questions connexes. Pendant les deux mois au cours desquels ont duré les négociations, une entente est intervenue sur la majorité des questions, y compris l'appartenance a la bande, la superficie de la réserve, les constructions destinées à la communauté, les programmes ainsi que les services à fournir. Toutefois, l'accord n'a pas pu se faire sur la question de la compensation en espèces, et le 24 janvier 1989, la bande s'est retirée des négociations au moment où le gouvernement fédéral présentait son offre formelle.
21.2 Après avoir examiné les principaux aspects de cette offre (transfert à la bande de 95 miles carrés de terres pour la réserve; l'acceptation du nombre de membres de la bande tel que calculé par la bande elle-même, l'affectation de 34 millions de dollars canadiens pour des projets de développement communautaire: l'octroi de 2,5 millions de dollars canadiens par année au titre de programmes d'appui fédéraux, proposition concernant la mise au point d'un plan de développement spécial pour aider la bande à établir une économie viable sur sa nouvelle réserve; et la création d'un fonds d'affectation spéciale de 500 000 dollars canadiens pour aider les membres plus âgés de la bande qui souhaitent poursuivre leur mode de vie traditionnel), 1'Etat partie fait observer que l'offre formelle du Gouvernement représente au total environ 45 millions de dollars en prestations et programmes, en plus de la réserve de 95 miles Carres. La bande a revendiqué une compensation supplémentaire de 114 à 275 millions de dollars pour prétendu manque à gagner. L'Etat partie a refusé de reconnaître à la bande le droit à ces sommes, mais lui a fait savoir qu'il était prêt a commencer à donner suite à son offre sous tous ses aspects, sans préjudice du droit de la bande d'intenter une action contre le gouvernement fédéral pour obtenir une compensation supplémentaire.
21.3 L'Etat partie conclut que son offre la plus récente ne manque pas d'être juste et équitable, notamment du fait qu'elle est en accord avec d'autres règlements récemment conclus avec des groupes d'autochtones et qu'elle tient compte des objectifs sociaux et économiques légitimes de la bande. Il ajoute que le processus de négociation communautaire doit être considéré comme un moyen pratique offrant aux communautés indiennes la possibilité d'étendre leur autonomie locale ainsi que leurs responsabilités en matière de prise de décisions. Le gouvernement fédéral prévoit dans sa politique des négociations sur une vaste gamme de questions telles que les institutions chargées de gouverner, la détermination de l'appartenance à un groupe. la responsabilité, les arrangements financiers, l'éducation, les services de santé et le développement social'. Sur la base de ce qui précède, 1'Etat partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable du fait qu'il n'y a pas eu épuisement de tous les recours internes.
22.1 Dans une autre communication datée du 22 mars 1989, l'auteur s'en prend à la communication de 1'Etat partie du 2 février 1989, déclarant que non seulement celle-ci a pour effet d'induire en erreur mais qu'elle est presque entièrement fausse, et il fait valoir que les récentes négociations entre la bande du lac Lubicon et le gouvernement fédéral n'ont pas représenté, de la part du Gouvernement. 'une tentative sérieuse de régler les problèmes du Lubicon". En fait, "l'offre formelle" du Gouvernement n'est à son avis qu'une opération de relations publiques et ne comporte pratiquement aucun engagement de la part du gouvernement fédéral. Il fait valoir que cette offre, si elle était acceptée, priverait les membres de la bande de tout moyen légal d'obtenir une modification de la situation en leur faveur.
22.2 Comme preuve de ses allégations, l'auteur indique que l'offre formelle du Gouvernement ne contient rien de plus que l'engagement de fournir des logements et une école. En revanche, on n'y trouve "aucun engagement de fournir desfacilités et du matériel nécessaires pour permettre à la bande du lac Lubicon de gérer ses propres affaires, notamment des facilités pour la formation professionnelle, qui est essentielle, et l'appui au développement commercial et économique, ni une base quelconque à partir de laquelle la bande pourrait réaliser son indépendance financière". Il fait en outre valoir que contrairement à ce qu'a déclaré 1'Etat partie, à savoir qu'un accord aurait été réalisé sur la majorité des questions pour lesquelles la bande cherchait une solution viable, y compris celles de l'appartenance à la bande, de la superficie de la réserve et des constructions pour la communauté, aucun accord ou consensus n'est intervenu sur l'une quelconque de ces questions. Par ailleurs, l'auteur souligne que l'Etat partie a fait valoir que son offre équivaudrait à environ 45 millions de dollars canadiens en prestations et en programmes sans toutefois indiquer que la majorité de ces fonds n'étaient toujours pas engagés et que la bande du lac Lubicon, en l'absence de moyens de recours, serait incapable à l'avenir d'obtenir des engagements du Gouvernement.
23.1 Dans une communication du 30 mai 1989, l'auteur rappelle que la bande fait valoir ses demandes devant les tribunaux canadiens depuis 14 ans et qu'étant donné la nature de ces demandes et les procédures judiciaires à suivre, la procédure se poursuivra pendant bien une dizaine d'années encore. L'Etat partie, indique-t-il, ne nie pas que les procédures et les négociations entamées pour assurer les moyens d'existence de la bande ont été inefficaces et que les procédures ayant trait aux litiges restant à régler en matière de titres fonciers et de dédommagement n'aboutiront pas avant plusieurs années, en admettant qu'elles aboutissent jamais. La bande ayant refusé une offre de règlement qui l'aurait obligée à renoncer à toutes les voies de recours possibles en cas de différend avec le Gouvernement canadien, contre la promesse de négociations ultérieures entre le Canada et la bande, le Gouvernement canadien a interrompu toute négociation. "Au lieu de s'engager sur la voie du compromis et du règlement, le Canada a infiltré des agents dans des communautés non autochtones du nord de l'Alberta, dans un secteur jouxtant le territoire traditionnel de la communauté du Lubicon." Par l'entremise d'un particulier qui aurait encore certains liens avec la bande mais avec laquelle il ne vit plus depuis plus de 40 ans, ces agents chercheraient à inciter d'autres autochtones à traiter directement et individuellement avec le gouvernement fédéral. La plupart de leurs recrues semblent n'avoir aucune attache avec l'une quelconque des sociétés aborigènes reconnues.
