concernant la
Communication No. 358/1989
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Réuni le 5 novembre 1991, Adopte la décision ci-après :
2.2 Les auteurs de la communication contestent certains éléments de la loi C-31, promulguée par le Gouvernement canadien en 1985 pour donner suite aux recommandations faites par le Comité des droits de l'homme dans ses constatations concernant l'affaire Sandra Lovelace c. Canada (adoptées le 30 juillet 1981 à sa treizième session). L'application de la loi C-31 a redonné le statut d'" Indien" à des personnes qui l'avaient perdu du fait d'une discrimination fondée sur le sexe mais en a privé d'autres, en fixant des critères d'appartenance raciale.
2.3 Comme la bande est peu nombreuse, l'exogamie est courante et comme, en outre, elle est géographiquement éloignée des autres communautés de la nation shuswap mais relativement proche de la ville de Kamloops, les contacts sociaux et les mariages avec des non-Indiens sont fréquents. Les règles coutumières indiennes sont extrêmement souples et facilitent l'insertion de non-membres dans les diverses bandes. D'après les auteurs, les problèmes auraient commencé en 1876, quand la première loi sur les Indiens (Indian Act) a imposé aux autochtones le régime eurocanadien de filiation et de succession patrilinéaires. En vertu de cette loi, pour être considéré comme "Indien" il fallait être né de père indien ou avoir été adopté par un Indien, conformément à la législation canadienne relative à la famille. La loi sur les Indiens prévoyait en outre que la femme prenait le statut juridique de son époux. Donc la femme shuswap qui épousait un Canadien non indien continuait d'appartenir à sa bande d'origine selon la loi shuswap mais devenait "Blanche" en vertu de la loi sur les Indiens. Inversement, la Canadienne "blanche" qui épousait un Shuswap devenait membre de la bande de son mari en vertu de la loi sur les Indiens, mais n'était jamais considérée comme Shuswap par la bande de son mari. En conséquence de la première loi sur les Indiens, la femme shuswap qui épousait un non-Indien était rayée des "registres des bandes" tenus par le Gouvernement canadien et perdait donc le droit de vivre sur les terres réservées aux bandes des Shuswaps (les "réserves indiennes"). En 1951, une modification a été apportée à la loi sur les Indiens, en vertu de laquelle désormais les enfants indiens mineurs perdaient eux aussi leur statut si leur mère épousait un non-Indien; les bandes pouvaient toutefois solliciter une dérogation. Les Shuswaps perdaient en outre leur statut s'ils prenaient un emploi en dehors de la réserve, servaient dans les forces armées canadiennes ou faisaient des études supérieures. Selon les auteurs, le gouvernement avait donc pour politique de faire quitter les réserves à tout Indien réputé capable de s'intégrer à la société canadienne non indienne. 2.4 La loi C-31 a permis aux femmes qui avaient perdu leur statut d'Indienne en vertu de l'ancienne loi sur les Indiens à la suite de leur mariage avec un non-Indien avant le 17 avril 1985, ainsi que, le cas échéant, les enfants de ces femmes qui avaient également perdu leur statut, de le recouvrer et d'être à nouveau considérés comme membres d'une bande. La loi C-31 a également donné la possibilité de recouvrer le statut d'Indien à ceux, femmes ou hommes, qui l'avaient perdu avant 1951 pour d'autres motifs. Toutefois leurs enfants ne pouvaient figurer sur le registre d'une bande que si leurs père et mère étaient Indiens ou avaient le droit d'être inscrits en tant qu'indiens. L'ancienne règle, toujours applicable aux enfants nés avant le 17 avril 1985, exigeait seulement que le père de l'enfant (ou la mère si les parents n'étaient pas mariés) ait le statut d'Indien. 2.5 Aux termes de la loi C-31, une bande "peut décider elle-même des conditions d'appartenance à la communauté si elle élabore un règlement écrit en la matière". Les auteurs font valoir toutefois que rares sont les bandes qui ont obtenu l'approbation de leur règlement avant le 28 juin 1987, date limite imposée par la loi C-31, si bien que des Indiens qui avaient quitté leur réserve avant 1985, et la plupart de leurs enfants, ont été réintégrés à leur demande mais que tous les enfants nés d'un mariage interracial après 1985 ont été ou seront rayés des registres des bandes. Teneur de la Plainte
