CCPR/C/99/D/1793/2008
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Distr. Restreinte * 30 août 2010
Original: français
Comité des droits de l’homme
Quatre vingt-dix-neuvième session
12-30 juillet 2010
Décision
Communication no. 1793/2008
Présentée par: Béatrice Marin (non représentée par un conseil)
Au nom de : L’auteur
État partie: France
Date de la communication: 5 mai 2008 (date de la lettre initiale)
Références: Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 14 août 2008 (non publiée sous forme de document)
Date de la décision : 27 juillet 2010
* Rendue publique sur décision du Comité des droits de l’homme.
Objet: Légalité de la procédure par laquelle l’auteur a contesté ses résultats à un concours visant au pourvoi de magistrats administratifs
Questions de procédure: Examen de la même question devant une autre instance internationale de règlement; irrecevabilité ratione materiae; irrecevabilité pour étayement insuffisant des allégations
Question de fond: Droit à un procès équitable
Article du Pacte: 14 (1)
Articles du Protocole facultatif : 2, 3, 5 paragraphe (2) (a)
Le Groupe de travail du Comité des droits de l’homme recommande au Comité d’examiner le texte de l’annexe ci-après en vue de son adoption en tant que décision du Comité sur la recevabilité.
Annexe
Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(quatre-vingt-dix- neuvième session)
concernant la
Communication no 1793/2008 **
Présentée par : Béatrice Marin (non représentée par un conseil)
Au nom de : L’auteur
État partie : France
Date de la communication : 5 mai 2008 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l’homme, institué en application de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Réuni le.
Adopte ce qui suit: 27 juillet 2010
Décision sur la recevabilité
1.1 L’auteur de la communication, datée du 5 mai 2008, est Béatrice Marin, de nationalité française. Elle affirme être victime d’une violation par la France de l’article 14, alinéa 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle n’est pas représentée. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour la France respectivement les 4 février 1981 et 17 mai 1984.
1.2 Le 13 août 2008, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications, agissant au nom du Comité, a décidé que la recevabilité de la communication devait être examinée séparément du fond.
Rappel des faits présentés par l’auteur
2.1 Les 14 et 15 avril 2005, l’auteur a participé aux deux épreuves écrites d’admissibilité au concours organisé par le Conseil d’État pour le recrutement de conseillers auprès du tribunal administratif et de la cour administrative d’appel. Le 3 juin 2005, les résultats des épreuves écrites d’admissibilité ont été communiqués sur le site internet du Conseil d’État. L’auteur a constaté que n’ayant pas atteint le score minimum requis, elle n’était pas admissible à passer l’épreuve orale. Ses notes lui ont ensuite été envoyées par courrier.
2.2 Ne comprenant pas pourquoi elle avait obtenu un résultat si faible, l’auteur a demandé, le 8 juin 2005, qu’on lui expédie au plus vite les copies de ses deux épreuves écrites. A la réception de ses copies, elle aurait remarqué un dysfonctionnement flagrant dans la correction : d’une part, ses copies n’avaient pas reçu le bénéfice d’une double correction comme cela est prévu dans ce concours par procès-verbal et, d’autre part, le correcteur de chacune de ses deux copies n’était pas habilité par les arrêtés du ministre de la justice (arrêtés du 26 janvier et du 23 mars 2005).
2.3 Le 16 juin 2005, l’auteur a saisi le Conseil d’État d’un référé suspension accompagné d’une requête au fond, et d’un référé liberté. Par ces référés, elle se prévalait d’une atteinte grave et manifestement illégale à l’égalité de traitement des candidats, réclamait que le Conseil d’État annule la correction de ses deux épreuves écrites d’admissibilité, et qu’il enjoigne l’administration à procéder à la recorrection de ces deux épreuves. Elle demandait en outre à ce que, selon les résultats obtenus après nouvelle correction, le Conseil d’État enjoigne l’administration de lui permettre de se présenter aux épreuves orales.
2.4 Par deux ordonnances du 17 juin 2005, le Conseil d’État a rejeté les requêtes de l’auteur, au motif qu’aucun des moyens soulevés ne paraissait de nature à faire ressortir une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Ces décisions ont été notifiées à l’auteur le 23 juin 2005.
2.5 Le 29 juillet 2005, le Conseil d’État, « juge et partie », a présenté un mémoire en défense en réponse à la requête sur le fond introduite par l’auteur. A titre principal, il demandait au Conseil d’État (donc à lui-même) de rejeter la requête pour irrecevabilité, et, à titre subsidiaire, soutenait que les copies avaient été corrigées par des correcteurs habilités, sans pour autant apporter de preuve à cet égard. Par ailleurs, le Conseil d’État aurait déclaré que les copies ne sont jamais signées par les correcteurs mais qu’en revanche, le « surveillant » est tenu d’apposer sa signature. Le 30 août 2005, l’auteur a déposé un mémoire ampliatif visant à démontrer que la procédure de notation était illégale.
