Comité des droits de l'homme
Quarante-septième session
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4 de
l'article 5 du Protocole Facultatif se rapportant au Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques
- Quarante-septième session -
Communication No 307/1988*
Présentée par : John Campbell
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Jamaïque
Date de la communication : 20 juin 1988
Le Comité des droits de l'homme, institué comformément à l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 24 mars 1993,
Ayant achevé l'examen de la communication No 307/1988, présentée
au Comité des droits de l'homme par John Campbell en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'Etat partie,
Adopte les constatations suivantes au titre du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif Le texte d'une opinion
individuelle présentée par M. Bertil Wennergren est joint en appendice
aux présentes constatations..
1. L'auteur de la communication (lettre initiale du 20 juin 1988 et correspondance
ultérieure) est John Campbell, citoyen jamaïquain, détenu à la prison
du district de Ste. Catherine (Jamaïque), où il attend d'être exécuté.
Il affirme que les droits que lui confère le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques ont été violés par la Jamaïque sans préciser
quelles dispositions du Pacte auraient été, selon lui, enfreintes.
Les faits présentés
2.1 L'auteur déclare qu'à la suite d'une scène de ménage survenue le
2 décembre 1980, sa femme et lui-même souffraient de brûlures. Sa femme
a été hospitalisée et lui-même a été placé en détention provisoire alors
que son épouse ne l'avait pas accusé de l'avoir blessée intentionnellement.
Le 3 décembre 1980, le magistrat instructeur l'a officiellement inculpé
pour voies de fait. Le 13 décembre 1980, la femme de l'auteur est morte
d'une pneumonie à l'h_pital.
2.2 Par la suite, l'auteur a été accusé de meurtre bien que, selon lui,
sa femme ait toujours refusé de l'accuser de lui avoir infligé intentionnellement
des blessures. Cela a été apparemment corroboré par le magistrat instructeur
dans la déclaration qu'il a faite devant le tribunal de première instance.
Au cours de l'instruction, le fils cadet de l'auteur, âgé de 10 ans, Wayne,
a accusé son père d'avoir blessé intentionnellement sa mère. Le fils aîné,
Ralston, a affirmé qu'il dormait au moment des faits. L'auteur soutient
que ces deux témoignages sont mensongers.
2.3 En juin 1983, l'auteur a comparu devant le tribunal de première instance
de Kingston. L'avocat désigné d'office pour assurer sa défense aurait
commis plusieurs erreurs graves qui auraient contribué à le faire condamner.
Au début du procès, le fils cadet de l'auteur, Wayne, aurait déclaré qu'il
n'avait pas vu son père faire quoi que ce soit et qu'il n'avait pas d'information
à donner. Comme il est resté sur cette position malgré plusieurs questions
précises posées tant par le procureur que par le juge, ce dernier l'aurait
menacé de le faire emprisonner s'il refusait de répondre. A la fin de
la première journée du procès, le jeune garçon a effectivement été emmené
au poste de police central où il a passé la nuit. Le lendemain matin,
à la reprise de l'audience, le juge et le procureur ont recommencé à l'interroger;
comme il persistait dans son mutisme, le juge a levé l'audience. A la
reprise du procès, le même scénario s'est reproduit, mais Wayne se serait
effondré et aurait témoigné contre son père. Le tribunal de première instance
a déclaré l'auteur coupable des actes dont il avait été accusé et l'a
condamné à mort. Le 11 juin 1985, la Cour d'appel a rejeté son pourvoi.
2.4 Peu après qu'il eut été débouté, un représentant du Conseil jamaïquain
des droits de l'homme a informé l'auteur que Wayne avait fait une déclaration
écrite dans laquelle il revenait sur sa déposition. Wayne affirmait que,
le 2 décembre 1980, son père était rentré chez lui ivre et qu'une dispute
avait alors éclaté entre ce dernier et sa mère. Apparemment, au cours
de l'altercation, la femme de l'auteur s'était arrosée de pétrole et y
avait mis le feu avec une allumette que l'auteur lui aurait donnée. L'auteur
se serait ensuite enfui alors que sa femme sautait dans un réservoir d'eau
proche de la maison pour soulager la douleur due aux brûlures. La femme
de l'auteur avait été transportée à l'h_pital où elle était morte d'une
pneumonie 10 jours plus tard. Dans sa déclaration écrite, Wayne explique
qu'il avait auparavant accusé son père d'avoir arrosé sa mère de pétrole
et d'y avoir mis le feu et qu'il l'avait rendu responsable de la mort
de sa mère. Wayne prétend aussi qu'il avait été intimidé par l'attitude
du juge à son égard au cours du procès lorsqu'il avait essayé de modifier
sa déclaration antérieure Il affirme à ce propos : "Je pensais que
si je modifiais la déclaration, j'irais en prison. C'est à ce moment-là
que j'ai témoigné contre mon père."
