3.3 L'auteur se plaint du fait que dans les affaires de fraude fiscale, les autorités néerlandaises chargées de l'enquête ont fréquemment recours a des mesures de coercition telles que l'arrestation, la détention, les perquisitions aux domiciles ou aux bureaux, enfin la publicité préjudiciable dont de telles affaires font l'objet, pour obliger les suspects soit à avouer, soit a faire des déclarations qui puissent être utilisées contre d'autres contribuables. A cet égard, l'auteur affirme que ces mesures de coercition ont gravement compromis sa réputation professionnelle et sa position sociale et soutient qu'elles constituaient une immixtion arbitraire et illégale dans sa vie privée, sa famille et sa correspondance et une atteinte illégale à son honneur et a sa réputation. Commentaires et observations de 1'Etat partie 4.1 L'Etat partie affirme que l'auteur n'a invoqué en justice les droits fondamentaux énoncés dans le Pacte ni à l'occasion de ses demandes d'indemnisation régies par les articles 89 et 591 a) du Code de procédure pénale, ni au cours de sa détention, et qu'il ne peut donc être considéré comme ayant rempli la condition relative à l'épuisement des recours internes. L'Etat partie se réfère à cet égard à la décision adoptée par le Comité des droits de l'homme dans la communication No 273/1988, dans laquelle il a été estimé, notamment, que "les auteurs doivent invoquer les droits fondamentaux énoncés dans le Pacte" durant la procédure interne. L'Etat partie ajoute que l'auteur aurait pu demander au tribunal compétent de rendre une ordonnance interlocutoire pour violation des dispositions du paragraphe 1 de l'article 9 ou de l'une quelconque des autres dispositions de l'article 9. Bien que lui-même avocat et représenté par un avocat de son choix pendant toute la période de sa détention provisoire, l'auteur n'a nullement utilisé cette possibilité. L'Etat partie fait observer que conformément aux principes universels du droit international, les individus sont tenus d'invoquer devant les tribunaux nationaux les droits fondamentaux énoncés dans le Pacte avant de s'adresser à une instance internationale. L'auteur n'ayant pas respecté cette condition, 1'Etat partie conclut que sa communication est irrecevable en application de l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif. 4.2 En ce qui concerne la prétendue violation du paragraphe 5 de l'article 9, 1'Etat partie estime que la communication doit être déclarée irrecevable en raison de son incompatibilité avec les dispositions du Pacte, conformément aux dispositions de l'article 3 du Protocole facultatif. Il affirme que le paragraphe 5 de l'article 9 n'est pas applicable en l'espèce parce qu'il existait des raisons sérieuses de soupçonner l'auteur d'avoir commis des infractions pénales, et que de ce fait sa détention provisoire n'était pas illégale. 4.3 En ce qui concerne le droit, garanti par l'alinéa c)du paragraphe 3 de l'article 14, à être jugé sans retard excessif, 1'Etat partie considère que cette disposition s'applique seulement lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'une infraction pénale et ne s'applique donc pas aux demandes en dommages et intérêts comme celles qui ont été présentées par l'auteur. En conséquence, 1'Etat partie considère que la communication, dans la mesure où elle se rapporte à la violation de l'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 14, est incompatible avec les dispositions du Pacte. En outre, dans le recours qu'il a formé auprès de la cour d'appel d'Amsterdam, l'auteur ne s'est pas plaint de la durée excessive de l'examen de sa plainte par le tribunal de district. Là encore, il n'a donc pas épuisé les recours internes. 4.4 Quant au fond de l'affaire, 1'Etat partie estime qu'étant donné les fortes présomptions que l'on avait de croire que l'auteur avait participé à la perpétration d'une infraction pénale grave , et que les autorités judiciaires néerlandaises ont respecté les dispositions du Code de procédure pénale qui régissent l'arrestation et la mise en détation provisoire de suspects pendant une instruction pénale, on ne peut dire que l'auteur ait été arbitrairement arrêté ou détenu, ni que les dispositions du paragraphe 1 de l'article 9 aient été violées. Quant à la durée de la détention de l'auteur, l'État partie relève qu'elle est due au "fait que le requérant persistait à invoquer le secret professionnel alors que