2.6 Par ordonnance du 29 septembre 2005, le Conseil d’État a déclaré la requête irrecevable, au motif que l’acte attaqué 1 constituait une mesure préparatoire indissociable de la délibération du jury arrêtant les résultats du concours, et était, en tant que tel, non-susceptible de recours. L’auteur souligne que les deux référés ont été jugés recevables mais rejetés par le Conseil d’État, tandis que la requête au fond a été jugée irrecevable alors qu’il était de jurisprudence constante que les étapes relatives à un concours, telle que l’étape de l’« admissibilité », sont des actes décisoires et non préparatoires. Ceux-ci devraient donc pouvoir être contestés à n’importe quel moment du concours sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre la publication des résultats finaux d’admission.
2.7 L’auteur ajoute qu’en vertu de l’article R311-1-4 du Code de justice administrative, seul le Conseil d’État est compétent en matière de litige concernant les concours nationaux. Selon elle, ce pouvoir juridictionnel est contraire à l’article 14, alinéa 1, du Pacte, et le Conseil d’État devrait être compétent dans tous les cas prévus par l’article R311-1-4 du Code de justice administrative, sauf lorsqu’il est lui-même l’organisateur d’un concours national. Elle ajoute que les décisions du Conseil d’État sont insusceptibles de recours.
2.8 L’auteur a introduit une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a été rejetée le 29 septembre 2006 comme incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) 2.
Teneur de la plainte
3. L’auteur estime que, statuant dans le cadre des trois actions qu’elle a intentées, conformément à ses attributions définies par l’article R311-1-4 du code de justice administrative, alors qu’il était en même temps l’organisateur du concours litigieux qu’elle a passé, le Conseil d’État s’est trouvé en position de « juge et partie ». Ce faisant, l’État partie aurait violé l’article 14, alinéa 1, du Pacte à son égard. La seule voie possible pour contester cette loi serait de saisir le Conseil d’État, mais cette voie de recours serait selon l’auteur vouée à l’échec puisque le Conseil d’État serait à nouveau en position de « juge et partie ».
Observations de l’État partie sur la recevabilité
4.1 Le 7 août 2008, l’État partie conteste la recevabilité de la communication. Il invoque sa réserve faite au sujet du paragraphe 2 (a) de l’article 5 du Protocole facultatif, applicable selon lui en l’espèce puisque la même question a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a rejeté la requête de l’auteur comme étant irrecevable le 29 septembre 2006.
4.2 L’État partie fait valoir, en outre, que les allégations de l’auteur ne sont pas suffisamment étayées, voire abusives au sens de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il note que l’auteur n’a apporté aucune preuve au soutien de son allégation relative à l’impartialité des membres du Conseil d’État3. Il ajoute que le service des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (STACAA) qui gère le concours de recrutement complémentaire de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, auquel a participé l’auteur, relève de l’activité administrative du Conseil d’État. La section du contentieux, appelée à connaître de ce concours à titre juridictionnel, est totalement indépendante de ce service, et exerce en toute impartialité sa mission de contrôle de la légalité4. Il existe une stricte séparation entre les activités administratives et les fonctions juridictionnelles du Conseil d’État. Pour ces deux motifs, l’État partie considère la communication irrecevable.
Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie
5.1 Le 1er septembre 2008, l’auteur affirme que la réserve de l’État partie au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif ne constitue pas un obstacle à la recevabilité de sa communication, puisque la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas examiné sa requête sur le fond, se contentant de la déclarer irrecevable. Se référant à la jurisprudence du Comité, elle ajoute que les droits proclamés par la CEDH différant des droits consacrés par le Pacte, et sa requête ayant été déclarée irrecevable ratione materiae par la Cour européenne des droits de l’homme, elle n’aurait dans ces circonstances pas été « examinée » au sens de la réserve émise par l’État partie à l’égard du paragraphe 2 (a) de l’article 5 du Protocole facultatif 5.
