Comité des droits de l'homme
Quarante-et-unième session
CONSTATATIONS DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4
DE L'ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE
INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
QUARANTE ET UNIEME SESSION
concernant les
Communications Nos 221/1987 et 323/1988
Présentées par : Yves Cadoret, Hervé Le Bihan
Au nom : des auteurs
Etat partie concerné : France
Date des communications 15 janvier 1987 et 25 juillet 1988
Date des décisions concernant la recevabilite : 25 juillet et 9 novembre 1989
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 11 avril 1991,
Ayant achevé l'examen des communications Nos 221/1987 et 323/1988, présentées
au Comité par Yves Cadoret et Hervé Le Bihan en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été fournies
par les auteurs des communications et par 1'Etat partie intéressé,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif
1. Les auteurs des communications (communications initiales datées du 15 janvier
1987 et du 25 juillet 1988, respectivement) sont Yves Cadoret et Hervé Le
Bihan, deux citoyens français, le premier enseignant et l'autre conseiller
d'éducation résidant en Bretagne (France). Ils prétendent être victimes d'une
violation, de la part de la France, des articles 14, 19, 26 et 27 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
Rappel des faits tels que présentés par les auteurs
2.1 Le 20 mars 1985, les auteurs ont comparu devant le Tribunal correctionnel
de Rennes, inculpés d'avoir dégradé trois panneaux de signalisation près de
cette ville en juin 1984. Ils disent que bien que le breton soit leur langue
maternelle, ils n'ont pas été autorisés à s'exprimer dans cette langue devant
le Tribunal et que ce droit a également été refusé aux trois témoins qu'ils
avaient cités. Les auteurs n'indiquent pas la nature de la condamnation effectivement
prononcée contre eux mais précisent qu'ils ont fait appel de la décision du
Tribunal correctionnel. Lors de l'audience qu'elle a tenue le 23 septembre
1985, la Cour d'appel de Rennes leur aurait aussi refusé la possibilité de
s'exprimer en breton.
2.2 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, les auteurs prétendent
qu'il n'existe aucun recours puisque la justice française n'admet pas l'usage
de la langue bretonne.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs prétendent que leur cause n'a pas été entendue équitablement,
en violation des paragraphes 1 et 3 e) et f) de l'article 14 parce qu'ils
se sont vu dénier le droit de s'exprimer en breton devant les tribunaux français
et n'ont donc pas témoigné. En particulier, les tribunaux refuseraient obstinément
d'attribuer des interprètes aux accusés dont la langue maternelle est le breton,
au motif qu'ils sont censés maîtriser le français. Ils nient à cet égard que
le Tribunal correctionnel se soit assuré qu'ils maitrisaient le français.
M. Cadoret nie de même avoir été interrogé en français devant la Cour d'appel.
A ce sujet, il affirme qu'il n'a jamais prétendu qu'il ne parlait pas le français
couramment, et qu'il a seulement insisté pour être entendu en breton. Il en
a été de même devant la Cour d'appel, où il n'a prononcé qu'une seule
phrase, par laquelle il a manifesté son désir de s'exprimer en breton.
3.2 M. Cadoret affirme qu'aucune disposition du Code français de procédure
pénale n'oblige le prévenu ou une partie en litige à s'exprimer en français
devant les juridictions pénales. Il se réfère plus précisément à l'article
407 du Code francais de procédure pénale et soutient que cette disposition
n'impose pas l'usage de la langue française. Cela aurait été confirmé par
une lettre du Ministre de la justice datée du 29 mars 1988 où il est seulement
indiqué que l'article 407 semble imposer l'usage de la seule langue française
et que l'usage, au Tribunal, de langues autres que le français est laissé
à l'appréciation des autorités judiciaires, qui décident par cas d'espèce.
Cette "situation incertaine", selon M. Cadoret. explique
que certains tribunaux autorisent les personnes inculpées d'infractions ainsi
que leurs témoins à s'exprimer en breton. comme l'a fait par exemple le Tribunal
de Lorient (Bretagne) le 3 février 1986, dans une affaire semblable à la sienne.