La plainte
3.1 L'auteur prétend qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable et
que toute la procédure a été entachée d'irrégularités. Il estime en particulier
ne pas avoir été représenté comme il convient. Au cours de l'instruction,
un avocat commis d'office a essayé de le convaincre de plaider coupable
d'homicide involontaire, ce que l'accusation aurait été prête à accepter.
L'auteur a refusé et a demandé au tribunal de désigner un autre avocat;
sa requête a été acceptée. Au cours du procès, son avocat n'aurait pas
demandé au juge pourquoi il avait refusé d'accepter le témoignage de Wayne,
qui avait affirmé ne pas avoir été témoin de l'incident, pourquoi l'auteur
avait dû passer une deuxième fois en jugement, pourquoi Wayne avait été
gardé un jour en détention provisoire et pourquoi il avait dû prêter serment
une deuxième fois. L'avocat n'aurait pas tenu compte des protestations
de l'auteur concernant le déroulement du procès. Selon l'auteur, l'avocat,
lorsqu'il a lui-même interrogé Wayne, n'a pas posé les questions appropriées
et n'a pas saisi l'occasion que lui offrait le juge qui lui avait demandé
s'il avait quelque chose à ajouter lorsque le jury, après s'être réuni
sans avoir prononcé de verdict, avait requis un complément d'information.
L'auteur prétend aussi que son avocat aurait dû soulever des objections
lorsque le juge a empêché l'inculpé de poursuivre sa déposition. Aucun
témoin à décharge n'avait été appelé à déposer.
3.2 Quant aux conditions dans lesquelles son appel avait été examiné,
l'auteur prétend qu'il avait été informé qu'un avocat avait été commis
d'office mais que ce n'est qu'après le rejet du pourvoi qu'il en avait
appris le nom. Il prétend ne pas savoir s'il a été en fait représenté
par son avocat à l'audience. Toutes les demandes de précisions qu'il a
présentées par écrit à son avocat sont restées sans réponse.
3.3 En ce qui concerne la règle de l'épuisement des recours internes,
l'auteur affirme qu'il a sans succès fait appel au Conseil jamaïquain
des droits de l'homme pour qu'il l'aide à demander l'autorisation de former
un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé. Il indique en
outre que, malgré ses demandes répétées à l'avocat qui l'a représenté
devant le tribunal de première instance et au Conseil jamaïquain des droits
de l'homme, il n'a pas réussi à obtenir le texte des jugements prononcés
à son sujet. Le 4 décembre 1990, le Secrétariat a prié l'auteur de lui
faire savoir si la Cour d'appel lui avait délivré une copie de l'arrêt
concernant son affaire et s'il avait pris de nouvelles dispositions en
vue de déposer une demande auprès de la Section judiciaire du Conseil
privé. Dans sa réponse, l'auteur confirme qu'en dépit des nombreuses démarches
faites auprès du greffier de la Cour suprême en vue d'obtenir le texte
des jugements, y compris celui du jugement de la Cour d'appel, il n'a
toujours rien reçu.
Observations de l'Etat partie
4. Dans son unique réponse, l'Etat partie soutenait que la communication
était irrecevable au motif du non-épuisement des recours internes puisque
l'auteur pouvait encore demander l'autorisation de former un recours devant
la Section judiciaire du Conseil privé en vertu de l'article 110 de la
Constitution jamaïquaine.
Décision du Comité concernant la recevabilité
5.1 Le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication
à sa quarante et unième session. Il a jugé que l'auteur ne pouvait être
tenu pour responsable du fait qu'il n'avait pas déposé de demande auprès
de la Section judiciaire du Conseil privé car il n'avait pu avoir communication
du texte des décisions judiciaires, ce qui l'avait empêché de tenter de
porter l'affaire devant la Section judiciaire du Conseil privé.
5.2 Attendu que les allégations de l'auteur concernent l'examen et l'évaluation
des preuves, sa communication a été déclarée irrecevable, conformément
à l'article 3 du Protocole facultatif. Le Comité a toutefois estimé qu'il
fallait examiner quant au fond l'allégation de l'auteur selon laquelle
on a détenu son fils pour le contraindre à témoigner contre lui et il
n'a pas été convenablement représenté à l'audience. En conséquence, le
Comité a déclaré la communication recevable dans la mesure où elle pouvait
soulever des questions relevant du paragraphe 1 et de l'alinéa d) du paragraphe
3 de l'article 14 du Pacte.