5.2 En réponse à l’argument de l’État partie relatif à la séparation stricte entre les fonctions administratives et juridictionnelles du Conseil d’État, et à l’impartialité corollaire des membres de la section du contentieux, l’auteur souligne que le Vice-Président du Conseil d’État supervise le Secrétariat général, dont dépend le STACAA qui gère le concours auquel elle a participé, mais aussi la section du contentieux 6. Selon elle, l’État partie ne saurait dans ces conditions soutenir que ces sections sont indépendantes. L’auteur ajoute que deux des membres du jury pour le concours auquel elle a participé en 2005 exerçaient durant la même période des fonctions de conseillers d’État, l’un au sein du tribunal des conflits du Conseil d’État, et le second dans la section du contentieux 7. Elle en conclut que dès lors, la section du contentieux, dont certains membres faisaient partie du jury pour le concours sur lequel ils ont en même temps été appelés à statuer à titre juridictionnel, ne saurait être qualifiée d’indépendante.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Conformément au paragraphe 2 (a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a constaté qu’une plainte similaire déposée par l’auteur avait été déclarée irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme le 29 septembre 2006 (requête no 29415/05), au motif que la requête était incompatible ratione materiae avec les dispositions de la CEDH, puisque la procédure contestée par l’auteur ne concernait ni une constatation sur ses droits et obligations de caractère civil, ni le bien-fondé d’une accusation en matière pénale, au sens de l’article 6 de la CEDH. Le Comité rappelle, en outre, qu’au moment de son adhésion au Protocole facultatif, l’État par8tie a formulé une réserve à propos du paragraphe
2 (a) de l’article 5 du Protocole facultatif à l’effet d’indiquer que le Comité « ne sera pas compétent pour examiner une communication émanant d’un particulier si la même question est en cours d’examen ou a déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement ».
6.3 Le Comité renvoie à sa jurisprudence, selon laquelle la «même question» au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 concerne les mêmes auteurs, les mêmes faits et les mêmes droits substantiels8. Il constate que la requête n°29415/05 a été déposée devant la Cour européenne des droits de l’homme par le même auteur, qu’elle reposait sur les mêmes faits et qu’elle portait sur le droit à un procès équitable pour les mêmes motifs.
6.4 Le Comité relève que la déclaration d’irrecevabilité prononcée par la Cour européenne était justifiée par l’incompatibilité ratione materiae de la requête avec les dispositions de la Convention européenne, au motif que la procédure contestée par l’auteur ne concernait ni une contestation sur ses droits et obligations de caractère civil, ni le bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre elle au sens de l’article 6 de la Convention. Le Comité estime que l’analyse, ainsi faite, de la nature du droit invoqué par l’auteur, s’inscrit dans le cadre de l’examen de l’affaire, et conclut que la même question a, aux fins de la réserve introduite par l’Etat partie, déjà été examinée par la Cour européenne. Il s’ensuit que le Comité ne peut examiner à son tour la présente communication du fait de la réserve de l’État partie à l’égard du paragraphe 2 (a) de l’article 5 du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 (a) de l’article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.
[Adopté en français (version originale), en espagnol et en anglais. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
Notes_______________
** Les membres suivants du Comité ont participé à l’examen de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M.Lazhari Bouzid, M. Mahjoub El Haiba, M. Yuji Iwasawa, Mme Helen Keller, Mme Zonke Zanele Majodina, Mme Iulia Antoanella Motoc, M. Michael O’Flaherty, M. Rafael Rivas Posada, M. Fabian Omar Salvioli et M. Krister Thelin.
Le texte d’opinions individuelles signées par membres du Comité, M. Michael O’Flaherty, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme. Zonke Zanele Majodina, M. Rafael Rivas Posada et M. Fabian Omar Salvioli, est joint au présent décision.
1 C’est-à-dire l’acte de notation des épreuves écrites d’admissibilité.
2 Au motif que « la procédure litigieuse ne concerne ni une contestation sur les droits et obligations à caractère civil de l’auteur, ni le bien-fondé d’une accusation en matière pénale au sens de l’article 6 de la CEDH. Par conséquent, la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 §3. »
3 L’État partie se réfère aux communications no 367/1989, JHC c. Canada, décision du 5 novembre 1991, et no 448/1991, HJH c. Pays-Bas, décision du 7 novembre 1991.
4 L’État partie indique à cet égard que le Conseil d’État à déjà annulé au contentieux des décisions adoptées par ses services administratifs.
5 L’auteur se réfère à la communication no 441/1990, Casanovas c. France, constatations du 19 juillet 1994, par. 5.1.
6 L’auteur joint un organigramme officiel du Conseil d’État au soutien de ses allégations.
7 Au soutien de ses allégations, l’auteur joint : i) copie du texte du journal officiel (18 février 2005) arrêtant la nomination, entre autres, de deux des membres du jury du concours en question, qui sont tous deux présentés comme conseillers d’État; ii) copie de la liste des membres du tribunal des conflits pour 2005, 2006 et 2007, où figure le nom de l’un des membres du jury précités; et iii) copie d’une décision du Conseil d’État (statuant au contentieux) du 7 octobre 2005, où figure le nom du deuxième membre du jury en question, qui aurait participé à la décision.8 Voir la Communication N°1754/2998, Loth c. Allemagne, décision d’irrecevabilité adoptée le 23 mars 2010, para. 6.3, et N° 998/2001, Althammer c. Autriche, constatations adoptées le 8 août 2003, para. 8.4.
