concernant la
Communication No 260/1987
Au nom de : L'auteur
Etat partie intéressé : Jamaïque
Date de la communication : 20 novembre 1987 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme créé en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 13 juillet 1990,
Adopte la décision ci-après :
2.1 L'auteur, qui affirme son innocence , a été arrêté le 11 août 1981 et informé que, soupçonné de cambriolage, il devait se soumettre à une confrontation d'identification. Le policier chargé de la confrontation aurait informé l'auteur qu'il avait été reconnu à trois reprises. Pourtant, à l'audience, interrogé au sujet de la confrontation par l'avocat déoigné d'office pour assister l'auteur, le policier aurait déclaré qu'il n'y avait pas eu identification; l'auteur de la comunication avait alors été acquitté par la Gun Court.
2.2 Plusieurs jours après, l'auteur a été conduit par un autre policier devant la Gun Court pour une audience préliminaire, sous l'inculpation de meurtre. L'auteur affirme qu'il n'avait jusqu'alors jamais été infonsé qu'il était inculpé de meurtre. Au cours de l'audience préliminaire, uu policier s'est présenté, accompagné d'une jeune fille inconnue de l'auteur, prétendument le principal témoin dans cette affaire de meurtre. L'auteur déclare n'avoir pas été représenté par un avocat lors de cette audience, raison pour laquelle le juge lui a fait savoir qu'il pouvait procéder au contre-interrogatoire du témoin. L'auteur s'est alors contenté de demander que l'avocat qui l'avait déjà représenté devant la Gun Court soit contacté, mais cela s'est révélé impossible. Il est donc resté sans avocat jusqu'à ce que son cas soit porté devant la Home Circuit Court de Kingston, où il a été représenté par deux avocats de l'aide judiciaire, qui l'ont aussi représenté en appel. Le 2 février 1984, l'auteur a été reconnu coupable de meurtre et condamné à mort. Le 4 décembre 1985, son recours était rejeté par la Cour d'appel. Après ce rejet, l'auteur a reçu d'un de ses avocats une lettre lui suggérant de prendre contact avec le Conseil jamaïquain pour les droits de l'homme afin de solliciter son aide. Les lettres adressées par l'auteur à son avocat après le mois de décembre 1985 sont restées sans réponse.
2.3 L'autor déclare avoir l'intention de saisir la section judiciaire du Conseil privé à Londres, mais, pour ce faire, il aurait besoin des services d'un avocat et de la transcription de l'arrêt de la Cour d'appel. Depuis le rejet de son appel et jurqu'à ce qu'il porte son affaire devant le Comité, l'auteur, qui affirme ne pas avoir les moyens financiers nécessaires, a vainement tenté d'obtenir l'assistance d'un avocat. En dépit de demandes réitérées, 1'Etat partie ne lui a fourni aucune aide judiciaire. L'auteur évoque à ce propos le cas de N. C., un condamné à mort exécuté le 19 novembre 1987, qui n'aurait pas pu demander l'autorieation de fomer un recours devant la section judiciaire du Conseil privé faute d'avoir les moyens de payer les services d'un défenseur.
2.4 Quant à la transcription de l'arrêt de la Cour d'appel, l'auteur déclare l'avoir demandée dès que son appel eut été rejeté. Ce n'est que le 30 novembre 1987 qu'il a été informé par le Greffier de la Cour suprême que l'arrêt de la Cour d'appel n'avait pas été rendu par écrit dans son cas.
2.5 L'auteur fait valoir que 1'Etat partie, en ne lui fournissant ni les services d'un conseil ni la transcription de l'arrêt de la Cour d'appel, a manqué aux obligations qui lui incombent en application du Pacte. Il décrit comme suit la procédure suivie dans les cas de condamnation à mort lorsque les condsmnés ont perdu ce. qu'il appelle le "recours local". Quelque temps après le rejet du recours, le représentant d'un organisme d'assistance judiciaire rend visite au condamné et lui demande de signer une demande de recours pour que son cas soit porté devant la section judiciaire du Conseil privé. Selon l'auteur, la demande une fois signée, l'organisme en question prépare un vague dossier, auquel manque généralement la transcription de l'arrêt de la Cour d'appel, et l'axpédie à Londres , où il est reçu par le secrétariat de la section judiciaire du Conseil privé. Le cas est examiné au bout d'un certain temps, et comme aucun dossier ne peut être soumis à la section judiciaire s'il n'est pas complet, il est renvoyé à la Jamaïque assorti de la mention "rejeté". Dans bien des cas, l'ordre d'exécution est alors établi. L'auteur cite une nouvelle fois le cas de N. C.
