University of Minnesota



Michael Sawyers Michael et Desmond McLean c. Jamaïqu
e, Communication No. 256/1987, U.N. Doc. CCPR/C/41/D/256/1987 (1991).



Comité des droits de l'homme
Quarante et unième session

CONSTATATIONS DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4
DE L'ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE
INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
QUARANTE ET UNIEME SESSION

concernant les

Communications Nos 226/1987 et 256/1987


Présentées par : Michael Sawyers Michael et Desmond McLean (représentes par un Conseil)

Au nom de: Les auteurs

Etat partie intéressé : Jamaïque

Date des communications: 13 mars 1987, et communication non datée (reçue le 28 octobre 1987)

Date de la décision sur la recevabilité : 7 avril 1988

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 11 avril 1991,

Avant achevé l'examen des communications Nos 226/1987 et 256/1987, présentées au Comité par Michael Sawyers et Michael et Desmond McLean, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies par les auteurs de la communication et par 1'Etat partie intéressé,

Adopte ce qui suit :


Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif


1. Michael Sawyers a présente sa communication le 13 mars 1987. Une communication analogue de ses coaccusés, Desmond et Michael McLean a été reçue le 28 octobre 1987. Le Comité a décidé de traiter conjointement les communications par une décision datée du 7 avril 1988. Les auteurs sont des ressortissants jamaïquains actuellement détenus à la prison du district de Sainte-Catherine (Jamaïque) où ils attendent d'être exécutés. Ils se déclarent victimes de la violation par la Jamaïque de l'article 14 du Pacte international relatif aux. droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil.

2.1 Les auteurs ont été arrêtés en juillet 1982 et accusés d'avoir assassine, le 9 juillet 1982 vers 2 h 30 du matin, dans un quartier de Kingston connu sous le nom de Waltham Park, un certain Randolph Ramsay. Au moment de sa mort, la victime était en compagnie de sa soeur, Dawn Ramsay, et de Carl Martin, qui sont les deux principaux témoins à charge.

2.2 Les auteurs ont été jugés par la Home Circuit Court de Kingston en novembre 1983. Ils ont contesté le témoignage des témoins à charge et ont déclaré qu'aucun d'eux n'était présent sur les lieux lorsque le meurtre a eu lieu. Tous trois ont déclaré que la nuit du 9 juillet 1982 ils étaient chez eux en train de dormir. Deux témoins ont corroboré le témoignage de Michael Sawyers et de Michael McLean. M. Sawyers allègue en outre qu'il n'a pas été confronté avec les témoins après son arrestation, comme il est de rigueur dans les affaires où la peine capitale peut être prononcée.

2.3 Le 25 novembre 1983, les auteurs ont été reconnus coupables de meurtre et condamnés à mort. Le 10 mars 1986, la cour d'appel de la Jamaïque a rejeté leur appel. Ils ont par la suite demandé l'autorisation de former un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé.

3. Par sa décision du 8 avril 1987, le Comité a transmis la communication de Sawyers (No 226/1987) en application de l'article 91 du règlement intérieur à 1'Etat partie en le priant de soumettre des renseignements et observations se rapportant a la question de la recevabilité de la communication. En particulier, 1'Etat partie était prié de préciser si la cour d'appel avait rendu un jugement par
écrit déboutant l'auteur de son appel et, au cas où elle ne l'aurait pas encore fait, la date a laquelle on pouvait compter disposer de ce jugement, et si l'affaire avait eté soumise à la Section judiciaire du Conseil privé.

4. Dans les observations datées du 3 juin 1987 qu'il a présentées conformément a l'article 91, 1'Etat partie a précisé que la cour d'appel avait rendu un jugement par écrit sur cette affaire le 12 février 1987 et a fourni copie de ce jugement a la Section judiciaire. Il a en outre déclaré qu'aucune audience n'avait eu lieu devant la Section judiciaire du Conseil privé.

