concernant la Communication No. 246/1987
Au nom de: L'auteur
Etat partie intéressé : Jamaïque
Date de la Communication. : 6 août 1987 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de 1' homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni. le 26 juillet 1980
Adopte la décision ci-après :
2.1 Le 5 octobre 1977, l'auteur a été reconnu coupable du meurtre, le 15 janvier 1976, d'un certain P. N. et condamné à mort par la Home Circuit :ourt de Kingston. Il a été débouté en appel le 23 février 1978 par la Cour d'appel de la Jamaïque. En janvier 1988, la peine de mort a été commuée en peine de réclusion à vie par le Gouverneur général de la Jamaïque.
2.2 Quant au fond de l'affaire, l'auteur déclare que, le 15 janvier 1976, vers 20 heures, il s'est rendu au domicile de la victime pour y rencontrer son amie. Cette dernière se trouvait en compagnie de son enfant, de M. M., principal témoin à charge, de P. N. et d'une autre personne. Selon l'auteur, il y aurait eu une altercation entre lui-même et la victime au cours de laquelle celle-ci aurait sorti un couteau avec lequel elle aurait tenté de le frapper. Un ami de la victime serait intervenu pour les séparer et l'auteur aurait quitté les lieux. Ce n'est que le lendemain qu'il aurait appris le décès de N.
2.3 L'auteur prétend avoir été mal. défendu par l'avocat désigné d'office qui, en présentant sa défense devant la Home Circuit .Court n'aurait pas plaidé pour qu'il fût accusé d'homicide involontaire et non de meurtre. En outre, le résumé des dépositions et des débats fait par le juge d'instance aurait été partial et tendancieux , étant donné qu'il aurait indûment souligné les faiblesses et les contradictions de la défense sans faire valoir au jury que les preuves médicales et les rapports d'experts présentés par le ministère public mettaient en doute la valeur de la déposition du seul témoin oculaire de l'accusation.
2.4 Se référant aux conditions de sa détention, l'auteur se plaint de souffrir d'infirmités et de divers maux sans toutefois en préciser la nature ni indiquer s'ils sont apparus pendant son incarcération. Il explique qu'au printemps 1987, des agents des services d'aide sociale ont interrogé des détenus souffrant d'un handicap permanent , conformément à une directive selon laquelle une liste des détenus handicapés devait être fournie aux autorités pénitentiaires. L'auteur affirme que son nom n'a pas é téinscrit sur cette liste et qu'il a donc été victime d'un traitement discriminatoire.
3. Par sa décision du 5 novembre 1987, le Comité des droits de l'homme a transmis la communication, pour information, à 1'Etat partie en lui demandant, conformément à l'article 86 du règlement intérieur, de surseoir à l'exécution de la peine de mort prononcée contre l'auteur tant que le Comité n'aurait pas eu la possibilité d'examiner plus avant la question de la recevabilité de la communication. L'auteur a été prié , conformément à l'article 91, de fournir des éclaircissements sur son affaire et sur les conditions dans lesquelles s'étaient déroulés son procès et la procédure d'appel et de lui transmettre la copie des actes du jugement.
4. Sous couvert d'une lettre datée du 14 janvier 1988, et à la demande de l'auteur, le secrétariat de la Commission inter-américaine des droits de l'homme a transmis au Comité les document6 qui lui avaient été adressés par l'auteur, précisant que l'auteur l'avait informé ne plus vouloir lui soumettre l'examen de son cas. L'auteur n'a pas donné suite à la demande d'éclaircissements qui lui avait été adressée par le Comité. 5. Par une nouvelle décision en date du 22 mars 1988, le Groupe de travail du Comité a transmis le texte de la communication à 1'Etat partie en le priant, en vertu de l'article 91 du règlement intérieur du Comité, de fournir des renseignements et observations concernant la question de la recevabilité de la communication. L'Etat partie était notamment invité à préciser si l'auteur pouvait encore demander l'autorisation de former un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé et si une assistance judiciaire serait mise à sa disposition à ce titre. L'Etatpartie était en outre prié de coxmauniquer au Comité le texte des décisions rendues dans cette affaire et, en vertu de l'article 86 du règlement intérieur, de ne pas donner suite à la peine de mort prononcée contre l'auteur tant que la communication de ce dernier serait en cours d'examen devant le Comité.
