4.4 En ce qui concerne la violation présumée de l'article 9 1)du Pacte, I'Etat partie indique que H. R. a été détenu du 5 janvier 1982 au 11 mars 1982 en vertu de l'attestation commune délivrée, conformément à l'article 39 de la loi sur l'immigration de 1976, par le Solliciteur général et le Ministre de l'emploi et de l'immigration, qui ont déclaré : "Compte tenu des rapports en matière de sécurité et de renseignement qui nous ont été présentés et que nous avons examinés, lesquels ne peuvent être rendus publics en raison de la nécessité de protéger les sources d'information, [l'auteur]entre dans la catégorie des personnes visées à l'alinéa f)du paragraphe 1 de l'article 19 de la loi sur l'iwigration de 1976, sa présence au Canada étant préjudiciable a l'intérêt national". Ainsi, 1'Etat partie fait valoir que la dkention légale d'un étranger qui fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion ne peut pas être considérée comme une détention arbitraire. En outre, 1'Etat partie explique que, lorsqu'une personne demande l'asile, les autorités canadiennes doivent disposer d'un ddlai raisonnable pour recueillir des renseignements, mener une enquête et décider de la question délicate de savoir si cette personne représente ou non un danger pour la sécurite nationale. Il cite à cet égard l'article 5 1)f)de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose expressément que : "nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : . . . s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours". Bien que l'article 9 1)du Pacte ne soit pas aussi précis que l'article correspondant de la Convention européenne, 1'Etat partie soutient que la question de la détention d'une personne à des fins de contrôle d'immigration ne relève pas des dispositions de l'article 9 1). et que sur ce plan la communication doit être déclarée irrecevable ratione materiae. 4.5 Bien que l'auteur n'invoque pas l'article 13 du Pacte, 1'Etat partie aborde la question de l'expulsion d'étrangers, telle qu'elle est prévue dans le Pacte, et se réfère à la décision prise par le Comité dans l'affaire No 58/1979, Anna Maroufidou c. Suède, où le Comité a statué que l'expulsion de l'intéressée ne constituait pas une violation du Pacte, parce qu'elle avait éte expulsée conformément à la procédure fixée par les lois suedoises et qu'il n'y avait pas de preuve de mauvaise foi ou d'abus de pouvoir. Dans ce contexte, le Gouvernement canadien soutient que la procédure d'expulsion contre H. R. est conforme à l'article 13 du Pacte. 4.6 En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 14 1)du Pacte, 1'Etat partie fait valoir que les procédures d'expulsion des étrangers, étant spécifiquement envisagées par l'article 13 du Pacte, ne peuvent être considérées comme en violant l'article 14. Plus particulièrement, 1'Etat partie observe que les garanties prévues à l'article 14 du Pacte touchent à la détermination du bien-fondé de "toute accusation en matière pénale" ou à la détermination des "droits et obligations de caractère civil". Or les procédures d'expulsion ne font partie ni de l'une ni de l'autre de ces catégories : il s'agit plutôt d'une question qui est régie par le droit public. Les procédures en matière d'asile ou d'expulsion n'étant pas visées par les dispositions de l'article 14, cet aspect de la communication devrait être déclaré irrecevable ratione materiae. 4.7 En ce qui concerne la violation alléguée des articles 18 et 19 du Pacte, 1'Etat partie objecte que l'auteur n'a pas fourni de preuve pour appuyer une violation prima facie de ses droits à la liberté de pensée, d'opinion et d'expression. Enfin, en ce qui concerne la violation alléguée des articles 2 et 26 du Pacte, 1'Etat partie soutient que l'auteur n'a pas soumis suffisamment de preuves pour établir une violation prima facie de ces dispositions, que ses allégations sont manifestement infondées, et que ces aspects de la communication doivent être déclarés irrecevables parce qu'ils constituent un abus du droit de présenter des communications conformément a l'article 3 du Protocole facultatif. 