3.1 Les auteurs se déclarent lésés par deux clauses de la loi C-31 : celle qui fait entrer dans la bande de nouveaux membres que la communauté ne peut loger ou prendre en charge et celle qui fixe de nouveaux critères régissant le statut d'Indien, qui auront pour effet de priver, dans de nombreux cas, les enfants et les petits-enfants des auteurs de leur droit d'appartenir à la bande et de vivre dans la réserve. Aujourd'hui, la bande compte neuf membres de plus, mais en a perdu deux. D'autre part, comme le ministre compétent n'a pas approuvé le règlement proposé par la bande en matière d'appartenance à la communauté avant le 28 juin 1987, tous ceux qui obtiennent le statut d'Indien peuvent devenir membres de la bande. La situation des enfants nés après le 17 avril 1985 pose également un problème, car ils ne peuvent avoir le statut d'Indien que si leurs père et mère sont Indiens. La continuation de l'application de la loi C-31 aura des effets de plus en plus négatifs sur les familles des auteurs si, chez les enfants, les mariages avec des non-Indiens sont aussi nombreux que chez les parents. Pour éviter l'extinction inéluctable des lignées par l'application du paragraphe 2 de l'article 6 de la loi C-31, il faudrait veiller à ce que, à l'avenir, tous les membres de la bande épousent des membres d'autres bandes. Les auteurs estiment qu'ils en sont réduits à choisir entre perdre progressivement leurs droits et leurs terres et priver leurs enfants de la liberté personnelle et du droit à la vie privée, ce qui, à leur avis, est en conflit direct avec le Pacte et la Charte canadienne des droits et libertés.
3.2 Les choses sont encore compliquées du fait que 28 personnes qui ne Sont pas directement apparentées aux familles vivant actuellement dans la réserve ont aussi demandé à avoir le statut d'Indien et à appartenir à la bande de Whispering Pines. Les besoins en logements augmenteraient de 50 0 et la bande n'est pas en mesure d'y répondre. Pour accueillir de nouveaux membres, elle sera en effet obligée de construire un ensemble de logements et de mettre en place de nouvelles infrastructures (puits, système d'évacuation des eaux et câbles électriques)pour un coût total estimé à 223 000 dollars canadiens. Or, l'aide octroyée par les autorités fédérales en application de la loi C-31 est extrêmement réduite. Même si les nouveaux membres pouvaient être logés dans la réserve, il est quasiment impossible de les y employer. Des problèmes culturels vont aussi se poser, car certains des nouveaux venus, déjà installés, n'ont jamais vécu dans une réserve indienne et d'autres ont passé plus de 10 ans en dehors d'une réserve. Etant donné que la plupart sont des célibataires d'un certain âge, sans enfant, les incidences sociales de leur présence pour une communauté composée jusqu'ici de trois ou quatre familles d'agriculteurs totalement autonomes risquent d'être accablantes. 3.3 De l'avis des auteurs, les constatations formulées dans l'affaire tovelace impliquent que le Comité est favorable au principe selon lequel les Etats n'ont pas le droit de restreindre de façon déraisonnable la liberté d'association et le droit de vivre ensemble des ménages ou des familles apparentées qui constituent une communauté ethnique, religieuse ou linguistique. Les auteurs considèrent qu'il y a atteinte à leur "droit de s'associer librement avec d'autres" (paragraphe 1 de l'article 22 du Pacte), car ils ne peuvent pas décider par eux-mêmes de la composition de leur petite communauté agricole. Ils peuvent, être contraints de partager leurs terres et leurs ressources limitées avec des personnes qui acquièrent le statut d'Indien et obtiennent le droit d'appartenir à la bande alors que leurs propres descendants directs risquent de le perdre. 3.4 Ils affirment que l'application de la loi C-31 représente 'une immixtion arbitraire et illégale' dans leur famille (paragraphe 1 de l'article 17). Il y a immixtion parce que c'est le gouvernement, et non la bande, qui décide qui peut vivre dans la réserve. En outre, l'immixtion est arbitraire en ce qu'une distinction est faite entre les membres d'une même famille selon qu'ils sont nés avant ou après le 17 avril 1985 et selon qu'un seul de leurs parents ou les deux étaient Indiens, critère purement racial prohibé au paragraphe 1 de l'article 2 et à l'article 26 du Pacte, 3.5 Les auteurs déclarent que la loi C-31 est incompatible avec l'article 23 du Pacte, car elle limite la liberté des membres des bandes de choisir leurs conjoints, d'autant plus que le mariage avec un non-Indien entraîne la perte de statut pour les enfants.
