concernant la Communication No 276/1988
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 28 juillet 1992,
Avant achevé l'examen de la communication No 276/1988 qui lui avait été présentée au nom de Trevor Ellis en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant considéré tous les renseignements qui lui ont été fournis par écrit par l'auteur de la communication, son avocat et 1'Etat partie, Adopte ses constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif. Les faits présentés par l'auteur 1. L'auteur de la communication est Trevor Ellis, citoyen jamaïquain né en 1958, actuellement détenu à la prison du district de St. Catherine (Jamaïque)où il attend d'être exécuté. Il se dit victime de la violation par le Gouvernement jamaïquain des articles 6, 7 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 2.1 L'auteur déclare qu'il a été condamné à mort le 3 octobre 1980 après avoir été reconnu coupable du meurtre d'un chauffeur de camionnette le 22 décembre 1978. Il déclare avoir été condamné uniquement sur la foi d'un seul témoin, la passagère de la camionnette, qui l'a désigné lors d'une séance de confrontation organisée environ six semaines après le crime. Selon ce témoin, l'auteur était l'un des trois hommes qui, la nuit du crime, avaient été pris en auto-stop par le chauffeur, avaient abattu celui-ci et l'avaient elle-même violée. L'auteur est la seule personne à avoir été arrêtée ou poursuivie pour ce crime. Bien qu'il n'y ait aucune preuve que ce soit lui qui ait abattu la victime ou qu'il ait été armé, il a été condamné, dit-il, sur la base du principe du "dessein commun". L'auteur a toujours proclamé son innocence et, lors du procès, deux personnes ont témoigne qu'il se trouvait chez lui la nuit du crime. 2.2 La Cour d'appel de la Jamaïque a rejeté le recours de l'auteur le 37 décembre 1982. Un autre recours devant la Section judiciaire du Conseil privé a été rejeté sans audition le 11 juillet 1985. Au début de janvier 1988, un mandat a été émis pour l'exécution de l'auteur le 14 janvier 1988, mais un sursis a été accordé pour des raisons inconnues. Un nouveau mandat a été émis a la fin de février 1988 pour l'exécution de l'auteur le 8 mars 1988 11. 2.3 L'auteur affirme qu'au cours de son procès, le juge n'a pas correctement guidé le jury au sujet de la preuve constituée par l'identification ni appliqué les principes posés dans le cas d'espèce faisant autorité en la matière, l'affaire Turnbull (1976) Cr. App. R. 132. Selon lui, le juge n'a pas appelé l'attention du jury sur la nécessité de faire preuve de circonspection quant aux conclusions à tirer d'une séance de confrontation ou sur le fait qu'un témoin pouvait objectivement se tromper tout en étant subjectivement convaincu d'être dans le vrai. L'auteur soutient aussi que l'avocat commis à sa défense avait mal préparé son dossier et n'a donc pas su faire la lumière sur un certain nombre de points soulevés pendant le procès. L'avocat n'ayant élevé aucune objection au sujet de ces points au moment du procès, ceux-ci n'ont pu être pris en considération en appel. 2.4 L'actuel conseil de l'auteur soutient que l'affaire de M. Ellis est dans une certaine mesure analogue à celles de MM. Oliver Whylie, Junior Reid et Roy Dennis (qui sont tous trois des citoyens jamaïquains condamnés à mort), dans lesquelles la Section judiciaire du Conseil privé a accordé une autorisation spéciale de pourvoi le 8 octobre 1987, essentiellement en raison du grand nombre de requêtes en provenance de la Jamaïque invoquant l'insuffisance des directives données aux jurys dans des procès dans lesquels l'accusé risquait la peine de mort, alors que l'identification de l'accusé était sujette à caution. La Plainte 3. L'auteur se dit victime de la violation par le Gouvernement jamaïquain des articles 6, 7 et 14 du Pacte. Observations de 1'Etat partie et commentaires de l'auteur a leur sujet 4. Dans sa communication datée du 26 octobre l988, 1'Etat partie soutient que la communication est irrecevable du fait que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes. I1 signale à ce propos que l'auteur a demandé un sursis au Gouverneur général et que le Conseil privé a recommandé au Gouverneur général d'accorder ce sursis en attendant le résultat des démarches faites en son nom. L'Etat partie n'explique pas de quelles démarches il s'agit. 5.1 Dans ses commentaires sur la réponse de 1'Etat partie, l'avocat de l'auteur soutient, dans une lettre datée du 22 décembre 1988, que lorsque 1'Etat partie affirme que le Conseil privé a recommandé au Gouverneur général d'accorder un sursis a Trevor Ellis, il n'indique pas si la recommandation a été adoptée par le Gouverneur général et, de ce fait, si le sursis est effectivement octroyé. 