APPENDICE
Opinion individuelle (dissidente) de M. Michael O’Flaherty, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati et Mme Zonke Zanele Majodina, membres du Comité
Nous ne considérons pas que la réserve faite par l’État partie à l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 5 soit applicable en l’espèce. La réserve telle qu’elle est formulée dans la langue originale (le français) exclut les questions qui sont en cours d’examen ou ont déjà été examinées par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement:
«La France fait une réserve à l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 5 en précisant que le Comité des droits de l’homme ne sera pas compétent pour examiner une communication émanant d’un particulier si la même question est en cours d’examen ou a déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.».
La déclaration de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle la requête adressée par l’auteur à la Cour était incompatible ratione materiae avec la Convention européenne des droits de l’homme ne constitue pas un «examen» de la question.
En conséquence, nous estimons que la réserve ne saurait être invoquée pour empêcher le Comité d’examiner la communication en question.
(Signé) Michael O’Flaherty
(Signé) Prafullachandra Natwarlal Bhagwati
(Signé) Zonke Zanele Majodina
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel adressé par le Comité à l’Assemblée générale.]
Opinion individuelle (dissidente) de M. Rafael Rivas Posada et M. Fabian Omar Salvioli, membres du Comité
Le Comité, après l’avoir examinée a décidé de déclarer la communication Marin c. France, irrecevable en vertu de l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif. Il a justifié sa décision par une interprétation à notre sens erronée de la disposition citée, fidèle à sa jurisprudence constante selon laquelle une communication est irrecevable lorsqu’une autre instance internationale a déjà examiné la même question et a déclaré la requête irrecevable. En l’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme avait examiné la même question et avait conclu à son irrecevabilité. C’est pourquoi le Comité a décidé d’appliquer la réserve émise par la France, selon laquelle le Comité n’a pas compétence si la même question a déjà été examinée par une autre instance internationale.
Il est fort douteux que la Cour européenne ait réellement «examiné» la question, puisqu’elle l’a déclarée irrecevable ratione materiæ, ce qui amène à conclure qu’elle ne l’a pas examinée au fond. Toutefois, bien que d’aucuns pensent le contraire, il ne s’agit pas de savoir si une autre instance internationale a déjà examiné la question parce que ce motif d’irrecevabilité n’est pas consacré par le Protocole facultatif. À notre sens, l’esprit et la lettre du paragraphe du Protocole facultatif auquel il est fait référence établissent clairement qu’il y a irrecevabilité quand la question est en cours d’examen par une autre instance internationale au moment où le Comité commence son examen et non lorsque, elle a été soumise et examinée dans le passé.
Les versions anglaise et française du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole ne laissent pas de place au doute. Le texte anglais est le suivant: «…The Committee shall not consider any communication from an individual unless it has ascertained that…(a) The same matter is not being examined under another procedure of international investigation or settlement.» (c’est moi qui souligne); le texte français dit: «...Le Comité n’examinera aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que... a) La même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement» (dito). Il est clair qu’il y a une grave erreur de traduction dans la version espagnole, selon laquelle il y a irrecevabilité quand la même question a déjà été soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, ce qui ouvre la possibilité, déjà utilisée par quelques États parties, d’interpréter le motif d’irrecevabilité comme s’il s’agissait seulement de la seule soumission par le passé de la même question et non, comme il se devrait, de l’examen actuel de la question par l’autre instance internationale. Devant cette erreur de traduction, le Comité a réaffirmé à plusieurs reprises que les versions anglaise et française devaient primer le texte espagnol qui prête à confusion; il a jugé que le seul fait de la présentation d’une requête ne suffisait pas et qu’il fallait que l’examen par une autre instance internationale ait déjà eu lieu; j’estime toutefois qu’il a eu tort d’accepter que cet examen puisse avoir déjà eu lieu, contrairement au texte sans équivoque du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif.
Pour les raisons susmentionnées, nous estimons que le Comité devait déclarer recevable la communication Marin c. France, sans préjuger de la réalité de la violation du Pacte par l’État partie.
(Signé) Rafael Rivas Posada
(Signé) M. Fabian Omar Salvioli
[Fait en espagnol (version originale), en français et en anglais. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]