3.6 Par ailleurs, selon les auteurs, la loi est aussi incompatible avec l'article 26 du Pacte qui interdit "toute discrimination", car ce sont des considérations raciales et non pas des facteurs culturels ou l'allégeance des intéressés qui servent de critères pour attribuer les droits et les terres des autochtones. D'après le droit coutumier, est Shuswap toute personne née sur le territoire ou élevée selon les traditions shuswaps. Dorénavant, en vertu de la loi C-31, il faudra que les deux parents soient "Indiens'au sens de la loi canadienne. Les enfants nés d'une mère ou d'un père shuswap et élevés sur le territoire et dans la tradition shuswaps seraient privés du statut d'Indien et du droit d'appartenir à la bande. 3.7 Invoquant l'article 27 du Pacte, les auteurs font valoir qu'ils se considèrent comme un peuple autochtone et non comme une "minorité ethnique" ou "linguistique" mais que, les deux catégories se recouvrant, les peuples autochtones devraient également pouvoir exercer les droits propres aux minorités. Ils en concluent que la loi C-31 enfreint l'article 27 du Pacte en imposant des restrictions concernant les personnes qui peuvent vivre dans la communauté ou en partager la vie économique et politique.
3.8 Enfin, la nation shuswap se considère comme un peuple distinct et, en tant que tel, estime avoir le droit de déterminer son mode d'organisation économique, sociale et politique, conformément au paragraphe 1 de l'article premier du Pacte. La détermination des conditions d'appartenance étant l'un des droits inhérents et fondamentaux des communautés autochtones, les auteurs invoquent l'article 24 du projet de déclaration sur les droits des autochtones. 3.9 S'agissant de l'épuisement des recours internes disponibles au Canada, les auteurs signalent qu'ils ont essayé de limiter les conséquences préjudiciables de la loi C-31 en réglementant eux-mêmes les conditions d'appartenance à la bande. Le 23 juin 1987, ils ont adopté un règlement qu'ils ont dûment communiqué au Ministère des affaires indiennes, mais le 25 juillet 1988 le Ministre a répondu qu'il était incompatible avec la loi C-31, car il excluait certsines catégories de personnes qui pouvaient prétendre à la réintégration dans la bande. A ce sujet, les auteurs invoquent l'article 35 de la loi constitutionnelle de 1982 dont l'objet était de préserver "les droits existants -ancestraux et issus des traités des peuples autochtones du Canada" contre les restrictions pouvant découler de lois ultérieures. Les auteurs reconnaissent qu'en théorie la Cour suprême du Canada pourrait statuer que la loi C-31 est sans effet si elle porte atteinte à leurs "droits ancestraux"; mais ils ajoutent qu'il faudrait, pour régler la question, engager une action en justice qui pourrait durer plusieurs années et qui entraînerait des frais considérables, trop élevés pour les trois familles d'agriculteurs en cause. D'après eux, le recours qu'ils pourraient former devant les tribunaux canadiens pour régler la question est une procédure qui excéderait des "délais raisonnables", au sens du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif. En outre, d'ici à ce que la Cour suprême se prononce sur la question de fond, la loi C-31 aurait déjà produit ses effets préjudiciables pour la communauté, qui aurait perdu plusieurs de ses membres et aurait été obligée d'en accueillir de nouveaux. Par conséquent les auteurs demandent que des mesures immédiates soient prises pour préserver le statu quo pendente lite et prient le Comité, conformément a l'article 86 du règlement intérieur provisoire, d'exhorter 1'Etat partie a s'abstenir d'ajouter ou de supprimer des noms sur le registre de la bande de Whispering Pines, mais à y inscrire en tant que membre de la bande tout descendant direct des auteurs vivant ou qui pourrait naître pendant que l'affaire est en instance. 