5. Par une nouvelle décision prise en application de l'article 91 et datée du 12 novembre 1987, le Comité a transmis à 1'Etat partie la communication de Michael et Desmond McLean (No 256/1987)en le priant de soumettre des informations et des observations se rapportant à la question de la recevabilité ainsi que des informations concernant l'état de l'affaire devant la Section judiciaire du Conseil privé.

6. Dans de nouvelles observations, datées du 7 décembre 1987, concernant la communication No 226/1987, présentées en application de l'article 91, 1'Etat partie a informé le Comité que la Section judiciaire du Conseil prive avait examiné la demande d'autorisation de former un recours présentée par l'auteur le 8 octobre 1987 et l'avait rejetée. Dans des observations datées du 16 février 1988, présentées en application de l'article 91 au sujet de la communication No 256/1987, 1'Etat partie a réitéré les renseignements communiqués dans sa réponse du 7 décembre 1987 et transmis une copie de la décision du Conseil privé, qui n'indique pas les raisons du rejet.


7.1 Commentant ces nouvelles observations de 1'Etat partie présentées en application de l'article 91, M. Sawyers déclare que le 5 janvier 1988. le coordonnateur du Conseil des droits de l'homme de la Jamaïque l'a informe que sa demande d'autorisation de recours à la Section judiciaire du Conseil prive avait été rejetée parce que la cour d'appel de la Jamaïque n'avait pas rendu de jugement par écrit dans son cas.

7.2 M. Sawyers déclare en outre que le Conseil des droits de l'homme de la Jamaïque a reçu un certain nombre de déclarations non signées émanant de personnes de la localité où le meurtre avait eu lieu et concernant son cas. Ces déclarations, entre autres celles du père de la victime, tendraient a prouver qu'il est innocent. Les auteurs de ces déclarations auraient expliqué qu'ils n'avaient rien fait pour aider M. Sawyers parce qu'ils aimaient mieux voir M. Sawyers exécuté que voir les trois inculpés libérés. Le père de la victime s'abstiendrait de faire une déclaration en faveur de l'auteur par crainte de représailles de la part de sa famille et de son épouse.

8. Le 7 avril 1988, le Comité des droits de l'homme a déclaré que les deux communications étaient recevables en vertu du Protocole facultatif. Il a noté en particulier que la demande d'autorisation de former un recours avait été rejetée par l'instance suprême de 1'Etat partie, la Section judiciaire du Conseil prive, et qu'il semblait donc qu'il n'y ait plus de recours pour les auteurs. Considérant que les communications avaient trait aux mêmes événements, le Comité a en outre décidé, en application du paragraphe 2 de l'article 88 de son règlement intérieur, d'examiner conjointement les communications. Il a prié 1'Etat partie, conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, de lui fournir des renseignements précis concernant le fond des allégations des auteurs et les circonstances dans lesquelles la demande d'autorisation de former un recours qu'ils avaient adressée a la Section judiciaire du Conseil privé avait été examinée et rejetée, et a réitéré la demande qu'il avait faite conformément a l'article 6 de son
règlement intérieur tendant à surseoir à l'exécution.

9.1 Dans les observations qu'il a présentées en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, datées des 2 et 16 novembre 1988, 1'Etat partie affirme que les communications des auteurs sont irrecevables car ils n'ont pas épuisé tous les recours internes disponibles, puisqu'ils n'ont entrepris aucune démarche sur la base de la Constitution de la Jamaïque pour faire respecter leur droit à un procès équitable et à une assistance en justice. L'Etat partie demande au Comité de revoir sa décision concernant la recevabilite en vertu du paragraphe 4 de l'article 93 du règlement intérieur provisoire et explique :

"L'article 20 de la Constitution de la Jamaïque . . . garantit [aux auteurs]la protection de la loi. Il prévoit notamment ce qui suit :


20. 1) Lorsqu'une personne sera accusée d'un acte délictueux, elle aura droit, à moins que l'accusation ne soit retirée, à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi.