23.2 A l'appui de ses dires antérieurs, l'auteur explique que la perte de l'assise économique de la communauté du Lubicon et l'effondrement de ses institutions sociales -y compris le fait qu'elle soit contrainte à une existence sédentaire au lieu d'un mode de vie dominé par la chasse et le piégeage -contribuent aussi à altérer sérieusement la santé de ses membres : . . . leur régime alimentaire se trouve profondément modifié par la disparition du gibier, par l'obligation de consommer des aliments transformés, moins riches en substances nutritives, et par le spectre de l'alcoolisme qui, inconnu auparavant dans cette population, y fait maintenant d'énormes ravages... . Ces bouleversements dans l'existence matérielle de la communauté ont considerablement altéré la santé de ses membres et leur résistance aux infections. L'absence des ressources en eau courante et des installations sanitaires qui seraient nécessaires pour remplacer les systèmes traditionnels engendre des maladies liées à la misère et au manque d'hygiène, comme le prouvent l'augmentation étonnante du nombre de naissances anormales et l'épidémie récente de tuberculose, qui touche maintenant près du tiers de la communauté".
24.1 Dans une communication datée du 20 juin 1989, 1'Etat partie reconnait "que la bande du lac Lubicon a été victime d'une injustice et qu'elle a droit à une réserve et à des droits connexes". Il affirme toutefois avoir fait à la bande une offre qui devrait lui permettre de préserver sa culture, d'être maîtresse de son mode de vie et d'être autonome sur le plan financier, offre qui, si elle était acceptée, constituerait une solution interne efficace aux violations du Pacte dénoncées par la bande. Mais cette solution ne peut être qu'offerte à la bande, elle ne peut lui être imposée. L'Etat partie rappelle que les négociations ont eu lieu entre les hauts fonctionnaires du Gouvernement canadien. et la bande du lac Lubicon de novembre 1988 à janvier 1989; de plus, le premier Ministre du Canada a rencontré le chef Ominayak à l'automne de l'année 1988. L'Etat partie fait valoir que dans presque tous les cas, le Gouvernement canadien a, ou bien satisfait pleinement aux demandes de l'auteur de la communication, ou bien offert à la bande un traitement proche de celui accordé aux autres bandes Canadiennes, voire meilleur. L'offre faite à la bande comprenait 95 miles carrés de terres, des droits miniers sur 79 miles carrés, des services communautaires pour chaque famille vivant sur la réserve, l'autorité sur la composition de la bande et une aide permettant d'assurer à la bande son autonomie économique. Si l'on considère que la bande compte 500 membres et que les biens et services offerts par le Gouvernement s'élèvent à 45 millions de dollars (sans compter les terres et les droits miniers), l'offre du Gouvernement représente 90 000 dollars par personne, soit près d'un demi-million de dollars par famille de cinq personnes. Certaines demandes de la bande, comme une patinoire et une piscine, ont été rejetées.
24.2 Selon 1'Etat partie, le seul point important encore en litige entre le Gouvernement et la bande concerne l'indemnité de 167 millions de dollars que la bande réclame au titre des pertes financières et autres qu'elle aurait subies. Afin de permettre le règlement des questions sur lesquelles les parties se sont entendues, le gouvernement fédéral a fait une proposition qui permettrait a la bande d'accepter son offre en totalité tout en intentant une action en réparation générale devant les tribunaux canadiens. L'Etat partie rejette l'affirmation selon laquelle "pratiquement tous les points importants" de son offre "devaient faire l'objet de négociations ultérieures" et fait valoir que le Gouvernement a fait droit a la plupart des demandes de la bande concernant les terres, les droits miniers, les installations communautaires, l'autorité sur la composition de la bande et l'autonomie économique. Enfin, 1'Etat partie rejette l'accusation de mauvaise foi dans les négociations.
24.3 Au chapitre de la procédure, 1'Etat partie indique que le Comité, depuis qu'il a pris sa décision sur la recevabilité, n'a toujours pas fourni de précisions qui permettraient à 1 'Etat partie de réagir aux accusations d'incompatibilité avec le Pacte. Il considère par conséquent que la procédure n'a pas dépassé le stade de la recevabilité, Il fait valoir en outre que, pour se conformer à son mandat, le Comité doit a) préciser, en vertu de l'article 93, paragraphe 4, du règlement intérieur, le résultat du réexamen de sa décision sur la recevabilité: b) s'il déclare la communication recevable, indiquer les articles et les éléments de preuve sur lesquels il fonde cette décision; c)donner au gouvernement fédéral l'occasion de faire connaître dans les six mois ses observations sur le fond.
25. Par décision interlocutoire du 14 juillet 1989, le Comité des droits de l'homme a invité 1'Etat partie à lui soumettre, au plus tard le ler septembre 1989, toutes nouvelles explications ou déclarations complémentaires se rapportant aux allégations de l'auteur quant au fond, et l'a prié à nouveau, conformément a l'article 86 du règlement intérieur du Comité et en attendant sa décision finale de prendre des mesures pour éviter qu'un préjudice ne soit cause a l'auteur et aux autres membres de la bande du lac Lubicon.
26.1 Dans sa réponse du 31 août 1989 à cette décision interlocutoire, 1'Etat partie fait valoir qu'il n'a pas bénéficié d'une procédure régulière, puisque les principes d'impartialité et de loyauté veulent qu'une partie sache précisément ce dont elle est accusée et les éléments de preuve sur lesquels repose l'accusation. N'ayant pas été informé des articles du Pacte prétendument violés, ni des éléments d'appréciation qui ont amené le Comité à déclarer la communication recevable, le gouvernement fédéral estime que les principes d'équité n'ont pas été respectés et que son aptitude à répondre aux allégations de la bande s'en trouve diminuée.
26.2 Pour ce qui est des violations alléguées de l'article 14, paragraphe 1 et de l'article 26 du Pacte, 1'Etat partie rejette comme "totalement infondées" les allégations Selon lesquelles il n'aurait pas permis à la bande de se faire entendre par un tribunal, indépendant et impartial en vue du règlement de ses demandes : les tribunaux canadiens ont de tout temps administré la justice de façon impartiale et intègre, et nombreux ont été les plaignants indiens à en bénéficier. Les auteurs de la communication n'apportent aucun élément tendant à montrer que la justice aurait été administrée de façon discriminatoire dans le cas de la bande du lac Lubicon. L'Etat partie ajoute que s'il y a eu des retards dans le cours de la justice, c'est en grande partie le fait de la bande elle-même. Elle n'a pas pris les mesures voulues pour faire progresser les actions qu'elle avait engagées et elle a refuse de coopérer avec le gouvernement fédéral quand celui-ci a entrepris de régler les questions litigieuses; qui plus est, la bande a déclaré le 30 septembre 1988 ne pas reconnaître la compétence des tribunaux canadiens, ce qui a eu pour effet de mettre fin à l'effort entrepris pour trouver une solution par la voie judiciaire.
