Comité des droits de l'homme
Quarante-sixième session
ANNEXE*
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4 de
l'article 5 du Protocole Facultatif se rapportant au Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques
- Quarante-sixième session -
Communication No 338/1988
Présentée par : Leroy Simmonds [représenté par un conseil]
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Jamaïque
Date de la communication : 22 novembre 1988
Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 23 octobre 1992,
Ayant examiné la communication No 338/1988, qui lui a été présentée
au nom de Leroy Simmonds en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été fournies par l'auteur de la communication, par son conseil et
par l'Etat partie,
Adopte les constatations ci-après au titre du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif Une opinion individuelle
émanant de MM. Julio Prado Vallejo, Waleed Sadi et Bertil Wennergren,
membres du Comité, est reproduite en appendice aux présentes constatations..
1. La communication émane de Leroy Simmonds, citoyen jamaïquain actuellement
détenu à la prison du district de Ste. Catherine (Jamaïque), où il attend
d'être exécuté. Il affirme être victime de violations par la Jamaïque
de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il est représenté par un conseil.
Les faits présentés
2.1 L'auteur a été accusé d'avoir assassiné, le 15 mai 1983, dans la
région de Westmoreland, un dénommé Maurice Forrester; il déclare être
innocent de ce crime. D'après l'accusation, le 15 mai 1983, à 4 heures
du matin, l'auteur et un autre homme ont pénétré chez la victime, armés
respectivement d'un pistolet et d'un poignard. Ils ont fait sortir la
victime et sa compagne, Roselena Brown, de leur chambre et les ont contraints
à monter dans la voiture de location de la victime, dont un troisième
homme a pris le volant. Ils ont roulé sur un peu moins d'un kilomètre
pour retrouver une autre voiture. Il s'est produit un échange de conducteurs
et un quatrième homme a pris le volant de la voiture de la victime; la
deuxième voiture suivait. Au moment d'atteindre Spur Tree, les voitures
se sont engagées dans un cul-de-sac; M. Forrester a alors été abattu d'une
balle dans la tête, tandis que Roselena Brown était atteinte d'une balle
dans la bouche. Les victimes ont été placées dans la voiture de M. Forrester;
l'auteur et ses complices ont alors mis le feu au véhicule après l'avoir
aspergé d'essence. Roselena Brown a réussi à s'enfuir malgré ses blessures.
2.2 L'assassinat aurait été un acte de vengeance, car M. Forrester aurait
donné des informations à la police. Le 13 novembre 1986, soit trois ans
et demi après le crime, l'auteur a été placé en détention pendant deux
semaines, selon lui sans être officiellement inculpé. Son avocat a présenté
un recours en habeas corpus mais, le 27 novembre 1986, l'auteur
a été officiellement inculpé de meurtre. Il n'a été procédé à aucune confrontation
aux fins d'identification. L'auteur affirme que le surintendant de la
police chargé de l'enquête préliminaire a fabriqué de toutes pièces les
accusations portées contre lui. Il fait observer à ce sujet qu'en deux
mois d'enquête préliminaire, la police n'a pu recueillir aucune déclaration
qui l'aurait incriminé et que ce n'était qu'après que le magistrat chargé
de l'instruction eut notifié la police qu'il lui faudrait relâcher l'auteur
faute de preuves, que celle-ci a produit la déclaration requise.
2.3 Le 6 novembre 1987, l'auteur a été reconnu coupable de meurtre et
condamné à mort. Le 25 mai 1988, la Cour d'appel a rejeté son recours,
traitant la demande d'autorisation de former un recours comme s'il s'agissait
du recours lui-même. Le 19 décembre 1988, la Section judiciaire du Conseil
privé a rejeté la demande d'autorisation spéciale de former un recours
présentée par l'auteur.
2.4 Au cours du procès, Roselena Brown a déposé en qualité de principal
témoin à charge. Elle a reconnu l'auteur sur le banc des accusés, le 5
novembre 1987, et prétendu l'avoir identifié sur la base de huit photographies
qui lui avaient été montrées par la police le lendemain du meurtre, alors
qu'elle se remettait de ses blessures à l'h_pital. Elle a admis par ailleurs
au cours du procès qu'elle ne connaissait l'auteur que sous son nom d'emprunt;
l'auteur affirme que plusieurs personnes utilisaient ce même nom d'emprunt.