5.1 Commentant les observations de 1'Etat partie en application de l'article 91 du règlement intérieur, l'auteur a réaffirmé le 20 avril 1988 que la décision de l'expulser représentait un danger objectif pour sa vieet il se réfère à la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l'homme à cet égard. Il soutient en outre que sa communication n'invoque pas le droit d'asile, et qu'une distinction doit être faite entre la demande de droit d'asile et l'asile qui résulterait de la mise en place de certains dispositifs tendant à remédier aux violations du Pacte alléguées par un individu. Ce n'était pas l'ordonnance d'expulsion qu'il contestait, mais la violation de droits spécifiques garantis par le Pacte.
5.2 En ce qui concerne la violation présumée de l'article 14 11, l'auteur préconise une interprétation élargie de ce que constituent les "droits et obligations de caractère civil". Il invoque le commentaire général du Comité sur l'article 14, selon lequel "les dispositions de l'article 14 s'appliquent à tous les tribunaux et autres organismes juridictionnels, de droit commun ou d'exception inclus dans son champ d'application", et prétend que les différends de droit public entrent aussi dans le champ d'application de l'article 14. Il rappelle en outre que la version anglaise du Pacte protège les droits et obligations "in a suit at law", plutôt que les droits et obligations "de caractère civil", comme il est dit dans la version française du Pacte, qu'il juge donc plus restrictive. 5.3 En ce qui concerne l'article 9, l'auteur soutient que cette disposition doit s'appliquer à toutes les situations dans lesquelles une personne est privée de sa liberté, y compris pour des raisons de contrôle d'immigration. 5.4 L'auteur conclut qu'en ce qui concerne ses autres allégations, touchant les violations des articles 18 et 19, il a au moins présenté un commencement de preuve de la violation du Pacte par le Canada. Il soupçonne que la raison pour laquelle les autorités canadiennes veulent l'expulser se trouvent dans ses opinions politiques : "On ne peut invoquer des motifs de sécurité nationale que si l'on peut justifier cette contravention à un droit garanti par le Pacte, en l'occurrence le droit d'être protégé contre toute discrimination . . . L'Etat qui invoque des motifs de sécurité nationale à l'encontre de certaines opinions exprimées par un individu pénalise ce dernier pour avoir exercé son droit à la liberte d'expression". L'auteur estime que le Comité serait mal avisé de faire appel à des interprétations restrictives du Pacte, interprétations qui seraient contraires à ses buts et objectifs. 5.5 En ce qui concerne son allégation selon laquelle il a été l'objet d'une discrimination en violation des articles 2 et 26 du Pacte, l'auteur soutient "que les manoeuvres du Gouvernement canadien constituent de la discrimination à l'égard des citoyens étrangers. En effet, l'étranger ne peut pas exprimer ses opinions, sa pensée et ses convictions, car, dans l'exercice de ces droits, il ne sera pas traité comme un citoyen canadien. Le mécanisme prévu par l'article 19 1)f)de la loi canadienne d'immigration est discriminatoire, en ceci que l'on ne vérifie pas la véracité des informations sur les idées ou opinions qu'aurait exprimées l'étranger. Ce dernier ne peut pas bénéficier pour ses opinions de la même protection qu'un citoyen qui exprimerait les mêmes vues". 6.1 Avant de considérer toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit'conformément. à l'article 87 de son règlement interieur provisoire'décider si la communication est ou non recevable en vertu du Protocole facultatif. 6.2 Le Comité constate que 1'Etat partie n'a pas contesté l'affirmation de l'auteur selon laquelle les recours internes ont été épuisés. Il note en outre que la même affaire n'est pas soumise B une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Sur la base de l'information dont il dispose, le Comité conclut donc que la communication répond aux conditions de l'article 5 2)du Protocole facultatif. 