University of Minnesota



G. J. (nom supprimé) c. Trinité-et-Tobago, Communication No. 331/1988, U.N. Doc. CCPR/C/43/D/313/1988 (1991).



Comité des droits de l'homme
Quarante-troisième session

Décision prise par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques - Quarante-troisième session

concernant la

Communication No 331/1988


D: G. J. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

Etat partie : Trinité-et-Tobago

Date de la communication : 24 septembre 1988 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 5 novembre 1991,

Adopte la décision ci-après :

Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (lettre initiale datée du 24 septembre 1988 et correspondance ultérieure)est G. J., citoyen de la Trinité-et-Tobago détenu à la prison d'Etat de Port-of-Spain (Trinité-et-Tobago)OÙ il attend d'être exécuté. Il affirme être victime d'une violation par la Trinité-et-Tobago de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil.

Les faits présentés par l'auteur :

2.1 L'auteur a été accusé le 14 juillet 1980 d'avoir assassine un enfant de deux ans, P. J., le 11 juillet 1980. A l'issue du procès, qui s'est déroulé entre le 18 mai et le 15 juin 1982, l'auteur a été reconnu coupable et condamné à mort. Il a saisi la cour d'appel pour 15 motifs: son recours a toutefois été rejeté le 20 décembre 1984. La cour d'appel a délivré un jugement écrit le 24 décembre 1984. La demande d'autorisation spéciale que l'auteur a formulée par la suite en vue de former un recours devant la Section judiciaire du Conseil privé a été rejetée le 17 mai 1990.


2.2 L'accusation a fondé son argumentation en partie sur des preuves matérielles et en partie sur des aveux qu'aurait faits l'auteur lui-même. Les faits évoqués au cours du procès sont les suivants : la veille du crime, dans l'après-midi, le père de l'enfant avait emmené sa femme et son fils sur un terrain de golf non loin de chez eux, à Port Fortin: c'est là qu'il aurait vu l'auteur, qu'il a reconnu par la suite parmi plusieurs personnes lors d'une confrontation de suspects. Un dénommé C. A. aurait ensuite vu l'auteur aux alentours de la maison des J. vers 7 h 30 le lendemain matin. C. A. aurait, lui aussi, reconnu l'auteur parmi plusieurs personnes lors d'une confrontation de suspects. Le même matin, la disparition de l'enfant était signalée et une note manuscrite était trouvée à la grille de la maison des J., contenant des instructions pour la remise d'une rançon de 30 000 dollars en un lieu déterminé. Les parents de l'enfant ont immédiatement alerté la police qui a monté une embuscade pour s'emparer du kidnappeur. L'auteur aurait été arrêté alors qu'il s'emparait de la rançon. Le corps de l'enfant, enveloppé dans un sac en plastique, a été découvert par la suite dans une fosse peu profonde. Un expert en médecine légale interrogé au cours du procès a affirmé que les traces de terre relevées sur les vêtements de l'auteur correspondaient aux échantillons de terre prélevés à l'endroit où le cadavre de l'enfant avait été découvert. Le même expert a déclaré en outre que la feuille de papier utilisée pour écrire la note réclamant la rançon était semblable à d'autres feuilles trouvées plus tard au domicile de l'auteur.

La plainte :

3.1 L'auteur affirme que peu après son arrestation, il a été contraint par un officier de police à faire oralement des aveux l'incriminant. Deux jours après son arrestation, il aurait été forcé de signer une déclaration écrite reproduisant les aveux qu'il avait faits oralement précédemment.

3.2 L'auteur affirme que la procédure pénale engagée contre lui a été entachée de plusieurs irrégularités. Ainsi, le juge du fond aurait manifesté son parti pris contre l'auteur et son représentant, notamment en interrompant sans cesse ce dernier au cours de son contre-interrogatoire des témoins à charge et en exerçant des pressions sur lui pour qu'il abrège ses interventions. Le juge aurait en outre induit le jury en erreur sur un certain nombre de points de fait et de droit; il aurait en particulier a) négligé de lui donner toutes les instructions voulues concernant le caractère circonstantiel des preuves invoquées par l'accusation, b) commis l'erreur d'accepter comme éléments de preuve les aveux oraux et écrits qui auraient été extorqués à l'auteur et c)donné au jury des indications erronées sur la façon dont il devait considérer ces aveux.

