2.1 L'auteur déclare que lui-même et Winston Wright ont été arrêtés et accusés du meurtre, le 28 novembre 1983, d'un certain Jasper Vernon, mais il affirme être innocent. Il a été reconnu coupable et condamné à mort le 29 janvier 1985 par la Circuit Court de St. James, alors que son coaccusé était reconnu coupable d'homicide involontaire et condamné à 10 ans de travaux forcés.
2.2 Pour ce qui est des faits de l'espèce, il ressort l/que la victime et l'auteur habitaient dans le même quartier et étaient apparemment bons amis. Dans la soirée du 28 novembre 1983, vers 21 heures, l'un des témoins, Roy Clarke, a entendu près de chez lui des bruits de lutte et le son de deux coups de feu, puis une voix appelant au secours. Quelques instants plus tard, il est sorti et a découvert la victime , grièvement blessée par des balles tirées de près. Il s'est alors rendu compte que c'était la voix de la victime qu'il avait entendue plus tôt demandant "[Nom], pourquoi est-ce que tu veux me tuer ?". Au cours du procès, le conseil de l'auteur a protesté contre cette déclaration de M. Clarke, qu'il considérait comme une déposition sur la foi d'autrui et donc irrecevable, mais le juge a décidé qu'elle était admissible en tant qu'élément de la res gestae.
2.3 M. Vernon a été transporté à l'hôpital régional Cornwall, à Montego Bay, où il a été opéré d'urgence. Deux inspecteurs de police se sont rendus à l'hôpital peu après son admission. L'un d'entre eux, à son arrivée au pavillon des urgences, a entendu une voix prononçant le nom de l'auteur comme étant celui de la personne qui avait tiré les coups de feu. Il a ensuite reconnu la voix victime, . . comme étant celle de la victime. Il a eu une brève conversation avec la qui était dans un état grave , mais encore consciente. Au cours du procès, l'avocat de l'auteur a de nouveau fait objection à la déposition de l'inspecteur, qu'il considérait comme une déposition sur la foi d'autrui, et a demandé qu'elle fût écartée, mais le juge a décidé qu'elle était recevable, comme exprimant "les dernières paroles d'une victime d'homicide". M. Vernon a succombé à ses blessures dans la nuit du 28 novembre ou dans les premières heures du 29 novembre.
2.4 L'auteur et le coaccusé ont affirmé avoir eux-mêmes été agressés le même soir par trois hommes armés à proximité de l'endroit où la victime avait été blessée, et ont déposé à cet effet au cours du procès. Mais le ministère public a affirmé que leur description des faits contenait de telles contradictions que leur version n'était apparemment qu'une pure invention visant à laisser croire qu'ils n'avaient pas perpétré le crime en question.
2.5 L'auteur a fait appel de la décision du tribunal pour "procès non équitable" et "preuve douteuse" mais, le 9 juillet 1986, la Cour d'appel a refusé l'autorisation de former un recours et a confirmé la décision, après que le conseil de l'auteur eut reconnu qu'un recours en appel n'avait pas de chances d'aboutir. La Cour d'appel a rendu un arrêt par écrit le 24 septembre 1986. L'auteur affirme que son conseil lui a ensuite indiqué que les éléments du dossier ne justifiaient pas un appel auprès de la Section judiciaire du Conseil privé, et qu'un recours en grâce serait présenté au Gouverneur général de la Jamaïque.
3. Par sa décision du 21 juillet 1987, le Comité des droits'de l'homme a décidé de transmettre la communication, pour information, à 1'Etat partie et de lui demander, conformément à l'article 86 de son règlement intérieur, de ne pas exécuter la peine capitale à l'encontre de l'auteur avant qu'il eût eu la possibilité d'examiner plus avant la question de la recevabilité de la communication. L'auteur a été prié, conformément à l'article 91 du règlement intérieur, de fournir des renseignements concernant les faits et les circonstances de son procès et de fournir au Comité la transcription des décisions judiciaires.