3. Par décision datée du 9 février 1988, le Rapporteur spécial du Comité des droits de l'homme chargé des cas de condamnation à mort a envoyé à l'Etat partie, conformément à l'article 91 du règlement intérieur, une communication par laquelle il lui demandait des renseignements et des observations se rapportant à la question de la recevabilité de la commuunication et en particulier de préciser si l'auteur pouvait encore déposer une requête en autorisation de recours devant la section judiciaire du Conseil Privé et si une assistance juridique lui serait offerte à cet effet. En outre, il était demande à l'Etat partie, conformément à l'article 86 du règlement intérieur, de ne pas donner suite à la peine de mort prononcée contre l'auteur avant que le Comité n'ait eu la possibilité de se prononcer sur la recevabilité de la communication.
4. Dans les observations, datées du 29 juillet 1988, qu'il a soumises conformément à l'article 91 du règlement intérieur, 1'Etat partie indiquait que l'auteur pouvait encore demander au Conseil privé 1'autorisation spéciale de former un recours devant lui en bénéficiant de l'aide judiciaire. Il était: précisé que l'aide judiciaire était accessible à l'auteur en vertu de l'article 3 de la loi intitulée Poor Prisoners' Defence Act (Loi sur la défense des détenus sans ressources).
5.1 Dans une lettre datée du 2 octobre 1988, il répliquait aux observations de l'Etat partie, l'auteur soutenait en particulier que, depuis qu'il se trouvait dans le quartier des condamnés à mort (2 février 1984) il n'avait pas entendu parler d'un seul cas où le Gouvernement jamaïquain eût accordé l'aide judiciaire, en application de l'article 3 de la loi sur la défense des détenus sans ressources, à des détenus qui avaient l'intention de demander à la section judiciaire du Conseil privé l'autorisation spéciale de former un recours devant elle.
5.2 En ce qui concerne son propre cas, l'auteur affirmait qu'il avait récemment pris contact avec un cabinet d'avocats de Londres en vue de se faire assister pour déposer une demande d'autorisation de former un recours devant le Conseil privé. Ce cabinet n'avait pas accepté de le représenter, et avait transmis son dossier à un autre cabinet. 5.3 Par une communication datée du 12 janvier 1989, l'auteur a demandé au Comité de surseoir à l'examen de son cas jusqu'à ce qu'il eût reçu une réponse à sa demande d'autorisation spéciale de former un recours devant la section judiciaire du Conseil privé. Dans des lettres datées du 14 août et du 18 septembre 1989, l'auteur a indiqué qu'il ne savait toujours pas où en était sa requête. Par téléfax du 19 février 1990, son conseil a fait savoir qu'il avait obtenu la transcription du jugement de l'auteur, mais pas encore celle de l'arrêt de la Cour d'appel, qui lui permettrait de juger des chances d'une demande d'autorisation spéciale de former M recours devant la section judiciaire du Conseil privé.
6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la commeication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, conme il est tenu de le faire en vertu de l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif, que la même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. 6.3 En ce qui concerne la règle de l'épuisement des recours internes, le Comité note que 1'Etat partie soutient que la commnunication est irrecevable " au motif que l'auteur n'a pas adressé à la section judiciaire du Conseil privé une demande d'autorisation spéciale de recours, conformément à l'article 110 de la Constitution jamaïquaine. Il constate que l'auteur s'est assuré, à cette fin, après avoir soumis sa communication au Comité des droits de l'homme, les services à titre gracieux d'un cabinet d'avocats londonien, et que ces derniers continuent à examiiner la possibilité de présenter en son nom une demande d'autorisation spéciale de recours. Bien que profondément préoccupé par l'absence apparente d'arrêt motivé de la Cour d'appel de la Jamaïque dans cette affaire, le Comité ne peut pas conclure qu'une demande d'autorisation spéciale de recours devant la section judiciaire du Conseil privé, même si elle n'est pas accompagnée du texte de l'arrêt rendu par la Cour d'appel, doive être considérée comme initule a priori. Il estime donc que les conditions prévues au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif ne sont pas remplies.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) qu'il faut prier 1'Etat partie de communiquer sans autre délai le texte de l'arrêt rendu par la Cour d'appel à l'auteur et à son conseil, afin qu'ils puissent fomer un recours utile devant la section judiciaire du Conseil privé et de faire en sorte qu'une aide judiciaire suffisante soit accordée à l'auteur à cette fin;
c) qu'étant donné que le Comité peut, conformément au paragraphe 2 de l'article 92 de son règlement intérieur, reconsidérer cette décision s'il est saisi par l'auteur ou tn son nom d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressortirait que les motifs d'irrecevabilité ont cessé d'exister, 1'Etat partie est prié, compte tenu de l'esprit et de la lettre de l'article 86 du règlement intérieur du Comité, de surseoir à la peine capitale prononcée contre l'auteur tant que ce dernier n'aura pas eu raisonnablement le temps, après avoir épuisé les recours internes utiles qui lui sont ouverts, dt demander au Comité de reconsidérer la présente décision;
d) que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur et à son conseil.