la partie intéressée l'avait délié de cette obligation"; par ailleurs, "l'importance de l'enquête exigeait la présence continue du requérant". De plus, il affirme que l'auteur a été informé des motifs de son arrestation et de sa détention conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 9 du Pacte. Après son arrestation, l'auteur avait la possibilité de demander au tribunal compétent de rendre une décision interlocutoire pour violation des dispositions de l'article 9 du Pacte. Au cours de sa détention, l'auteur a été entendu à plusieurs reprises par le juge d'instruction et par le tribunal de district d'Amsterdam au sujet de la demande de prolongation de la détention préventive présentée par le Procureur. Ainsi, de l'avis de 1'Etat partie, l'allégation de violation des paragraphes 3 et 4 de l'article 9 n'est pas fondée. 4.5 Pour ce qui est de la prétendue violation de l'article 17, 1'Etat partie fait observer que les perquisitions effectuées au domicile de l'auteur le 5 décembre 1983 et le 3 janvier 1984 l'ont été conformément aux règlements en vigueur et que l'on ne peut donc invoquer une immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée ou le domicile de l'auteur. L'Etat partie conclut que l'auteur n'a apporté , à l'appui de sa plainte, aucune preuve que les dispositions des articles 9 et 17 du Pacte aient été violées. Procédures devant le Comité et questions dont il est saisi 5.1 Après avoir examiné la communication à sa trente-cinquième session, le Comité a conclu, en se fondant sur les informations disponibles, que les conditions exigées pour que la communication soit déclarée recevable étaient remplies, notamment la condition relative à l'épuisement des recours internes prévue par l'alinéa b)du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif. Le 29 mars 1989, le Comité a déclaré la communication recevable. 5.2 Dans sa décision concernant la recevabilité, le Comité a indiqué que, conformément au paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur, la décision pourrait être revue à la lumière des informations pertinentes présentées par 1'Etat partie. Dans ses observations ultérieures du 26 octobre 1989 (voir les paragraphes 4.1 à 4.3 ci-dessus), 1'Etat partie a contesté la recevabilité de la communication sur la base des allégations de l'auteur concernant les violations des articles 9 et 14 du Pacte. 5.3 Le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de tous les renseignements fournis par les parties. Il a pris note de l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle, pour ce qui est des prétendues violations des articles 9 et 14, l'auteur n'a pas épuisé les recours internes puisqu'il n'a pas invoqué devant les tribunaux les droits fondamentaux garantis par le Pacte. 5.4 Pour ce qui est de la prétendue violation de l'alinéa c)du paragraphe 3 de l'article 14, l'auteur n'a pas contredit l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle, dans son appel interjeté auprès de la cour d'appel d'Amsterdam, l'auteur ne s'est pas plaint de la longueur de la procédure qui s'était déroulée devant le tribunal de district. En outre, il convient de noter que l'auteur a fait appel le 6 octobre 1988, près de six mois après avoir présenté sa communication au Comité pour examen en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte (en raison du temps mis par le tribunal de district à rendre son jugement par écrit). Or, le Comité ne peut examiner les plaintes qui n'avaient pas encore été portées devant les juridictions compétentes, ou à propos desquelles les recours internes n'avaient pas encore été épuisés au moment où il a été saisi de l'affaire. Par conséquent, la communication est irrecevable pour ce qui est de l'affirmation de l'auteur selon laquelle il n'a pas été statué sans retard excessif sur sa demande en réparation. 