Convention Abbreviation: CCPR
Soixante-sixième session
21 février - 11 mars 2005
Décision prise par le Comité pour l'élimination de la discrimination
raciale en application de l'article 14 de la Convention internationale
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
- Soixante-sixième session -
Communication No. 32/2003
Au nom de: Le requérant
État partie: Danemark
Date de la communication: 4 août 2003
Réuni le 7 mars 2005,
Adopte ce qui suit:
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Le 22 juillet 2002, le requérant a contacté la société Fair Insurance A/S pour souscrire une assurance automobile, couvrant à la fois la perte et les dommages, et la responsabilité civile. Il lui a été répondu qu'il n'était pas possible de l'assurer car il ne parlait pas le danois. La conversation s'est déroulée en anglais, et l'employé de la compagnie a PARFAITEMENT compris sa demande.
2.2 À la fin de juillet 2002, le requérant s'est adressé au DRC, qui a demandé à la compagnie Fair Insurance A/S de confirmer les allégations du requérant. Entre-temps, celui-ci a une nouvelle fois contacté la compagnie et sa demande a été rejetée pour les mêmes motifs. Par lettre datée du 23 septembre 2002, Fair Insurance A/S a confirmé qu'il était nécessaire de connaître le danois pour pouvoir souscrire une assurance auprès d'elle pour les raisons suivantes:
Pour nous acquitter de cette tâche, il est … essentiel que le dialogue ait lieu dans une langue que les clients et les employés connaissent. Or pour le moment nous ne pouvons satisfaire cette condition et offrir un service à nos clients qu'en danois. Cette situation s'explique par le fait que nous sommes une compagnie jeune (créée il y a trois ans et demi) et relativement petite, dont les ressources limitées ne lui permettent pas de recruter des chargés de clientèle qui ont une connaissance des questions d'assurance dans des langues autres que le danois, ou d'établir ou de tenir à jour des documents relatifs à l'assurance dans d'autres langues.».
2.4 Le 12 décembre 2002, le DRC a porté plainte devant le Conseil, lui demandant expressément si l'exigence linguistique était compatible avec la loi contre la discrimination. Le 31 janvier 2003, le Conseil a informé le DRC qu'il était hautement improbable qu'il examine la légalité de cette exigence au regard de tout texte législatif autre que la loi relative aux conventions d'assurance. Toutefois, l'affaire allait recevoir l'attention voulue. La lettre contenait également une réponse, datée du 29 juillet 2003, de Fair Insurance A/S au Conseil, qui indiquait ce qui suit:
2.6 Le 12 décembre 2002, le DRC a adressé une plainte au chef de la police de Copenhague (le chef de la police). Le 24 avril 2003, celui-ci a informé le DRC qu'«il ressort des documents reçus que la discrimination éventuelle consiste uniquement à exiger des clients qu'ils parlent danois afin de faciliter l'organisation du travail au sein de la compagnie. L'interdiction prévue à l'article 1 1) de la loi contre la discrimination ne s'applique pas à une discrimination fondée sur cette explication et objectivement motivée».
2.7 Le 21 mai 2003, le DRC a introduit un recours auprès du Procureur régional de Copenhague (le Procureur). Le 13 juin 2003, celui-ci a rejeté le recours sur le fondement de l'article 749 1) de la loi sur l'administration de la justice. Il a indiqué que l'exigence linguistique «n'était pas fondée sur la race ou l'origine ethnique du client, ou sur un autre critère similaire, mais sur le désir de communiquer avec lui en danois, les employés de la compagnie n'étant pas qualifiés pour traiter de questions d'assurance dans une langue autre que le danois». Selon lui, «la discrimination fondée sur cette base linguistique claire, associée à l'information donnée par la compagnie, n'est pas couverte par la loi sur l'interdiction d'une différence de traitement fondée sur la race, etc. En outre, le fait que Fair Insurance A/S ait reconnu qu'elle était tenue d'offrir une assurance en responsabilité civile à Emir Sefic, conformément à la loi sur les conventions d'assurance, n'est pas pertinent au regard de la loi sur l'interdiction d'une différence de traitement fondée sur la race, etc… La présente analyse se fonde sur les informations fournies par Fair Insurance A/S, selon laquelle c'est par erreur qu'une assurance en responsabilité civile n'a pas été proposée à Emir Sefic.».