Le juge a accepté son témoignage. Aucun témoin n'a été recherché pour
déposer en faveur de l'auteur. L'auteur lui-même a fait une déclaration
à partir du banc des accusés, soutenant qu'il ne s'était jamais rendu
à Westmoreland.
2.5 Pour ce qui est de l'exigence d'épuisement des recours internes,
le conseil fait valoir qu'en appeler à la Cour suprême (constitutionnelle)
ne saurait constituer pour l'auteur, en l'espèce, un recours utile et
efficace, d'autant qu'il n'est pas prévu d'assistance judiciaire à cette
fin et qu'aucun avocat n'a accepté de représenter gracieusement l'auteur
à cet effet.
La plainte
3.1 L'auteur affirme qu'il n'a pas eu un procès équitable et impartial,
le juge n'ayant pas exercé correctement le pouvoir d'appréciation qui
lui était conféré et en vertu duquel il pouvait rejeter toute identification
fondée sur un témoignage contestable; en effet, le juge n'aurait pas fait
objection à l'identification de l'auteur alors que l'intéressé se trouvait
sur le banc des accusés et aurait donné des instructions erronées au jury
en ce qui concerne l'identification de l'auteur.
3.2 L'auteur ajoute que sa condamnation était contraire au paragraphe
3 b) et d) de l'article 14 du Pacte ainsi qu'au paragraphe 1 de l'article
14 et au paragraphe 6 de l'article 20 de la Constitution jamaïquaine,
car il n'a pas disposé de moyens adéquats pour préparer sa défense et
son recours. Il affirme à cet égard que l'assistance judiciaire offerte,
en Jamaïque, aux personnes nécessiteuses comme lui n'est pas conforme
aux dispositions de la Constitution jamaïquaine.
3.3 Plus précisément, l'auteur prétend n'avoir été informé de la date
de l'audience et de l'issue de son recours que deux jours après avoir
été débouté. Dans l'assignation en appel, datée du 10 novembre 1987, l'auteur
avait indiqué qu'il souhaitait assister à l'audience à laquelle serait
examiné son recours et qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une assistance
judiciaire. Un avocat n'en a pas moins été commis d'office sans qu'il
en soit informé; l'auteur affirme que cet avocat ne l'a pas même contacté,
si bien qu'il n'a pas pu s'entretenir avec lui du recours. Le même avocat
a plaidé sa cause en invoquant la provocation, sans soulever la question
de l'identification, qui était le principal point que faisait valoir l'auteur.
Observations de l'Etat partie quant à la recevabilité
4. L'Etat partie soutient que la communication est irrecevable en vertu
du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. Il indique
que les droits conférés à l'auteur par l'article 14 du Pacte concordent
avec les droits garantis par l'article 20 de la Constitution jamaïquaine.
Or celle-ci dispose que quiconque estime qu'il a été, qu'il est ou qu'il
risque d'être contrevenu à l'un de ces droits fondamentaux peut introduire
un recours devant la Cour suprême constitutionnelle. Il peut être fait
appel d'un arrêt de la Cour suprême devant la Cour d'appel et d'un arrêt
de la Cour d'appel devant la Section judiciaire du Conseil privé. Pour
conclure, l'Etat partie déclare que, l'auteur n'ayant pas introduit de
recours devant la Cour suprême, sa communication est irrecevable.
Décision du Comité concernant la recevabilité
5.1 A sa trente-huitième session, en mars 1990, le Comité a examiné la
question de la recevabilité de la communication. Il a pris note du fait
que l'Etat partie soutenait que la plainte était irrecevable au motif
que M. Simmonds n'avait pas épuisé tous les recours internes disponibles
en vertu de la Constitution jamaïquaine. Le Comité a estimé en l'espèce
qu'un pourvoi devant la Cour suprême constitutionnelle en vertu de l'article
25 de la Constitution jamaïquaine ne constituait pas un moyen de recours
dont l'auteur aurait pu se prévaloir au sens du paragraphe 2 b) de l'article
5 du Protocole facultatif.
