University of Minnesota



Wim Hendriks c. Pays-Bas, Communication No. 201/1985, U.N. Doc. CCPR/C/33/D/201/1985 (1988).



Comité des droits de l'homme
Trente-troisième session

Décision du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques - trente-troisième session

Concernant la

Communication No 201/1985




Soumise par : Wim Hendriks, père

Au nom de : L'auteur

Etat partie concerné : Pays-Bas

Date de la communication : 30 décembre 1985 (date de la première lettre)

Date de la decision sur la recevabilite : 25 mars 1987

Le Comité des droits de l'homme institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Reuni le 27 juillet 1988,

Ayant achevé l'examen de la communication No 201/1985 présentée au Comité par Wim Hendriks, père, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Compte tenu de toutes les informations ecrites qui lui ont été soumises par l'auteur de la communication et par 1'Etat partie concerné,

Adopte ce qui suit :



Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif


1. L'auteur de la communication (première lettre datée du 30 decembre 1985 et lettres posterieures datées des 23 fevrier, du 3 septembre et du 15 novembre 1986 et du 23 janvier 1988) est Wim Hendriks, ressortissant des Pays-Bas né en 1936, résidant actuellement en République fédérale d'Allemagne où il travaille en qualité d'ingénieur. I1 présente la communication en son
nom et au nom de son fils, Wim Hendriks, ne en 1971 en République fédérale d'Allemagne, qui réside actuellement avec sa mère aux Pays-Bas. L'auteur invoque le paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte qui dispose
:

L'auteur prétend que ce paragraphe a été violé par les tribunaux néerlandais, qui ont accordé la garde exclusive de Wim Hendriks à la mère sans garantir au père le droit de voir son enfant. L'auteur affirme que les droits de son fils ont été et sont violés par le fait d'être confié à la garde d'un seul parent; il soutient en outre que ses droits de père ont été et sont violés et qu'il a été privé de ses responsabilités à l'égard de son fils, sans raison, si ce n'est l'opposition unilaterale de la mère.

2.1 L'auteur s'est marié en 1959 et, en 1962, s'est installé avec son épouse en République fédérale d'Allemagne, où leur fils Wim est né en 1971. Le mariage s'est désintégré et, en septembre 1973, l'épouse a disparu avec l'enfant et a regagné les Pays-Bas. Elle a engagé une procédure de divorce et, le 26 septembre 1974, le tribunal de district d'Amsterdam a prononcé la dissolution du mariage, sans regler la question de la garde de l'enfant ni celle du droit de visite. Comme l'enfant se trouvait déjà avec sa mère, l'auteur a demandé au tribunal, une première fois en décembre 1974 et une seconde en mars 1975, de lui ménager, à titre transitoire, un droit de visite. En mai 1975, le tribunal a attribué la garde de l'enfant à la mère, sans toutefois prendre les dispositions nécessaires pour assurer au père un droit de visite; la garde conjointe a éte confiée au père de l'ex-femme de M. Hendricks sous prétexte que ce dernier vivait à l'étranger. Début 1978, l'auteur a demandé au Conseil de protection des enfants d'intervenir pour établir un contact entre son fils et lui. La mère refusant de coopérer, le Conseil a échoué dans sa tentative et recommande à l'auteur de s'adresser au juge pour enfants du tribunal de district d'Amsterdam. Le 16 juin 1978, l'auteur a demande au juge pour enfants d'établir un premier contact entre son
fils et lui-même et, par la suite, d'organiser son droit de visite. Le 20 décembre 1978, le juge pour enfants, bien que n'ayant retenu aucun tort contre le père, a rejeté la demande au motif que la mère continuait de s'opposer à de tels contacts. A cet egard, le juge pour enfants a considéré :

"Qu'en général le tribunal était d'avis que les contacts entre le parent qui n'avait pas la garde de l'enfant, ou des enfants, et l'enfant,
ou les enfants en question, devaient pouvoir exister; Que le tribunal considérait que la demande du père était raisonnable, mais que la mère ne saurait en toute conscience accepter une ordonnance de droit de visite ni même une seule rencontre entre l'enfant et son père, en terrain neutre, en dépit du fait que le Conseil de la protection des enfants accepterait et donnerait des garanties; Que, vu notamment la position de la mère, il était à prévoir qu'une ordonnance du tribunal imposant un droit de visite porterait préjudice aux intérêts de l'enfant."

