Comité des droits de l'homme
Quarante-septième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-septième session -
Communication No 404/1990
Présentée par : N. P. (nom supprimé)
Au nom de : L'auteur
Etat partie concerné : Jamaïque
Date de la communication : 17 avril 1990 (demande initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 5 avril 1993,
Adopte ce qui suit :
Décision sur la recevabilité
1. L'auteur de la communication est N. P., citoyen jamaïquain qui attend
d'être exécuté à la prison du district de Ste. Catherine (Jamaïque). Il
affirme être victime de la violation par la Jamaïque des articles 6, 7,
10 (par. 1) et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. Il est représenté par un conseil.
Les faits présentés
2.1 Le 13 février 1987, l'auteur et deux coaccusés ont comparu devant
la Home Circuit Court de Kingston pour le meurtre, le 11
novembre 1985, de K. W. Ils ont été reconnus coupables de meurtre et condamnés
à mort. La Cour d'appel de la Jamaïque a rejeté le recours de l'auteur
le 11 juillet 1988; une demande d'autorisation spéciale de recours devant
la section judiciaire du Conseil privé a été rejetée le 5 avril 1990.
2.2 Selon l'accusation, dans la soirée du 10 novembre 1985, K. W. et
sa famille se trouvaient chez eux dans la communauté d'Edgewater. Peu
après 24 h 30, Mme W. s'est réveillée et a constaté que son mari avait
été ligoté et un homme portant une arme à feu se tenait à c_té de lui.
Un autre homme, que Mme W. a identifié ultérieurement comme étant l'auteur,
se tenait de son c_té du lit. Il lui fit mettre les mains derrière le
dos et les lui attacha. Les hommes ordonnèrent que leur soit remis tout
l'argent. K. W. a dit qu'il n'y en avait pas dans la maison, après quoi
il a été frappé plusieurs fois avec une arme. Les voleurs ont ensuite
réveillé les deux enfants du couple, les amenèrent dans la chambre de
leurs parents et menacèrent de les abattre si on ne leur révélait pas
où se trouvait l'argent. Ensuite, l'un des hommes, identifié ultérieurement
comme étant P. L., prit un fer électrique, le brancha et s'en servit pour
brûler le dos de K. W. Quand K. W. lui eut porté des coups violents et
l'eut précipité contre le mur, P. L. sortit son revolver de son ceinturon
et tira dans le ventre de K. W., le tuant sur le coup.
2.3 Les trois voleurs auraient été masqués par des mouchoirs qui leur
cachaient au moins le bas du visage. Selon l'accusation, ces masques ont
été _tés à plusieurs occasions, ce qu'ont corroboré les deux enfants de
la victime. Sur la source de l'éclairage de la chambre et sur sa qualité,
les témoignages varient. Selon certains, la source principale de lumière
venait d'une salle de bains attenante, selon d'autres, la lampe de chevet
avait également été allumée. Outre l'identification, l'accusation repose
sur les empreintes digitales des trois hommes, trouvées sur place.
La plainte
3.1 L'auteur nie s'être jamais rendu chez la victime et dit avoir été
arrêté un matin de novembre 1985 alors qu'il se rendait en minibus chez
des parents. Il a été emmené au commissariat de police central où il prétend
qu'on l'a battu pour le forcer à signer un aveu, ce qu'il a refusé. Il
prétend que le traitement auquel il a été soumis au commissariat de police
viole l'article 7 du Pacte. Il affirme également avoir été détenu plusieurs
jours dans une cellule du commissariat central avant la confrontation
pour identification. Il met en cause la régularité de cette confrontation
au motif que la police avait saisi sa carte d'identité où figurait sa
photographie.
3.2 L'auteur affirme qu'il a été privé du droit à un procès équitable,
en violation de l'article 14 du Pacte. Il fait valoir que la preuve par
identification a été peu concluante et s'est avérée très critiquable.
En outre, lors du procès, le juge aurait induit le jury en erreur sur
la charge de la preuve et sur la valeur de celle-ci puisqu'il aurait déclaré
que la culpabilité pouvait être établie même si les jurés "n'étaient
pas absolument certains, car cela n'était pas possible". Lors du
procès, le juge aurait également induit le jury en erreur sur la question
des actes intentionnels commis en commun ou de l'association de malfaiteurs,
et en particulier il aurait omis d'indiquer aux jurés qu'ils ne pouvaient
déclarer des accusés coupables d'actes intentionnels commis en commun
s'ils n'étaient pas convaincus que ceux-ci envisageaient ou prévoyaient
non seulement l'éventualité d'actes de violence, mais aussi d'actes de
violence susceptibles d'entraîner la mort ou des blessures graves.
Renseignements et observations présentés par l'Etat partie
4. L'Etat partie fait valoir que la communication n'est pas recevable
au motif que les recours internes n'ont pas été épuisés. Il fait valoir
que l'auteur peut encore faire appel devant la Cour suprême (constitutionnelle)
de la Jamaïque pour obtenir éventuellement réparation des irrégularités
alléguées, en application des chapitres 14, 15, 17, 20 et 25 de la Constitution
de la Jamaïque. Il lui est loisible de faire appel de la décision de la
Cour suprême devant la Cour d'appel, puis devant le Comité judiciaire
du Conseil privé.
Délibérations du Comité et questions dont il est saisi
5.1 Avant d'examiner toute demande contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, en application de l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la demande est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 En ce qui concerne la demande présentée par l'auteur en vertu des
articles 6, 7 et 10 du Pacte, le Comité considère que l'auteur n'a pas
établi, aux fins de l'étude de la recevabilité de sa demande, le bien-fondé
de ses allégations. Cette partie de sa communication n'est donc pas recevable
en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.3 Le Comité observe que les autres allégations de l'auteur de la demande
concernent des irrégularités alléguées de la procédure puisqu'il affirme
que le juge a induit le jury en erreur sur la question de l'identification
et sur celle des actes intentionnels commis en commun. Le Comité réaffirme
que si l'article 14 du Pacte garantit bien le droit à un procès équitable,
il n'appartient pas, en principe, au Comité d'examiner les instructions
précises qu'un juge donne au jury dans un procès en assises, à moins qu'il
puisse être établi que pareilles instructions au jury avaient un caractère
manifestement arbitraire et équivalaient à un déni de justice, ou que
le juge s'est manifestement dérobé à l'obligation d'être impartial. A
cet égard, ayant examiné les instructions du juge aux jurés, le Comité
a conclu qu'il n'en était rien, en particulier pour ce qui est de la question
des actes intentionnels commis en commun. De ce fait, cette partie de
la communication n'est pas recevable car elle n'est pas compatible avec
les dispositions du Pacte, en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
6. De ce fait, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication n'est pas recevable en vertu des articles 2
et 3 du Protocole facultatif;
b) Que cette décision sera communiquée à l'Etat partie concerné, à l'auteur
et à son conseil.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français.]