5.2 L'avocat déclare en outre que la recommandation susmentionnée ne lui a pas été communiquée et que sa propre requête auprès du Gouverneur général, datée du 2 mars 1988 dans laquelle il demandait un sursis pour attendre l'issue d'un certain nombre d'affaires analogues en instance devant la Section judiciaire du Conseil privé à Londres est restée sans réponse. 5.3 De plus, l'avocat de l'auteur déclare que les autres recours sont inefficaces et que les procédures d'appel excèdent les délais raisonnables et sont par trop incertaines, si bien que la communication à l'examen ne saurait être jugée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. Décision du Comité concernant la recevabilité 6.1 A sa trente-sixième session le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il a noté le point de vue de 1'Etat partie qui soutenait que la communication était irrecevable faute pour l'auteur d'avoir épuisé les recours internes. A cet égard, le Comité a constaté que la demande de sursis adressée au Gouverneur général ne constituait pas un recours interne qui puisse rendre une communication irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. 6.2 En conséquence, le Comité a déclaré, le 18 juillet 1989, la communication recevable. Réexamen de la question de la recevabilité 7. L'Etat partie, dans des communications datées respectivement du 10 janvier et du 4 septembre 1990, soutient que la communication est irrecevable. Il fait valoir que, en attendant l'issue de trois autres appels devant la Section judiciaire du Conseil privé concernant la question de l'identification, l'auteur a mis en route une procédure de recours en grâce auprès du Procureur général en vertu de l'article 90 de la Constitution jamaïquaine. L'Etat partie soutient en outre qu'il existe encore des recours en vertu des articles 20 et 25 de la Constitution dont l'auteur peut se prévaloir. Enfin, il soutient que le Comité n'est pas compétent pour évaluer les faits et les éléments de preuve. 8. L'avocat de l'auteur, dans une lettre datée du 10 avril 1990, indique qu'il a présente une requête au Gouverneur général le priant d'autoriser que l'affaire soit réentendue en vertu de l'article 29 de la loi organisant le système judiciaire. 9.1 Le Comité constate qu'un recours en grâce adresse au Gouverneur général ne peut être considéré comme un recours interne au sens du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. D'autre part, le fait que l'auteur ait adressé une requête au Gouverneur général pour obtenir que l'affaire soit réentendue ne fait pas obstacle non plus à l'examen de la communication par le Comité. 9.2 Le Comité se réfère en outre à ses décisions relatives aux communications Nos 230/1987 et 283/1988 et réaffirme qu'étant donné l'absence de l'assistance judiciaire voulue, on ne saurait considérer en l'espèce qu'un recours invoquant la Constitution constitue un recours efficace au sens du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. 9.3 Le Comité confirme par conséquent sa décision quant a la recevabilité de la communication. Examen de la communication quant au fond 10.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication à la lumière de tous les renseignements qui lui avaient été communiqués par les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif. 10.2 Ayant examiné les renseignements qui lui ont été communiqués, le Comité constate que les faits ne font apparaître aucune violation de l'article 14 du Pacte. 10.3 Le Comité constate en outre que les faits ne font apparaître aucune violation de l'article 7 du Pacte. 11. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des articles 7 et 14 du Pacte.