M. Cadoret conteste aussi l'argument selon lequel les dispositions du Code
de procédure pénale applicables à la langue parlée devant les tribunaux visent
à garantir l'égalité de traitement des citoyens. Ainsi, l'un des témoins de
la défense, professeur à l'université de Rennes, n'a pu témoigner en breton
en faveur de l'auteur, alors qu'il avait été autorisé a le faire dans une
autre affaire.
3.3 Les auteurs prétendent que le refus des tribunaux de leur permettre de
présenter leur défense en breton constitue manifestement une restriction grave
de leur liberté d'expression. Cela implique en fait que les citoyens français
parlant à la fois breton et français ne peuvent faire connaître leurs idées
et leurs 'opinions qu'en francais. Ceci, prétendent-ils, est contraire au
paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte.
3.4 M. Cadoret affirme en outre que le refus d'employer le breton en justice
constitue une discrimination d'ordre linguistique. Il ajoute que même si l'on
prétendait qu'il est bilingue, cela ne prouverait en rien qu'il n'a pas été
victime de discrimination. Il réaffirme que les tribunaux français n'appliquent
pas le Code de procédure pénale de façon à garantir un traitement égal à tous
les citoyens français. Dans ce contexte, il se réfère de nouveau aux différences
que font, dans l'application de l'article 407 du Code de procédure pénale,
des tribunaux français, et en particulier ceux de Bretagne, où certains tribunaux
répugneraient à permettre aux inculpés de s'exprimer en breton même s'ils
ont beaucoup de difficulté à s'exprimer en français. C'est ainsi, selon lui,
que les citoyens français qui parlent breton sont victimes de discrimination
devant les tribunaux.
3.5 Pour ce qui est de l'article 27, les auteurs font valoir que ce n'est
pas parce que 1'Etat partie n'en reconnaît pas l'existence sur son territoire
qu'il n'existait pas de minorités en France. Même si la France n'a qu'une
seule langue officielle, l'existence de groupes minoritaires parlant d'autres
langues que le français en Bretagne. en Corse ou en Alsace est bien connue
et documentée. Il y aurait plusieurs centaines de milliers de citoyens français
qui parlent breton.
Observations de 1'Etat partie
4.1 Dans ses communications, 1'Etat partie expose les faits en détail et soutient
que les auteurs n'ont pas épuisé les voies de recours internes. Ainsi, alors
que les auteurs ont fait appel de la condamnation qui leur avait été infligée
par le Tribunal correctionnel, ils n'ont pas contesté la décision du juge
de première instance leur refusant, à eux et à leurs témoins, les services
d'un interprète. L'Etat partie affirme donc que les auteurs ne sont pas fondés
à saisir le Comité des droits de l'homme au motif qu'ils se-seraient vu refuser
le droit de s'exprimer en breton devant les tribunaux. n'ayant pas sur ce
point usé des voies de recours existantes.
4.2 L'Etat partie rejette l'assertion selon laquelle la cause des auteurs
n'aurait pas été entendue équitablement, eux-mêmes et leurs témoins n'auraient
pas eu la possibilité de témoigner et par conséquent, le paragraphe premier
de l'article 14 et les alinéas e)et f)du paragraphe 3 de l'article 14 du Facte
auraient été violés. 11 affirme que les allégations de l'auteur concernant
le paragraphe premier de l'article 14 ne peuvent être appréciées dans l'abstrait
mais doivent être examinées au vu des circonstances particulières de l'espèce.
Il fait observer qu'à de nombreuses occasions, au cours de la procédure judiciaire,
les auteurs ont clairement montré qu'ils étaient parfaitement capables de
s'exprimer en francais.
4.3 L'Etat partie fait observer en outre que l'audience d'une juridiction
pénale n'est pas le lieu approprié pour l'expression de revendications en
faveur de la Promotion d'une langue régionale. L'unique objet d'un procès
pénal est la détermination de la culpabilité ou de l'innocence du prévenu.