4.1 L'Etat partie affirme que la communication est irrecevable ratione personae, conformément a l'article premier du Protocole facultatif. Il fait observer que, selon les auteurs, la loi C-31 menace de priver leurs descendants du statut d'Indien, et les victimes seraient les enfants nés après 1985 d'un parent non indien et d'un autre parent qui ne peut pas transmettre seul le statut d'Indien (c'est-à-dire l'enfant né d'un mariage entre un Indien bénéficiant du statut et un Indien n'en bénéficiant pas, qui épouse lui-même un Indien sans statut). De l'avis de 1'Etat partie, les auteurs n'ont pas démontré qu'il y a dans la bande des individus répondant à ces critères et pouvant donc se déclarer victimes. Il souligne en outre que le Comité lui-même a reconnu de manière répétée qu'il ne s'occupe pas de plaintes concernant des violations abstraites ou potentielles du Pacte; il ajoute que la communication n'identifie personne qui soit actuellement affecté par la loi C-31, et que la communication est irrecevable pour ce motif. 4.2 Le Gouvernement canadien fait valoir que les auteurs n'ont manifestement pas tenu compte de leur obligation d'épuiser les recours internes. Il souligne que le paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif exprime un principe fondamental du droit international général, selon lequel les recours nationaux doivent être épuisés pour qu'un recours puisse être introduit devant une instance internationale. Il s'agit en effet d'éviter qu'un organe international n'ait prépondérance sur les tribunaux et de permettre à 1'Etat 4 de réparer tout préjudice dont peuvent connaître les juridictions internes avant que sa responsabilité internationale ne soit engagée. En outre, les tribunaux nationaux sont en général mieux placés pour établir les faits et déterminer quelle est la loi applicable dans un cas donné et, si nécessaire, pour faire appliquer les mesures propres à remédier à la situation. Dans l'affaire considérée, de simples doutes sur les perspectives de succès ne dispensent pas les auteurs de leur obligation d'épuiser les recours disponibles, selon un principe reconnu par le Comité dans ses décisions relatives aux affaires R. T. c. France (communication No 262/1987) 21 et S. S. c. Norvège (communication No 79/1980).
4.3 S'agissant du coût prétendument prohibitif des recours internes et des délais excessifs qu'ils entraîneraient, 1'Etat partie rappelle les affaires J.R. C. c. Costa Rica (communication No 296/1988) et S. H. B. c. Canada (communication No 192/1985) où, dans des circonstances analogues, le Comité a déclaré les communications irrecevables.
4.4 Par ailleurs, 1'Etat partie indique les recours judiciaires dont disposent les auteurs. Ces derniers peuvent en effet saisir la Division de première instance de la Cour fédérale d'une requête tendant à ce qu'elle déclare que les droits ancestraux de la bande comprennent le droit d'en déterminer la composition. L'Etat partie note que l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Soarrow clarifie à la fois le sens et la portée des "droits ancestraux" mentionnés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982: dans cette affaire il a été conclu que le gouvernement doit satisfaire à des normes strictes avant de prendre des initiatives qui empiètent sur la jouissance des droits existants, ancestraux et issus de traités. L'Etat partie signale que ce jugement souligne qu'il importe de laisser en premier les juridictions internes s'occuper de questions nationales.
