concernant la
Communication No 289/1988
4.3 Pour ce qui est des poursuites judiciaires intentées par la suite contre M. Wolf, 1'Etat partie précise que le 15 septembre 1988, le premier tribunal pénal (Juzgado Primero) de San Miguelito a reconnu l'auteur coupable d'avoir signé un chèque sans provision à l'ordre d'un supermarché et l'a condamné à deux ans et dix mois de prison ainsi qu'au paiement d'une amende de 2,5 balboas par jour pendant 87 jours. En même temps, des poursuites pour escroquerie au détriment de la société Xerox de Panama et pour faux et usage de faux au détriment d'Apartotel Tower House Suites restaient en cours devant le huitième tribunal pénal (Juzgado Octave). M. Wolf a été condamné à une peine de trois ans de prison pour le premier délit; il a fait appel et l'affaire a été portée devant le second tribunal supérieur de justice (Sesundo Tribunal Suoerior de Justicia), qui a ordonné au tribunal de première instance (Juzgado Quinto) d'examiner les chefs d'accusation conjointement et de prononcer une seule condamnation. Dans le second cas, une procédure orale a été prévue mais n'a pu suivre son cours, l'accusé ayant quitté le territoire panaméen. 4.4 L'Etat partie affirme que les plaintes de l'auteur sont sans aucun fondement (reclamacion carente de todo fundamento), que les poursuites judiciaires intentées contre M. Wolf se sont déroulées dans le plein respect des exigences de la loi panaméenne, que l'auteur était représenté et que ses représentants ont utilisé les recours qui leur étaient ouverts au mieux des intérêts de leur client. L'Etat partie ajoute que si certaines des décisions judiciaires n'ont pu être notifiées à l'auteur, la raison en était probablement que ce dernier avait quitté le territoire national. Il ne fournit toutefois aucun autre détail quant au déroulement des poursuites judiciaires, à la représentation légale de l'auteur ou à l'identité de ses représentants. Travaux du Comité et questions considérées 5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou non recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. 5.2 A sa trente-sixième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, il a noté l'affirmation de l'Etat partie selon laquelle l'auteur n'avait pas utilisé les recours efficaces dont il disposait mais a relevé que 1'Etat partie n'avait pas alors nié que l'auteur n'avait pu bénéficier des services d'un avocat; il n'avait pas non plus indiqué comment l'auteur aurait pu utiliser d'autres recours internes en l'absence de pareille assistance. Dans ces conditions, le Comité a conclu que les conditions fixées au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif étaient satisfaites. 5.3 Le 27 juillet 1989, le Comité a déclaré la communication recevable et prié 1'Etat partie de lui communiquer des copies des actes d'accusation établis contre l'auteur et de toute ordonnance ou décision judiciaire le concernant. Il n'a reçu aucun de ces documents. 5.4 Le Comité a pris note des observations de 1'Etat partie en date du 6 décembre 1989, soit après la décision concernant la recevabilité, dans lesquelles celui-ci affirme de nouveau que la communication est irrecevable, les recours internes n'ayant pas été épuisés, et que l'auteur a bénéficié des services d'un avocat. Le Comité voudrait à cette occasion étoffer les conclusions auxquelles il est parvenu lorsqu'il a décidé de la recevabilité de la communication. 5.5 L'Etat partie affirme, de manière générale, que les poursuites judiciaires intentées contre l'auteur ne sont pas toutes terminées et que ce dernier a bénéficié des services d'un avocat. L'article 91 du règlement intérieur du Comité et le paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif stipulent implicitement qu'un Etat partie au Pacte doit communiquer au Comité tous les renseignements à sa disposition; cela inclut, au stade de la détermination de la recevabilité d'une communication, la fourniture d'informations suffisamment détaillées sur les recours utilisés par l'auteur et sur ceux dont il dispose encore. L'Etat partie n'a pas fourni ces informations. Il s'est borné à faire observer que les représentants de l'auteur avaient utilisé les recours disponibles, au mieux des intérêts de leur client. Le Comité n'a donc pas de raisons de réviser la décision qu'il a prise concernant la recevabilité. 6.1 Pour ce qui est de la plainte de M. Wolf quant au fond, le Comité note que 1'Etat partie s'est borné à des observations de nature générale, rejetant catégoriquement les allégations de l'auteur comme sans aucun fondement, et affirmant qu'en l'occurrence les poursuites judiciaires s'étaient déroulées conformément aux exigences du droit panaméen. Comme l'indiquent les considérations exposées de manière détaillée au paragraphe 5.5 ci-dessus, l'article 4 du Protocole facultatif, en son paragraphe 2, fait obligation à un Etat partie d'enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte formulées à son encontre et à l'encontre de ses autorités judiciaires, et à soumettre au Comité des explications suffisamment détaillées quant aux mesures qu'il pourrait avoir prises pour remédier à la situation. Le rejet sommaire d'allégations, comme dans le cas considéré, n'est pas conforme aux exigences du paragraphe 2 de l'article 4. En même temps, le Comité rappelle qu'il incombe à l'auteur d'une plainte d'établir le bien-fondé de ses allégations. 