concernant la
Communication No 302/1988
Au nom de: L'auteur Etat partie intéressé: Trinité-et-Tobago
Date de la communication . . : 27 septembre 1987 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 31 octobre 1990,
Adopte le texte ci-après :
2.1 L'auteur déclare avoir été reconnu coupable et condamné à mort le 8 juillet 1983 pour le meurtre d'un marin anglais. Il affirme qu'au cours du procès, le Procureur a refusé de fournir , sur demande de son avocat, un document établi au cours de l'instruction et contenant le signalement des personnes qui avaient participé à la confrontation de suspects au cours de laquelle l'auteur avait été identifié. Le Procureur a déclaré que le document, qui portait le code "I. M. 2", avait été perdu. L'auteur affirme que ce procédé est contraire aux directives selon lesquelles la police est tenue de conserver des copies des déclarations faites par les témoins lorsqu'ils ont identifié un suspect, ainsi que les dépositions des témoins. En l'absence de tels dossiers, le tribunal doit communiquer à la défense les noms et adresses des témoins en question. L'auteur affirme que ces documents ont été délibérément supprimés des registres du greffe de la High Court afin de le faire condamner. 2.2 L'auteur déclare que la Cour d'appel a reconnu que des "irrégularités" dont la nature n'a pas été précisée avaient été commises pendant le procès, mais qu'elle l'a néanmoins débouté de son appel. La demande de l'auteur en vue d'obtenir l'autorisation de présenter un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé a été rejetée le 19 février 1987. 2.3 Sa demande d'autorisation spéciale de présenter un recours ayant été rejetée, l'auteur a sollicité une commutation de peine auprès de la Commission des recours en grâce. Il a également tenté de déposer une requête constitutionnelle et s'est plaint de ce que sa demande d'assistance auprès du Service de l'assistance judiciaire à cette fin n'ait pas été entendue ou ait été rejetée. Toutefois , à une date 'ultérieure non précisée, il a obtenu une assistance judiciaire grâce à une organisation humanitaire locale. Il signale que sa requête constitutionnelle devait être examinée à l'origine en février 1989, mais que l'audience a été reportée à maintes reprises. Ce fait semble être'dû en partie à la décision de son représentant de ne pas demander une nouvelle audience tant que la Commission d'enquête sur la peine de mort n'aurait pas publié son rapport. Les autorités judiciaires auraient également informé le représentant de l'auteur qu'aucune aide financière n'était fournie pour la présentation de requêtes constitutionnelles. L'auteur affirme que son représentant n'est en conséquence plus disposé à poursuivre sérieusement l'affaire. 2.4 A propos des conditions de détention des condamnés à mort, l'auteur indique qu'il est obligé de subvenir lui-même à une grande partie de ses besoins, notamment d'assumer ses frais de nourriture et de correspondance. Il affirme en outre que la direction de la prison refuse de lui communiquer des dossiers médicaux faisant état de blessures à la tête qui lui auraient été infligées par un gardien de la prison: i1 ne fournit toutefois aucun renseignement particulier sur les mauvais traitements dont les condamnés à mort seraient victimes.
3. Par sa décision du 8 juillet 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a décidé de transmettre la communication à 1'Etat partie et de le prier, en vertu de l'article 91 du règlement intérieur, de soumettre des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication. Il a en outre prié 1'Etat partie, conformément à l'article 86, de surseoir à l'exécution de l'auteur tant que sa communication serait en cours d'examen par le Comité.
4. Dans ses observations du 14 novembre 1988 présentées conformément à l'article 91, 1'Etat partie affirme que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif, du fait du nondpuisement des recours internes. Il mentionne en particulier une requête constitutionnelle déposée au nom de l'auteur, dont l'examen était prévu en février 1989. Il affirme en outre qu'à la Trinité-et-Tobago, même lorsque la procédure judiciaire est achevée , aucun prisonnier n'est exécuté avant que la Commission consultative des recours en grâce n'ait émis ses recommandations, qui sont transmises au Ministre de la justice, lequel donne son avis au Président de la République. 5. Dans ses observations datées du 9 février 1989, l'avocat fait observer que la transcription de l'arrêt de la Cour d'appel "révèle que la Cour d'appel n'a pas reconnu l'existence d'irrégularités au cours du procès et qu'il a été vivement contestd en appel que la présentation des personnes pour identification aux témoins n'ait pas été faite selon les règles". Il déclare en outre que les témoins de l'accusation ont fait l'objet d'un contre-interrogatoire et que l'auteur et son conseil ont opté au procès pour une ddclaration depuis le banc des accusés sans prestation de serment, bien que la possibilité eût été donnée à l'auteur de déposer sous serment et d'appeler des témoins. L'avocat ajoute que l'auteur a été représenté devant la Section judiciaire du Conseil privé par un avocat commis d'office.
6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément 31 l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité a examiné les éléments que lui a présentés l'auteur en ce qui concerne les irrégularités qui auraient dté commises au cours de son procès, dont il affirme qu'elles constituent une violation de l'article 14 du Pacte. Un examen attentif des arguments de l'auteur ne montre pas comment la disparition du document qui portait le code "I. M. 2" aurait pu influer sur le cours du procès au point de donner à penser de prime abord qu'il pourrait y avoir eu violation de l'artile 14. En outre, l'auteur n'a pas suffisamment bien étayé son affirmation selon laquelle le procès aurait éte entaché d'autres irrégularités de procédure. A cet égard, il n'est donc pas parvenu à établir qu'il avait des droits à faire valoir en vertu du Pacte, au sens de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.3 En ce qui concerne les questions qui pourraient se poser en relation avec l'article 10 du Pacte, le Comité note que l'auteur n'a pas indiqué quelles démarches, le cas échéant, il a entreprises pour dénoncer les mauvais traitements dont il aurait été victime aux autorités pénitentiaires compétentes, et quelles enquêtes, le cas échéant, ont été effectuées. En conséquence, le Comité considère qu'à cet égard l'auteur n'a pas épuisé les recours internes.
7. En conséquence, le Comit6 des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable au titre de l'article 2 du Protocole facultatif pour ce qui est des allégations de l'auteur relevant de l'article 14 du Pacte, et irrecevable au titre du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif pour ce qui est de son allégation relevant de l'article 10 du Pacte; b) Que la décision du Comité peut être réexaminée, en vertu du paragraphe 2 de l'article 92 de son rbglement intérieur, aprés réception d'une demande écrite faite par l'auteur ou en son nom indiquant les raisons pour lesquelles il y a lieu d'écarter l'irrecevabilité de la plainte qu'il a formulée au titre de l'article 10 du Pacte; c) Que, puisque la décision du Comité peut être réexaminée en vertu du paragraphe 2 de l'article 92 de son règlement intérieur, 1'Etat partie sera prié, conformément à l'article 86 du règlement intérieur du Comité, de surseoir à l'exécution de l'auteur tant que celui-ci n'aura pas eu un délai raisonnable pour épuiser tous les recours internes disponibles et pour demander au Comité de réexaminer la présente décision;
c)Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur et à son conseil.