University of Minnesota



G. B. [nom supprimé]
c. France, Communication No. 348/1989, U.N. Doc. CCPR/C/43/D/348/1989 (1991).



Comité des droits de l'homme
Quarante-troisième session

Décision prise Par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques - Quarante-troisième session

concernant la

Communication No 348/1989


Présentée par : G. B. [nom supprimé]

Au nom de : L'auteur

Etat partie : France

Date de la communication : 9 janvier 1989 (communication initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le ler novembre 1991,

Adopte la décision ci-après :


Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication, datée du 9 janvier 1989, est G. B., citoyenne française née en 1964, qui réside à Rennes (France). Elle affirme être victime d'une violation par la France des articles 2 (par. 1 a 3), 19, 25, 26 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques.

Les faits présentés par l'auteur

2.1 L'auteur a été arrêté pendant la nuit du 7 au 8 août 1987 pour avoir dégradé un certain nombre de panneaux routiers dans le département d'Ille-et-Vilaine. Elle affirme que son action faisait partie d'une campagne menée par le mouvement "Stourm ar Brezhoneg" (Combat pour la langue bretonne), qui vise à obtenir l'installation de panneaux routiers bilingues, en français et en breton, dans toute la Bretagne.

2.2 En décembre 1987, le Tribunal de grande instance de Rennes a condamné G. B. a une amende de 5 000 francs français et à une peine de quatre mois de prison (avec sursis); il l'a également condamnée, ainsi que ses deux co-inculpés, S. G. et H. B., à verser 53 000 francs français de dommages et intérêts pour les dégâts matériels causés. G. B. affirme que le Tribunal a refusé d'entendre le témoignage des défendeurs en breton. Le 4 juillet 1988, la Cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement du Tribunal de grande instance.

2.3 L'auteur indique qu'aucune des condamnations susmentionnées n'a fait l'objet d'une amnistie, alors que les auteurs d'autres délits, similaires, ont été amnistiés. A son avis, la peine de prison avec sursis n'a d'autre but que de l'empêcher d'entrer dans la fonction publique.

La plainte

3. L'auteur affirme que les faits décrits ci-dessus constituent une violation par la France des articles 2 (par. 1 à 3), 19, 25, 26 et 27 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Observations de 1'Etat partie

4.1 L'Etat partie soutient que la communication est irrecevable pour un certain nombre de raisons. S'agissant de l'épuisement des recours internes, il note que l'auteur n'a pas fait appel devant la Cour de cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes, le 4 juillet 1988. Il précise en outre qu'a aucun moment de la procédure, la requérante n'a demandé a s'exprimer en breton et qu'elle s'est exprimée en français sans problème.

4.2 Pour ce qui est de la prétendue violation de l'article 2 du Pacte, 1'Etat partie note que cette disposition ne peut être violée directement et isolément. Une violation de l'article 2 ne saurait être constatée que dans la mesure où il a été porté atteinte à d'autres droits reconnus par le Pacte (par. 1) ou si les mesures nécessaires pour donner effet à de tels droits n'ont pas été prises. Elle ne peut être que le corollaire d'une autre violation d'un droit reconnu dans le Pacte. L'Etat partie ajoute que l'auteur n'a pas étayé ses allégations d'une manière précise et que, en tout état de cause, elle n'a pas utilisé les recours internes disponibles.

4.3 L'Etat partie rejette l'allégation de l'auteur selon laquelle il y aurait eu violation de ses droits en vertu du paragraphe 2 de l'article 19, en tant qu'abus du droit de présenter des communications. Outre que l'auteur n'avance aucun fait précis à l'appui de son allégation, elle n'a été empêchée, a aucun stade de la procédure, de s'exprimer librement. La dégradation de panneaux routiers ne saurait en aucun cas être considérée comme une manifestation de la liberté d'expression au sens du paragraphe 2 de l'article 19.

4.4 Quant aux prétendues violations des articles 25 et 26, 1'Etat partie soutient que la requérant=n'a fourni aucun élément, aux fins de la recevabilité, indiquant la manière dont, à son sens, les droits reconnus dans ces dispositions ont été violés dans son cas. S'il est vrai qu'une condamnation peut interdire l'accès a la fonction publique, G. B. n'a a aucun moment indiqué qu'elle entendait postuler à un emploi public; elle n'a pas non plus présenté de requête fondée sur le paragraphe 1 de l'article 55 du Code pénal visant à la non-inscription de la condamnation prononcée contre elle dans son casier judiciaire.

4.5 Enfin, 1'Etat partie rappelle que, lorsqu'il a ratifié le Pacte, le Gouvernement français a fait la déclaration suivante au sujet de
l'article 27 : "Compte tenu de l'article 2 de la Constitution de la République française, le Gouvernement français déclare que l'article 27 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République."

Questions qui se posent au Comité et procédure à suivre

5.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2 Le Comité a examiné les éléments d'information qui lui ont été présentés par les parties. Pour ce qui est des allégations de violation du paragraphe 2 de l'article 19 et des articles 25 et 26 du Pacte, le Comité estime que G. B. n'a pas, aux fins de la recevabilité, étayé ses allégations selon lesquelles elle se serait vu refuser la liberté d'expression (par. 2 de l'article 19) et l'accès à la fonction publique (art. 25), ou selon lesquelles elle aurait fait l'objet d'une discrimination en raison de la langue dans laquelle elle s'exprime (art. 26). Le Comité fait observer que la dégradation de panneaux routiers ne relève pas de l'article 19 et note que les éléments d'information dont il a été saisi indiquent que G. B. était parfaitement capable de s'exprimer en français -langue qu'elle n'a pas prétendu ne pas comprendre et qu'elle a librement choisi de le faire: rien ne prouve que la peine prononcée par le Tribunal de grande instance de Rennes ait eu pour objet de l'empêcher d'entrer dans la fonction publique.

5.3 S'agissant de la prétendue violation de l'article 27, le Comité réitère que la "déclaration" faite par la France en ce qui concerne cette disposition équivaut a une
réserve et l'empêche donc d'examiner les plaintes contre la France faisant état de violations de l'article 27 du Pacte 31.

5.4 L'auteur a également invoqué l'article 2 du Pacte. Le Comité rappelle que l'article 2 constitue un engagement général pris par les Etats parties et ne peut être invoqué, isolément, par des particuliers en vertu du Protocole facultatif (communication No 268/1987 -M. G. B. et S. P. c. Trinité-et-Tobago, déclarée irrecevable le 3 novembre 1989, par. 6.2). Etant donné que les plaintes de l'auteur relatives à des violations des articles 19, 25 et 26 du Pacte sont irrecevables conformément à l'article 2 du Protocole facultatif, il s'ensuit que l'auteur ne peut invoquer une violation de l'article 2 du Pacte.

6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif;

b) Que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et à l'auteur de la communication.



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