6. Dans sa réponse du 25 octobre 1988 , soumise conformément à l'article 91, 1'Etat partie fait valoir que la communication est irrecevable au motif que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles comme l'exige le paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif, la Section judiciaire du Conseil privé, la plus haute instance d'appel de la Jamaïque, n'ayant pas statué sur son cas.
7. Dans ses observations du 29 mars 1989, l'avocat fait valoir que si, en son article 3, la loi relative à la défense des prisonniers nécessiteux prévoit une assistance judiciaire aux fins de demander une autorisation spéciale de se pourvoir devant la Section judiciaire du Conseil privé, le recours à cette instance est un recours de portée limitée. L'avocat ajoute que 1'Etat partie n'a pas démontré comment ce recours aurait pu, ou pourrait, être utile en l 'occurrence et conclut que les condition6 prévues au paragraphe 2 b)de l'article 5 ont été remplies.
8. Dans une nouvelle réponse en date du 20 juin 1989, 1'Etat partie affirme qu'une demande d'autorisation spéciale de se pourvoir devant la Section judiciaire du Conseil privé constitue un recours authentique et que, dans le cas de l'auteur, sa demande serait examinée en audience judiciaire et jugée sur des bases à la fois conformes à la loi et raisonnables. Si le Conseil privé, jugeant sa demande aans fondement, la rejetait, l'auteur ne pourrait pas prétendre ne pas avoir disposé de recours , il n'aurait fait qu'échouer dans son entreprise. L'Etat partie maintient donc que la communication est irrecevable arguant que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles. 9. Dans de nouvelles observations datées du 16 février 1990, l'avocat affirme que , si l'article 3 de la loi relative à la défense des prisonniers nécessiteux prévoit une assistance judiciaire aux fins de demander une autorisation spéciale de former un recours , une telle demande échouerait inévitablement dans le cas de l'auteur. Il souligne que la longueur de la procédure judiciaire en l'espèce devrait être considérée comme constituant un déni de justice, mais que, dans l'affaire Rilev and others v. The Om (1981), la Section judiciaire a statué que , quelles que soient les raisons des délais d'exécution d'une sentence prononcée conformément à la loi, ce6 délais ne peuvent être invoqués pour prétendre que l'exécution contrevient à l'article 17 de la Constitution jamaïquaine. L'avocat conclut qu'une demande d'autorisation snéciale de former un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé-ne constituerait pas un recours "disponible" pour l'auteur au sens du paragraphe 2 b)de l'article 5.
10.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'honune doit, confomément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultati f se rapportant au Pacte.
10.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu de l'alinéa a)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
10.3 S 'agissant de la règle de l 'épuisement des recours internes, le Comité note que 1'Etat partie fait valoir que l 'auteur peut encore présenter à la Section judiciaire du Conseil privé une demande d 'autorisation de former un recours. Il note aussi qre l 'auteur a été condamné-à mort le 5 octobre 1977. Bien que les procédure6 de recours internes mises en oeuvre pendant 13 ans puissent être considérées comme "excédant les délais raisonnables " au sens du paragraphe 2 b)de l 'article 5, il est un principe bien établi selon lequel tout appelant doit prouver qu 'il s 'est raisonnablement efforcé de se prévaloir des recours disponibles. Dans le cas considéré, il incombait à l 'auteur, ou à son défenseur, de se prévaloir de la possibilité de présenter une demande d 'autorisation de recours devant la Section judiciaire du Conseil privé après l 'établissement, en avril 1978, du texte de l 'arrêt de la Cour d 'appel jamaïquaine concernant le demandeur. L'auteur et son conseil n 'ont pas démontré, bien qu 'ils aient été invités à le faire, l 'existence de circonstances qui pourraient les avoir empêchés de saisir en temps voulu la Section judiciaire du Conseil privé. Dans ces conditions, le Comité conclut que la longueur de la procédure judiciaire est imputable à l 'auteur et que les conditions prévues 8 l 'alinéa b) du paragraphe 2 de l 'article 5 du Protocole facultatif n 'ont pas été remplies.
11. Le Comité des droits de l 'homme décide en conséquence :
a) Que la communication n 'est pas recevable en vertu de l 'alinéa b) du paragraphe 2 de l 'article 5 du Protocole facultatif; b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur de la communication et à son conseil.