6.3 Le Comité a examiné également si les conditions énoncées aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif ont été satisfaites. Il relève que le droit d'asile n'est pas prévu dans le Pacte. S'agissant des affirmations de l'auteur selon lesquelles son droit à la vie en vertu de l'article 6 du Pacte et son droit à la liberté en vertu de l'article 9 du même instrument ont dté violés, le Comité estime que l'auteur n'a pas apporté de preuve à l'appui ni de l'une ni de l'autre. Pour ce qui est de l'article 6 du Pacte, il a simplement déclaré qu'il craignait pour sa vie si jamais il était expulsé vers El Salvador. Le Comité ne peut pas examiner des violations hypothétiques des droits énoncés dans le Pacte qui pourraient se produire dans l'avenir; de plus, le Gouvernement canadien a déclaré publiquement et à plusieurs reprises qu'il ne renverrait pas l'auteur en El Salvador, et qu'il lui a donne la possibilité de choisir un pays tiers sûr. Au sujet de l'article 9, le Comité note que cet article interdit l'arrestation et la détention arbitraires; or, l'auteur a été arrêté conformément à la loi parce qu'il était entré au Canada sans autorisation, et la décision de le détenir n'a pas été arbitraire, en particulier compte tenu de son insistance à ne pas vouloir quitter le territoire canadien. Le Comité a, par ailleurs, jugé nécessaire de voir s'il était possible de faire valoir un droit au nom de l'article 13, bien que l'auteur ne l'ait pas invoqué. Il fait observer que l'une des conditions requises pour appliquer cet article est que l'étranger se trouve légalement sur le territoire de 1'Etat partie. Or, H. R. ne se trouvait pas légalement sur le territoire canadien. En outre, 1'Etat partie a invoqué les raisons de sécurité nationale pour justifier la mesure d'expulsion dont M. R. a fait l'objet. Il n'appartient pas au Comité de contrôler la façon dont un Etat souverain évalue le danger que représente un étranger pour la sécurité nationale; de plus, sur la base des renseignements communiqués au Comité, les procédures utilisées pour expulser H. R. sont conformes aux sauvegardes prévues à l'article 13. Pour ce qui est de l'article 14, le Comité note que même si les auditions en matière d'immigration et les procédures d'expulsion pouvaient relever, ainsi que le prétend l'auteur, de "contestations sur ses droits et obligations de caractère civil", au sens de l'article 14, par. 1, du Pacte, l'examen minutieux de la communication n'a fait apparaître aucun fait à l'appui de la plainte de l'auteur selon laquelle il était victime d'une violation de cet article. En particulier, il ressort des observations mêmes de l'auteur qu'il a eu amplement l'occasion, au cours des procédures officielles comprenant des auditions où des témoins ont été cités, tant devant l'arbitre que devant les tribunaux canadiens, de faire entendre sa cause concernant son séjour au Canada. A l'égard des articles 18 et 19 du Pacte, le Comité note que l'auteur n'a fourni aucun élément qui prouverait que l'exercice de son droit à la liberté de conscience ou d'expression a été soumis à des restrictions au Canada. Il soutient apparemment que la procédure d'expulsion dont il a fait l'objet est due au fait que l*Etat partie désapprouvait ses opinions politiques, ce qui est démenti par la déclaration incontestée de 1'Etat partie selon laquelle, dès novembre 1980, il avait été décidé de ne pas autoriser l'auteur à revenir au Canada pour des motifs évidents de sécurité nationale (voir plus haut, par. 4.2). L'expulsion d'un étranger pour des motifs de sécurité ne constitue pas une atteinte aux droits garantis par les articles 18 et 19 du Pacte. Concernant les articles 2 et 26 du Pacte, l'auteur n'a pas prouvé en quoi l'expulsion d'un étranger pour des motifs de sécurité nationale constitue une mesure discriminatoire. 7. Le Comité des droits de l'homme décide donc ce qui suit : 1. La communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif, étant donné que les plaintes de l'auteur sont, soit non justifiées par des preuves, soit incompatibles avec les dispositions du Pacte; 2. Le texte de la présente décision sera communiqué à l'auteur et à 1'Etat partie.