4. Dans ses observations datées du 21 octobre 1987, 1'Etat partie déclare que la communication est irrecevable pour cause de non-épuisement des recours internes, la Section judiciaire du Conseil privé n'ayant pas encore statué. Il ajoute qu "'en pareil cas, une interprétation raisonnable du Protocle facultatif et du règlement intérieur du Comité ne permet pas de conclure que 1'Etat partie est tenu de fournir des documents et des renseignements concernant une communication qui est manifestement irrecevable". Toutefois, par une autre note datée. du 10 décembre 1987, 1'Etat partie a fait parvenir copie des notes relatives aux dépositions en justice. 5. Par lettre datée du 10 février 1988, l'avocat qui a défendu l'auteur devant la Cour d'appel a fait parvenir une copie de l'arrêt rendu par cette juridiction. Il déclare avoir conclu à l'inutilité d'un recours parce qu'à son avis l'auteur avait été correctement identifié. Il ajoute qu'il n'a pas été envisagé de faire une demande d'autorisation de recours devant la Section judiciaire du Conseil privé.
6. Par une décision du 16 mars 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie et l'a prié, en vertu de l'article 91 du règlement intérieur, de fournir des renseignements et observations concernant la question de la recevabilité de la communication. Il a prié en particulier 1'Etat partie d'indiquer si l'auteur avait encore le droit de faire une demande d'autorisation de recours devant la Section judiciaire du Conseil privé , et s'il bénéficierait d'une assistance judiciaire dans ce cas. Le Groupe de travail a prié en outre 1'Etat partie, en vertu de l'article 86 du règlement intérieur, de ne pas exécuter la peine de mort contre l'auteur tant que la communication de celui-ci serait en cours d'examen au Comité.
7. Dans ses observations présentées le 20 juillet 1988 en application de l'article 91, 1'Etat partie affirme que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, l'auteur conservant en vertu de l'article 110 de la Constitution jamaïquaine, le droit de demander l'autorisation de faire recours devant la Section judiciaire du Conseil privé. L'Etat partie ajoute que l'auteur peut bénéficier à cette fin d'une aide judiciaire en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la Poor Prisoners' Defence Act (Loi relative à la défense des détenus nécessiteux).
8. Répondant aux observations de 1'Etat partie, l'auteur, dans une lettre datée du 11 janvier 1989, indique qu'il s'est mis en rapport avec un cabinet d'avocats de Londres, qui serait disposé à l'aider à déposer une demande d'autorisation de recours devant le Conseil privé. Le 8 juin 1989, l'avocat de l'auteur à Londres a confirmé par téléphone qu'il préparait une. demande au nom de l'auteur.
9.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
9.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. 9.3 S'agissant de l'épuisement des recours internes, le Comité note que 1'Etat partie fait valoir que la coaununication est irrecevable, l'auteur n'ayant pas présenté à la Section judiciaire du Conseil privé de demande d'autorisation de recours. Il note que l'auteur, tout en affirmant qu'une telle demande serait sans utilité, a obtenu d'être représenté gratuitement a cette fin, et que le conseil de l'auteur a entrepris de préparer ladite demande en son nom. Compte tenu des éléments dont il dispose, le Comité ne peut pas conclure qu'une demande d'autorisation de recours devant le Conseil privé doit être considérée comme vaine à priori. Il considère en conséquence que les conditions prévues au paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif ne sont pas remplies. 10. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide: a) Que la communication n'est pas recevable en vertu de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif; b) Qu'étant donné qu'il peut, conformément au paragraphe 2 de l'article 92 de son règlement intérieur, reconsidérer cette décision s'il est saisi par l'auteur, ou en son nom, d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ont cessé d'exister, 1'Etat partie sera prié, considérant l'esprit et l'objet de l'article 86 du règlement intérieur du Comité, de ne pas exécuter la peine capitale à l'encontre de l'auteur tant qu'il n'aura pas eu raisonnablement le temps, après avoir épuisé les recours internes utiles qui lui sont ouverts, de demander au Comité de reconsidérer la présente décision; c) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et a l'auteur de la communication.