2.2 Le 9 mai 1979, l'auteur a formé un recours devant la Cour d'appel d'Amsterdam, soutenant que le refus par la mère de coopérer n'etait pas un motif valable pour rejeter sa demande. Le 7 juin 1979, la Cour d'appel a confirmé le jugement du tribunal :

"Considérant avant tout qu'un enfant doit en principe avoir des contacts réguliers avec ses deux parents pour avoir une éducation équilibrée et pouvoir aussi s'identifier au parent qui n'en a pas la garde; Que dans certains cas, toutefois, il arrive que ce principe ne
puisse être appliqué; Que tel peut être le cas en particulier lorsque, comme dans l'affaire présente, un certain nombre d'années se sont écoulées depuis le divorce des parents, que ceux-ci se sont tous les deux remariés, mais qu'il existe toujours un conflit grave entre eux; Que, dans un cas de ce genre, une ordonnance de droit de visite créerait vraisemblablement des tensions dans la famille du parent ayant la garde de l'enfant et que l'enfant pourrait facilement se trouver pris dans un conflit de loyauté; Qu'une situation telle que celle qui est décrite ci-dessus ne sert pas les intérêts de l'enfant, quel que soit le parent à l'origine des tensions, l'interêt de l'enfant, à savoir le droit de grandir sans tension inutile, devant prévaloir; Qu'en outre, le père n'a pas vu l'enfant depuis 1974 et que l'enfant a maintenant une vie de famille harmonieuse et considère le mari de sa mère comme son père."

2.3 Le 19 juillet 1979, l'auteur s'est pourvu sur des points de droit devant la Cour suprême, en soutenant que le rejet d'une demande comme la sienne ne pouvait être motivé: que par des circonstances exceptionnelles liées à la personnalité du parent, circonstances qualifiées par lui de "circonstances constituant assurément un peril pour la santé et le bien-être psychique de l'enfant, ou susceptibles de compromettre gravement son équilibre psychique; or, en l'espèce, il n'a été ni declaré ni établi que de telles circonstances exceptionnelles existent ou ont existe". Le 15 février 1980, la Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d'appel en soulignant que "le droit du parent qui n'a pas et n'aura pas la garde de l'enfant à voir celui-ci, ne doit jamais être perdu de vue, mais que -comme la Cour l'a indiqué à juste titre dans son arrêt sur cette affaire -les interêts de l'enfant doivent toujours prévaloir". L'auteur indique donc qu'il a épuisé les recours internes.

2.4 L'auteur soutient que les tribunaux néerlandais n'ont pas correctement appliqué le paragraphe 5 de l'article 161 du Code civil néerlandais qui stipule qu' " à la demande des parents ou de l'un des deux, le tribunal peut fixer les modalités des rencontres entre l'enfant et le parent non gardien. Si ces modalités ne sont pas éoncées dans le jugement de divorce . .. elles peuvent l'être plus tard par le juge des enfants". Compte tenu du droit "inaliénable" de l'enfant à avoir des contacts avec ses deux parents, l'auteur
soutient que les tribunaux néerlandais doivent accorder un droit de visite au parent non gardien, à moins qu'il n'existe des circonstances exceptionnelles. Etant donné que les tribunaux n'ont pas fixé de modalités de rencontre dans son cas et qu'aucune circonstance exceptionnelle n'existe, il affirme que la législation et la pratique néerlandaises ne garantissent pas effectivement l'égalité de droits et de responsabilités des époux lors de la dissolution du mariage ni la protection des enfants, ainsi qu'il est stipulé dans les paragraphes 1 et 4 de l'article 23 du Pacte. En particulier, l'auteur fait observer que la loi ne donne aucune directive aux tribunaux quant aux circonstances exceptionnelles pouvant justifier un déni du droit fondamental de rencontre. Pour l'équilibre psychologique et l'épanouissement harmonieux de l'enfant, les contacts avec le parent non gardien doivent être maintenus, à moins que le parent en question ne représente un danger pour l'enfant. Dans l'affaire concernant son fils et lui-même, l'auteur soutient que, bien que les tribunaux néerlandais aient soi-disant tenu compte des interêts bien compris de l'enfant, son fils Wim s'est vu refuser la possibilité de voir son père pendant douze ans au motif insuffisant que sa mère s'est opposée à de tels contacts et que des visites imposées par le tribunal auraient pu créer des tensions psychologiques prejudiciables pour l'enfant. L'auteur fait observer que tout divorce provoque des tensions psychologiques pour toutes les parties en cause et que les tribunaux ont fait une erreur en déterminant l'interêt de l'enfant de façon statique en se concentrant uniquement sur sa protection contre la tension qui, en outre, n'aurait pas été causée par l'inconduite du père, mais par l'opposition catégorique de la mère. L'auteur conclut que les tribunaux auraient dû interpreter les intérêts bien compris de l'enfant de manière dynamique, en accordant plus d'importance à ses besoins de contact avec son père, même si le rétablissement d'une relation entre le père et le fils aurait pu au départ faire surgir certaines difficultés.