26.3 L'Etat partie fournit une chronologie judiciaire détaillée de l'affaire. Trois actions sont pendantes en ce qui concerne la bande du lac Lubicon. La première a été intentée par la bande devant la Cour fédérale contre le gouvernement fédéral. Elle est en suspens depuis 1981 et, selon 1'Etat partie. c'est à la bande qu'il appartient d'engager l'étape suivante de la procédure. La deuxième action a été intentée devant la Cour du Banc de la Reine (Court of Queen's Bench) de l'Alberta contre cette province et certaines sociétés privées. Depuis 1985, date à laquelle l'ordonnance conservatoire demandée par la bande a été refusée, celle-ci n'a en rien fait avancer la procédure et elle a renoncé à faire appel de la décision par laquelle la Cour avait refusé de mettre également en cause 1'Etat canadien. La troisième action a été engagée en mai 1988 par le gouvernement fédéral, qui voulait résoudre les problèmes de compétence en réunissant devant la même juridiction le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral et la bande, afin de régler définitivement l'affaire. Or la bande a refusé d'être partie a cette action, malgré la volonté du Président de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta de parvenir rapidement à une solution. Cette action reste elle aussi en suspens. De l'avis de 1'Etat partie, chacune de ces trois actions en justice offre à la bande un moyen d'obtenir satisfaction.
26.4 L'Etat partie fait valoir. que. parallèlement aux actions judiciaires, le qouveknement fédéral a essayé de régler l'affaire par la négociation. C'est ainsi que les offres faites lors des négociations décrites au paragraphe 24.1 ci-dessus satisfaisaient quasiment toutes les revendications de l'auteur de la demande, soit intégralement soit dans une très large mesure. De plus, une nouvelle série de pourparlers avaient commencé et "aucun effort n'était épargné pour qu'ils aboutissent". Les négociations de la bande avec le gouvernement de la province de l'Alberta avaient repris le 23 août 1989 et d'autres devaient s'ouvrir le 7 septembre 1989 avec le gouvernement fédéral. L'Etat partie confirme que l'offre qu'il a faite à la bande est toujours valable.
26.5 Pour ce qui est de la formule utilisée pour déterminer l'appartenance à la communauté du lac Lubicon, 1'Etat partie dit qu'il est "totalement faux" de prétendre, comme le fait la bande, que "le Canada a prétendu appliquer rétroactivement l'Indian Act (loi sur les Indiens), dans son texte antérieur à la modification découlant de la décision adoptée dans l'affaire Sandra Lovelace c. Canada". Bien au contraire, déclare 1'Etat partie, la bande a soumis en 1985 un règlement d'appartenance à la communauté conforme à la loi sur les Indiens (telle qu'elle avait été modifiée à la suite de la décision du Comité dans l'affaire Lovelace), règlement que le Gouvernement canadien a accepté et qui donne a la bande tous pouvoirs de décision sur l'appartenance à la communauté. Il s'ensuit que la proposition du Gouvernement canadien est fondée sur les quelque 500 habitants dont les dirigeants de la bande ont décidé qu'ils étaient membres de la communauté du lac Lubicon.
26.6 Pour ce qui est des allégations de violation des articles 17. 23, paragraphes 1, 18 et 27, 1'Etat partie rejette comme inexacte et tendancieuse la thèse de la bande selon laquelle "le Canada participe à un projet dans le cadre duquel pratiquement toutes les terres traditionnelles du Lubicon ont fait l'objet de concessions d'abattage". Il fait observer que l'usine de pâte a papier de la Daishowa, qui est en construction au nord de la Peace River, dans l'Alberta, n'est ni dans le périmètre des terres prétendument "ancestrales" de la bande, ni dans le territoire constitué en réserve selon les termes de l'accord entre la bande et le gouvernement provincial de l'Alberta. L'Etat partie déclare que la nouvelle usine de pâte à papier est située à environ 80 kilomètres de la limite des terres réservées à la bande. Il poursuit en ces termes : "S'agissant de la superficie des terres mises à la disposition de l'usine pour s'approvisionner en matières premières, l'accord d'exploitation forestière passé entre la province de l'Alberta et cette usine exclut expressément les terres offertes à la bande du lac Lubicon. De plus, pour garantir une saine exploitation forestière, les coupes annuelles effectuées en dehors des terres proposées a la bande toucheront moins de 1 % de la superficie spécifiée dans l'accord d'exploitation forestière."
26.7 Enfin, 1'Etat partie attire l'attention du Comité sur l'évolution récente de la situation de la communauté du lac Cadotte/lac Buffalo, au sein de laquelle vivent la majorité des membres de la bande du lac Lubicon. En décembre 1988, les autorités fédérales ont appris qu'un nouveau groupe de cette communauté avait entrepris de régler la question des droits détenus par ses membres en vertu du Traité No 8, indépendanunent, de la bande du lac Lubicon. Ce groupe, qui compte environ 350 autochtones, a demandé au Gouvernement de le reconnaître en tant que bande des Cree des forêts. Selon 1'Etat partie, il se compose de membres de la bande du lac Lubicon qui ont officiellement annoncé leur intention de s'intégrer dans la nouvelle bande, d'anciens membres de la bande du lac Lubicon expulsés par celle-ci en janvier 1989, et d'autres autochtones vivant dans la communauté. Le gouvernement fédéral a accepté de constituer la bande des Cree des forêts. L'Etat partie ajoute qu'il se reconnaît envers cette bande les mêmes obligations juridiques qu'envers la bande du lac Lubicon.
26.8 Dans une nouvelle communication, datée du 28 septembre 1989, 1'Etat partie se réfère aux négociations tripartites entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et la bande du lac Lubicon, qui auraient dû se dérouler fin août et début septembre 1989; il affirme qu'alors que la bande s'était engagée à soumettre une contre-proposition détaillée en réponse à l'offre du gouvernement fédéral et de fournir une liste des personnes qu'elle représentait dans les négociations, il a été informé le 7 septembre 1989 que la bande n'avait pas préparé de contre-proposition et qu'elle ne fournirait pas de liste. La bande aurait déclaré qu'elle ne négocierait pas en présence de M. Ken Colby, l'un des membres de l'équipe de négociateurs du Canada, parce qu'il faisait office de porte-parole du Gouvernement auprès des médias. La bande ayant ainsi refusé de poursuivre une discussion sérieuse sur ses revendications, les négociations n'ont pas repris.
