concernant la
Communication No 262/1987
4. 3 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, l'auteur explique que, jusqu'à la date de sa communication au Comité, ses démarches ont été de nature administrative. Depuis le changement de gouvernement en France, en mai 1988, il a krit au nouveau Ministre de l'éducation nationale pour dénoncer les mesures iiscriminatoires décrites ci-dessus. L'auteur indique qu'il n'a pas saisi de tribunal administratif ni d'autres instances judiciaires: il ajoute qu'il s'agit là l'une éventualité qu'il ne saurait désormais exclure. 5.1 Dans les observations qu'il a présentées en application de l'article 91, datées du 5 août 1988, 1'Etat partie conteste la recevabilité de la communication en raison du non-épuisement des voies de recours internes et de l'incompatibilité le ladite communication avec les dispositions du Pacte. 5.2 S'agissant du premier argument, 1'Etat partie affirme que la correspondance avec des associations ou des parlementaires ne saurait être qualifiée de recours en droit français et que seules deux lettres adressées par l'auteur respectivement au recteur de l'Académie de Paris, le 9 septembre 1987, et au Ministre de l'éducation nationale, le 8 octobre 1987, présentent certaines caractéristiques d'un recours administratif. Plusieurs possibilités de recours étaient également offertes à l'auteur en ce qui concerne sa titularisation en qualité d'enseignant d'anglais depuis 1984. L'Etat partie explique que, pour que cette mesure soit rapportée, il pouvait former un recours gracieux ou hiérarchique. Un tel recours a pour avantage de pouvoir être fondé non seulement sur les données juridiques du problème mais aussi sur des considérations d'équité et d'opportunité. Par ailleurs, s'il considérait qu'une décision quelconque portait atteinte à ses droits, l'intéressé avait la possibilité de former un recours contentieux pour excès de pouvoir, par lequel il pouvait demander au juge administratif d'annuler cette décision. Ce recours devait être exercé dans un délai de deux mois à compter de la date où notification lui avait été faite de la mesure individuelle le concernant. Toutefois, vu que l'auteur n'a pas exercé un tel recours dans les délais prescrits, la décision en cause est devenue définitive. 5.3 L'Etat partie souligne que, si l'intéressé ne dispose plus de la possibilité d'obtenir du juge administratif l'annulation pour inégalité éventuelle de la décision contestée, cette situation résulte de son seul fait et que son abstention ou sa négligence ne peuvent pas être imputées aux organes de 1'Etat : "La faculté de présenter une communication au Comité des droits de l'homme ne saurait être utilisée comme un substitut à l'exercice normal de recours internes lorsque ceux-ci n'ont pas été exercés par la faute exclusive de l'intéressé." 5.4 L'Etat partie fait valoir en outre que l'auteur aurait pu saisir la juridiction administrative pour excès de pouvoir, en invoquant des violations du Pacte résultant de la décision explicite ou implicite par laquelle le Ministre de !'éducation nationale a rejeté sa demande du 8 octobre 1987, tendant a "la reprise des cours de breton à Paris". De plus, bien que l'auteur ne puisse plus demander au juge de se prononcer sur la légalité de la mesure contestée, il peut toujours invoquer les préjudices résultant pour lui du fait qu'il n'ait pas été titularisé en qualité d'enseignant de breton et former un recours fondé sur ce grief et tendant à l'obtention d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il prétend avoir subis. En conclusion, 1'Etat partie affirme que l'auteur "n'a exercé aucun recours juridictionnels dont il disposait".
5.5 Par ailleurs, 1'Etat partie considère que la communication devrait être déclarée irrecevable comme étant incompatible avec les dispositions du Pacte. En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 19, paragraphe 2, il fait valoir que l'auteur n'a avancé aucun grief permettant d'étayer une telle allégation et que, bien au contraire, les pièces qu'il a fournies constituent autant de preuves qu'il a eu toute latitude pour faire connaître sa position. L'Etat partie affirme en outre que la "liberté d'expression au sens de l'article 19 ne saurait englober un prétendu droit à exercer une activité d'enseignement déterminée. 5.6 S'agissant de la violation de l'article 26 invoquée par l'auteur, 1'Etat partie rappelle que, en vertu des lois et règlements en vigueur, la titularisation en qualité d'enseignant de breton ne peut être accordée que sous deux conditions : a) l'existence d'un corps dans lequel peut être intégrée la personne à titulariser; et b) l'existence d'un poste budgétaire permettant la rémunération de l'agent titularisé. Etant donné que ces deux conditions n'étaient pas remplies lors de l'examen du cas de l'auteur, 1'Administration n'a pas pu faire droit à sa demande. Un tel fait résulte donc non pas d'une discrimination à son égard, mais simplement de l'application des règlements existants à son cas. 5.7 Pour ce qui est de l'article 27 du Pacte, 1'Etat partie rappelle la déclaration faite par la France lors de son adhésion au Pacte, a savoir : "Compte tenu de l'article 2 de la Constitution de la République française, . . . l'article 27 [du Pacte] n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République." 5.8 Enfin, 1'Etat partie affirme qu'une violation de l'article 2 ne peut pas être commise directement ni isolément, et ne peut donc être que le corollaire d'une violation d'un autre article du Pacte. N'ayant pas démontré qu'il avait été lésé dans un des droits sauvegardés par le Pacte, l'auteur ne peut donc pas invoquer l'article 2. 