2.5 Considerant l'alinéa a)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, l'auteur indique qu'il a soumis une requête à la Commission européenne des droits de l'homme le 14 septembre 1978, et que l'examen de la question par cet organe s'est achevé avec l'adoption du rapport de la Commission le 8 mars 1982.
Le 3 mai 1984, l'auteur a présente une requête separée devant la Commission européenne des droits de l'homme au nom de son fils. Le 7 octobre 1985, la Commission a declaré la demande irrecevable
ratione personae.

2.6 L'auteur a donc demandé au Comité des droits de l'homme d'examiner sa communication, puisqu'il avait épuisé les recours internes et que la même affaire n'était pas en cours d'examen devant un autre organe international d'enquête ou de règlement.


3. Par une décision du 26 mars 1983, le Comite a transmis la communication' en vertu de l'article 91 du règlement intgrieur provisoire, à l'Etat partie concerné, avec prière de soumettre des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication.

4.1 Dans les observations soumises le 9 juillet 1986, en application de l'article 91, 1'Etat partie conteste que l'auteur soit habilité à soumettre une requête au nom de son fils, ajoutant que :

"Les relations qu'entretiennent le père et le fils ne permettent pas dans ce cas, de supposer que ce dernier souhaite qu'une requête soit soumise... Même si M. Hendriks avait le droit de soumettre une requête au nom de son fils, il est douteux que le fils puisse être considéré comme une 'victime' au sens de l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 90 du règlement intéieur provisoire du Comité. Le Gouvernement des Pays-Bas tient à souligner que les autorités néerlandaises n'ont jamais interdit à Wim Hendriks fils d'entrer en rapport spontanément avec son père s'il le souhaitait. Le Gouvernement des Pays-Bas fait remarquer à cet égard que M. Hendriks père a rencontré son fils en 1985 et l'a reçu chez lui en République fédérale d'Allemagne."

4.2 En ce qui concerne la compatibilité de la communication avec les dispositions du Pacte, 1'Etat partie argue que le paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte : "ne prescrit pas que lorsque les enfants nés du mariage dissous vivent normalement avec l'un des parents divorcé, l'autre parent doit nécessairement pouvoir voir ses enfants. Si l'article 23 n'enonce pas de droit de ce genre, il n'est pas nécessaire de chercher à savoir si ce droit . . . a été effectivement violé."

4.3 Quant à la question de savoir si tous les recours internes ont été épuisés, 1'Etat partie fait observer que rien n'empêche l'auteur de soumettre une nouvelle requête aux tribunaux néerlandais aux fins d'obtenir une ordonnance de droit de visite, en motivant sa requête par de "nouvelles circonstances" puisque Wim Hendriks fils a maintenant plus de 12 ans, ce qui signifie que, conformément au nouvel article 902 b) du Code de procédure civile, entré en vigueur le 5 juillet 1982, l'enfant devra être entendu en personne par le tribunal avant que ce dernier puisse rendre un jugement.

5.1 Dans ses observations datées du 3 septembre 1986, l'auteur déclare que, de fait, la décision de la Cour suprême des Pays-Bas, en date du 24 fevrier 1980, l'empêche d'engager de nouveaux recours internes.

5.2 En ce qui concerne la question de savoir s'il est habilité à représenter son fils devant le Comité, l'auteur adresse une lettre datée du 15 novembre 1986, contresignée par Wim Hendriks fils, ainsi qu'une copie de la première lettre, en date du 30 décembre 1985, accompagnée de commentaires datés du 3 septembre 1986 et contresignés aussi par Wim Hendriks fils.