27.1 Dans ses observations du 2 octobre 1989 sur la réponse de 1'Etat partie à la décision interlocutoire du Comité, l'auteur déclare que 1'Etat partie ne peut à bon droit se prétendre désavantagé dans la procédure engagée devant le Comité des droits de l'homme, puisque tous les faits et les motifs juridiques sur lesquels repose la plainte de la bande ont été abondamment exposés et discutés. Quant i! savoir si des voies de recours internes restent ouvertes à la bande, il fait observer qu'il n'existe aucun recours interne qui permette à la bande du lac Lubicon de rétablir son économie et de retrouver son mode de vie traditionnel, dont la destruction est "la conséquence directe à la fois de la néqliqeance et des actes délibérés du Gouvernement canadien". L'auteur fait observer que, du point de vue juridique, la situation de la bande est conforme à la décision que le Comité a prise dans l'affaire Muñoz c. Pérou, dans laquelle le Comité avait déclaré que la notion de procès équitable au sens de l'article 14, paragraphe 1, du Pacte implique nécessairement que la justice soit rendue sans retard excessif. Dans cette affaire, le Comité avait estime qu'un retard de sept ans dans la procédure judiciaire interne représentait un retard excessif. Dans l'affaire de la bande, précise l'auteur, les procédures judiciaires internes ont été engagées en 1975. En outre, et alors que la bande avait adressé au Gouvernement fédéral canadien une requête en création d'une réserve dès 1933, la question n'est toujours pas réglée. La bande considère que si elle a été contrainte de mettre un terme à 14 ans de procédure judiciaire, c'est finalement en raison de deux décisions qui ont eu pour effet de lui ôter toute possibilité de poursuivre la revendication de ses droits ancestraux a l'encontre du Gouvernement fédéral canadien. Ainsi, en 1986, la Cour suprême du Canada a décidé dans l'affaire Joe que les tribunaux fédéraux n'étaient pas compétents pour connaître des affaires de droits ancestraux survenant dans le cadre des provinces. Etant donné cette décision, la bande a demandé aux tribunaux de l'Alberta, en 1987, d'inclure le Gouvernement fédéral canadien au nombre des parties aux procédures concernant ces droits ancestraux. Le Gouvernement fédéral s'est opposé a cette demande.-En mai 1988, le gouvernement fédéral a intenté une action en justice pour essayer de persuader la Cour du Banc de la Reine (Court of Queen's Bench)de l'Alberta que la bande n'avait qu'un droit conventionnel sur 40 miles carrés de terre. L'auteur fait valoir que, du point de vue du gouvernement fédéral, une décision en ce sens lui permettrait de justifier les concessions d'abattage de la société Daishowa, qui englobent pratiquement tous les territoires traditionnels de la bande du lac Lubicon, et "invaliderait les arguments invoqués par la bande concernant la destruction de son assise économique". L'auteur ajoute que le Président de la Cour du Banc de la Reine (Court of Queen's Bench) a reconnu qu'il fallait régler la question des droits ancestraux avant de prendre une décision sur aucune question concernant les droits issus de traités: il précise que si le Canada avait réellement voulu que les tribunaux règlent la question des droits fonciers de la bande du lac Lubicon, au lieu de s'en servir pour retarder une décision en la matière, il aurait renvoyé la question directement devant la Cour suprême du Canada.
27.2 Quant à l'offre d'un règlement négocié faite par 1'Etat partie, l'auteur déclare que cette offre n'est pas équitable et ne répond pas aux besoins de la communauté du Lubicon car pratiquement tous les points de quelque importance resteraient à régler et devraient faire l'objet de nouvelles discussions, de décisions du Gouvernement canadien ou de demandes de la bande, en échange de quoi celle-ci devrait renoncer à toute action, sur le plan national ou international, à l'encontre de 1'Etat partie, et notamment retirer la communication soumise au Comité des droits de l'homme. L'auteur ajoute que l'accord d'octobre 1988 entre la bande et la province de l'Alberta ne règle en rien la question des revendications territoriales de la bande, "contrairement à ce que veut faire croire" 1'Etat partie. A ce propos, l'auteur fait valoir que, contrairement à ce qu'il avait prétendu précédemment, 1'Etat partie n'a pas offert de donner effet à l'accord d'octobre 1988 et que. s'il était réellement disposé à appliquer les dispositions de l'accord, il resterait à régler un certain nombre de questions, notamment celle d'une juste indemnisation.
27.3 A l'appui de ses observations antérieures faisant état de violations des articles 14 et 26 du Pacte, l'auteur affirme que non seulement 1'Etat partie n'a pas assuré à la bande du lac Lubicon une égale protection par rapport aux groupes non autochtones, mais qu'il a en outre cherché à priver la bande d'une égale protection par rapport aux autres bandes d'indiens. C'est ainsi que, s'agissant de l'appartenance à la bande, la formule proposée par le Canada en 1986 aurait pour effet de priver de leurs droits aborigènes plus de la moitié des Indiens du Lubicon, qui seraient ainsi l'objet d'un traitement inégal et discriminatoire par rapport à tous les autres aborigènes. L'auteur affirme que, au moins jusqu'en décembre 1988, 1'Etat partie a cherché à appliquer à la bande les critères énoncés dans la législation antérieure aux constatations faites par le Comité des droits de l'homme dans l'affaire Lovela c. Canada 11, législation qui avait été déclarée contraire à l'article 27 du Pacte.
27.4 Passant à ses allégations de violation des articles 17, 18, 23 et 27, l'auteur réaffirme que 1'Etat partie a tenté de dénaturer les faits récents et s'est concentré abusivement sur le projet d'exploitation forestière de la Daishowa pour détourner l'attention du Comité du fait que "c'est sciemment et délibérément qu'il anéantit la communauté du Lubicon". Il rappelle que sept mois seulement après que le Comité eut demandé des mesures conservatoires en application de l'article 86 du règlement intérieur, pratiquement toutes les terres traditionnelles du Lubicon avaient fait l'objet de concessions d'abattage pour le projet de la Daishowa. L'accord d'exploitation forestière destiné à alimenter en arbres la nouvelle usine englobe, selon l'auteur, la totalité des territoires traditionnels de chasse et de piégeage du Lubicon (10 000 kilomètres carrés), à l'exception de 65 kilomètres carrés mis 0 part mais jamais officiellement constitués en réserve. L'auteur fait valoir que le Canada a contrevenu à la demande de mesures conservatoires formulée par le Comité en vendant à une société japonaise les arbres qui couvrent ces 10 000 kilomètres carrés traditionnellement utilisés par la bande et qu'elle n'a jamais cédés. De plus, le Canada s'efforcerait de minimiser indûment l'impact du projet de la Daishowa; l'auteur fait observer que les plans de production actuels prévoient l'abattage de 4 millions d'arbres par an et que l'on a récemment annoncé l'intention de doubler en trois ans la production, qui est actuellement de 340 000 tonnes de pâte à papier par an. Si cette activité économique se poursuit comme prévu, on continuera de détruire l'ensemble du territoire traditionnel des Indiens du Lubicon. Il ne sert a rien que le territoire de 247 kilomètres carrés réservé par l'accord d'octobre 1988 demeure relativement intact, puisque le gibier qui traditionnellement assurait la subsistance de la bande a déjà été chassé de toute la zone de 10 000 kilomètres carrés.