A cet égard, il importe de faciliter l'instauration d'un dialogue direct entre
celui-ci et le
juge. L'intervention d'un interprète, qui présente toujours le risque de ne
pas restituer exactement les propos du prévenu, doit être réservée aux cas
où elle est strictement nécessaire, c'est-à-dire où le prévenu ne parle pas
ou ne comprend pas suffisamment la langue employée à l'audience.
4.4 L'Etat partie affirme qu'au vu des considérations qui précèdent, le Président
du Tribunal de Rennes était parfaitement en droit de ne pas appliquer l'article
407 du Code pénal français, comme l'avait demandé M. Cadoret. Cet article
stipule que, dans le cas où le prévenu ou un témoin ne maîtrise pas suffisamment
le français, le Président du Tribunal doit demander qu'un interprète soit
désigné d'office. La mise en oeuvre de. l'article 407 repose sur l'important
pouvoir d'appréciation du Président du Tribunal, qui se fonde sur une analyse
minutieuse de chaque cas d'espèce et de toutes les pièces versées au dossier.
Cela a été confirmé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation à plusieurs
occasions 11. Il ajoute que l'article 407 du Code de procédure pénale, qui
stipule que la langue employée devant les juridictions pénales est le français,
n'est pas seulement conforme au paragraphe 3 f)de l'article 14 du Pacte, mais
protège plus efficacement encore les droits de la défense, puisqu'il prévoit
la désignation d'office par le Président du Tribunal correctionnel d'un interprète
dans le cas où le prévenu ou le témoin ne maîtrise pas suffisamment la langue
française.
4.5 L'Etat partie rappelle que les auteurs et tous les témoins qu'ils avaient
fait citer étaient francophones. Il a notamment fait observer que M. Le Bihan
n'avait pas expressément demandé les services d'un interprète. L'Etat partie
reconnaît en outre que deux tribunaux français - ceux de Guingamp et de Lorient
en Bretagne ont accordé, en mars 1984 et février 1985, respectivement, l'assistance
d'un interprète à des ressortissants français d'origine bretonne : il soutient
toutefois que ces décisions constituaient des exceptions à la règle et que
la Cour d'appel de Rennes de même que les tribunaux de grande instance
de Guingamp et de Lorient refusent généralement de les appliquer à des prévenus
ou des témoins qui maîtrisent le francais. En conséquence, il estime qu'il
ne saurait être question de violation de l'alinéa f) du paragraphe 3 de l'article
14.
4. 6 L'Etat partie rejette l'argument selon lequel les auteurs n'auraient
pas bénéficié, en violation de l'alinéa e)du paragraphe 3 de l'article 14
du Pacte, d'un procès équitable dans la mesure où le tribunal a refusé d'entendre
les témoins à décharge qu'ils avaient fait citer. En fait, M. Cadoret a
pu obtenir du tribunal la comparution de ces témoins et c'était de leur
propre gré que ces derniers n'avaient pas déposé. Usant de son pouvoir d'appréciation.
le Président du tribunal a estimé qu'il n'était ni allégué ni prouvé que
les témoins étaient incapables de s'exprimer en francais et qu'ils avaient
demandé l'assistance d'un interprète uniquement dans le dessein de promouvoir
la cause de la langue bretonne. C'était donc en raison du comportement même
des témoins que le tribunal ne les a pas entendus. L'Etat partie affirme
en outre que l'alinéa e) du paragraphe 3 de l'article 14 ne concerne pas
la langue employée devant une juridiction pénale par des témoins à charge
ou à décharge et qu'en tout état de cause, en vertu du Pacte et de l'article
407 du Code de procédure pénale, les témoins ne peuvent bénéficier de droits
plus larges que ceux conférés au prévenu.
4.7 En ce qui concerne une violation présumée du paragraphe 2 de l'article
19, 1'Etat partie soutient que la liberté d 'expression des auteurs n'a
été en aucune façon restreinte pendant leur procès. Ils n'ont pas
été autorisés à s'exprimer en breton parce qu'ils sont bilingues.