2) Tout tribunal ou autre autorité compétente prévu par la loi pour déterminer l'existence ou l'étendue de droits civils ou d'obligations civiles devra être indépendant et impartial: lorsqu'une procédure sera engagée par une personne devant un tel tribunal ou une telle autorité en vue d'une telle détermination, cette personne sera entendue équitablement et dans un délai raisonnable.

6) Toute personne accusée d'un acte délictueux :

a) Sera informée dès que faire se pourra, dans une langue qu'elle comprend, de la nature du délit dont elle est accusée:

b) Disposera du temps et des facilités nécessaires pour la préparation de sa défense:

c) Aura la faculté d'assurer sa défense personnellement ou par l'intermédiaire d'un représentant légal de son choix:

d) Aura la possibilité d'interroger, en personne ou par l'intermédiaire de son représentant légal, les témoins cités par l'accusation devant le tribunal, et de citer et interroger des témoins à sa décharge devant le tribunal dans les mêmes conditions que celles s'appliquant aux témoins a charge, sous réserve du paiement des frais raisonnablement encourus par eux;

e)Pourra disposer gratuitement de l'assistance d'un interprète, si elle ne comprend pas l'anglais."

9.2 L'Etat partie ajoute :

"L'article 25 de la Constitution prévoit un mécanisme permettant d'assurer le respect de ces droits. Il contient les dispositions suivantes :

25. 1). . . Quiconque estimera qu'il est, qu'il a été ou qu'il risque d'être contrevenu, en ce qui le concerne, à l'une des dispositions des
articles 14 à 24 de la présente Constitution, pourra, sans préjudice de toute autre voie de recours qui lui est légalement ouverte en la circonstance, introduire un recours devant la Cour suprême.

2) La Cour suprême aura compétence en première instance pour entendre toute requête formée en application du paragraphe 1 ci-dessus et statuer sur elle. Elle pourra rendre les arrêts, prendre les ordonnances et donner les directives qu'elle jugera appropriées pour assurer ou faire assurer l'observation des dispositions des articles 14 à 24 de la présente Constitution dont la personne intéressée pourra revendiquer la protection. Etant entendu, toutefois, que la Cour suprême n'exercera pas les pouvoirs conférés par le présent paragraphe si elle estime que la personne intéressée a disposé ou dispose, en vertu d'une autre loi, de voies de recours appropriées en ce qui concerne la contravention alléguée.

9.3 L'Etat partie fait observer qu'il n'a pas soulevé la question de la non-recevabilité des communications au motif susmentionné parce que les décisions prises par le Comité en application de l'article 91 l'avaient conduit a porter spécialement son attention sur les recours formés par les auteurs devant le Conseil privé. Il ajoute qu'il :

"n'a pas fait valoir que les communications étaient irrecevables pour non-épuisement des recours internes, parce qu'il répondait à une question précise du Comité sur l'état de la procédure de recours [des auteurs] devant le Conseil privé. Le Comité, tout en demandant formellement au Gouvernement de faire connaître sa position quant à la recevabilité des communications, insistait sur la question de savoir où en était la procédure de recours engagée par les auteurs devant le Conseil privé, ce qui a conduit le [Gouvernement] à penser que, lorsque les renseignements donnés par lui auraient apporté une réponse à cette question, le Comité lui ferait savoir qu'il s'apprêtait a statuer sur la recevabilité des communications, moment auquel le [Gouvernement] aurait soulevé l'objection in limine a la recevabilité."