27.5 Enfin, l'auteur fait valoir qu'en créant la "bande des Cree des forêts" et en s'efforçant de faire "revendiquer par d'autres" les terres traditionnelles du Lubicon, 1'Etat partie viole une fois de plus les articles premier, 26 et 27 du Pacte. A ce propos, il déclare que la bande des Cree des forêts est un "groupe hétéroclite formé de personnes tirées d'une douzaine de communautés différentes éparpillées dans toute l'Alberta et la Colombie britannique", qui n'ont aucun passé en tant que société autochtone organisée et qui, en tant que groupe, n'ont aucun lien avec le territoire traditionnel de la bande du lac Lubicon et que sa création "constitue la dernière en date des tentatives faites par le Canada pour ébranler la société traditionnelle du lac Lubicon et abolir ses droits fonciers".
L'auteur ajoute que le gouvernement fédéral a apporté une assistance financière et juridique a la bande des Cree des forêts et qu'il l'a reconnue avec "une célérité sans précédent", lui accordant la priorité sur plus de 70 autres groupes, notamment six communautés Cree homogènes et bien soudées du nord de l'Alberta qui attendent depuis plus de 50 ans d'être reconnues comme bandes. Certains des soi-disant membres de la "bande des Cree des forêts" viendraient de ces communautés-là. L'auteur se réfère à l'article 17 de la loi sur les Indiens, qui donne au Ministre fédéral chargé des affaires indiennes le pouvoir de constituer de nouvelles bandes et de mettre a la disposition d'une nouvelle bande "une partie, déterminée par le Ministre, des terres de la réserve et des fonds de la bande existante". De l'avis de l'auteur, les pouvoirs conférés par l'article 17 de la loi sur les Indiens sont "extraordinaires et inconstitutionnels" et ont été invoqués "pour créer [la] bande des 'Cree des forêts' et déposséder la bande du lac Lubicon de son territoire traditionnel et de sa culture". De plus, alors que 1'Etat partie prétend que la bande des Cree des forêts représente quelque 350 personnes, l'auteur indique que la nouvelle bande a toujours refusé d'en publier les noms aux fins de vérification. Le gouvernement fédéral, ajoute-t-il, a reconnu que la bande des Cree des forêts ne compte que 110 membres.
27.6 L'auteur conclut que 1'Etat partie n'a pas été en mesure de réfuter ses allégations de violation des articles 2, 6, paragraphes 1, 7, 14, paragraphes 1, 17, 18. paragraphes 1, 23, paragraphes 1, 26 et 27, formulées dans ses communications des 12 janvier 1988 et 30 mai. 1989, et prie le Comité de se prononcer contre 1'Etat partie en ce qui concerne ces articles. Quand la violation de l'article premier qu'on lui reproche, il fait observer que s'il a signé, en tant que représentant de la bande, toutes les conmwnications adressées au Comité, il a agi uniquement en sa qualité de représentant dûment élu de la bande et non en son propre nom. A ce propos il note que si l'article 2 du Protocole facultatif dispose que seuls les particuliers peuvent présenter une communication au Comité, l'article premier du Pacte garantit "à tous les peuples. . . le droit de disposer d'eux-mêmes". Il ajoute : "En décidant qu'un particulier qui soumet une communication au nom d'un groupe, conformément aux dispositions de l'article 2 du Protocole facultatif, ne peut exposer une réclamation au nom de ce même groupe en vertu de l'article premier du Pacte, le Comité déciderait en fait que les droits énoncés à l'article premier du Pacte n'ont pas force de loi." L'auteur ajoute encore qu "'il est évident que telle n'est pas l'intention du Comité et qu'en conséquence la bande estime . . . . respectueusement qu'en tant que peuple, représenté par son chef dûment élu, M. Bernard Ominayak, la bande du lac Lubicon est victime, de la part du Gouvernement fédéral du Canada, de violations . . . des droits énoncés
à l'article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques".
28.1 Dans une dernière communication datée du 8 novembre 1989, 1'Etat partie rappelle que pour se faire un avis sur les actions en justice concernant la bande du lac Lubicon, il convient de tenir compte du fait qu'il existe au Canada, en vertu de la Constitution, un partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et entre les compétences respectives des tribunaux. La Cour suprême du Canada a décidé que, lorsque des terres qui sont la propriété d'une province sont revendiquées (comme dans le cas du lac Lubicon), les plaintes dirigées contre le gouvernement provincial sont déposées devant les tribunaux provinciaux. De l'avis de 1'Etat partie, la décision de la Cour suprême définit avec précision les instances judiciaires devant lesquelles la bande peut faire valoir ses droits territoriaux ancestraux. Le fait que les conseils de la bande n'aient pas intente leur action devant les tribunaux compétents ne signifie pas que les tribunaux canadiens refusent ou soient incapables d'entendre leur cause équitablement.
28.2 Passant à la distinction entre les droits ancestraux et les droits issus de traités, 1'Etat partie explique que dans le droit constitutionnel canadien, les droits ancestraux peuvent être remplacés par des droits issus de traités. Lorsqu'il en est ainsi, les bandes indiennes peuvent prétendre à des avantages découlant de ces traités subséquents. L'Etat partie reconnaît que la bande du lac Lubicon peut légitimement revendiquer certains droits en vertu du Traité No. 8, conclu en 1899 avec les Indiens cree et les autres Indiens de la province de l'Alberta. Les propositions faites par le Gouvernement canadien et le Gouvernement de l'Alberta a la bande reposent sur les droits énonces dans le Traité No. 8. Les terres offertes par le gouvernement provincial en vertu de l'Accord de 1988 l'ont été dans le cadre des dispositions de ce traité. En revanche, la zone de 10 000 kilomètres carres mentionnée par la bande dans ses communications relève d'un droit ancestral qui n'est pas reconnu par le gouvernement fédéral. La plainte formulée par la bande à propos de la poursuite de l'exploration et de l'exploitation pétrolières et d'une éventuelle exploitation forestière porte sur des activités menées dans cette vaste zone de 10 000 kilomètres carrés et non pas sur les terres visées dans les projets d'accords entre la bande, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
28.3 L'Etat partie réfute la thèse de la bande selon laquelle son mode de vie fondé sur la chasse et le piégeage aurait été irrémédiablement détruit: il fait observer que, dans les zones concédées pour l'exploitation forestière, la forêt dans son ensemble reste intacte et peut continuer à faire vivre une population animale suffisante pour permettre aux membres de la bande du lac Lubicon qui le souhaitent de maintenir leur mode de vie traditionnel. Il ajoute que les perturbations apportées aux forêts entraînent en général une augmentation du nombre des grands mammifères, car la nourriture devient de ce fait plus abondante dans les clairières.