5.2 Le Comité a noté que, dans certaines de ses allégations, l'auteur
mettait en cause la pertinence des instructions données au jury par le
juge et en particulier la façon dont les preuves quant à son identification
avaient été traitées. Le Comité a rappelé que l'examen par lui d'instructions
précises données à un jury n'entrait pas dans le champ d'application de
l'article 14 du Pacte, sauf lorsqu'il pouvait être établi que lesdites
instructions étaient à l'évidence tendancieuses ou qu'elles équivalaient
à un déni de justice, ou encore que le juge avait de toute évidence failli
à son devoir d'impartialité. Le Comité a jugé en l'espèce que les instructions
données par le juge ne présentaient pas de tels vices.
5.3 Le 15 mars 1990, le Comité a déclaré la communication recevable car
elle pouvait soulever des questions relevant du paragraphe 3 b) et d)
de l'article 14 du Pacte.
Objections de l'Etat partie à la décision de recevabilité
6.1 Par une communication du 6 février 1991, l'Etat partie affirme que
la décision de recevabilité du Comité reflète une mauvaise compréhension
de l'application des paragraphes 1 et 2 de l'article 25 de la Constitution
jamaïquaine. Le droit de demander réparation en vertu du paragraphe 1
de cet article s'exerce "sans préjudice de toute autre voie de recours
qui est légalement ouverte en la circonstance". La seule limitation
est exprimée au paragraphe 2 de cet article qui, de l'avis de l'Etat partie,
n'est pas applicable dans cette affaire, étant donné que la prétendue
violation du droit à un procès équitable n'était pas mentionnée dans le
recours de l'auteur :
"... Si la prétendue violation n'était pas l'objet des appels en
droit pénal, ex hypothesi, ces appels ne pouvaient pas constituer
des recours utiles contre cette violation. La décision du Comité priverait
de tout leur sens les droits constitutionnels ... des Jamaïquains et des
résidents à la Jamaïque en omettant de distinguer entre le droit d'appel
contre le verdict et la sentence du tribunal dans une affaire pénale,
et le droit de demander réparation en vertu de la Constitution."
6.2 L'Etat partie fait observer que des précédents judiciaires montrent
que le fait de se prévaloir de recours en droit pénal n'entraîne pas l'application
de la clause restrictive du paragraphe 2 de l'article 25 dans les cas
où, à la suite d'un recours en droit pénal, une personne fait valoir son
droit de demander réparation conformément à la Constitution.
6.3 En ce qui concerne l'absence d'assistance judiciaire aux fins d'introduire
une requête constitutionnelle, l'Etat partie indique que rien dans le
Protocole facultatif ni dans le droit international coutumier n'appuie
l'argument qu'un particulier est dégagé de l'obligation d'épuiser les
recours internes pour le motif que son indigence l'a empêché d'exercer
un recours utile. A cet égard, l'Etat partie fait observer que le Pacte
impose seulement le devoir d'assurer une assistance judiciaire aux personnes
accusées d'infractions pénales (par. 3 d) de l'article 14). En outre,
les Conventions internationales relatives aux droits économiques, sociaux
et culturels n'imposent pas aux Etats l'obligation absolue d'appliquer
ces droits : l'article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, par exemple, prévoit la réalisation progressive
des droits économiques. Dans ces conditions, l'Etat partie soutient qu'il
est incorrect de déduire de l'indigence de l'auteur et de l'absence d'assistance
judiciaire pour déposer une requête constitutionnelle que nécessairement
ce recours n'existe pas ou n'est pas disponible. En conséquence, l'Etat
partie demande au Comité de revoir sa décision concernant la recevabilité.