2.8 Le requérant affirme qu'il a épuisé les recours internes. En effet, aucune décision d'un procureur régional relative à l'enquête des services de police ne peut être attaquée devant une autre autorité. La question de l'opportunité d'engager des poursuites relevant entièrement du pouvoir d'appréciation de la police, il est impossible de porter l'affaire devant les tribunaux danois. Le requérant fait valoir qu'une action au civil au titre de la loi sur la responsabilité civile ne serait pas utile, puisque le chef de la police et le Procureur ont rejeté sa requête. En outre, dans une décision du 5 février 1999, la Haute Cour de l'Est a affirmé qu'un incident en matière de discrimination raciale n'implique pas, en soi, une atteinte à l'honneur et à la réputation d'une personne au titre de l'article 26 de la loi sur la responsabilité civile. Partant, la discrimination raciale en soi ne saurait se traduire par une demande d'indemnisation de la victime.
Teneur de la plainte
3.1 En ce qui concerne la définition de la discrimination énoncée au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention, le requérant fait valoir que, bien que le critère de la langue n'y figure pas expressément, la discrimination peut être en contradiction avec l'obligation énoncée dans la Convention, en particulier si ledit critère constitue en fait une discrimination fondée, notamment, sur l'origine nationale ou ethnique, la race ou la couleur, dans la mesure où il a un tel effet. En outre, tout critère linguistique visant à exclure, notamment, des clients ayant telle ou telle origine nationale ou ethnique serait contraire à l'article premier de la Convention. En effet, pour constituer un motif légal de discrimination, un tel critère devrait également avoir un objectif légitime et respecter le principe de proportionnalité.
3.2 Le requérant soutient que l'État partie a violé le paragraphe 1 d) de l'article 2 et l'article 6 en n'assurant pas de recours effectif contre une violation des droits visés à l'article 5. Il rappelle les décisions du Comité dans les affaires L. K. c. Pays-Bas et Habassi c. Danemark, (1) dans lesquelles le Comité a établi que les États parties ont une obligation positive de prendre des mesures effectives contre les actes de discrimination raciale qui leur ont été signalés. Le requérant fait valoir que l'exigence linguistique ne saurait être considérée comme une exigence objective, et qu'en tout état de cause les autorités danoises ne pouvaient parvenir à une telle conclusion sans avoir mené une enquête officielle. Elles ont arrêté leur position en se fondant uniquement sur la lettre de Fair Insurance A/S, datée du 23 septembre 2002, sur la plainte que DRC a adressée au chef de la police le 12 décembre 2002, et sur le recours dont le Procureur a été saisi le 21 mai 2003. Ni le chef de la police ni le Procureur n'ont abordé la question de savoir si l'exigence linguistique constituait une discrimination directe ou indirecte fondée sur l'origine nationale et/ou la race.
3.3 Le requérant met l'accent sur les points et questions suivants que les autorités danoises auraient dû, selon lui, s'attacher à déterminer, si l'exigence linguistique constituait une discrimination raciale. Premièrement, dans quelle mesure le requérant et Fair Insurance A/S ont été capables de communiquer en l'espèce. La compagnie d'assurances ayant suffisamment compris le requérant pour rejeter sa demande, les autorités auraient dû se demander si elle avait compris les besoins du requérant pour s'assurer qu'il avait compris les conditions et droits afférents à chaque assurance et qu'il serait à même de fournir à la compagnie des informations nécessaires en cas d'éventuelle demande d'indemnisation. Deuxièmement, les autorités auraient dû s'attacher à déterminer dans quelle mesure la situation concernant les compétences linguistiques était différente selon qu'il s'agissait de souscrire une assurance obligatoire (l'assurance en responsabilité civile) ou une assurance facultative (l'assurance couvrant la perte du véhicule et les dommages au véhicule). À partir du moment où l'assurance en responsabilité civile est obligatoire, la compagnie est tenue, même si le client ne parle que l'anglais, comme c'est le cas en l'espèce, de faire une offre et d'accepter tout client qui admet ses conditions. Une enquête «aurait» permis de déterminer si Fair Insurance A/S était capable d'«informer de manière satisfaisante» le requérant des exigences, conditions et droits afférents à l'assurance obligatoire.