9.4 L'Etat partie déclare que, lorsqu'une communication est adressée au Comité par l'un de ses citoyens reconnu coupable d'une infraction pénale, le fait que le Conseil privé se soit prononcé sur son affaire ne signifie par nécessairement qu'il a épuisé les recours internes, et que dans la plupart des cas il ne les aurait pas épuisés pour la raison suivante : "Le Comité ne peut se dire dûment saisi d'une communication qu'à partir du moment où il est fait état de la violation par un gouvernement d'un droit garanti par le Pacte. Les droits ainsi garantis coïncident généralement avec ceux énoncés au chapitre III de la Constitution de la Jamaïque, sur la base duquel quiconque estime qu'il est, qu'il a été, ou qu'il risque d'être porté atteinte à ses droits peut saisir la Cour suprême (constitutionnelle). Il s'ensuit donc que, même
après l'audience tenue par le Conseil privé en appel d'un jugement portant sur une infraction criminelle, il est toujours loisible à l'appelant débouté d'exercer son droit constitutionnel à demander réparation d'une atteinte présumée, par exemple, à son droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Plusieurs affaires constitutionnelles ont été portées et continuent à être portées devant la Cour constitutionnelle par des condamnés déboutés de leurs recours dans des affaires pénales par le Conseil privé."

10.1 L'avocat des auteurs, dans des observations en date du 10 février et du 8 mai 1989, conteste l'argument de 1'Etat partie selon lequel les auteurs, ne s'étant pas prévalus de leur droit de demander réparation a la Cour constitutionnelle de la Jamaïque au titre de l'article 25 de la Constitution, n'auraient pas épuisé les recours internes. Il fait valoir que la protection prévue par le paragraphe 1 de l'article 25 de la Constitution de la Jamaïque est destinée à empêcher la promulgation de lois inconstitutionnelles, non et à prévenir des actions illégales commises en vertu de lois existantes, comme le Conseil privé l'a confirme dans son arrêt en l'affaire Riley c. Avocat général. Il s'ensuit que les auteurs ne disposent manifestement d'aucun recours au titre du paragraphe 1 de l'article 25.

10.2 L'avocat fait en outre observer que la possibilité de faire appel devant la cour d'appel et celle de former un recours devant le Conseil privé constituent des "voies de recours appropriées" au sens du paragraphe 2 de l'article 25, pour autant que ces instances satisfassent aux dispositions de la Constitution garantissant un jugement équitable. Si tel n'était pas le cas, il serait loisible à toute personne condamnée en première instance de former directement un recours devant la Cour suprême en vertu du paragraphe 1 de l'article 25, sans passer par la cour d'appel ni par le Conseil privé. Cela, affirme l'avocat, n'a pu être l'intention des rédacteurs de la Constitution. Pour autant que la cour d'appel et le Conseil privé assurent un jugement équitable, ils constituent "des voies de recours appropriées", et les prisonniers reconnus coupables n'ont donc pas de recours au titre du paragraphe 1 de l'article 25. Dans le cas des auteurs, on ne prétendait pas que les jugements rendus par la cour d'appel ou le Conseil privé n'étaient pas équitables. C'est pourquoi, alors que le recours prévu à l'article 25 de la Constitution est théoriquement disponible, il ne peut être considéré comme un recours efficace.

10.3 En outre, l'avocat déclare que, pour qu'un recours ne soit pas seulement théorique, il faut qu'il soit assorti des moyens permettant au requérant de l'exercer. Cependant, aucune assistance juridique n'est prévue par 1'Etat partie dans les affaires de droit constitutionnel. Comme les auteurs n'ont pas les moyens d'engager un conseil, ils ne sont pas en mesure de saisir la Cour constitutionnelle suprême de leur affaire.

