concernant
la Communication No 233/1987
2.3 L'auteur a fait appel de la déclaration de culpabilité et de la condamnation, mais la cour d'appel de la Jamaïque a rejeté son appel le 21 mai 1987. Par la suite, il a essayé d'obtenir le jugement de la cour d'appel, mais sans succès.
2.4 A l'époque où la communication a été présentée, l'auteur n'avait pas demandé d'autorisation de recours devant la Section judiciaire du Conseil privé, faute de ressources financières. Par la suite, en 1988, il a obtenu à cette fin, gratuitement, les services d'un cabinet d'avocats de Londres. En mai 1990, à la suite de la décision prise par le Comité le 15 mars 1990, déclarant la communication recevable, l'avocat a fait connaître au Comité qu'il avait réussi à obtenir le jugement de la cour d'appel, faisant observer qu'il lui avait fallu plus d'un an et demi pour obtenir ce document et soulignant que 1" 'existence" des textes de décision judiciaire pertinents devrait s'entendre de méthodes pratiques et raisonnablement efficaces par lesquelles l'appelant ou son conseil pourrait recevoir les documents appropriés. Tout en critiquant 1' inefficacité administrative apparente et le refus de coopérer" de 1'Etat partie qui, pendant un temps considérable, avait rendu pratiquement impossible l'épuisement des recours internes, l'avocat confirme néanmoins son intention de demander l'autorisation spéciale d'engager, au nom de l'auteur, un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé.
La plainte
3.1 L'auteur affirme que le déroulement de son procès et de son appel ont été entachés de plusieurs irrégularités, en violation de l'article 14 du Pacte. Il affirme ainsi n'avoir jamais pu consulter suffisamment son avocat, ni avant ni pendant le procès. Avant le procès, il n'a pas pu s'entretenir régulièrement avec lui, et son avocat ne lui a rendu visite qu'une seule fois, brièvement, juste avant l'ouverture du procès. A l'audience, leurs entretiens se sont limités à de brefs échanges, ne dépassant jamais 10 a 15 minutes. L'auteur ajoute que son avocat était régulièrement absent à l'audience : il s'excusait en général par téléphone, déclarant devoir plaider ailleurs.
3.2 L'auteur reconnaît que les témoins à charge ont été soumis a un contre-interrogatoire, mais il ajoute qu'il avait demandé qu'un témoin à décharge, une jeune fille qui, d'après lui, se trouvait en sa compagnie au moment de son arrestation, témoigne en sa faveur, car elle aurait pu jeter des doutes sur le témoignage de D. T. Son conseil n'a rien fait pour contacter ce témoin. 3.3 Pour ce qui est de l'appel, l'auteur représente qu'il n'a bénéficié d'aucune aide pour le préparer et qu'il a seulement été informé qu'un avocat avait été commis d'office a cet effet. Il a adressé deux lettres à cet avocat avant l'audience, mais n'a reçu aucune réponse. Par la suite, lui-même et son avocat ont demandé, à mainte. s reprises, copie de l'arrêt écrit de la cour d'appel; il est représenté que le retard apporté à la communication de ce jugement constitue une violation du droit de l'auteur de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi. Renseignements et observations communiqués par 1'Etat partie 4.1 L'Etat partie fait valoir que la communication est irrecevable au motif que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles comme l'exige le paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif. Il fait observer que l'auteur conserve le droit de demander à la Section judiciaire du Conseil privé une autorisation spéciale de recours, et qu'il pourrait bénéficier à cet effet de l'assistance judiciaire, conformément au paragraphe 1 de l'article 3 du Poor Prisoners'Defence Act (loi relative à la défense des détenus nécessiteux). 4.2 L'Etat partie ajoute que les doutes relatifs à l'existence du texte écrit du jugement de la cour d'appel, en l'espèce, sont peut-être attribuables à une certaine confusion quant à l'identité de l'auteur. A cet égard, le greffier de la cour d'appel avait communiqué les renseignements suivants : "Un appel a été formé par un dénommé [M. F.]reconnu coupable de meurtre le 30 janvier 1986. Cet appel a été entendu le 21 mai 1987. (...) L'arrêt a été rendu par écrit le 19 juin 1987. Le greffier suppose que la confusion est due au nom indiqué, à savoir [M. F.]." 