A tout moment, il leur a été loisible de présenter leur défense en français
sans être tenus de s'exprimer dans un français juridique. En cas de besoin,
la Cour aurait requalifié juridiquement les arguments avancés par les auteurs.
4.8 Pour ce qui est de l'allégation de violation de l'article 26, 1'Etat
partie rappelle que l'interdiction de la discrimination consacrée à l'article
2 de la Constitution francaise et à l'article 26 ne s'étend pas au droit
du prévenu de choisir, dans une action engagée contre lui, la langue de
son choix; elle implique plutôt que les parties à une affaire acceptent
les mêmes contraintes et S'y soumettent. L'Etat partie fait valoir que les
auteurs n'ont étayé leur allégation de discrimination d'aucun argument précis
et il affirme que l'argument consistant a faire état d'une maitrise imparfaite
du français juridique pour refuser de s'exprimer en francais devant un tribunal
n'est pas pertinent aux fins de l'article 26. Les auteurs ont été seulement
priés de s'exprimer en français "courant". En outre, l'article
407 du Code de procédure pénale, loin d'opérer une discrimination fondée
sur la langue au sens de l'article 26, assure l'égalité de traitement des
prévenus et des témoins devant les juridictions correctionnelles puisque
tous doivent employer la langue française. La seule exception à l'article
407 du Code de procédure pénale s'applique aux prévenus et aux témoins qui,
objectivement, ne comprennent ni ne parlent la langue employée à l'audience.
Cette distinction repose sur des "critères raisonnables et objectifs"
et est donc compatible avec l'article 26 du Pacte. Enfin, 1'Etat partie
affirme que le principe venire contra factum orooriusn est applicable au
comportement des auteurs qui ont refusé de s'exprimer en français devant
les tribunaux en prétextant une méconnaissance de cette langue, mais qui
soumettaient au Comité des communications rédigées dans un français "irréprochable".
4.9 Quant à l'allégation de violation de l'article 27, 1'Etat partie rappelle
qu'au moment où la France a ratifié le Pacte, le Gouvernement français avait
fait la réserve suivante : "Le Gouvernement déclare, compte
tenu de l'article 2 de la Constitution de la République française, que l'article
27 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République". Aussi
1'Etat partie affirme-t-il que "la notion d'appartenance à une minorité
ethnique, religieuse ou linguistique" dont se prévaut le requérant
n'est pas pertinente en l'espèce et ne peut être opposée au Gouvernement
francais, qui ne reconnaît pas l'existence de 'minorités' dans la République,
définie à l'article 2 de la Constitution comme 'indivisible, laïque, démocratique
et sociale...'."
Questions et délibérations soumises au Comité
5.1 Lors de l'examen de la recevabilité des communications, le Comité a
tenu compte de l'affirmation de 1'Etat partie selon laquelle les communications
étaient irrecevables parce que les auteurs n'avaient pas fait appel de la
décision prise par le juge du tribunal correctionnel de Rennes de ne pas
mettre à leur disposition ainsi qu'à leurs témoins les services d'un interprète.
Le Comité a constaté que les auteurs cherchaient a faire reconnaître le
breton comme moyen d'expression devant les tribunaux. Il a rappelé que les
plaignants n'avaient pas besoin d'épuiser les voies de recours internes
s'ils n'avaient objectivement aucune chance de les voir aboutir. Tel est
le cas lorsque, en vertu de la législation intérieure applicable, la plainte
serait immanquablement rejetée, ou lorsque la jurisprudence des juridictions
judiciaires nationales supérieures exclut que le plaignant ait gain de cause.
Se fondant sur ces observations et tenant compte de la législation française
pertinente ainsi que de l'article 2 de la Constitution française, le Comité
a conclu qu'aucun recours utile ne restait ouvert aux auteurs. De leae lata,
les auteurs ne peuvent atteindre leur objectif en usant des voies de recours
internes.
5.2 Quant au droit a la liberté d'expression qui aurait été violé, le Comité
a considéré que le fait pour les auteurs de ne pas avoir pu s'exprimer dans
la langue de leur choix ne relevait pas des dispositions du paragraphe 2
de l'article 19. Aussi le Comité a-t-il estimé que sur ce point les communications
étaient irrecevables aux termes de l'article 3 du Protocole facultatif,
comme étant incompatibles avec les dispositions du Pacte.