10.4 En ce qui concerne le fond des affirmations des auteurs, l'avocat dit que 1'Etat partie a violé les dispositions du paragraphe 3 b)de l'article 14 du Pacte parce qu'il n'a pas donné aux auteurs le temps et les facilités nécessaires pour préparer leur défense. C'est ainsi que Desmond McLean a déclaré qu'il avait vu son avocat alors qu'il était détenu au poste de police, mais qu'il n'avait pas eu le temps de discuter suffisamment de son affaire avec lui. Avant le procès, il n'avait pas vu son avocat et n'avait donc pu examiner les chefs d'accusation ni fournir à l'avocat la liste des noms et adresses des témoins pouvant témoigner en sa faveur. Bien que des instructions eussent été ultérieurement données au cours du procès, certains témoins qui auraient pu être utiles pour son affaire n'avaient pas été cités. En outre, en l'absence de tout commentaire sur les dépositions des témoins a charge, ceux-ci n'avaient pu être soumis à un contre-interrogatoire effectif. Michael Sawyers avait rencontré son avocat à deux reprises avant le procès. Il n'avait pas fait de commentaires sur les déclarations de l'accusation, mais avait en revanche fourni le nom de témoins susceptibles de confirmer ses dires, mais ceux-ci n'avaient pas été cités. Selon lui, on n'avait pas réuni les éléments de preuve qui auraient permis de soumettre Dawn Ramsay a un contre-interrogatoire effectif. Michael McLean n'avait vu son avocat qu'une seule fois avant le procès: comme
dans le cas de ses coaccusés, certains témoins qui, selon lui, l'auraient aidé à présenter sa défense n'avaient 6th ni interroges ni cités à comparaître. L'avocat dit que, compte tenu de la gravité de l'accusation, il semble que la préparation du procès des auteurs n'ait pas été adéquate: ainsi, les auteurs n'avaient pu donner toutes leurs instructions ni faire tous leurs commentaires sur les déclarations de l'accusation, et l'on avait omis de rechercher et d'interroger certains témoins. Bien qu'il n'eût pas été possible d'établir exactement quelle aide financière était disponible dans cette affaire, et bien que les mères des auteurs eussent réglé certains honoraires des avocats, les fonds disponibles étaient manifestement insuffisants. Or, à moins de disposer d'une assistance judiciaire suffisante, les avocats ne sont pas en mesure de rechercher et d'interroger les témoins et d'obtenir leur comparution devant le tribunal.

10.5 L'avocat affirme en outre que les auteurs n'ont pas bénéficié d'un jugement équitable, en violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. Il affirme qu'alors qu'il existait de bonnes raisons de penser que trois membres du jury avaient parlé avec le principal témoin à charge, le juge a apparemment omis d'effectuer ou d'ordonner une enquête appropriée sur cette question. Deuxièmement, l'avocat affirme que le juge a satisfait à tort à une demande des jures, formulée après la lecture de l'acte d'accusation, qui était de réunir les trois auteurs au banc des accusés, sans donner à leur avocat la possibilité de s'exprimer sur les éventuelles conséquences préjudiciables auxquelles pouvait conduire cette décision. Troisièmement, le juge a écarté à tort toutes les preuves photographiques concernant le lieu de commission du délit, privant ainsi le jury d'un moyen d'apprécier les dépositions des témoins à charge. Enfin, l'avocat affirme que le juge a fait preuve de partialité et commis des erreurs de droit dans le résumé fait à l'intention du jury. Ainsi, le juge aurait induit les jures en erreur :


a)sur la question de la charge de la preuve, en n'indiquant pas que le ministère public devait prouver l'accusé coupable sans le moindre doute possible;

b)sur la notion juridique de complicité, en ce sens qu'il avait indiqué qu'il suffisait, pour qu'il y eût complicité, que le défendeur se trouvât suffisamment près de l'auteur principal du crime pour lui prêter assistarce; c)sur l'importance et les effets du caractère peu fiable des dépositions de certains des témoins a charge et des contradictions qu'elles présentaient.

11. Par sa décision interlocutoire du 24 juillet 1989, le Comité des droits de l'homme a prié à nouveau 1'Etat partie de lui soumettre des explications ou des déclarations concernant le fond des communications. Par sa nouvelle décision interlocutoire du 2 novembre 1989, il a prié 1'Etat partie de préciser si la Cour suprême (constitutionnelle)avait déjà eu l'occasion de statuer sur la question de savoir si, conformément au paragraphe 2 de l'article 25 de la Constitution jamaïquaine, un appel devant la cour d'appel et devant la Section judiciaire du Conseil privé constituait un "moyen adéquat de réparation" pour un individu qui prétend que son droit à un procès équitable (par. 1 de l'article 20 de la Constitution)a été violé, et si la Cour suprême (constitutionnelle)avait, dans le passé, refusé d'exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus en vertu du paragraphe 2 de l'article 25 à l'égard de tels recours en arguant que des "moyens adéquats de réparation" étaient déjà disponibles. Par la même décision, le Comité a instamment prié 1'Etat partie de lui soumettre des explications ou des déclarations conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif.