3.3 L'auteur affirme en outre que le conseil désigné d'office pour le représenter ne l'a pas défendu comme il l'aurait dû et a fait preuve de négligence flagrante. Le conseil n'aurait pas suffisamment consulté l'auteur pour la préparation de la défense et il aurait également négligé d'interroger un témoin qui, selon l'auteur, aurait pu déposer en sa faveur. De plus, avant l'achèvement du procès, le conseil aurait demandé et obtenu du tribunal l'autorisation d'abandonner l'affaire. Le conseil a déclaré par la suite qu'il avait abandonné l'affaire en raison de la prétendue partialité et de l'hostilité manifestées par le juge du fond. Il a déclaré en outre qu'il n'avait pas été engagé en bonne et due forme par les services d'assistance judiciaire et qu'il n'avait représenté l'auteur que pour des raisons humanitaires.


3.4 Quant aux circonstances de l'appel, l'auteur déclare qu'il a 6th représenté par trois avocats désignés d'office. Parmi les 15 motifs d'appel, il a souligné que a) le juge du fond n'avait pas convenablement informé le jury ou ne l'avait pas informé du tout des conditions dans lesquelles des aveux pouvaient être considérés comme admissibles et b) le comportement de l'avocat de la défense au cours du procès avait été tel qu'il avait porté sévèrement préjudice à l'issue de la procédure. La cour d'appel a reconnu que l'avocat de la défense avait commis de graves fautes au cours du pro&s. Le Président du tribunal aurait qualifié le comportement de l'avocat de la défense "d'inadmissible" de la part d'un membre du barreau et demandé que le texte du jugement et un résumé de la procédure soient adressés au comité disciplinaire de l'Association du barreau. Toutefois, la cour d'appel a estimé que l'attitude de l'avocat de la défense n'avait pas faussé l'issue du procès et a débouté l'auteur. Celui-ci indique à ce sujet que le Président de l'Association du barreau lui a fait savoir par une lettre datée du 14 novembre 1988 qu'aucune action en justice n'avait été intentée contre son ancien conseil et que l'Association du barreau n'avait jamais reçu de plainte contre lui de la part de la cour d'appel.

Observations de 1'Etat partie :

4.1 Le délai fixé conformément à l'article 91 du règlement intérieur du Comité pour la présentation des observations de 1'Etat partie sur la recevabilité de la communication a expiré le 17 janvier 1989. Malgré six rappels envoyés le 23 juin 1989, les 6 juillet et ler septembre 1990 et les 25 janvier, 26 mars et 14 aoGt 1991, 1'Etat partie n'a communiqué aucun renseignement.

4.2 Le Gouvernement de la Trinité-et-Tobago est, comme chacun des Etats parties au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, tenu de vérifier de bonne foi toutes les allégations de violations du Pacte portées contre'lui et d'informer le Comité en conséquence. Le Comité déplore la totale absence de coopération du Gouvernement de la Trinité-et-Tobago a cet égard.

Questions à régler et procédure à suivre :

5.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décide si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 Après avoir examiné attentivement le dossier dont il est saisi par l'auteur à l'appui de sa plainte pour procès inéquitable, le Comité rappelle qu'il a constamment jugé que c'est aux tribunaux d'appel des Etats parties et non a lui qu'il appartient d'évaluer les faits et les éléments de preuve dont sont saisis les tribunaux nationaux et d'examiner l'interprétation qui est donnée du droit interne par ces tribunaux. Pareillement, c'est aux tribunaux d'appel et non à lui qu'il appartient d'examiner les instructions données au jury par le juge du fond, sauf s'il ressort clairement de la communication de l'auteur que ces instructions étaient manifestement arbitraires ou équivalaient à un déni de justice, ou que le juge a manifestement contrevenu à son obligation d'impartialité. Le Comité estime que les allégations de
l'auteur n'indiquent pas que les instructions du juge ou la conduite du procès ont été entachées de tels défauts. La communication est donc irrecevable comme étant incompatible avec les dispositions du Pacte, en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif:

b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur de la communication et à son avocat.

7. Le Comité fait observer toutefois que, même si la communication est irrecevable, des mesures humanitaires comme une commutation de peine en faveur de l'auteur n'en sont pas pour autant exclues.



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