3.4 Troisièmement, les autorités auraient dû s'attacher à déterminer si Fair Insurance A/S comptait parmi ses clients des personnes ne sachant pas parler danois. Si tel avait été le cas (en particulier s'agissant de l'assurance obligatoire), il aurait été intéressant de montrer comment la compagnie communiquait avec elles, et pourquoi elle ne pouvait pas communiquer avec d'autres clients potentiels souhaitant souscrire d'autres assurances. En outre, le requérant soutient que le fait que le chef de la police et le Procureur se soient abstenus de l'entendre et d'entendre Fair Insurance A/S montre une fois de plus qu'aucune enquête sérieuse n'a été menée pour établir le bien-fondé éventuel des arguments avancés par Fair Insurance A/S. Il souligne que l'exigence linguistique pourrait s'expliquer pour d'autres raisons, et il renvoie à une émission de télévision qui a révélé que les primes proposées par Fair Insurance A/S sont plus élevées pour les personnes qui ne sont pas d'origine danoise que pour les Danois.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond
4.1 Le 18 décembre 2004, l'État partie a fait connaître ses observations sur la recevabilité et le fond. S'agissant de la recevabilité, il fait valoir que, bien que le requérant ait épuisé les recours internes au pénal, il s'est abstenu d'engager deux actions au civil qui lui étaient ouvertes. La communication est donc irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Tout d'abord, le requérant pouvait engager une action contre Fair Insurance A/S au motif que la compagnie avait violé la loi en le soumettant à une discrimination raciale, et demander réparation à ce titre, pour préjudice tant pécuniaire que non pécuniaire.
4.2 L'État partie soutient que le cas d'espèce est différent de l'affaire Habassi, (2) dans laquelle le Comité avait estimé que le fait d'engager une action au civil dans une affaire prétendue de discrimination violant la loi contre la discrimination n'était pas un recours utile, dans la mesure où, contrairement au requérant dans l'affaire Habassi, le requérant dans le cas d'espèce prétend avoir subi un préjudice financier puisqu'il a dû souscrire une assurance à un prix plus élevé auprès d'une autre compagnie. Le même argument est avancé pour distinguer la présente instance de la décision du Comité dans l'affaire B. J. c. Danemark.(3)
4.3 Le second recours civil est une action contre Fair Insurance A/S fondée sur les règles énoncées dans les pratiques commerciales danoises; en vertu de l'article 1 1) de ce texte, une entreprise privée ne saurait agir en violation des «bonnes pratiques commerciales». Le requérant aurait pu faire valoir que le traitement accordé par Fair Insurance A/S à sa demande d'assurance avait constitué une violation de la loi contre la discrimination et donc aussi des «bonnes pratiques commerciales». Il aurait pu réclamer une indemnisation conformément aux règles générales du droit danois, tant pour le préjudice financier prétendument subi que pour le préjudice non pécuniaire. Les actes contraires à cette loi peuvent être interdits par jugement et entraîner une obligation à dommages-intérêts.
4.4 En ce qui concerne le fond, l'État partie affirme que la Convention n'a pas été violée. Il admet que les États parties sont tenus d'ouvrir une enquête sérieuse lorsque des plaintes pour discrimination raciale leur sont soumises, enquête qui devrait être menée avec la diligence et la rapidité voulues, et qui doit être suffisante pour déterminer si un acte de discrimination raciale s'est effectivement produit ou non. (4) Toutefois, de l'avis de l'État partie, il ne ressort pas de la Convention ou de la jurisprudence du Comité qu'une enquête doit être ouverte chaque fois qu'un cas est signalé à la police. S'il n'y a aucune raison d'ouvrir une enquête, l'État partie estime qu'il est conforme à la Convention de ne pas donner suite à l'affaire. En l'espèce, le chef de la police et le Procureur ont reçu du DRC un rapport écrit détaillé, avec un certain nombre d'annexes, présentant suffisamment les circonstances de l'affaire, pour pouvoir conclure, sans avoir à ouvrir une enquête, qu'il était raisonnable de présumer qu'une infraction pénale susceptible de déclencher l'action publique n'avait pas été commise.