12. Dans des observations datées du 25 septembre 1989, 1'Etat partie affirme qu'avant d'examiner une communication quant au fond, le Comité doit, en vertu du paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur, se prononcer par une décision distincte sur les demandes de réexamen de la décision de recevabilité. Conformément à cette interprétation, il nie la nécessité de soumettre des explications et des observations en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif. Dans ses observations du 11 janvier 1990, il explique que la Cour suprême (constitutionnelle) n'a pas encore statué sur la question de savoir si, conformément au paragraphe 2 de l'article 25 de la Constitution, un appel devant la cour d'appel de la Jamaïque et la Section judiciaire du Conseil prive constitue un "moyen adéquat de réparation" pour un individu qui prétend que son droit à un procès équitable, garanti par la Constitution, a été violé. En ce qui concerne une violation présumée du paragraphe 3 b)de l'article 14 du Pacte, 1'Etat partie ajoute que les allégations des auteurs selon lesquelles ils n'auraient pas eu un accès suffisant à leur avocat (par. 10.4) n'indiquent pas que le Gouvernement soit responsable d'une quelconque insuffisance dans la préparation de la défense". Pour ce qui est d'une violation présumée du paragraphe 1 de l'article 14, 1'Etat partie affirme que l'allégation des auteurs selon laquelle leur cause n'a pas été entendue équitablement parce que les instructions du juge n'étaient pas adéquates soulève des questions de fait et de preuve que le Comité n'a pas compétence pour apprécier. Il se réfère à cet égard à deux décisions du Comité des droits de l'homme dans lesquelles il est dit que c'est aux cours d'appel des Etats parties au Pacte qu'il appartient d'apprécier les faits et les preuves dans une affaire particulière.

13.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné les communications en cause en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

13.2 Le Comité a dûment pris note du fait que, s'agissant des violations de l'article 14
du Pacte dont il est fait état, 1'Etat partie soutient que les auteurs n'ont pas épuisé les recours internes et qu'il demande que la décision relative a la recevabilité prise le 7 avril 1988 soit reconsidérée, conformément au paragraphe 4 de l'article 93 du règlement intérieur. Il saisit l'occasion de développer ses conclusions concernant la recevabilité.

13.3 Le Comité a pris note du fait que 1'Etat partie soutient que les

communications sont irrecevables au motif que les auteurs n'ont pas épuisé tous les recours internes disponibles en vertu de la Constitution jamaïquaine. A cet égard, le Comité observe qu'au paragraphe 1 de son article 20, la Constitution jamaïquaine garantit le droit à un procès équitable et, en son article 25, prévoit l'application des dispositions garantissant les droits de l'individu. Le
paragraphe 2 de l'article 25 dispose que la Cour suprême (constitutionnelle) a compétence pour "connaître et décider" des requêtes, mais limite sa juridiction aux cas OÙ les plaignants n'ont pas déjà dispose de "moyens
adéquats de réparation pour les violations alléguées" (par. 2, art. 25, in fine). Le Comité note que, dans un certain nombre de décisions de caractère interlocutoire, 1'Etat partie a été prié de préciser si la Cour suprême (constitutionnelle) avait eu l'occasion de décider, conformément au paragraphe 2 de l'article 25 de la Constitution jamaïquaine, si des recours devant la Cour d'appel et la Section judiciaire du Conseil privé constituent "des moyens adéquats de réparation" au sens du paragraphe 2 de l'article 25 de la Constitution jamaïquaine. L'Etat partie a répondu que la Cour suprême n'avait pas eu jusque-là cette possibilité. Eu égard aux éclaircissements donnés par 1'Etat partie, à l'absence d'assistance judiciaire pour intenter une action devant la Cour constitutionnelle et au fait que les avocats jamaïquains ne sont pas disposés à fournir leurs services à cet effet sans rémunération, le Comité estime qu'un pourvoi devant la Cour constitutionnelle au titre de l'article 25 de la Constitution jamaïquaine n'est pas un moyen de recours dont l'auteur aurait pu se prévaloir au sens du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif.