6.1 Avant d'examiner les prétentions contenues dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit , selon l'article 87 de son règlement interieur provisoire, décider si la communication est recevable conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité s'est prononcé sur la recevabilité de la communication à sa vingt-neuvième session, en se fondant sur les considérations ci-après.

6.2 Aux termes de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comite n'est pas habilite à examiner une communication si la même question est dejà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité s'est assuré que l'affaire n'était pas examinée ailleurs. Il a noté au demeurant qu'il pouvait en connaître, bien qu'elle ait fait l'objet d'un examen dans le cadre d'une autre procédure, puisque 1'Etat partie n'avait présenté aucune reserve en la matière.

6.3 Aux termes de l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, le Comité n'est pas habilité à examiner une communication, si les recours internes n'ont pas été epuisés. A cet égard, le Comité a noté que, dans les observations qu'il avait préentées le 9 juillet 1986 1'Etat partie avait informé le Comité que rien n'empêchait M. Hendriks de présenter à nouveau une requête aux tribunaux néerlandais aux fins d'obtenir une ordonnance de droit de visite. Le Comité a fait toutefois observer que la demande de droit de visite présentée par M. Hendriks 12 ans plus tôt devant les tribunaux néerlandais avait fait en 1980 l'objet d'un arrêt de la Cour suprême. Compte tenu de la disposition figurant à la fin de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif et relative aux procédures de recours excédant des détails raisonnables, on ne pouvait maintenant s'attendre que l'auteur continue à demander aux mêmes tribunaux de lui accorder le droit de visite sur la base de "nouvelles circonstances", nonobstant le changement de procédure survenu du fait de l'entrée en vigueur de la loi de 1982, en vertu de laquelle Wim Hendriks fils devrait être entendu. Le Comite a estimé, encore que dans des conflits familiaux portés devant les tribunaux, comme celui-ci, qui concernait la garde d'un enfant, une modification des circonstances pouvait souvent justifier l'engagement de nouvelles procgdures, que la disposition concernant l'épuisement des recours internes avait été satisfaite dans le cas à l'examen.

6.4 L'Etat partie s'étant référé à la portée du paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte (par. 4.2 ci-dessus), c'est-à-dire à la question de savoir si la disposition en question établit ou non qu'un parent divorcé a le droit de visite, le Comité a décidé d'étudier la question lorsqu'il examinerait le bien-fondé de l'affaire.

7. Le 25 mars 1987, le Comité a en conséquence décidé que la communication était recevable. Conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, 1'Etat partie etait prié de lui soumettre par écrit, dans les six mois suivant la date où la décision sur la recevabilite lui aurait étg transmise, des explications ou des déclarations eclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qu'il pourrait avoir prises.

8.1 Dans les observations qu'il a présentées le 19 octobre 1987 conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, 1'Etat partie soutient que le paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte ne garantit pas à un parent divorcé (père ou mère)avec qui les enfants ne vivent pas habituellement un droit de visite. Ni les travaux préparatoires ni les termes mêmes de cette disposition ne sembleraient le laisser supposer. L'Etat partie affirme d'autre part avoir satisfait aux prescriptions du paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte, l'égalité de droits et de responsabilités des époux dont le mariage est dissous par divorce étant garantie par la loi néerlandaise, laquelle prevoit également la protection nécessaire des enfants. Après le divorce la garde peut être confiée à la mère ou au père. L'Etat partie fait également observer ce qui suit : "On peut, de manière génerale, supposer que le divorce entraîne des tensions telles qu'il est dans l'interêt de l'enfant qu'un seul des parents en ait la garde. En ce cas, il est stipulé au paragraphe 1 de l'article 161 du livre premier du Code civil qu'après dissolution du mariage par divorce, l'un des parents est nommé tuteur de l'enfant, ce qui lui confère la garde exclusive de celui-ci. Il appartient au tribunal de déterminer à qui attribuer la garde, compte tenu de l'interêt de l'enfant. On peut donc conclure que, par ces dispositions, la loi néerlandaise garantit effectivement l'égalité de droits et de responsabilités des parents après la dissolution du mariage, eu égard à la nécessité de protéger l'enfant." L'Etat partie ajoute qu'il est d'usage, au moment du divorce que les Parents s'entendent sur une formule permettant des relations entre l'enfant et le Parent qui n'a pas la garde. Celui-ci, en application du paragraphe 5 de l'article 161 du livre premier du Code civil, peut également demander au tribunal d'arrêter les modalités du droit de visite.