28.4 Enfin, 1'Etat partie souligne a nouveau que la bande des Cree des forêts s'est constituée à la demande même des intéressés. Il fait observer qu'une minorité d'indiens souhaitant appartenir à cette bande étaient à un moment donné des membres à part entière de la bande du lac Lubicon. Certains d'entre eux l'ont depuis quittée de leur plein gré: une trentaine d'autres en ont été exclus en 1989. L'Etat partie fait observer que les membres de la bande des Cree des forêts ont demandé au gouvernement fédéral de les reconnaître comme tels, tout comme les membres de la bande du lac Lubicon avaient demandé à être reconnus comme tels dans les années 30. Le gouvernement fédéral a reconnu la nouvelle bande parce que certains de ses membres ont, en vertu du Traité No. 8, des droits territoriaux qu'ils souhaitent exercer. L'Etat partie ajoute que la bande des Cree des forêts a été reconnue à la demande des intéressés, qui souhaitent être reconnus comme tels afin de pouvoir vivre collectivement, et que cette bande n'a réclamé aucune des terres revendiquées par la bande du lac Lubicon.
Résumé des communications
29.1 Au début, dans sa réclamation, située dans un ensemble de faits complexes, l'auteur alléguait principalement que la bande du lac Lubicon avait été privée du droit de disposer d'elle-même ainsi que du droit de disposer librement de ses richesses et ressources naturelles. Bien que le Gouvernement canadien ait, par la loi sur les Indiens de 1970 et le Traité No 8 de 1899, reconnu le droit de la bande du lac Lubicon a poursuivre son mode de vie traditionnel, ses terres (10 000 kilomètres carrés environ) avaient été expropriées à des fins commerciales (prospection de pétrole et de gaz) et détruites, ce qui avait privé la bande du lac Lubicon de ses moyens de subsistance et de la jouissance de son droit à l'autodétermination. La destruction rapide de l'assise économique et du mode de vie aborigène de la bande avait déjà causé un dommage irréparable. L'auteur alléguait en outre que le Gouvernement canadien s'était délibérément servi des moyens politiques et juridiques disponibles au Canada pour empêcher et retarder les actions en justice de la bande de manière qu'avec le développement industriel de la région, s'accompagnant de la destruction du milieu écologique et de l'assise économique de la bande, celle-ci ne puisse survivre en tant que nation. L'auteur déclarait que la bande du lac Lubicon ne demandait pas au Comité une décision sur des droits territoriaux mais seulement que le Comité l'aide à tenter de convaincre le Gouvernement : a) que l'existence de la bande était gravement menacée et b)que le Canada était responsable de la situation actuelle.
29.2 Dès le début, 1'Etat partie a repoussé les allégations selon lesquelles l'existence de la bande du lac Lubicon était menacée et affirmé que la poursuite de la mise en valeur de la région ne causerait pas de dommage irréparable au mode de vie traditionnel de la bande. Il estimait que la revendication, par la bande du lac Lubicon, de certaines terres situées dans la partie septentrionale de l'Alberta n'était qu'un élément d'une situation qui était extrêmement complexe du fait des revendications concurrentes de plusieurs autres communautés autochtones de la région, que la bande disposait encore de recours effectifs pour faire valoir ses revendications tant par la voie judiciaire que par la négociation, que le Gouvernement avait fait à la bande un versement à titre gracieux de 1,5 million de dollars canadiens pour couvrir ses frais de justice et que, de toute façon, l'article premier du Pacte, ayant trait aux droits d'un peuple, ne pouvait être invoqué en vertu du Protocole facultatif, qui prévoit l'examen de prétendues violations de droits individuels mais non de droits collectifs conférés à des peuples.
29.3 Telle était la situation lorsque le Comité a décidé, en juillet 1987, que la communication était recevable "dans la mesure où elle pouvait soulever des questions au regard de l'article 27 ou d'autres articles du Pacte". Etant donné la gravité des allégations de l'auteur selon lesquelles la bande du lac Lubicon était au bord de l'extinction, le Comité a prie 1'Etat partie, conformément a l'article 86 du règlement intérieur, "de prendre des mesures provisoires pour éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé [à l'auteur de la communication]et aux autres membres de la bande du lac Lubicon".
29.4 Faisant valoir que le mode de vie traditionnel de la bande du lac Lubicon n'avait pas été atteint de manière irréparable et n'était pas menacé de manière imminente et que tant un procès sur le fond que le processus de négociation proposé constituaient des recours effectifs au même titre que l'injonction provisoire que la bande avait cherché sans succès à obtenir des tribunaux, 1'Etat partie a, en octobre 1987, prié le Comité, en vertu du paragraphe 4 de l'article 93 du règlement intérieur, de réexaminer sa décision de recevabilite dans la mesure où elle se fondait sur la règle de l'épuisement des recours internes. L'Etat partie soulignait à ce propos que les retards intervenus dans les procédures judiciaires engagées par la bande étaient dus pour une bonne part à l'inaction de la bande. Il faisait aussi valoir qu'il avait pour politique de s'efforcer de résoudre par la négociation les revendications foncières justifiées et en suspens de bandes indiennes.
29.5 Depuis octobre 1987, les parties ont présenté un certain nombre d'observations, réfutant mutuellement leurs déclarations comme étant fausses ou fallacieuses quant aux faits. L'auteur a allégué que 1'Etat partie avait Crée une situation qui avait causé directement ou indirectement la mort de beaucoup de membres de la bande et menaçait la vie de tous les autres membres de la communauté du lac Lubicon, que le nombre de fausses-couches et d'enfants morts-nés avait monté en flèche et que celui des anomalies à la naissance était passé de 0 a presque 100 %, tout cela en violation de l'article 6 du Pacte, que les effets dévastateurs causés à la communauté constituaient des traitements cruels, inhumains et dégradants en violation de l'article 7, que la partialité des tribunaux canadiens faisait obstacle aux efforts déployés par la bande pour protéger ses terres, sa communauté et ses moyens d'existence, que plusieurs des juges entretenaient manifestement des liens économiques et personnels avec les parties adverses, en violation du paragraphe 1 de l'article 14 et de l'article 26. que 1'Etat partie avait permis la destruction des familles et des foyers des membres de la bande en violation de l'article 17 et du paragraphe 1 de l'article 23, que les membres de la bande étaient "spoliés du substrat physique qui [servait]de Support à leur religion", en violation du paragraphe 1 de l'article 18, et que tous les faits susmentionnés constituaient aussi des violations des paragraphes 1 à 3 de l'article 2 du Pacte.