4.3 L'Etat partie fait valoir que l'existence d'une décision motivée n'a jamais été la question contestée, à aucun stade de la procédure. A la suite d'une décision interlocutoire se rapportant à cette affaire, adoptée par le Groupe de travail du Comité en octobre 1989, dans laquelle 1'Etat partie était prié de fournir à l'auteur ou à son conseil le texte écrit de l'arrêt rendu par la cour d'appel, ce texte avait été fourni à M. F. 4.4 L'Etat partie fait valoir que dans des affaires, comparables à celle dont il s'agit, dans lesquelles la cour d'appel a effectivement rendu un arrêt par écrit, l'obligation de communiquer le jugement à l'auteur d'une plainte a été remplie dès lors que le jugement a été rendu par écrit. En conséquence, le jugement était à la disposition de l'auteur et de son conseil le 19 juin 1987, date à laquelle il a été rendu. Questions dont le Comité est saisi et procédures 5.1 Avant d'examiner une plainte présentée dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. 5.2 Pendant sa trente-huitième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication. En ce qui concerne la condition de l'épuisement des recours internes, il a pris note de l'affirmation de 1'Etat partie, selon laquelle la communication était irrecevable parce que l'auteur n'avait pas demandé à la Section judiciaire du Conseil privé l'autorisation spéciale de recours. Le Comité a alors fait observer que bien qu'en principe la Section judiciaire puisse accorder une autorisation spéciale de recours en l'absence d'arrêt écrit de la cour d'appel, il ressortait de sa pratique passée que toutes les demandes qui n'étaient pas étayées par l'arrêt écrit de la cour d'appel avaient été rejetées. Il considérait donc que pour qu'une demande d'autorisation spéciale de recours soit considérée comme un recours disponible utile, il fallait qu'elle puisse être étayée par le texte du jugement pour lequel l'autorisation de recours était demandée. Le Comité estimait en outre que le conseil avait déployé des efforts raisonnables pour obtenir les documents en question, et qu'il avait le droit d'estimer qu'une demande d'autorisation spéciale de recours ne serait pas un recours efficace au sens du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif. 5.3 Le 15 mars 1990, le Comité a donc déclaré que la communication était recevable dans la mesure où elle semblait soulever des questions relevant de l'article 14 du Pacte. 6.1 Le Comité a pris note des observations de 1'Etat partie, adressées après l'adoption de la décision relative à la recevabilité, dans lesquelles 1'Etat partie faisait valoir que la cour d'appel s'est acquittée de l'obligation de mettre son jugement à la disposition de l'accusé dès lors que ce jugement a été rendu par écrit, et que le jugement de la cour d'appel était donc à la disposition de l'auteur et de son conseil dès le 19 juin 1987. 6.2 Tout en considérant que l'adoption du jugement par écrit ne suffit pas a établir que ce jugement est "mis à la disposition" soit de l'appelant soit de son conseil, et qu'il aurait dû y avoir des voies administratives suffisamment efficaces permettant soit à l'appelant soit au conseil de demander et d'obtenir les documents pertinents, le Comité note que le conseil de l'auteur a bien obtenu une copie du jugement de la cour d'appel peu de temps après l'adoption de la décision relative à la recevabilité. Ce conseil dispose donc désormais des documents lui permettant de s'adresser utilement a la Section. judiciaire: le Comité note par ailleurs que le conseil a confirmé son intention de demander l'autorisation spéciale de recours au nom de l'auteur, et a donc entrepris d'utiliser un recours interne disponible, susceptible d'assurer la réparation légale recherchée. 7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide : a) que sa décision relative à la recevabilité en date du 15 mars 1990 est annulée: b) que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif: c) qu'étant donné que le Comité peut, conformément au paragraphe 2 de l'article 92 de son règlement intérieur, reconsidérer cette décision s'il est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande écrite contenant des renseignements dont il ressortirait que les motifs d'irrecevabilité ont cessé d'exister, 1'Etat partie est prié, conformément à l'article 86 du règlement intérieur du Comité, de surseoir à l'exécution de la pèine capitale prononcée contre l'auteur tant que ce dernier n'aura pas eu raisonnablement le temps, après avoir épuisé les recours internes utiles qui lui sont ouverts, de demander au Comité de reconsidérer la présente décision; d) que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur de la communication et à son conseil.