Réexamen de la question de la recevabilité et examen du bien-fondé
de la demande
7.1 Le Comité a pris note des observations faites par l'Etat partie au
sujet de la recevabilité de la communication après que le Comité l'eut
déclarée recevable, concernant notamment la possibilité que l'auteur a
toujours d'introduire une requête constitutionnelle. Le Comité rappelle
que la Cour suprême de la Jamaïque a récemment autorisé des demandes de
recours constitutionnel pour violations de droits fondamentaux, alors
que leurs auteurs avaient été déboutés de leurs demandes d'appel au pénal.
7.2 Cependant, le Comité rappelle également que, par sa communication
du 10 octobre 1991 concernant une autre affairea, l'Etat partie
indiquait qu'une assistance judiciaire n'était pas fournie pour les requêtes
constitutionnelles et qu'il n'était pas tenu par le Pacte de fournir une
assistance judiciaire pour ces requêtes, car ces recours ne concernaient
pas l'établissement d'une accusation pour infraction pénale, ainsi qu'il
était prévu à l'article 14, paragraphe 3 d) du Pacte. Pour le Comité,
cette indication confirme la conclusion à laquelle il est parvenu, dans
sa décision concernant la recevabilité, à savoir qu'une requête constitutionnelle
n'est pas un recours disponible si l'auteur n'a pas les moyens d'en introduire
un. Le Comité fait observer qu'en l'occurrence l'auteur ne prétend pas
être dispensé de présenter un recours constitutionnel à cause de son indigence;
c'est le refus ou l'incapacité de l'Etat partie de lui fournir une assistance
judiciaire qui fait qu'il ne peut introduire de recours aux fins du Protocole
facultatif. En conséquence, le Comité n'a aucune raison de revoir sa décision
du 15 mars 1990 concernant la recevabilité de la communication.
8.1 Le Comité note qu'en dépit de plusieurs demandes d'éclaircissements,
l'Etat partie s'est borné à ne considérer que la question de la recevabilité.
Le paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif fait obligation
à l'Etat partie d'enquêter, de bonne foi, et dans les délais impartis,
sur toutes les allégations de violation du Pacte portées contre lui et
contre ses autorités judiciaires, et de communiquer au Comité tous les
renseignements dont il dispose. Dans les circonstances, les allégations
des auteurs doivent être dûment prises en considération, dans la mesure
où elles sont suffisamment étayées.
8.2 Ainsi qu'il est indiqué dans la décision du Comité concernant la
recevabilité, le Comité doit déterminer si le fait que l'auteur n'était
pas en mesure de préparer correctement son recours et qu'il a été représenté
devant la Cour d'appel de la Jamaïque par un avocat qu'il n'avait pas
choisi représente une violation du paragraphe 3 b) et d) de l'article
14 du Pacte.
8.3 A cet égard, le Comité réaffirme qu'il va de soi qu'une assistance
judiciaire doit être mise à la disposition d'un prisonnier qui a fait
l'objet d'une condamnation à mortb. Ceci s'applique au procès
en première instance aussi bien qu'à la procédure de recours. Dans le
cas de M. Simmonds, nul ne conteste que les services d'un conseil ont
été mis à sa disposition aux fins du recours. La question qui se pose
est celle de savoir s'il aurait dû être informé à temps de l'affectation
dudit conseil et jouir des facilités nécessaires pour le consulter avant
l'examen de son recours et s'il aurait dû avoir la possibilité d'assister
à l'audience.
8.4 Il ressort de la demande d'autorisation de faire appel auprès de
la Cour d'appel, formée par l'auteur le 10 novembre 1987, qu'il souhaitait
être présent à l'audience et qu'il ne voulait pas que le Tribunal commette
d'office un conseil. Le greffe de la Cour d'appel a passé outre le voeu
de l'auteur, puisque sa demande d'autorisation de faire appel a été entendue
en son absence et en présence d'un avocat commis d'office, B.S., qui a
plaidé sa cause en faisant valoir un motif sur lequel M. Simmonds ne tenait
pas à insister. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation que l'auteur
n'a pas été informé suffisamment longtemps à l'avance de la date d'audience,
ce qui a fortement compromis ses possibilités de préparer son recours,
et notamment de s'entretenir avec l'avocat qui lui avait été assigné d'office
et dont il ignorait l'identité jusqu'à l'audience même du recours; ces
restrictions lui portent d'autant plus préjudice qu'il n'a pas été autorisé
à assister à l'audience, et que la demande d'autorisation de faire appel
a été traitée par la Cour d'appel comme le recours lui-même. Dans ces
conditions, le Comité estime qu'il y a eu violation du paragraphe 3 b)
et d) de l'article 14 du Pacte.