6.1 Dans ses commentaires sur les observations présentées par 1'Etat partie en application de l'article 91 du règlement intérieur provisoire, l'auteur, par une lettre datée du 10 septembre 1988, soutient que ses griefs sont bien fondés. Il conteste l'assertion de 1'Etat partie selon laquelle il n'a fait l'objet d'aucune discrimination et réaffirme que son enseignement du breton s'est heurté à des obstacles réguliers et nombreux. Ainsi, l'année scolaire 1987188 a conunencé pour lui en décembre au lieu de septembre et la moitié de ses cours ont été supprimés, en contradiction avec des accords antérieurs. Il déclare avoir connu une situation analogue en 1985186 et 1986187. L'auteur estime que "la volonté délibérée d'interdire ou de retarder considérablement l'enseignement de la langue d'une minorité ethnique constitue une atteinte aux droits culturels de l'homme", et qu'il s'agit d'une discrimination d'ordre non seulement linguistique mais encore professionnel. Au sujet de l'article 27, il fait valoir que 1'Etat partie ne peut pas être dispensé, du fait d'une simple déclaration, de respecter les personnes appartenant à une de ses minorités ethniques. 6.2 S'agissant de l'épuisement des recours internes, l'auteur soutient que l'argumentation de 1'Etat partie sur ce point doit être réfutée, car celui-ci a lui-même démontré, dans ses observations, que l'auteur ne pouvait pas contester sa titularisation en qualité d'enseignant d'anglais dans les deux mois suivant son changement de statut, en 1984. Il explique en particulier qu'un corps restreint d'enseignants de breton, dans lequel il avait souhaité être intégré, n'a été créé que deux ans plus tard, en 1986. En outre, il affirme que le juge administratif n'avait pas les moyens de demander à 1'Administration de le titulariser en breton et que, pour épuiser les voies de recours, il aurait fallu que 1'Etat français lui en eût donné les moyens juridiques. Dans ces circonstances, il était, à son avis, plus raisonnable pour lui de multiplier ses interventions pour être titularisé en breton et non en anglais en effectuant des démarches de recours gracieux et hiérarchique, plutôt que de se laisser "enfermer dans un cercle vicieux législatif et juridique vide". Il soutient que, du fait de la manière dont fonctionne le système juridique de 1'Etat partie, celui-ci ne lui a pas garanti les moyens de contester ses décisions à égalité de droit avec les autres citoyens, et notamment avec ses confrères enseignants de langues vivantes étrangères. Il fait valoir qu'il n'a pas pu bénéficier d'une protection juridique égale et efficace pour avoir voulu continuer à enseigner sa propre langue, la langue d'une minorité ethnique de France. 6.3 Par une lettre supplémentaire datée du 20 octobre 1988, l'auteur fait remarquer que, depuis que la France a adhéré au Pacte, l'Assemblée nationale n'a adopté aucune loi permettant à la minorité bretonne d'employer sa langue sans discrimination et il en conclut que l'article 2, paragraphe 2, du Pacte n'est pas irespecté. Il demande l'avis du Comité sur la question de savoir si le fait que la France a adhéré à un instrument international condamnant toute discrimination de langue n'implique pas qu'elle doive modifier sa législation de manière à garantir aux Bretons le droit à leur langue à tous les niveaux.
7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur Provisoire, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
7.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du Paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'est Pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. 7.3 En ce qui concerne l'observation de 1'Etat partie selon laquelle la communication devrait, en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif, être déclarée irrecevable comme étant incompatible avec les dispositions du Pacte, le Comité constate que l'auteur ne peut pas invoquer une violation du droit à la liberté d'expression qui lui est garanti par l'article 19, paragraphe 2, du Pacte au motif qu'il n'a pas été titularisé en qualité d'enseignant de breton. Pour ce qui est de la prétendue violation de l'article 26, le Comité estime que l'auteur a entrepris des efforts raisonnables pour étayer suffisamment ses affirmations, aux fins de recevabilité, concernant la discrimination dont il aurait été victime pour une raison de langue. Pour les raisons exposées ci-après, le Comité juge inutile de se prononcer sur la déclaration faite par la France au sujet de l'article 27 du Pacte. 7.4 Le Comité constate que l'auteur n'a utilisé aucun recours juridictionnel interne. Il croit comprendre que la volonté affirmée par l'auteur de ne pas s'engager "dans un cercle vicieux législatif et juridique vide" reflète sa conviction que l'utilisation de tels recours serait inefficace et prend note de s argument suivant lequel, dans les circonstances de l'affaire. il était plus raisonnable pour lui de tenter des démarches extrajudiciaires en présentant à 1'Administration de l'éducation nationale une demande en révision de sa situation Le Comité fait cependant remarquer que l'expression "tous les recours internes disponibles", au sens de l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif, vise au premier chef les recours juridictionnels. Même si l'on admettait l'argument de l'auteur selon lequel un tribunal administratif n'aurait pas pu enjoindre à 1'Administration de l'éducation nationale de procéder à sa titularisation en qualité d'enseignant de breton, il n'en demeure pas moins que 1 décision contestée par l'auteur aurait pu être annulée. L'auteur n'a pas démontr qu'il était dans l'impossibilité d'utiliser les recours juridictionnels dont il disposait -ainsi que 1'Etat partie l'a fait valoir de manière plausible -ni que de tels recours pouvaient être considérés a priori comme inefficaces. Le Comité note que l'auteur lui-même mentionne qu'il n'exclut pas la possibilité de soumettre son cas à un tribunal administratif. Le Comité estime que, dans les circonstances exposées dans la communication, les doutes de l'auteur quant à l'efficacité des recours internes ne le dispensaient pas d'épuiser ceux-ci, et en conclut que la condition stipulée à l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif n'est pas remplie. 8. En conséquence, le Comité des droits de l'homme decide : a) Que la communication est irrecevable;
b) Que cette décision sera communiquée à 1'Etat partie et à l'auteur.