13.4 Le Comité fait observer à cet égard que selon le libellé du paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur, 1'Etat partie n'est pas fondé a affirmer que le Comité doit d'abord se prononcer sur une demande de réexamen d'une décision de recevabilité, et ce, par une décision distincte, avant d'examiner la communication quant au fond.

13.5 Sur le fond, le Comité considère l'allégation des auteurs selon laquelle le juge n'aurait pas donné aux jurés des instructions suffisantes, compte tenu des éléments de preuve contradictoires qui ont été présentés au jury, et il appartenait à ce dernier d'admettre ou d'écarter. Le Comité rappelle sa position bien établie, à savoir que c'est généralement aux cours d'appel des Etats parties au Pacte qu'il revient d'apprécier les faits et les preuves dans une affaire particulière. Il n'appartient pas, en principe, au Comité d'examiner les instructions données aux jurés par le juge dans un procès par jury sauf s'il peut être établi que les instructions données au jury étaient de toute évidence arbitraires ou équivalaient a un déni de justice, ou que le juge ne s'est manifestement pas comporté avec l'impartialité à laquelle il est tenu. Le Comité ne voit aucun élément qui prouve que les instructions du juge chargé du procès aient été entachées de ces vices. Par conséquent, le Comité ne constate aucune violation du paragraphe 1 de l'article 14.

13.6 Quant aux allégations des auteurs relatives aux paragraphes 3 b)et e)de l'article 14, le Comité note que le droit pour un accusé d'avoir suffisamment de temps et de moyens pour préparer sa défense est un élément important de la garantie d'un procès équitable et procède du principe de l'égalité des armes. La réponse à la question de savoir ce qui constitue "suffisamment de temps" varie selon les circonstances particulières de chaque cas. Dans l'affaire a l'examen, bien qu'il soit incontesté qu'aucun des accusés ne s'est entretenu avec son avocat plus de deux fois avant le procès, le Comité ne peut cependant pas conclure que les avocats étaient placés dans des conditions telles qu'ils n'ont pas été en mesure de préparer convenablement la défense. En particulier, les éléments qui sont présentés n'indiquent pas que le renvoi de l'affaire ait été demandé en raison du manque de temps pour préparer la défense: il n'a pas non plus été argué que le juge aurait refusé un tel renvoi si celui-ci avait été demandé. Le Comité n'est pas en mesure de déterminer si le fait que les représentants des accusés n'ont pas convoqué des témoins qui auraient pu corroborer les affirmations des auteurs était affaire de jugement professionnel ou dû à la négligence.

13.7 En outre, le Comité note que tant M.
Sawyers que MM. McLean étaient représentés pendant le procès par un conseil juridique retenu par eux; en appel, MM. McLean étaient représentés par le même conseil. M. Sawyers était représenté Par un conseil différent, qui s'est retiré avant qu'une décision soit rendue (un avocat de la couronne a alors été commis d'office au titre de l'assistance judiciaire). Le manque de temps pour tenir des consultations et préparer la défense ne saurait donc être imputé à 1'Etat partie.

13.8 En ce qui concerne la plainte des auteurs selon laquelle ils n'ont pas bénéficié d'un procès équitable du fait qu'il existait "de bonnes raisons de penser" qu'il y avait eu contacts entre certains jurés et un
témoin à charge, le Comité estime que cette affirmation n'a pas été corroborée.

13.9 En conséquence, le Comité constate qu'il n'y a pas eu violation des paragraphes 3 b) et e) de l'article 14 du Pacte.

14. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, considère que les faits tels qu'ils lui sont présentes n'indiquent aucune violation des dispositions du Pacte.



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