4.5 S'agissant de l'argument du requérant selon lequel le chef de la police aurait dû ouvrir une enquête pour déterminer si l'exigence linguistique constituait une discrimination directe ou indirecte, l'État partie soutient que la loi contre la discrimination ne prévoit pas une telle distinction, mais qu'elle se réfère à une personne qui «refuse de servir» une autre personne dans les mêmes conditions que d'autres, pour des motifs liés à la race, à la nationalité, etc. Il n'est donc pas fondamental en soi de déterminer si une discrimination directe ou indirecte s'est effectivement produite, mais plutôt si l'article premier de la loi contre la discrimination a été violé intentionnellement, que la prétendue discrimination contraire à la loi ait été directe ou indirecte. En ce qui concerne l'allusion faite par le requérant à l'émission télévisée, l'État partie considère qu'elle est sans intérêt en l'espèce.
4.6 S'agissant du point de savoir si le chef de la police aurait dû ouvrir une enquête pour déterminer dans quelle mesure le requérant et Fair Insurance A/S pouvaient communiquer, l'État partie considère qu'il n'était pas indispensable de préciser si le requérant et Fair Insurance A/S avaient pu communiquer de manière satisfaisante, mais plutôt de savoir si l'article premier de la loi contre la discrimination avait été intentionnellement violé. L'exigence linguistique étant due à l'insuffisance des ressources de la compagnie pour recruter du personnel compétent en matière d'assurance maîtrisant des langues autres que le danois, et au fait qu'elle fonctionne essentiellement par téléphone, l'État partie considère que cette exigence est objectivement justifiée, dès lors qu'il s'agit de souscrire une police d'assurance, ce qui implique des droits et des obligations contractuels dont l'acheteur et le vendeur doivent être capables de comprendre avec certitude la teneur et les conséquences. L'État partie estime par conséquent qu'il n'était pas nécessaire d'ouvrir une enquête pour déterminer dans quelle mesure le requérant et Fair Insurance A/S étaient capables de communiquer dans une langue autre que le danois. À cet égard, le Gouvernement prend note de la décision de l'Autorité de contrôle financier, selon laquelle cette politique linguistique ne viole pas l'article 3 de la loi no 660 sur les activités financières, du 7 août 2002, étant donné que la mesure en cause constitue une mesure à caractère pratique qui a été prise en raison du caractère limité des ressources.
4.7 S'agissant du point de savoir si le chef de la police aurait dû ouvrir une enquête pour déterminer dans quelle mesure la situation concernant les compétences linguistiques était différente selon qu'il s'agissait d'une assurance obligatoire ou d'une assurance facultative, l'État partie soutient qu'il ressort de la lettre de Fair Insurance A/S, du 22 janvier 2003, que la compagnie a reconnu que le requérant aurait dû se voir proposer une assurance en responsabilité civile lorsqu'il a pris contact avec elle. L'État partie fait observer que la tâche du chef de la police ne consistait pas à déterminer si Fair Insurance A/S avait une pratique générale contraire à la loi contre la discrimination, mais plutôt à établir si elle avait expressément violé la loi eu égard à la demande du requérant, et ainsi commis un acte de discrimination raciale qui constitue une infraction pénale.
4.8 Pour ce qui est de la question de savoir si le chef de la police aurait dû ouvrir une enquête pour déterminer dans quelle mesure Fair Insurance A/S avait des clients qui ne savaient pas parler danois, l'État partie indique que, dans sa lettre du 19 septembre 2002, Fair Insurance A/S a informé le DRC qu'elle compte parmi ses clients de nombreuses personnes qui ne sont pas des Danois de souche mais qui parlent le danois. Compte tenu de cette information, il n'a pas été jugé nécessaire d'enquêter plus avant.
Commentaires du requérant concernant les observations de l'État partie
5.1 Le 27 février 2004, le requérant a répondu aux observations de l'État partie. En ce qui concerne les arguments relatifs à la recevabilité, il fait valoir que, dans la décision Habassi, le Comité indique clairement que «les formes d'action au civil évoquées par l'État partie ne sauraient être tenues pour constituer un recours approprié… Il était impossible de parvenir à cet objectif − sanctionner une infraction pénale − à travers une action au civil, laquelle n'aurait donné lieu qu'au versement de dommages-intérêts» … et non à une condamnation pénale. En outre, le Comité «n'était pas convaincu qu'une action au civil aurait eu quelque chance d'aboutir…». Le requérant affirme qu'il a un droit à un recours effectif contre la discrimination raciale, comme prévu aux articles premier et 5 de la Convention.