Examen du bien-fondé de la demande
6.1 Le Comité a examiné la communication à la lumière des informations
qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1
de l'article 5 du Protocole facultatif. Il déplore l'absence de coopération
de l'Etat partie concernant le fond de l'affaire. Le paragraphe 2 de l'article
4 du Protocole facultatif fait obligation aux Etats parties d'examiner
de bonne foi toutes les accusations formulées à leur encontre et de communiquer
au Comité tous les renseignements à leur disposition. En l'absence de
toutes observations de l'Etat partie sur le fond de l'affaire, il convient
d'accorder le poids voulu aux allégations de l'auteur, dans la mesure
où elles ont été étayées.
6.2 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle il n'a
pas été convenablement représenté en appel, le Comité note avec préoccupation
que l'auteur n'a été informé de l'identité de l'avocat qui avait été désigné
pour le défendre qu'après le rejet de l'appel. Il lui a donc effectivement
été impossible de consulter son avocat pour préparer l'appel. Dans ces
conditions, le Comité conclut qu'il y a violation de l'alinéa d) du paragraphe
3 de l'article 14.
6.3 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle on a
détenu son fils Wayne en vue de le forcer à témoigner contre lui, le Comité
note qu'il s'agit là d'une allégation grave, à l'appui de laquelle l'auteur
s'est efforcé de fournir des preuves, et qui est corroborée par la déclaration
de son fils. A défaut de réfutation par l'Etat partie, le Comité fonde
sa décision sur les faits tels qu'ils sont présentés aux paragraphes 2.3
et 2.4 ci-dessus.
6.4 En vertu de l'article 14 du Pacte, toute personne a droit à ce que
sa cause soit entendue équitablement et publiquement en vue de la détermination
du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle;
un aspect important de ce droit est l'égalité de moyens entre l'accusation
et la défense. Le Comité constate que la détention de témoins en vue d'en
obtenir le témoignage est une mesure exceptionnelle, qui doit être réglementée
par des critères stricts, en droit et dans la pratique. Les informations
dont dispose le Comité ne font pas apparaître que des circonstances spéciales
existaient qui justifiaient la détention d'un enfant mineur, à savoir
le fils de l'auteur. Qui plus est, l'enfant s'étant rétracté, de graves
questions se posent quant à l'éventualité d'une intimidation et au sérieux
du témoignage extorqué dans ces conditions. Le Comité conclut, par conséquent,
qu'il y a eu violation du droit de l'auteur à un procès équitable.
6.5 Le Comité est d'avis que prononcer la peine de mort au terme d'un
procès au cours duquel les dispositions du Pacte n'ont pas été respectées
constitue, s'il n'existe plus de possibilité de faire appel, une violation
de l'article 6 du Pacte. Comme il l'a noté dans son Observation générale
6 (16), la disposition selon laquelle une sentence de mort ne peut être
prononcée que conformément à la loi et ne doit pas être en contradiction
avec les dispositions du Pacte suppose que "les garanties d'ordre
procédural prescrites dans le Pacte doivent être observées, y compris
le droit à un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant, la
présomption d'innocence, les garanties minima de la défense et le droit
de recourir à une instance supérieure"a. En l'occurrence,
étant donné que la sentence de mort définitive a été prononcée alors que
n'étaient pas réunies les conditions assurant l'équité de la procédure
énoncées à l'article 14, il faut conclure que le droit protégé par l'article
6 du Pacte a été violé.
7. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation de l'article 6 et des paragraphe
1 et 3 d) de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques.
8. Le Comité est d'avis que M. John Campbell a droit à une réparation
appropriée. En l'occurrence, ayant constaté que M. Campbell n'a pas été
jugé de façon équitable, il considère que la réparation doit entraîner
la libération de l'auteur. L'Etat partie est tenu de veiller à ce que
des violations similaires ne se produisent plus à l'avenir.
9. Le Comité souhaite recevoir, dans un délai de 90 jours, des observations
de l'Etat partie se rapportant à ses constatations.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français.]
Note
a Voir CCPR/C/21/Rev.1, observation générale 6 [16], par.
7.
Opinion individuelle présentée par M. Bertil Wennergren, en
vertu de l'article 94, paragraphe 3, du règlement intérieur
du Comité, touchant les constatations du Comité
Je partage les conclusions du Comité, mais les raisons qui me font estimer
qu'il y a eu violation du droit de l'auteur à un procès équitable diffèrent
de celles exposées par le Comité au paragraphe 6.4 des constatations.