4.5 En outre, les auteurs peuvent aussi engager une action devant la même instance pour atteinte(s)à la Charte canadienne des droits et libertés. Parmi les droits garantis par la Charte figurent le droit à la liberté d'association (art. 2 d)), le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, auxquels il ne peut être dérogé qu'en conformité avec les . i principes de justice fondamentale (art. 7), le droit à l'égalité "devant la loi et . . . le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques" (art. 15). Le respect de ces droits par les autorités fédérales comme par les autorités provinciales est garanti aux individus (art. 32). Toute personne dont les droits garantis par la Charte n'ont pas été respectés peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances (art. 24). 4.6 L'Etat partie fait observer que les deux voies de recours susmentionnées ont en fait été utilisées par un certain nombre de bandes indiennes. Dans l'affaire Twinn c. R., des membres de six bandes indiennes de l'Alberta ont demandé à la Division de première instance de la Cour fédérale de déclarer : a) que la loi C-31 est contraire à l'article 35 de la loi constitutionnelle de 1982 dans la mesure où elle constitue une violation ou une négation des droits ancestraux et des droits issus des traités qu'ont les bandes indiennes de déterminer leur composition, ou b) que l'intégration de nouveaux membres aux bandes des plaignants en vertu de la loi C-31, sans le consentement des bandes concernées, portait atteinte à la liberté d'association garantie par l'alinéa a)de l'article 2 de la Charte. La constitution et l'examen du dossier, commencés au mois de janvier 1989, se poursuivent, plusieurs motions interlocutoires ayant été déposées et de nombreuses parties souhaitant intervenir. L'Etat partie exprime l'espoir que l'affaire passera au tribunal à la fin de l'année 1991. Des questions similaires ont été soulevées dans les affaires Martel c. chef Omeasoo et consorts devant la Division de première instance de la Cour fédérale et chef Omeasoo c. la Reine devant la Chambre d'appel de la Cour fédérale; 1'Etat partie indique cependant qu'actuellement, dans ces affaires, les plaignants ne poursuivent pas activement leurs actions. 4.7 Pour ce qui est du coût prétendument prohibitif de ces recours, 1'Etat partie indique que le Ministère des affaires indiennes et du développement du Nord a accordé une assistance financière à plusieurs des parties en cause dans les affaires susmentionnées. Dans l'affaire Twinn, il a été versé environ 55 000 dollars au Native Council of Canada and Indian Rights for Indian Women pour aider à la préparation du dossier. En septembre 1988, le gouvernement a approuvé un programme d'aide financière pour les affaires de la loi C-31. Etant donné que des fonds ont déjà été alloués à certains requérants dans l'affaire Twinn conformément à ce programme, il est cependant improbable que d'autres fonds soient alloués pour des actions identiques entre des parties différentes, du moins tant que l'affaire Twinn n'aura pas été résolue.L'Etat partie affirme également que les auteurs peuvent solliciter une assistance financière par le biais du "Programme pour les actions en justice" (Court Challenges Proaram) qui a été créé en 1985 pour assister des requérants qui soulèvent des questions importantes et nouvelles relatives à l'application aux lois fédérales de l'égalité garantie par la Charte. L'Etat partie note qu'il n'a pas été indiqué si les auteurs ont sollicité une assistance financière au titre de ce programme auprès de son organe de gestion indépendant. Enfin 1'Etat partie fait mention de l'existence d'un programme de financement dans les affaires faisant jurisprudence, en notant qu'aucune indication n'amène à penser que les auteurs ont sollicité cette assistance.