8.2 L'Etat partie explique en outre qu'au cas où le Comite interpreterait le paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte comme attribuant au parent non gardien
(père ou mère) un droit de visite à son enfant, il ferait observer qu'en tout état de cause, ce droit de visite existe dans le système juridique néerlandais : "si le principe n'est pas expressément consacré par un texte de loi, il est présumé que le parent non gardien a le droit de voir son enfant, droit qui découle du paragraphe 1 de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, stipulant le droit au respect de la vie familiale. Les Pays-Bas l'ayant ratifiee , cette convention fait partie intégrante de leur droit interne. De plus, l'article 8 est directement applicable dans le pays, ce qui permet à tout citoyen, si le droit visé à cet article lui est dénié, d'engager une action devant les tribunaux néerlandais."

8.3 Quant à la possibilité de restreindre le droit de visite lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige, 1'Etat partie renvoie à une décision de la Cour suprême des
Pays-Bas datée du 2 mai 1980, dont le passage pertinent se lit comme suit : "Le droit au respect de la vie familiale, tel qu'il est consacré à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, n'implique pas que le parent à qui n'est pas attribuée la garde de ses enfants mineurs ait le droit de les voir si, à l'évidence, ces rencontres doivent être contraires à l'interêt des enfants, parce que génératrices de conflits et de tensions graves dans le foyer où ils vivent. La reconnaissance de ce droit au parent qui n'a pas la garde de l'enfant serait incompatible avec les droits de l'enfant garantis à l'article 8 de la Convention."

Selon 1'Etat partie, l'objectif fondamental dans le cas considéré était, pour reprendre les termes du paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte, "d'assurer aux
enfants la protection nécessaire". L'Etat partie ajoute que la Chambre basse du Parlement néerlandais examine actuellement un projet de loi relatif aux modalités du droit de visite après le divorce. Selon ce projet, le parent qui n'a pas la garde de l'enfant aurait statutairement un droit de visite ce droit pouvant lui être refusé pour un des quatre motifs suivants fondés sur l'interêt de l'enfant :

"a) Les relations auraient des effets prejudiciables graves sur la santé psychique ou physique de l'enfant;


b) Le parent est consideré comme manifestement inapte à exercer son droit de visite ou manifestement dans l'incapacité de le faire;

c) Les relations sont d'une manière ou d'une autre contraires aux intérêts bien compris de l'enfant;


d) Ayant
été entendu, l'enfant, âgé de 12 ans au moins, a fait savoir qu'il s'opposait pour des raisons graves à rencontrer l'autre parent."

8.4 Quant à la portée du droit de visite du parent (père ou mère) à son enfant, 1'Etat partie indique que ce droit n'est pas absolu et qu'il peut à tout moment être restreint si l'intérêt de l'enfant l'exige. On peut par exemple interdire au parent non gardien de voir l'enfant ou simplement prévoir des restrictions, par exemple en limitant le nombre et la durge des visites. Le parent qui n'a pas la garde de l'enfant ne sera privé du droit de visite que si l'on considère que c'est dans l'interêt de l'enfant. En revanche, si le parent qui a la garde se comporte, face à l'exercice du droit de visite, d'une façon propre à susciter des conflits et des tensions graves dans le
foyer où vit l'enfant, il peut être justifié de refuser le droit de visite à l'autre parent. Les demandes de visite peuvent en ce cas être rejetées le droit de visite peut être annul dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

8.5 L'Etat partie rappelle en outre qu'il a été tenu compte de toutes les considérations qui précèdent lorsqu'il s'est agi de décider d'accorder ou non à l'auteur le droit de voir son fils. Et tous les tribunaux qui ont eu à connaître de cette affaire lui ont refusé ce droit de visite.

