concernant la
Communication No 287/1988
Etat partie : Colombie
Date de la communication : 18 février 1988 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le ler octobre 1991,
Adopte la décision ci-après :
Les faits tels qu'ils ont été présentés par l'auteur : 2.1 L'auteur était étudiant et militant syndical en Colombie avant son départ pour le Royaume-Uni, où il a demandé à bénéficier du statut de réfugié le 2 septembre 1988. Jusqu'en septembre 1987, il avait été vice-président de l'Association nationale des fonctionnaires à l'université nationale (Vice-presidente National de la Asociacion de Empleados Publicos de la Universidad National). Il affirme qu'en 1987 et 1988, lui-même et son frère ont fait à maintes reprises l'objet de menaces de la part de groupes paramilitaires tels que "Amer por Medellin" à Medellin. Plusieurs de leurs amis qui tous, comme l'auteur, avaient des activités syndicales sous une forme ou une autre ont été assassinés en 1987. 2.2 Le 5 septembre 1987, à l'occasion du llème Congrès national de la Fédération nationale des agents de la fonction publique, l'appartement de l'auteur a été mis à sac par des hommes armés en uniforme, qui seraient membres d'un groupe paramilitaire que l'auteur soupçonne d'avoir des liens avec les forces armées colombiennes; par la suite, il a reçu des menaces de mort par téléphone, chez lui et à son bureau.
2.3 Le 5 février 1988, le frère de l'auteur a disparu. Deux jours plus tard, il a été retrouvé inconscient dans un enclos; il souffrait d'un traumatisme cérébral et son corps portait des marques laissant supposer qu'il avait été soumis à des tortures. Il a été admis dans un hôpital d'Antioquia où il a été. soigné, mais il ne s'est jamais rétabli complètement. L'auteur affirme que son frère est resté muet et demi-paralysé à la suite des tortures qu'il avait subies et que son état ne s'est jamais amélioré même à la suite de traitements spéciaux. L'auteur pense que le groupe paramilitaire auquel il attribue la responsabilité. de l'incident est soutenu par les forces armées colombiennes.
2.4 A cet égard, l'auteur affirme que les forces armées colombiennes pratiquant régulièrement la torture, sont mêlées à des assassinats et des disparitions et soutiennent, ou du moins tolèrent, les activités de groupes paramilitaires. Il appelle l'attention sur le rapport publié par le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires après sa visite en Colombie , à l'automne 1988, dans lequel il est dit qu'il existe des preuves indirectes de l'implication des forces armées dans un grand nombre des disparitions qui se sont produites en Colombie.
2.5 En ce qui concerne son propre cas, l'auteur indique qu'un sergent major de l'armée, un certain D. T., lui avait dit que sa participation à diverses manifestations avait été remarquée par les services de renseignements de l'armée et avait attiré sur lui de gros soupçons et que l'armée "l'avait dans son collimateur" (" estaba muy quemado con el ejército"). Au cours du premier trimestre de 1987, un agent de la police spéciale de sécurité (DAS) avait été démasqué lors d'une réunion syndicale à l'université d'Antioquia à laquelle l'auteur participait. Tous ces événements, ainsi que les mauvais traitements infligés à son frère, auraient eu pour objet d'inciter l'auteur à mettre fin à ses activités syndicales.
2.6 En ce qui concerne l'obligation d'épuiser les recours internes, l'auteur a déposé plusieurs plaintes au Bureau du Procureur général de Colombie et au Département de la police de Medellin , ainsi qu'auprès de plusieurs juges d'instruction de Bogota, qui ont promis d'enquêter sur son affaire et celle de son frère, mais ces enquêtes n'ont apparemment donné aucun résultat. L'auteur a en particulier porté plainte auprès du juge d'instruction No 21 de Bogota, qui avait été chargé de mener une enquête sur des plaintes pour entrave aux activités syndicales à l'Université nationale de Colombie. Malgré l'envoi de rappels réguliers, il n'a pas reçu de réponse; personne n'a été inculpé, étant donné que les auteurs de l'agression contre son frère et des menaces contre sa propre vie n'ont pas été identifiés. L'auteur conclut que le système judiciaire colombien est pratiquement inefficace comme un procureur fédéral colombien, affirme-t-il, l'a reconnu lui-même et qu'en conséquence on devrait considérer qu'il a rempli les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. La plainte 3. L'auteur affirme que les faits décrits ci-dessus constituent des violations des articles 6, 7, 17 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Renseignements et observations communiqués par l'Etat partie 4.1 L'Etat partie fait valoir que la communication est irrecevable pour non-respect du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif puisque l'auteur n'a pas utilisé les recours disponibles. 4.2 Il précise à cet égard qu'il a chargé le Bureau du Procureur général et l'Office national d'enquêtes criminelles de Bogota d'enquêter sur les allégations de l'auteur. Dès que cette enquête sera achevée, ses résultats seront portés à l'attention du Comité. 4.3 L'Etat partie signale plusieurs incohérences dans la présentation des faits par l'auteur. Par exemple, il déclare que son frère J. O. C. a été retrouvé dans un enclos le 7 février 1988 alors que, selon le dossier médical qu'il a présenté, ce dernier a été admis à l'hôpital d'Antioquia le 31 janvier 1988. Deuxièmemement, 1'Etat partie fait valoir que l'auteur n'a pas apporté de preuve à l'appui de ses allégations de violation de son droit à la vie ou de celui de son frère. Enfin, il soutient que rien dans les documents produits par l'auteur ne prouve que les forces armées de Colombie aient été directement ou indirectement impliquées dans cette affaire et que la responsabilité de 1'Etat partie serait donc engagée. De l'avis de 1'Etat partie, la possibilité que J. O. C. ait été victime d'un délit de droit commun subsiste entièrement. Questions dont le Comité est saisi et procédures 5.1 Avant d'examiner une plainte présentée dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. 5.2 Le Comité a noté que 1'Etat partie affirme que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles et que l'auteur a déclaré par ailleurs dans sa réponse que ces recours ne seraient pas efficaces. 5.3 Pour ce qui est des allégations de violations de l'article 19 du Pacte, le Comité constate que l'auteur n'a pas suffisamment, aux fins de la recevabilité, étayé sa plainte; il n'a pas non plus produit de preuves écrites corroborant ses dires. 5.4 En ce qui concerne les autres allégations de l'auteur, le Comité note que les enquêtes judiciaires ouvertes sur les faits incriminés sont toujours en cours. Il est certain que ces enquêtes se sont heurtées à un certain nombre de difficultés mais le Comité observe que ces difficultés sont imputables en premier lieu au fait qu'aucune participation directe des forces armées régulières de 1'Etat partie n'a été ou ne peut actuellement être prouvée. Tout en comprenant parfaitement les circonstances qui ont amené l'auteur à présenter sa communication en vertu du Protocole facultatif, le Comité ne peut conclure, d'après les renseignements dont il dispose, que les recours internes existant en Colombie seraient à priori inefficaces et que les difficultés entravant la procédure judiciaire dispensent l'auteur de l'obligation d'épuiser les recours internes. 6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide : a) que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif; b) que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et à l'auteur de la communication.