5.5 En ce qui concerne les prétendues violations des articles 9 et 17, le Comité note tout d'abord que le jugement de la cour d'appel d'Amsterdam en date du 24 février 1989 n'est pas susceptible d'appel. L'Etat partie a affirmé que l'auteur n'a invoqué ni pendant sa détention ni pendant la procédure judiciaire les droits fondamentaux qui sont énoncés dans le Pacte, et que par conséquent, il ne lui est plus loisible de se plaindre d'une violation de l'article 9 devant le Comité. Le Comité réaffirme que les auteurs de communications ne sont pas tenus, aux fins du Protocole facultatif, d'invoquer devant les autorités judiciaires nationales des articles spécifiques du Pacte : ils doivent en revanche invoquer les droits fondamentaux qui y sont énoncés. Dès lors que le procureur avait décidé de classer l'affaire et de laisser à l'administration fiscale le soin de la régler -décision motivée par la crainte de voir la procédure pénale contrevenir aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte - l'auteur ne pouvait que saisir le tribunal d'une demande en dommages et intérêts. Il a déposé une telle demande en faisant valoir que sa détention de décembre 1983 à février 1984 était arbitraire. On ne peut donc pas dire que dans le cours de la procédure, l'auteur n'ait pas invoqué "les droits fondamentaux garantis par le Pacte". Le Comité conclut, en conséquence, qu'il n'a pas de raison de revoir sa décision du 29 mars 1989 en ce qui concerne la violation alléguée des articles 9 et 17. 5.6 La principale question dont le Comité soit saisi est celle de savoir si la détention de l'auteur de la communication, du 5 décembre 1983 au 9 février 1984, était arbitraire. Il est incontestable qu'à chaque fois que les autorités judiciaires néerlandaises ont déterminé s'il y avait lieu ou non de prolonger la détention de l'auteur , elles ont respecté les règles régissant la détention provisoire qui sont énoncées dans le Code de procédure pénale. Il reste à déterminer si d'autres facteurs peuvent rendre arbitraire une détention par ailleurs légale, et si l'auteur a un droit absolu de se prévaloir de l'obligation de secret professionnel , quelle que soit la nature de 1 'enquête. 5.7 En l'espèce, le Comité a examiné les raisons invoquées par 1'Etat partie pour prolonger la détention de l'auteur pendant une période de neuf semaines. Le Comité fait observer que le secret professionnel qui protège la relation entre l'avocat et son client est l'un des principes fondamentaux de la plupart des systèmes juridiques. Mais il s'agit d'un privilège qui vise à protéger le client. En l'occurrence, le client avait renoncé à ce privilège. Le Comité ignore pour quelles raisons le client a décidé de délier l'auteur de l'obligation de secret professionnel. Toutefois, de6 1OrS que l'auteur était suspect, et bien qu'il ait été dégagé du secret professionnel, il n'était pas obligé d'aider 1'Etat à réunir des preuves contre lui-même. 5.8 L'historique de la rédaction du paragraphe 1 de l'article 9 confirme qu'il ne faut pas donner au mot "arbitraire" le sens de "contraire à la loi", mais plutôt l'interpréter plus largement du point de vue de ce qui est inapproprié, injuste et non prévisible. Partant, le maintien en détention provisoire après une arrestation légale doit non seulement être légal mais aussi être raisonnable à tous égards. La détention provisoire doit également être nécessaire à tous égards, par exemple pour éviter que l'intéressé prenne la fuite, mette des obstacles à l'établissement des preuves ou commette un nouveau crime. Or, 1'Etat partie n'a pas démontré que ces facteurs existaient en 1 'espèce. Il a déclaré que la longueur de la période de détention effectuée par l'auteur s'expliquait par le fait que le requérant "persistait à invoquer le secret professionnel alors que la partie intéressée l'en avait déchargé" et que "l'importance de l'enquête exigeait la présence continue de l'auteur". Bien que l'auteur ait été dégagé de son obligation de respecter le secret professionnel, il n'était pas obligé de coopérer. Le Comité conclut donc que les faits présentés font apparaître une violation du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte. 5.9 Pour ce qui est de la violation de l'article 17, dont l'auteur fait état, le Comité conclut que l'auteur n'a pas fourni de preuves suffisantes établissant une telle violation de la part de 1'Etat partie. 6. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques , estime que les faits dénoncés dans la communication révèlent une violation du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte. 7. L'Etat partie est tenu de prendre des mesures effectives pour réparer la violation dont l'auteur a été victime et de faire en sorte que de semblables violations ne se reproduisent pas à l'avenir. Le Comité saisit cette occasion pour faire savoir à 1'Etat partie qu'il serait heureux de recevoir des informations sur toutes mesures pertinentes prises par 1'Etat partie en rapport avec les vues du Comité.