29.6 L'Etat partie a rejeté catégoriquement les allégations ci-dessus comme étant non fondées et non établies et comme constituant un abus du droit de communication. Il affirme que des efforts réels et sérieux ont continué d'être faits au début de 1988 pour engager des négociations avec les représentants de la bande du lac Lubicon au sujet des revendications de la bande. Ces efforts, qui comportaient une offre provisoire de céder à la bande 25,4 milles carres de terres réservées, sans préjudice de toute négociation ou action en justice, ont échoué. D'après l'auteur, a l'exception de 25,4 milles carrés, le Canada a donné à bail la totalité des terres traditionnelles de la bande - au mépris de la demande du Comité tendant à la prise de mesures conservatoires -en vue de leur exploitation par une usine de pâte a papier qui serait construite près de Peace River, dans l'Alberta, par la Daishowa Canada Company Ltd, et le projet de la Daishowa a mis un point final à tout espoir de la part des membres de la bande de pouvoir poursuivre certaines de leurs activités traditionnelles.
29.7 Reconnaissant l'obligation qui lui est faite, en vertu du Traité No. 8, de fournir une réserve a la bande du lac Lubicon et après de nouvelles discussions qui n'ont pas abouti, le Gouvernement fédéral a, en mai 1988, engagé une action en justice contre la province de l'Alberta et la bande du lac Lubicon afin qu'il y ait une juridiction commune et que le Canada puisse ainsi s'acquitter de ses obligations à l'égard de la bande découlant du Traité No. 8. Selon l'auteur, cependant, cette initiative n'a pas d'autre but que de retarder indéfiniment le règlement des revendications foncières du Lubicon et, le 6 octobre 1988 (le 30 septembre, selon 1'Etat partie), la bande du lac Lubicon a proclamé sa juridiction sur son territoire et déclaré qu'elle cessait de reconnaître la compétence des tribunaux canadiens. L'auteur a en outre accusé 1'Etat partie d" 'intoxiquer l'opinion dans les médias et de congédier les conseillers qui préconisaient une solution favorable au peuple de Lubicon".
29.8 En novembre 1988, a la suite d'un accord conclu entre le Gouvernement provincial de l'Alberta et la bande du lac Lubicon sur la cession de 95 milles carrés de terres pour établir une réserve, le Gouvernement fédéral et la bande ont entamé des négociations sur les modalités du transfert terres des et sur des 1'Etat partie, une entente était intervenue sur la majorité des questions, y compris l'appartenance à la bande, la superficie de la réserve, les constructions destinées à la communauté et les programmes et services à fournir, mais non sur la question de la compensation en espèces. lorsque la bande s'est retirée des négociations le 24 janvier 1989. L'offre formelle du Gouvernement fédéral représentait alors environ 45 millions de dollars en prestations et programmes, en plus de la réserve de 95 milles Carres.
29.9 L'auteur, quant à lui, déclare que les informations ci-dessus de 1'Etat partie n'ont pas seulement pour effet d'induire en erreur mais qu'elles Sont presque entièrement fausses et que le Gouvernement ne fait aucun effort sérieux pour aboutir à un règlement. Il qualifie l'offre du Gouvernement d'opération de relations publiques qui "ne comporte pratiquement aucun engagement de la part du Gouvernement fédéral", et déclare qu'aucun accord ou consensus n'est intervenu sur aucune question. L'auteur accuse en outre 1'Ftat partie d'infiltrer des agents dans des communautés jouxtant le territoire traditionnel de la communauté du Lubicon pour inciter d'autres autochtones à revendiquer de leur côte des terres traditionnelles du Lubicon.
29.10 L'Etat partie rejette l'allégation selon laquelle il aurait négocié de mauvaise foi ou agi irrégulièrement au détriment des intérêts de la bande du lac Lubicon. Il reconnaît que la bande du lac Lubicon a été victime d'une injustice historique mais affirme avoir fait à la bande une offre formelle qui, si elle était acceptée, devrait lui permettre de préserver sa culture, d'être maîtresse de son mode de vie et d'être autonome sur le plan économique, offre qui constituerait ainsi une solution interne efficace. Si l'on considère que la bande compte 500 membres et que les biens et services offerts par le Gouvernement s'élèvent à 45 millions de dollars canadiens, l'offre du Gouvernement représente près de 500 000 dollars canadiens par famille de cinq personnes. Certaines demandes de la bande, comme une patinoire et une piscine, ont été rejetées. Selon 1'Etat partie, le seul point important encore en litige concerne l'indemnité de 167 millions de dollars canadiens que la bande réclame au titre des pertes économiques et autres qu'elle aurait subies. Selon lui, cette demande pourrait être portée devant les tribunaux, que l'offre formelle soit acceptée ou non. L'Etat partie réaffirme que l'offre qu'il a faite à la bande reste valable.
20.11 D'autres communications des deux parties ont traité entre autres de l'influence de l'usine de pâte a papier de la Daishowa sur le mode de vie traditionnel de la bande du lac Lubicon. Alors que l'auteur déclare que l'usine aurait un impact dévastateur, 1'Etat partie affirme qu'elle n'entraînerait pas de conséquences graves, faisant observer que l'usine de pâte a papier, située a environ 80 kilomètres de la limite des terres réservées a la bande, n'est pas dans le périmètre des terres prétendument ancestrales de la bande, et que les coupes annuelles, effectuées en dehors des terres proposées à la bande, toucheront moins de 1 % de la superficie spécifiée dans l'accord d'exploitation forestière.
30. Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations écrites qui lui ont été soumises par les parties, comme le stipule l'article 5, paragraphe 1, du Protocole facultatif. A ce propos, il fait observer que le désaccord persistant des parties sur les faits de la cause a rendu particulièrement difficile l'examen au fond de leurs thèses respectives.
Demande de réexamen de la décision sur la recevabilité
31.1 Le Comité a étudié avec le plus grand soin la demande de 1'Etat partie tendant à ce qu'il réexamine sa décision déclarant la communication recevable, aux fins du Protocole facultatif, "dans la mesure où elle peut soulever des questions au regard de l'article 27 ou d'autres articles du Pacte". Au vu des informations dont il dispose maintenant, le Comité note que 1'Etat partie a fait valoir de façon convaincante que, si elle avait activement mené son affaire devant les tribunaux compétents, la bande du lac Lubicon aurait pu abréger des délais qui ont semblé anormalement longs. Mais la question est de savoir si la voie de la confrontation judiciaire aurait été un bon moyen de sauvegarder restaurer ou de le mode de vie Lubicon, mode de vie dont la bande a dit qu'il était, à l'époque pertinente, sur le point de disparaître. Le Comité n'est pas persuadé que cela aurait constitué un recours efficace au sens de l'article 5, alinéa 2 b), du Protocole facultatif. En l'occurrence, le Comité confirme sa décision antérieure sur la recevabilité.