4.8 La loi C-31 offre par ailleurs aux bandes indiennes la possibilité de réglementer elles-mêmes les conditions d'appartenance à leurs communautés, à deux conditions : que les règles soient approuvées par la majorité des électeurs de la bande et que certaines catégories précises de personnes soient incluses dans la liste des membres. 4.9 En 1987, les auteurs ont soumis à l'approbation du Ministère des affaires indiennes et du développement du Nord les règles régissant l'appartenance à leur bande. Par une lettre datée du 25 janvier 1988, le Ministre des affaires indiennes de l'époque a informé le Chef de la bande de Whispering Pines que ces règles n'étaient pas acceptables parce qu'elles excluaient certaines catégories précises de personnes, comme les femmes qui avaient perdu le droit d'appartenir à la bande pour avoir épousé des non-Indiens, les enfants mineurs de ces femmes et d'autres personnes. Le Ministre a invité la bande à modifier ses règles en tenant compte des conditions fixées et à en soumettre le nouveau texte à l'approbation du ministère. Le délai de deux ans auquel la bande fait allusion ne s'applique pas aux projets de règles qui sont soumis oour la seconde fois. La proposition du Ministre reste donc valable et constituerait un moyen de remédier à ce que les auteurs de la communication considèrent comme des violations du Pacte. 5.1 En réponse aux observations présentées par 1'Etat partie, les auteurs soulignent que, comme la plainte découle directement des efforts de 1'Etat partie pour donner effet à une décision précédente du Comité concernant le même Etat, la même catégorie de personnes et les mêmes principes fondamentaux, il s'agit d'un cas de "continuité de compétence" au Comité. Les auteurs se réfèrent aux principes de la justice naturelle qui offrent à l'auteur d'une communication la possibilité de demander au Comité de clarifier et de réaffirmer ses conclusions sans avoir d'abord à porter à nouveau son affaire devant des tribunaux nationaux. A cet égard, les auteurs sont d'avis que non seulement l'auteur d'une communication donnée peut chercher à faire en sorte qu'il soit donné suite aux conclusions du Comité, mais d'autres personnes aussi habitant le même pays et touchées de la même manière devraient pouvoir demander directement au Comité de préciser si ses conclusions leur sont applicables. 5.2 Les auteurs prétendent qu'il n'a pas été donné suite comme il convient aux conclusions du Comité puisque la loi C-31 remplace simplement les restrictions fondées sur le sexe par des restrictions fondées sur la race. Il n'est donc pas raisonnable en l'occurrence d'exiger formellement l'épuisement préalable des recours internes.
5.3 S'agissant des recours internes disponibles, les auteurs réaffirment qu'une action en justice n'est pas pour eux un recours "efficace et utile" et que les frais et les délais correspondants ne seraient pas raisonnables compte tenu des circonstances. Ils craignent d'autre part des préjudices irréparables étant donné que les enfants non enregistrés comme Indiens ou comme membres de la bande ne feraient l'objet d'aucune protection pendente lite. Ils soulignent enfin qu'un recours en inconstitutionnalité devant les tribunaux canadiens pourrait prendre au moins quatre ans et demi, durée que le Comité a considéré comme excédant des délais raisonnables au sens du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif dans de précédentes affaires.
