Comité des droits de l'homme
Quarante-sixième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-sixième session -
Communication No 370/1989
Présentée par : G. H. (nom supprimé)
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Jamaïque
Date de la communication : 30 juin 1989 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 23 octobre 1992,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est G. H., citoyen jamaïquain actuellement
détenu à la prison du district de Ste. Catherine (Jamaïque) où il attend
d'être exécuté. Il affirme être victime de violations, par la Jamaïque,
des articles 6, 7 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques. Il est représenté par un conseil.
Les faits présentés
2.1 L'auteur a été arrêté en août 1982 et accusé d'avoir assassiné le
5 août 1982 un certain C. S. Jugé avec son frère par le Circuit Court
de St. James, à Montego Bay, il a été reconnu coupable et condamné à mort
le 3 février 1984. Son frère, qui était mineur au moment des faits, a
été condamné à la réclusion à perpétuité. La Cour d'appel de la Jamaïque
a rejeté l'appel de l'auteur le 10 avril 1987. G. H. a par la suite déposé
une demande d'autorisation de recours devant la Section judiciaire du
Conseil privé, qui a été rejetée le 16 mars 1989.
2.2 C. S. a été abattu de deux ou trois balles tirées avec une arme de
calibre 0,38 le soir du 5 août 1982 et son corps a été découvert près
de la route principale de Camrose. L'accusation a soutenu que l'auteur,
son frère, un certain D. S., et une autre personne marchaient le long
de cette route le soir du crime. D. S. aurait momentanément quitté les
autres et, cinq à sept minutes plus tard, il aurait entendu deux détonations.
Quelques minutes après, l'auteur et son frère l'auraient rejoint et lui
auraient dit qu'ils avaient eux aussi entendu les détonations, mais qu'ils
ne savaient quelle en était l'origine. G. H. a déclaré sous serment qu'il
était resté tout le temps avec D. S. sur la route et que lorsqu'ils avaient
entendu les coups de feu, ils avaient tous pris la fuite.
2.3 Au cours du procès, plusieurs témoins ont déclaré avoir vu l'auteur
et son frère sur la route le soir du 5 août. Un certain W. B. a témoigné
avoir vu G. H. près du corps de la victime et a ajouté que, le 2 août
1982, l'auteur lui avait montré un revolver de calibre 0,38 ainsi que
des balles. V. B., la soeur de W. B., a déclaré sous serment que, le 1er
août 1982, l'auteur s'était disputé avec le défunt et que ce dernier avait
attaqué l'auteur avec une machette.
2.4 L'auteur affirme que la famille B. ne pouvait qu'exagérer ou se parjurer
devant le tribunal puisqu'un vieux conflit l'opposait à la famille H.
Il fait observer que W. B. n'avait mentionné l'incident du 2 août 1982
ni dans sa déposition à la barre ni dans sa déposition écrite, et que
le juge lui-même avait qualifié le témoignage de V. B. de "confus".
2.5 L'auteur fait également observer que les témoignages concernant l'heure
à laquelle les faits se sont produits étaient très contradictoires. D.
S. et un autre témoin ont déclaré que les événements s'étaient produits
peu après 19 h 15, alors que W. B., qui n'avait pas entendu les détonations,
aurait vu l'auteur à c_té du corps peu après 20 h 30, ainsi que plusieurs
personnes qui le suivaient. Par ailleurs, il n'avait pas été établi que
l'auteur était armé d'un revolver le soir en question. La principale question
en l'espèce était donc celle de la fiabilité des témoignages.
La plainte
3.1 L'auteur se plaint de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable
parce que le juge du fond a induit le jury en erreur sur la question des
preuves indirectes, dans la mesure où il ne l'a pas prévenu qu'il fallait
toujours analyser ces preuves avec rigueur et précision et où il lui a
donné à entendre que la valeur des preuves indirectes "restait intacte"
lorsque les témoins se trompaient ou étaient influencés par la rancune
ou par la malveillance. De l'avis de l'auteur, la Cour d'appel a, elle
aussi, fait erreur en concluant que le juge avait correctement instruit
le jury au sujet des preuves indirectes.
3.2 L'auteur affirme en outre que le juge avait donné au jury des indications
inexactes au sujet de la législation sur la complicité étant donné qu'il
avait formulé ses instructions de telle façon que le jury pouvait avoir
eu l'impression erronée que, si l'auteur avait assisté au meurtre, sans
avoir aucunement l'intention de l'encourager, il était coupable de meurtre.
Il fait observer, à ce propos, que le juge avait dit au jury que "la
simple présence de ceux qui assistent au spectacle, si elle est inexpliquée
... constitue dans une certaine mesure une marque d'encouragement pour
ceux qui participent au combat ou à l'attaque".
3.3 Enfin, l'auteur affirme que le juge a indûment fait pression sur
le jury pour qu'il rende rapidement son verdict : en effet, alors qu'il
n'avait commencé à résumer l'affaire qu'à 15 h 49, il a demandé au jury
de se retirer pour délibérer à 18 h 38, dans l'espoir que le procès pourrait
finir le même jour.
Délibérations du Comité et questions dont il est saisi
4.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication est ou non recevable
en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 En ce qui concerne les allégations avancées par l'auteur au titre
de l'article 14, le Comité note qu'elles portent essentiellement sur la
façon dont le juge a mené le procès, sur l'évaluation des éléments de
preuve par le tribunal et sur les instructions données au jury par le
juge. Il rappelle que c'est généralement aux cours d'appel des Etats parties
au Pacte qu'il appartient d'évaluer les faits et les éléments de preuve
dans une affaire donnée. De même, c'est aux cours d'appel, et non au Comité,
qu'il incombe d'apprécier les instructions données au jury par le juge,
à moins que les instructions données au jury n'aient été tendancieuses
ou n'aient constitué un déni de justice, ou que le juge n'ait manifestement
violé son obligation d'impartialité. Or, les allégations de l'auteur ne
permettent pas de conclure que le juge a manqué à ses devoirs en donnant
ses instructions au jury ou en menant le procès. La plainte de l'auteur
ne relève donc pas de la compétence du Comité. En conséquence, cette partie
de la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole
facultatif.
4.3 Quant aux griefs formulés par l'auteur en vertu des articles 6 et
7, le Comité estime qu'ils ne sont pas suffisamment étayés pour justifier
une décision de recevabilité. A cet égard, l'auteur ne peut donc pas se
prévaloir des dispositions de l'article 2 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3
du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie, à l'auteur
et à son conseil.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol,
français et russe.]