8.6 L'Etat partie conclut
que le paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte n'a pas été violé et soutient que l'obligation de garantir l'égalité de droits et de responsabilité des époux lors de la dissolution du mariage, prescrite à l'article 23, n'emporte pas obligation de garantir le droit de visite sous forme d'un arrangement pris a cet egard. Néanmoins, si le Comité devait interpréter la disposition en question comme impliquant ce droit, il objecterait que le système juridique aux Pays-Bas le garantit déjà. En l'espèce, le droit était réputé exister, mais le père s'en est vu refuser l'exercice dans l'intérêt de l'enfant. La protection de l'enfant, après la dissolution du mariage, rendait impossible l'exercice du droit de visite par le requérant.

9. Dans ses observations datées du 23 janvier 1988, l'auteur prétend qu'il aurait fallu interpréter le paragraphe 5 de l'article 161 du Code civil néerlandais comme exigeant du juge qu'il garantisse dans tous les cas, sauf circonstances exceptionnelles, le maintien des contacts entre l'enfant et le parent non gardien. Il conclut qu'en l'absence d'une norme claire en droit néerlandais affirmant la continuité de la relation parent-enfant et de la responsabilité parentale, les tribunaux néerlandais, exerçant un pouvoir discrétionnaire non contrôl4, ont violé ses droits et ceux de son fils en vertu du Pacte en lui refusant le droit de visite.

10.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la presente communication à la lumière de tous les renseignements qui lui ont été transmis par les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif. Les faits de la cause ne sont pas contestés.

10.2 La question fondamentale sur laquelle le Comite est appelé à se prononcer consiste à savoir si l'auteur de la communication est victime d'une
violation du droit visé aux paragraphes 1 et 4 de l'article 23 du Pacte, dans la mesure où, parent divorcé, il s'est vu refuser le droit de voir son fils. Le paragraphe 1 de l'article 23 du Pacte porte sur la protection de la famille par la sociéte et par 1'Etat :
"La famille est l'élément naturel et fondamental de la societé et a droit à la protection de la société et de 1'Etat."

Le paragraphe 4 du même article dispose que : "Les Etats parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. En cas de dissolution, des dispositions seront prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire."

10.3 En examinant la communication, le comité estime qu'il importe de souligner
que les paragraphes 1 et 4 de l'article 23 du Pacte énoncent trois règles d'égale importance , à savoir que la famille doit être protégée, que des mesures doivent être prises pour garantir l'égalité de droits des époux lors de la dissolution du mariage et que des dispositions doivent être prévues pour assurer aux enfants la protection nécessaire. Les mots "la famille" qui figurent au paragraphe 1 de l'article 23 ne désignent pas seulement le foyer familial tel qu'il existe tant que dure le mariage. La notion de famille englobe forcément les relations entre parents et enfant. S'il est vrai que le divorce met légalement fin au mariage, il ne saurait dissoudre le lien unissant le père -ou la mère -et l'enfant; ce lien ne dépend pas du maintien du mariage des parents. Il semble que la priorite donnée à l'intérêt de l'enfant est compatible avec cette règle.

10.4 Les tribunaux sont généralement compétents dans les Etats parties pour apprécier les circonstances propres à chaque cas. Toutefois le Comite estime nécessaire que certains critères soient fixés par la loi afin de permettre aux tribunaux de parvenir à une application complète des dispositions de l'article 23 du Pacte. Parmi ces critères, le maintien de relations personnelles et de contacts directs réguliers de l'enfant avec ses deux parents paraît essentiel sauf circonstances exceptionnelles. La volonté unilatérale contraire d'un des parents ne peut, selon le Comite, être considérée comme une circonstance exceptionnelle.

10.5 En l'espèce, le Comité observe que les tribunaux néerlandais, comme cela avait été précédemment jugé par la Cour suprême, reconnaissent le droit de l'enfant d'avoir des contacts permanents avec chacun de ses parents ainsi que le droit de visite au parent non gardien , mais ont consideré que ces droits ne pouvaient pas être exercés dans ce cas particulier en raison de l'intérêt de l'enfant. Telle a été leur appréciation compte tenu de toutes les circonstances, en dépit du fait qu'ils n'ont rien trouvés à redire à la conduite de l'auteur.

11. En conséquence, le Comité ne peut pas conclure que 1'Etat partie a violé l'article 23 mais appelle cependant son attention sur la nécessité de compléter la législation comme il est dit au paragraphe 10.4.



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