8.5 Le Comité est d'avis que prononcer la peine de mort au terme d'un
procès dans lequel les dispositions du Pacte n'ont pas été respectées
constitue, si aucun appel ultérieur n'est possible, une violation de l'article
6 du Pacte. Comme il l'a noté dans son observation générale 6 (16), la
disposition selon laquelle la peine de mort ne peut être prononcée que
selon la législation en vigueur et ne doit pas être en contradiction avec
les dispositions du Pacte implique que "les garanties d'ordre procédural
prescrites dans le Pacte doivent être observées, y compris le droit à
un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant, la présomption
d'innocence, les garanties minimales de la défense et le droit de recourir
à une instance supérieure". Dans le cas considéré, comme la condamnation
à mort définitive a été prononcée sans qu'il ait été satisfait aux conditions
requises pour un procès équitable, énoncées à l'article 14, on doit conclure
qu'il y a eu violation du droit consacré à l'article 6 du Pacte.
9. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits tels
qu'ils ont été présentés font apparaître une violation de l'article 6
et du paragraphe 3 b) et d) de l'article 14 du Pacte.
10. Le Comité est d'avis que M. Leroy Simmonds doit pouvoir disposer
d'un recours en vue d'obtenir sa remise en liberté. Le Comité souhaiterait
recevoir, dans les 90 jours, des informations sur toutes mesures pertinentes
que l'Etat partie aura prises en rapport avec ces constatations.
Notes
a Communication No 283/1980 (Aston Little c. Jamaïque),
constatations adoptées le 1er novembre 1991.
b Communication No 272/1988 (Alrick Thomas c. Jamaïque),
constatations adoptées le 31 mars 1993, par. 11.4.
APPENDICE*
Opinion individuelle émanant de MM. Julio Prado Vallejo,
Waleed Sadi et Bertil Wennergren
La plainte de l'auteur est centrée sur le fait que la Cour d'appel de
la Jamaïque ne lui a pas assuré un procès équitable.
Les violations de l'article 14, paragraphe 3 b) et d), et, par conséquent,
de l'article 6 du Pacte, sont bien établies. Là où nous ne sommes pas
du même avis que le Comité, c'est lorsqu'il propose comme solution à l'Etat
partie la remise en liberté de l'auteur; nous ne sommes pas d'accord sur
ce point, étant donné la nature de l'acte commis et les circonstances
dans lesquelles il a été commis, qui n'ont été ni réfutées ni confirmées
du fait de lacunes dans la procédure judiciaire. En conséquence, la meilleure
façon de remédier à la situation serait de veiller à ce que l'auteur ait
la possibilité d'être jugé équitablement. Pour cela, il faudrait qu'il
bénéficie d'une assistance pour présenter une requête constitutionnelle.
Il convient de noter à cet égard qu'il est exact que le Comité a estimé
qu'une motion constitutionnelle ne constituait pas un recours à la fois
disponible et utile que l'auteur devait avoir épuisé, mais que tel était
le cas seulement lorsque l'auteur ne disposait pas de moyens personnels
et n'avait pas eu droit à une aide judiciaire de la part de l'Etat partie.
Ainsi, en l'espèce, si l'auteur reçoit une assistance de ce genre ex
gratia, il pourra demander le réexamen de sa plainte dans le cadre
d'une procédure de requête constitutionnelle et, partant, ce recours deviendra
disponible et utile.
Nous sommes donc d'avis que l'auteur devrait avoir la possibilité de
soumettre une motion constitutionnelle et qu'une aide judiciaire devrait
lui être accordée à cet effet afin qu'il puisse obtenir réparation pour
les violations subies.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol,
français et russe.]