6.2 Bien que l'auteur n'ait pas spécifiquement invoqué l'article 9 du Pacte, le Comité considère que certaines de ses allégations soulèvent des questions au regard de cette disposition. L'auteur a affirmé qu'il aurait dû bénéficier d'un "délai de grâce" de 48 heures pour régler ses dettes avant d'être arrêté, mais les informations dont dispose le Comité ne lui permettent pas de conclure que l'arrestation et la détention de l'auteur étaient arbitraires et non conformes à la loi. Par ailleurs, l'auteur a soutenu, et 1'Etat partie ne l'a pas nié, qu'il n'avait jamais comparu devant un juge après son arrestation et qu'il n'avait jamais été en rapport avec un avocat, choisi par lui ou commis d'office, pendant la durée de sa détention. Dans ces conditions, le Comité conclut qu'il y a eu violation du paragraphe 3 de l'article 9 parce que l'auteur n'a pas promptement comparu devant un juge ou tout autre agent judiciaire habilité par la loi à exercer le pouvoir judiciaire. 6.3 L'auteur a affirmé ne pas avoir eu accès aux services d'un avocat. L'Etat partie indique toutefois qu'il a bénéficié d'une représentation légale, sans préciser si celle-ci était assurée par un avocat commis d'office, ni contester l'allégation de l'auteur selon laquelle il n'a jamais réellement vu d'avocat. Le Comité conclut donc que les conditions énoncées au paragraphe 3 b) de l'article 14 - à savoir que toute personne accusée doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour communiquer avec le conseil de son choix - n'ont pas été satisfaites. 6.4 Pour ce qui est du droit de l'auteur, en vertu du paragraphe 3 c) de l'article 14, d'être jugé sans retard excessif, le Comité ne peut conclure que les poursuites intentées devant le Juzgado Quinto ou le Juzgado Octave du Panama aient souffert des retards excessifs. De meme, s'agissant des poursuites intentées devant le premier tribunal pénal (Juzuado Primero) de San Miguelito, il observe qu'une enquête sur des accusations d'escroquerie peut se révéler complexe et que l'auteur n'a pas démontré que les faits incriminés ne justifiaient pas la longueur de la procédure. 6.5 L'auteur affirme que 1'Etat partie a violé le droit qu'a toute personne accusée d'être présente à son procès, droit que protège le paragraphe 3 d) de l'article 14. Le Comité note que 1'Etat partie a nié cette allégation mais qu'il n'a pas présenté de preuve du contraire, telle une copie des minutes du procès, et conclut que cette disposition a été violée. 6.6 L'auteur soutient qu'on lui a refusé un procès équitable; 1'Etat partie a contesté cette allégation en affirmant en termes généraux que les poursuites intentées contre l'auteur étaient conformes aux garanties prévues par la procédure locale. Il n'a toutefois contesté ni que l'auteur n'a été entendu dans aucune àes affaires le mettant en cause, ni qu'il ne lui a jamais été remis d'actes d'accusation dûment motivés. Le Comité rappelle que la notion de procès "équitable" au sens du paragraphe 1 de l'article 14 doit être interprétée comme imposant un certain nombre de conditions, telles que l'égalité des armes et le respect du principe du débat contradictoire. Ces exigences ne sont pas respectées lorsque, comme dans le cas considéré, l'accusé se voit refuser la possibilité d'étre présent au procès ou lorsqu'il ne peut donner les instructions nécessaires à son défenseur. En particulier, le principe de l'égalité des armes n'est pas respecté lorsqu'un acte d'accusation motivé en bonne et due forme ne lui a pas été signifié. Dans le cas considéré, le Comité conclut que le droit de l'auteur garanti par le paragraphe 1 de l'article 14 n'a pas été respecté. 6.7 Le Comité relève que 1'Etat partie n'a pas fait d'observations au sujet des mauvais traitements dont l'auteur aurait été victime pendant sa détention. De l'avis du Comité, les mauvais traitements physiques et la privation de nourriture infligée à l'auteur pendant cinq jours, s'ils n'équivalent pas à une violation de l'article 7 du Pacte, constituent néanmoins une violation du droit de l'auteur, garanti par le paragraphe 1 de l'article 10, d'être traité avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. 6.8 Enfin, le Comité observe que l'auteur, alors qu'il était encore simple prévenu et n'avait pas été jugé, a été détenu pendant plus d'un an au pénitencier de Coiba; or, selon l'auteur -qui n'a pas été démenti -, il s'agit d'un établissement où sont incarcérés des condamnés. De l'avis du Comité, cela constitue une violation du droit de l'auteur garanti par le paragraphe 2 de l'article 10 à être séparé des condamnés et soumis à un régime distinct approprié à sa condition de personne non condamnée. Quant à l'affirmation de l'auteur selon laquelle il aurait été contraint de faire des travaux forcés en attendant qu'un jugement soit prononcé contre lui, le Comité estime qu'elle n'est pas suffisamment fondée pour justifier que soit invoqué le paragraphe 3 a) de l'article 8 du Pacte. 7. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits qui lui ont été exposés révèlent des violations de l'article 9 (par. 3), de l'article 10 (par. 1 et 2) et de l'article 14 [par. 1 et 3 b)et d)] du Pacte. 8. Le Comité est d'avis que M. Dieter Wolf a droit à réparation. L'Etat partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l'avenir. 9. Le Comité serait reconnaissant à 1'Etat partie de lui communiquer, dans les 90 jours à venir, des informations sur les mesures qu'il a prises pour tenir compte des Constatations du Comité.