Aux termes de l'article 14, paragraphe 1, du Pacte, toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par
un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Le
paragraphe 3 du même article stipule d'autres garanties pour les personnes
accusées d'une infraction pénale. Dans le présent contexte, on se rappellera
l'article 14, paragraphe 3 e), qui garantit qu'une personne accusée a
droit, en pleine égalité, à interroger ou faire interroger les témoins
à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à
décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Toutefois,
à mon avis, le problème ici n'est pas de déterminer si le principe de
l'égalité des moyens a été violé en ce qui concerne l'audition du fils
de l'auteur, Wayne, en tant que témoin, mais de déterminer si l'interrogatoire
de Wayne était compatible avec les principes de la garantie d'une procédure
régulière et d'un procès équitable. Il convient de rappeler d'abord que,
lorsque Wayne a été entendu comme témoin par le tribunal, il n'avait que
13 ans, et qu'on attendait de lui qu'il relate les faits d'un événement
qui s'était produit trois ans auparavant, alors qu'il avait 10 ans, et
qui risquait de sérieusement incriminer son père. Deuxièmement, on a usé
de mesures de coercition à son égard pour le faire témoigner et s'acquitter
d'autres façons de ses obligations de témoin.
S'il est vrai que la plupart des systèmes judiciaires prévoient la possibilité
de faire comparaître des enfants comme témoins devant un tribunal, il
est généralement entendu qu'il faut procéder avec le plus grand soin compte
tenu de la vulnérabilité des enfants. Il convient de prendre des mesures
pour assurer que l'enfant a suffisamment de stabilité et de maturité pour
supporter les pressions et tensions auxquelles peuvent être soumis les
témoins dans une affaire pénale. Si l'on estime qu'il est nécessaire de
faire comparaître l'enfant, et qu'on peut le faire sans risques pour son
bien-être, il ne faut épargner aucun effort pour mener l'audience avec
autant d'égards et de compassion que possible. Dans le même contexte,
il convient de rappeler que l'article 24 du Pacte garantit à tout enfant
les mesures de protection qu'exige sa condition de mineur.
Il y a d'amples raisons de penser que lorsque Wayne a témoigné devant
le tribunal, il avait acquis une certaine maturité, et que le faire comparaître
comme témoin était, en soi, acceptable. Mais le fait qu'il était le fils
de l'accusé et, de surcroît, la seule personne que l'accusation avait
pu faire appeler comme témoin pour prouver la culpabilité de M. Campbell
représentait un facteur aggravant. Dans certains systèmes judiciaires,
les individus sont exemptés de l'obligation de témoigner contre des parents
proches, le raisonnement étant qu'une obligation de témoigner serait
inhumaine et donc inacceptable. Mais comme il n'existe pas de principe
généralement reconnu à cet égard, je ne peux pas déclarer l'audition de
Wayne irrecevable simplement du fait qu'il est le fils de l'accusé.
Le dossier de l'affaire contient une lettre écrite par Wayne, dans laquelle
il déclare avoir été le "principal témoin à charge" et avoir
déposé contre son père. Il était âgé de 10 ans au moment de l'incident.
Il avait peur et pensait que tout était de la faute de son père, et il
lui en voulait à l'époque. En ce qui concerne le procès, il déclare dans
sa lettre avoir dit au tribunal que c'était son père qui avait arrosé
sa mère de pétrole et craqué l'allumette, qu'il s'est arrêté de parler
à ce moment-là et que le juge a ordonné qu'on l'arrête. Il a passé une
nuit au poste central de police. Il a eu peur et décidé de modifier sa
déposition, mais le juge lui faisait encore plus peur. Il a pensé que
s'il modifiait sa déposition, on le mettrait en prison; c'est alors qu'il
a "témoigné contre papa".
Témoigner devant une cour de justice est un devoir civique, et tous
les systèmes judiciaires prévoient certaines mesures coercitives pour
garantir l'accomplissement de ce devoir. Les mesures de coercition les
plus courantes sont la citation à comparaître et l'emprisonnement, et
doivent être utilisées au bénéfice égal de l'accusation et de la défense,
lorsqu'elles sont jugées nécessaires pour présenter les éléments de preuve
au jury qui, en se fondant sur les preuves présentées, doit déterminer
la culpabilité ou l'innocence de l'accusé. Dans ses constatations, le
Comité note que la détention de témoins est une mesure exceptionnelle,
qui doit être réglementée par des critères stricts, en droit et dans la
pratique, et qu'il n'apparaît pas clairement que, dans le cas de l'auteur,
il ait existé des circonstances spéciales qui justifient la détention
d'un enfant de 13 ans. Personnellement, il m'est difficile d'imaginer
des circonstances qui justifient la détention d'un enfant pour le contraindre
à témoigner contre son père. En tout état de cause, rien dans cette affaire
ne laisse apparaître de telles circonstances spéciales; le juge doit donc
être réputé avoir violé le principe des garanties d'une procédure régulière
et contrevenu aux conditions d'une audition équitable aux termes de l'article
14, paragraphe 1. La violation est en fait celle des droits d'un témoin,
mais son effet préjudiciable sur la conduite du procès était tel qu'il
en a entraîné l'inéquité au sens de l'article 14, paragraphe 1, du Pacte.