5.4 Les auteurs font d'autre part observer qu'on ne leur a proposé aucune aide financière ou juridique. L'octroi d'une aide financière dépend entièrement du bon vouloir du Ministre des affaires indiennes et du développement du Nord et le gouvernement ne suggère aucunement dans ses observations qu'une aide légale serait accordée en cas de rejet de la plainte actuelle. 5.5 Pour ce qui est de modifier les statuts de la bande et de les soumettre de nouveau au ministre compétent, les auteurs soulignent que leurs statuts ne peuvent l'emporter sur les dispositions de la loi C-31, prévoyant des critères raciaux qu'ils ont contestés. Le ministre ne saurait approuver des statuts allant à l'encontre de dispositions légales. 5.6 Dans une autre lettre, datée du 3 octobre 1990, les auteurs expliquent qu'ils n'ont pas demandé d'aide financière au Ministère de la justice car on les a prévenus qu'ils avaient peu de chance de l'obtenir et qu'une telle aide n'était d'ordinaire fournie que pour des recours en appel plutôt qu'au stade des préparatifs d'une plainte initiale. Par ailleurs, les auteurs ont pu constater que dans d'autrs actions concernant les droits de peuples autochtones, aucun jugement n'avait été rendu. L'affaire Twinn, en particulier, ne devrait pas être jugée avant 1991. 5.7 L'avocat des auteurs indique qu'il y a actuellement six adultes dans la bande des Whispering Pines qui ont le statut dit "6(2)" selon la loi C-31, c'est-à-dire d'adultes qui, s'ils épousent un(e) Indien(ne) sans statut, ne peuvent pas transférer le statut d'Indien à leurs enfants. Aucun de ces enfants ne peut être enregistré en vertu de la loi C-31. Les conséquences pour les autres dépendent de qui ils épouseront: étant donné le faible effectif de la bande, l'avocat note qu'il est improbable qu'ils épousent une personne ayant le statut en vertu de la loi C-31. Ainsi les enfants de P. E. et V. E. ne rempliront pas les conditions pour devenir membres de la bande, étant donné que P. E. et V. E. ont épousé des non-Indiens; l'avocat ajoute qu'il est imDrobable que l'un uuelconuue des futurs enfants d'autres membres enregistrés de la bande remplisse les conditions. Il est affirmé que cette situation ne concerne pas des violations hypothétiques et futures du Pacte : certains des enfants de la bande grandiront en sachant qu'ils peuvent protéger leur patrimoine culturel seulement en épousant un(e)Indien(ne)enregistré(e)en vertu de la loi C-31. Il est donc affirmé que cette loi constitue une atteinte au droit de se marier même dan s où aucun enfant n'a pour l'instant été privé individuellement de son statut. Questions et procédures devant le Comité 6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur , décider si la communication est ou non recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. 6.2 Pour ce qui est de la violation de l'article premier du Pacte alléguée par les auteurs, le Comité rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle, conformément à l'article premier du Protocole facultatif, il peut recevoir et examiner des communications seulement si elles émanent de particuliers qui prétendent être victimes d'une violation, par un Etat partie au Protocole facultatif, de leurs droits individuels. Si tous les peuples ont le droit à l'autodétermination et le droit de déterminer librement leur Statut politique et de poursuivre leur développement économique, social et culturel (et peuvent, à leurs propres fins, disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles), le Comité a déjà décidé qu'aucune demande d'autodétermination ne peut être présentée en vertu du Protocole facultatif. Cet aspect de la communication est donc irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif. 6.3 S'agissant de la condition de l'épuisement des recours internes, le Comité a noté la déclaration des auteurs selon laquelle ils avaient essayé en vain de faire échec à la loi C-31 en réglementant eux-mêmes les conditions d'appartenance à la bande. Il constate cependant que les auteurs eux-mêmes ont reconnu que la Cour suprême du Canada pourrait statuer que la loi C-31 est sans effet si elle porte atteinte à leurs "droits ancestraux", en l'espèce à leur volonté de réglementer les conditions d'appartenance à la bande. 6.4 Le Comité observe en outre que d'autres bandes d'indiens ont entamé des actions encore en suspens devant des tribunaux fédéraux, l'affaire Twinn c. R. en est un exemple, et que, dans certains cas, il peut être fait face aux frais prétendument élevés de la procédure grâce à un financement dans le cadre d'un certain nombre de programmes institués par 1'Etat partie. S'agissant du délai éventuellement déraisonnable de la procédure que font valoir les auteurs, le Comité rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la crainte de délais ne dispense pas les auteurs de l'obligation de s'efforcer au moins sérieusement d'épuiser les recours internes (A. et S. N. c. Norvège, communication No 224/1987, déclarée irrecevable le 11 juillet 1988, par. 6.2). Dans ces conditions, le Comité estime que des recours internes pouvant être efficaces n'ont pas été épuisés. 7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif en ce qui concerne le droit à l'autodétermination, et en vertu du paragraphe 2 b)de l'article 5 du Protocole facultatif pour ce qui est des autres allégations des auteurs;
b) que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie, aux auteurs et à leur conseil.