concernant la
Communication No 316/1988
Au nom de : L'auteur
Etat partie concerné : Finlande Date de la communicatio : 4 juillet 1988 (date de la première lettre)
E Comité institué conformément à l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 10 juillet 1991,
Adopte le texte ci-après :
2.1 L'auteur déclare que la société de commercialisation a eu recours à un avocat finlandais, P. K., dans une action en justice contre une autre société finlandaise. L'auteur, qui n'était pas satisfait des services de P. K., l'a poursuivi en justice pour faute professionnelle. Il a également déposé une plainte auprès du Procureur général contre P. K. pour plusieurs "délits graves", dont celui de chantage, ce qui a entraîné l'inculpation de ce dernier. P. K. a fait une demande reconventionnelle à l'encontre de l'auteur et le tribunal municipal d'Helsingfors (Helsinki) a jugé ces affaires conjointement. Dans son jugement rendu le 20 septembre 1984, le tribunal a condamné l'auteur à une amende pour avoir porté des accusations sans fondement contre P. K. 2.2 L'auteur allègue que le tribunal municipal a violé le principe de l'égalité devant la loi énonce au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, et qu'il a été victime de discrimination en raison de sa nationalité suédoiseu 2.3 A l'appui de cette allégation, l'auteur déclare qu'il n'a pas été autorisé à présenter ses arguments dans sa langue maternelle, bien que le suédois soit l'une des langues officielles de la Finlande et que lui-même ne s'exprime pas couramment en finnois. Il estime donc qu'il a été victime d'apre violation des droits énoncés à l'article 14, par. 3)a)et f), du Pacte.
2.4 L'auteur affirme d'autre part que P. K. a obtenu les conclusions du Procureur à l'avance, ce qui est contraire au principe de l'égalité devant Ba loi. Lorsque l'auteur l'a su durant le procès, il a demandé au juge de lever l'audience, mais sa demande a été rejetée, ce qui constitue, d'après lui, une violation du droit énoncé au paragraphe 3 b)de l'article 14 du Pacte, qui établit la garantie de disposer du temps nécessaire "à la préparation de sa défense".
2.5 L'auteur prétend ensuite que le tribunal lui a dénié le droit de faire interroger deux témoins à décharge et qu'il n'a pas enregistré le témoignage écrit envoyé par l'un de ces témoins, ce qui constitue, d'après lui, une violation des droits énoncés au paragraphe 3 e)de l'article 14 du Pacte. Il déclare qu'il a invoqué spécifiquement le Pacte lorsqu'il a fait appel devant la cour d'appel, mais a été débouté le 6 juin 1985.
2.6 L'auteur n'a pas demandé l'autorisation d'introduire un pourvoi de l'arrêt de la cour d'appel devant la Cour suprême. Il a en revanche tenté de former un recours extraordinaire en demandant à la Cour suprême d'annuler les jugements du tribunal municipal et de la cour d'appel pour erreur judiciaire grave (domvilla)et de renvoyer l'affaire devant le tribunal mmicipal pour un nouveau procès. Cette demande a été cependant rejetée par la Cour suprême le 13 novembre 1985. En 1986, l'auteur a de nouveau adressé une requête à la Cour suprême pour pouvoir former un recours extraordinaire pour erreur judiciaire grave (domvilla). Selon lui, la Cour suprême avait eu tort de rejeter sa requête, eu égard aux graves violations des différentes dispositions de l'article 14 du Pacte, en particulier des garanties minima énoncées au paragraphe 3 de cet article, pour la détermination d'une infraction pénale. Le 30 septembre 1987, la Cour suprme a cependant de nouveau rejeté sa demande.
2.7 L'auteur allègue que P. K. n'aurait pas dû être autorisé à former une demande reconventionnelle contre lui personnellement au tribunal, puisqu'il représentait sa société. Cela constituait, d'après l'auteur, une violation de l'article 15 du Pacte.
2.8 L'auteur affirme en outre que les tribunaux finlandais sont tenus d'appliquer le Pacte automatiquement, puisqu'il a été incorporé dans la législation finlandaise par la loi No 108 de 1976. Leur manquement répété à cette obligation constitue, selon lui, une violation des paragraphes 2 et 3 de l'article 2 du Pacte. 3. Par sa décision du 15 juillet 1988, le Groupe de travail du Comité des droits de l'homme a transmis la communication à 1'Etat partie et l'a prié, en vertu de l'article 91 du règlement intérieur, de soumettre des renseignements et observations se rapportant à la question de la recevabilité de la communication.
4.1 Dans ses observations présentées en application de l'article 91 et datées du 21 octobre 1988, 1'Etat partie considère la communication comme irrecevable, d'une part, parce que l'auteur n'a pas épuisé tous les recours internes disponibles et, d'autre part , parce que la communication ne porte sur aucun des droits garantis par le Pacte.
4.2 Dans sa description du système général de recours judiciaire en Finlande, 1'Etat partie note, en particulier, que l'auteur s'est simplement adressé à la Cour suprême pour erreur judiciaire grave (domvilla), mais qu'il n'a pas demandé l'autorisation de se pourvoir dans le cadre du système de recours ordinaire.
4.3 L'Etat partie indique en outre que l'auteur n'a pas été "accusé d'une infraction pénale" et que les dispositions des articles 14, par. 3, et 15, qu'il a invoquées, ne s'appliquent pas à son cas.