31.2 A ce stade, le Comité tient aussi a déclarer qu'il ne peut suivre 1'Etat partie lorsque celui-ci lui reproche d'avoir failli a sa tâche en ne précisant pas, au moment ou il a déclaré la communication recevable, qu'elles étaient celles des allégations de l'auteur qui méritaient d'être examinées au fond. Les arguments de l'auteur étaient certes parfois confus, mais ils ont été exposés assez clairement pour que 1'Etat partie et le Comité puissent répondre sur le fond.
Articles du Pacte oui auraient été violés
32.1 La question s'est posée de savoir si tout grief présenté au titre de l'article premier du Pacte pouvait être maintenu malgré la décision prise par le Comité concernant la recevabilité. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes,de déterminer librement leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel, comme le stipule l'article premier du Pacte, mais la question de savoir si la bande du lac Lubicon constitue un "peuple" n'est pas de celles que le Comité puisse traiter dans le cadre du Protocole facultatif concernant le Pacte. Ce Protocole offre à des particuliers le moyen de se faire entendre lorsqu'ils estiment que leurs droits individuels ont été violés. Ces droits sont énoncés dans la troisième partie du Pacte, aux articles 6 à 27. Cela dit, rien ne s'oppose à ce qu'un groupe de personnes, s'estimant victimes d'un même préjudice, présentent ensemble une communication alléguant une atteinte à leurs droits.
32.2 Bien qu'ils aient été initialement présentés comme relevant de l'article premier du Pacte, il ne fait pas de doute que bon nombre des griefs formulés soulèvent des questions qui relèvent de l'article 27. Le Comité constate qu'au nombre des droits protégés par l'article 27 figure le droit pour des personnes d'avoir, en commun avec d'autres, des activités économiques et sociales qui s'inscrivent dans la culture de leur communauté. Les allégations très générales d'atteintes particulièrement graves à d'autres articles Pacte (les du 26), présentées après que la communication eut été déclarée recevable, n'ont pas été suffisamment étayées pour mériter un examen sérieux. De même, les allégations de violation des articles 17 et 23, paragraphe 1, sont elles aussi très générales et il n'en sera pas tenu compte si ce n'est dans la mesure où elles peuvent être considérées comme englobées dans les allégations qui relèvent essentiellement de l'article 27.
32.3 Les dernières en date des allégations, selon lesquelles 1'Etat partie aurait suscité de toutes pièces une bande des Cree des forêts qui aurait des revendications concurrentes sur les terres traditionnelles de la communauté du Lubicon, sont rejetées comme constituant un abus du droit de le saisir Comité, au sens de l'article 3 du Protocole facultatif.
Les violations et la réparation offerte
33. Les inégalités historiques mentionnées par 1'Etat partie et certains faits plus récents menacent le mode de vie et la culture de la bande du lac Lubicon et constituent une violation de l'article 27 tant qu'ils n'auront pas été éliminés.L'Etat partie propose de remédier à la situation en offrant une réparation que le Comité juge appropriée au sens de l'article 2 du Pacte.
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* Individual opinions submitted by Mr. Nisuke Ando and Mr. Bertil Wennergren, respectively, are appended.
I do not oppose the adoption of the Human Rights Committee's views, as they may serve as a warning against the exploitation of natural resources which might cause irreparable damage to the environment of the earth that must be preserved for future generations. However, I am not certain if the situation at issue in the present communication should be viewed as constituting a violation of the provisions of article 27 of the Covenant.
Article 27 stipulates: "In those States in which ethnic, religious or linguistic minorities exists, persons belonging to such minorities shall not be denied the right, in community with the other members of their group, to enjoy their own culture, to profess and practice their own religion, or to use their own language". Obviously, persons belonging to the Lubicon Lake Band are not denied the right to profess and practice their own religion or to use their own language. At issue in the present communication is therefore, whether the recent expropriation by the Government of the Province of Alberta of the Band's land for commercial interest (e.g. leases for oil and gas exploration) constitutes a violation of those persons' right "to enjoy their own culture".
It is not impossible that a certain culture is closely linked to a particular way of life and that industrial exploration of natural resources may affect the Band's traditional way of life, including hunting and fishing. In my opinion, however, the right to enjoy one's own culture should not be understood to imply that the Band's traditional way of life must be preserved intact at all costs. Past history of mankind bears out that technical development has brought about various changes to existing ways of life and thus affected a culture sustained thereon. Indeed, outright refusal by a group in a given society to change its traditional way of life may hamper the economic development of the society as a whole.
For this reason I would like to express my reservation to the categorical statement that recent developments have threatened the life of the Lubicon Lake Band and constitute a violation of article 27.
The communication in its present form essentially concerns the authors' rights to freely dispose of their natural wealth and resources, and to retain their own means of subsistence, such as hunting and fishing. In its decision of 22 July 1987, the Human Rights Committee decided that the communication was admissible in so far as it could have raised issues under article 27 or other articles of the Covenant. With respect to provisions other than article 27 the authors' allegations have remained, however, of such a sweeping nature that the Committee has not been able to take them into account except in so far as they may be subsumed under the claims which, generally, raise issues under article 27. That is the basis of my individual opinion.
Since the Committee adopted its decision on admissibility, discussions seeking a resolution of the matter have taken place between the Federal Government, the Province of Alberta and the authors. As no progress was made towards a settlement, the Federal Government initiated legal proceedings against the Province of Alberta and the Lubicon Lake Band on 17 May 1988, in order to enable Canada to meet its legal obligations vis-a-vis the authors under Treaty 8. The Statement of Claim, initiating the legal action, seeks from the Court of the Queen's Bench of Alberta (a) a declaration that the Lubicon Lake Band is entitled to a reserve and (b) a determination of the size of that reserve.
On 9 June 1988, the Lubicon Lake Band filed a Statement of Defence and Counterclaim. In this connection, the State party has submitted that the issue forming the basis of the domestic dispute as well as the basis of the communication before the Human Rights Committee concerns the extent of the territory to be set aside as a reserve, and related issues. It is not altogether clear that all issues which may be raised under article 27 of the Covenant are issues to be considered by the Court of Queen's Bench of Alberta in the case still pending before it. At the same time, it does appear that issues under article 27 of the Covenant are inextricably linked with the extent of the territory to be set aside as a reserve, and questions related to those issues.
The rationale behind the general rule of international law that domestic remedies should be exhausted before a claim is submitted to an instance of international investigation or settlement is primarily to give a respondent State an opportunity to redress, by its own means within the framework of its domestic legal system, the wrongs alleged to have been suffered by the individual. In my opinion, this rationale implies that, in a-case such as the present one, an international instance shall not examine a matter pending before a court of the respondent State. To my mind, it is not compatible with international law that an international instance consider issues which, concurrently, are pending before a national court. An instance of international investigation or settlement must, in my opinion, refrain from considering any issue pending before a national court until such time as the matter has been adjudicated upon by the national courts. As that is not the case here, I find the communication inadmissible at this point in time.