5.3 Pour ce qui est de la violation de l'article 27 du Pacte dont les auteurs
affirment être victimes, le Comité a pris note de la "déclaration"
de la France, mais ne s'est pas penché sur la question de son champ d'application
car les,, allégations contenues dans les communications ne relevaient pas
des dispositions de cet article 21.
5.4 En ce qui concerne l'allégation de violation des articles 14 et 26,
le Comité a estimé que les auteurs avaient suffisamment étayé leur allégation
aux fins de la recevabilité.
5.5 Les 25 juillet et 9 novembre 1989, le Comité des droits de l'homme a
donc déclaré recevables les communications dans la mesure où elles semblaient
soulever des questions relevant des articles 14 et 26 du Pacte. Le 9 novembre
1989, le Comité a décidé en outre d'examiner conjointement les deux communications.
5.6 Le Comité a noté que les auteurs affirmaient que la notion de "procès
équitable" au sens de l'article 14 du Pacte suppose que l'accusé doit
être autorisé, lors d'un procès pénal, à s'exprimer dans la langue qu'il
parle normalement et que le refus de lui fournir l'assistance d'un interprète
ainsi qu'aux témoins qu'il a fait citer constitue une violation du paragraphe
3 e)et f) de l'article 14. Le Comité fait observer, comme il l'a
fait en une précédente occasion 31, que l'article 14 traite de l'égalité
en matière de procédure: il consacre notamment le principe de "l'égalité
des armes" lors des procès pénaux. Le fait qu'une seule langue soit
reconnue devant les juridictions d'Etats parties au Pacte ne constitue pas,
de l'avis du Comité, une violation de l'article 14. L'obligation de respecter
le droit à un procès équitable n'oblige pas non plus les Etats parties à
mettre les services d'un interprète à la disposition d'un individu
dont la langue maternelle n'est pas la même que la langue officielle
du tribunal si l'intéressé peut comprendre cette langue et s'exprimer correctement
dans cette langue. C'est uniquement si l'accusé ou les témoins ont des difficultés
à comprendre ou à parler la langue employée à l'audience que les services
d'un interprète doivent impérativement leur être fournis.
5.7 Sur la base des renseignements qui lui ont été communiqués, le Comité
estime que les tribunaux français ont respecté les obligations qui leur
incombent en vertu du paragraphe 1 de l'article 14, lu conjointement avec
le paragraphe 3 e)et f). Les auteurs n'ont pas prouvé qu'eux-mêmes ou les
témoins a décharge qu'ils avaient .fait Citer étaient incapables de comprendre
le français et de s'exprimer devant le tribunal en français. A cet égard,
le Comité note que la notion de procès équitable énoncée au paragraphe 1
de l'article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 f), ne suppose pas
que l'on doive donner à l'accusé la possibilité de s'exprimer dans la langue
qu'il parle normalement ou qu'il parle avec le maximum d'aisance. Si le
tribunal est certain, comme il ressort des décisions du tribunal correctionnel
et de la Cour d'appel de Rennes, que les accusés peuvent s'exprimer correctement
dans la langue employée à l'audience, il n'a pas à se demander s'il aurait
6th préférable pour ceux-ci de s'exprimer dans une autre langue.
5.8 La législation française en tant que telle ne confère pas à chacun le
droit de s'exprimer dans sa propre langue devant les tribunaux. Les personnes
qui ne parlent ni ne comprennent le français bénéficient des services d'un
interprète. Les auteurs auraient pu bénéficier de ces services si la situation
l'avait exige: tel n'ayant pas été le cas, les auteurs n'ont pas été victimes
d'une discrimination fondée sur la langue au sens de l'article 26 du Pacte.
6. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il
est saisi ne révèlent pas, contrairement à ce qu'affirment les auteurs,
que ces derniers ont été victimes d'une violation de l'une quelconque des
dispositions du Pacte.