4.4 En ce qui concerne les allégations de violations du droit à l'égalité devant la loi, énoncé au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, 1'Etat partie affirme que l'auteur aurait dû fournir tous les procès-verbaux d'audience et toutes les décisions des tribunaux. Comme il ne l'a pas fait, 1'Etat partie considère que l'auteur n'a pas prouvé le bien-fondé de ses allégations et que sa communication doit également être déclarée irrecevable à ce titre.
4.5 L'Etat partie fait valoir, enfin, que les allégations de l'auteur concernent principalement l'interprétation du droit finlandais et l'appréciation des preuves par les tribunaux finlandais. D'après 1'Etat partie, le Pacte ne s'applique pas à ces questions 'et le Comité des droits de l'homme ne saurait être considéré comme une "quatrième instance" ayant qualité pour revoir l'affaire.
5.1 Dans ses observations, datées du 20 décembre 1988, l'auteur admet qu'il n'a jamais demandé l'autorisation d'introduire un pourvoi devant la Cour suprême mais il explique que, s'il ne l'a pas fait, c'est parce que son avocat l'avait informé qu'une telle demande n'était pas nécessaire en cas de vice de procédure grave, étant donné qu'existait aussi le recours de domvilla. Dans de tels cas, cette forme de recours (domvilla)semblait d'ailleurs la plus appropriée.
5.2 L'auteur fait ressortir d'autre part que 1'Etat partie n'a pas répondu à ses allégations concernant l'article 2 du Pacte, bien que les violations des droits énoncés à cet article soient les plus graves. A son avis, la formulation de l'article 2 implique qu'il n'est pas nécessaire de demander l'autorisation d'introduire un pourvoi devant la Cour suprême. 5.3 L'auteur maintient que le fait qu'il ait été personnellement poursuivi en justice par un adversaire au procès civil et condamné à payer une amende par le tribunal municipal d'Helsingfors, montre bien qu'il a été accusé d'une infraction pénale. 5.4 L'auteur déclare que les procès-verbaux d'audience et les décisions des tribunaux représentent, dans cette affaire, environ 800 pages. Il affirme que les décisions de la Cour suprême qu'il a fournies (concernant le prétendu vice de procédure grave domvilla), montrent la grave injustice qui entache le système judiciaire finlandais sur le plan de la procédure. D'après lui, la charge de fournir tous les documents pertinents incombe davantage à 1'Etat partie, qui a plus facilement accès à cette documentation. 5.5 Enfin, l'auteur souligne qu'il ne cherche pas à faire réviser les conclusions de fait ou l'interprétation du droit national par une "quatrième instance". Il considère qu'il s'agit plutôt du lien entre le système juridique finlandais, en tant que tel, et les obligations de la Finlande au titre du Pacte. 5.6 Dans de nouvelles communications, l'auteur a transmis au Comité des déclarations écrites établies et signées par un professeur de droit finlandais qui émet l'opinion suivante : a) la communication adressée par l'auteur au Comité des droits de l'homme fait apparaître que le tribunal de première instance a commis de graves erreurs de procédure et que les droits découlant pour l'auteur des paragraphes 1 et 3 de l'article 14 n'ont pas été respectés; b) le Pacte est directement applicable par les tribunaux finlandais puisqu'il a été incorporé dans la législation finlandaise; c)l'auteur était fondé à former un recours de domvilla plutôt que de demander l'autorisation d'introduire un pourvoi devant la Cour suprême pour une révision ordinaire; d) en tout état de cause, ses chances d'obtenir cette autorisation, s'il l'avait demandée, auraient été quasi nulles, compte tenu de ce que la demande présentée à cette même fin par le Procureur a été rejetée; e)en conséquence, l'auteur a épuisé tous les recours internes. 6.1 Avant d'examiner les allégations contenues dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit décider, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, si une communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. 6.2 Le Comité fait observer que, selon les faits en cause, les allégations formulées par l'auteur au sujet de violations des articles 14, par. 3), et 15 du Pacte ne semblent pas fondées. Il note par ailleurs que les dispositions de l'article 2 du Pacte, qui énoncent les obligations générales des Etats parties, ne peuvent pas, à elles seules, faire l'objet d'une plainte dans une communication au titre du Protocole facultatif. En outre l'allégation selon laquelle l'auteur aurait été victime de discrimination par les tribunaux finlandais et n'aurait pas bénéficié du principe de l'égalité devant la loi en raison de sa nationalité suédoise est de nature trop générale et n'est pas appuyée par des preuves suffisantes. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'auteur a été victime d'une violation du paragraphe 3 c) et f) de l'article 14 du Pacte, le Comité note que, même si l'article 14 était considéré comme applicable en l'espèce, l'auteur n'a pas prouvé qu'en sa qualité de ressortissant suédois, il était en droit d'arguer du statut officiel de la langue suédoise en Finlande pour exiger que la procédure se déroule en suédois. Il n'a pas non plus prouvé qu'il avait besoin d'un interprète et en avait demandé l'assistance, conformément au paragraphe 3 f) de l'article 14, mais ne l'avait pas obtenue. Il ressort de la jurisprudence du Comité qu'au titre du Pacte , nul n'a le droit de réclamer que la procédure se déroule dans la langue de son choix. 6.3 Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère qu'il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir si l'auteur a épuisé les recours internes. 7. Le Comité des droits de l'homme décide en conséquence : a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif; b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et à l'auteur de la communication.