5.2 En ce qui concerne la loi relative aux pratiques commerciales danoises, le requérant affirme que cette loi n'a rien à voir avec la discrimination raciale, et qu'une décision y relative ne constitue pas un «recours» contre la violation des droits du requérant. En outre, il indique que si cette législation civile s'appliquait à la situation du cas d'espèce, l'État partie n'aurait pas eu à adopter une nouvelle loi sur l'égalité de traitement, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2003 − c'est-à-dire après l'incident à l'origine de la présente affaire. Le requérant maintient ses arguments quant au fond.
Délibérations du Comité
Examen quant à la recevabilité
6.1 Avant d'examiner une communication quant au fond, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, en application de l'article 91 de son règlement intérieur, examine si cette communication est ou non recevable au titre de la Convention.
6.2 Le Comité constate que l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n'ont pas été épuisés. Le Comité rappelle sa jurisprudence (5) selon laquelle les formes d'action au civil évoquées par l'État partie ne sauraient être tenues pour constituer un recours approprié. La plainte, qui a été déposée auprès des services de police puis du Procureur, faisait état de la commission prétendue d'une infraction pénale, et visait à faire condamner la compagnie Fair Insurance A/S au titre de la loi contre la discrimination. Il était impossible de parvenir à cet objectif à travers une action au civil, laquelle n'aurait donné lieu qu'au versement de dommages-intérêts au requérant. Le Comité considère par conséquent que le requérant a épuisé les recours internes.
6.3 En l'absence d'autres objections concernant la recevabilité de la requête, le Comité déclare celle-ci recevable et passe à son examen quant au fond.
Examen quant au fond
7.1 Ayant examiné la présente communication à la lumière de tous les renseignements et des preuves documentaires qui lui ont été communiqués par les parties, comme l'exige le paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention et l'article 95 de son règlement intérieur, le Comité fonde son opinion sur les considérations ci-après.
7.2 La question dont le Comité est saisi est celle de savoir si l'État partie s'est acquitté de l'obligation positive qui lui incombe de prendre des mesures effectives contre les cas signalés de discrimination raciale, c'est-à-dire s'il a ouvert une enquête au sujet de la plainte du requérant en l'espèce. (6) Le requérant fait valoir que l'obligation de parler danois, préalable indispensable pour souscrire une assurance automobile, ne constitue pas une exigence objective, et qu'une enquête plus approfondie aurait été nécessaire pour déterminer les véritables raisons de cette politique. Le Comité observe qu'il n'est pas contesté que le requérant ne parle pas danois. Il constate que sa réclamation, ainsi que tous les éléments de preuve qu'il a fournis et les informations concernant les véritables raisons de la politique de Fair Insurance A/S ont été examinés tant par les services de police que par le Procureur. Ce dernier a estimé que l'exigence linguistique «n'était pas fondée sur la race ou l'origine ethnique du client, ou sur une autre considération de ce type», mais qu'elle était liée au besoin de communiquer avec les clients. Le Comité considère que les raisons avancées par Fair Insurance A/S pour justifier l'exigence linguistique, notamment la nécessité de communiquer avec le client, l'insuffisance des ressources d'une petite compagnie pour recruter des personnes maîtrisant différentes langues, et le fait qu'il s'agit d'une compagnie qui fonctionne essentiellement par le biais de contacts téléphoniques, constituaient des motifs raisonnables et objectifs et qu'une enquête approfondie ne s'imposait donc pas.
8. Agissant en vertu du paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale est d'avis que les faits, tels qui lui ont été communiqués, ne font pas apparaître qu'il y ait eu violation de la Convention par l'État partie.
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[Adopté en anglais (version originale), en français, en espagnol et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
2. Affaire no 10/1997, Habassi c. Danemark, décision adoptée le 17 mars 1999.
3. Affaire no 17/1999, B. J. c. Danemark, décision adoptée le 17 mars 2000.
4. L'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité sur cette question: affaire no 1/84, A. Yilmaz c. Pays-Bas, décision adoptée le 10 août 1988; affaire no 4/1991, L. K. c. Pays-Bas, décision adoptée le 16 mars 1993; affaire no 10/1997, Habassi c. Danemark, décision adoptée le 17 mars 1999, et affaire no 16/1999, Ahmad c. Danemark, décision adoptée le 13 mars 2000.
5. Affaire no 10/1997, Habassi c. Danemark, décision adoptée le 17 mars 1999.
6. L. K. c. Pays-Bas et Habassi c. Danemark, voir ci-dessus.