University of Minnesota



M. R. (nom supprimé)
c. Jamaïque, Communication No. 405/1990, U.N. Doc. CCPR/C/45/D/405/1990 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-cinquème session

Décision prise par le Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques - quarante-cinquième session

concernant la

Communication No 405/1990



Présentée par: M. R. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

Etat partie: Jamaïque

Date de la communication : 23 avril 1990 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 juillet 1992,

Adopte la décision ci-après :


Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication est M. R., citoyen jamaïquain purgeant une peine de 20 ans de détention à la prison du district de Saint-Catherine (Jamaïque). Bien qu'il n'invoque aucune disposition du Pacte, il ressort de ses lettres qu'il se dit victime d'une violation de ses droits, au regard des articles 6, 10, 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par la Jamaïque.

Les faits présentés par l'auteur

2.1 L'auteur déclare que le 18 octobre 1980, trois policiers sont venus le chercher chez lui, en présence de ses parents. 11 soutient que les policiers l'ont obligé à monter à bord d'une jeep à l'arrière de laquelle se trouvait un mort.
Au lieu de le conduire pour interrogatoire au poste de police de Constant Spring, ils l'avaient emmené à Morebrook. Celui qui l'avait arrêté, un certain A. M., lui aurait dit qu'il y avait trop de monde dans ce quartier pour que la police puisse l'abattre sur le champ, sur quoi l'auteur avait appelé au secours. Les policiers l'avaient emmené sur un terrain vague situé avenue Marcus Garvey, à Kingston, où ils lui avaient tiré dessus à bout portant. Il n'aurait dû son salut qu'au fait d'avoir simulé la mort. Il avait ensuite été emmené dans un hôpital de Kingston, où trois balles avaient été extraites de son abdomen.

2.2 L'auteur se plaint de ce que les policiers, pour camoufler leurs agissements, l'avaient accusé de viol et de participation à un vol à main armée. Alors qu'il se trouvait encore à l'hôpital, il aurait été confronté à une femme qu'il aurait prétendument violée et dont la déposition contredisait totalement la version des faits que donnait la police. Durant le procès, A. M. aurait déclaré avoir reçu, le samedi 18 octobre 1980, vers 20 heures, un appel d'une personne signalant un cambriolage. Arrivé sur les lieux, il aurait vu deux hommes et l'auteur, qu'il connaissait. Des coups de feu auraient été échangés et l'un des cambrioleurs se serait effondré; l'auteur aurait pris la fuite, sautant dans un fossé. La plaignante, elle, avait déclaré que les agresseurs étaient masqués et que c'est après leur départ qu'elle avait appelé la police d'une maison voisine. Elle n'avait pas parlé d'un échange de coups de feu entre les voleurs et la police et n'avait pas dit non
plus que l'un des agresseurs avait été tué sur place.

2.3 En ce qui concerne le "caractère controuvé" des preuves avancées contre lui, l'auteur affirme qu'en novembre 1980, A. M. l'aurait obligé à s'arracher quelques poils du pubis. La police aurait également perforé des vêtements lui appartenant, vêtements
qu'elle aurait pris dans sa chambre prétendument pour montrer les trous laissés par les balles lors de l'échange de coups de feu sur les lieux du crime.

2.4 Le 12 janvier 1981, l'auteur avait été inculpé de vol qualifié, de port illégal d'arme à feu et de viol. Le 28 mai 1981, la Gun Court (tribunal connaissant des délits commis avec armes à feu l'avait condamné a la prison à perpétuité; pour d'autres raisons non spécifiées et distinctes, il avait également été condamné par trois fois à 14 ans de prison toutes peines confondues. La Cour d'appel avait rejeté son recours en mars 1983. Il apparaît que par la suite, la Chambre d'appel de la Gun Court a réduit sa peine
à 20 ans de détention, à compter d'août 1981.

2.5 L'auteur déclare qu'après s'être assuré qu'il répondait à toutes les conditions exigées, il avait présenté, en novembre
1987, une demande de libération conditionnelle. A la fin de 1989, il n'avait toujours pas reçu de réponse de la Commission des mises en liberté conditionnelle qui, selon lui, ne s'était pas empressée de faire établir et d'examiner en temps utile les documents nécessaires à sa mise en liberté conditionnelle, tels que son dossier médical et le rapport du directeur de la prison. L'auteur affirme avoir fait l'objet de discrimination puisque la libération conditionnelle a été accordée à six autres détenus qui avaient été condamnés après lui et avaient présenté leur demande après lui.

2.6 L'auteur affirme en outre qu'il ne lui est pas possible d'obtenir communication du texte des décisions judiciaires le concernant et que le Conseil des droits de l'homme de la Jamaïque a rejeté, en 1992, la demande d'aide judiciaire qu'il avait présentée en vue de solliciter l'autorisation spéciale d'interjeter appel devant la section judiciaire du Conseil privé.

La plainte

3.1 L'auteur affirme avoir été victime d'un 'coup monté" par la police, venue l'enlever chez lui dans l'intention de le tuer. Bien que l'article 6 du Pacte ne soit pas expressément invoqué, il ressort des déclarations de l'auteur que celui-ci prétend qu'il y a eu, en l'espèce, violation du droit à la vie.

3.2 L'auteur soutient, en outre, que son procès n'a pas été équitable pour les raisons suivantes :


a) Le juge n'a pas tenu compte du fait que l'auteur avait été inculpé sans qu'il ait été procédé à son identification par les témoins
parmi d'autres suspects;

b)Le juge n'a pas enquêté sur la contradiction entre la déposition d'A. M. et celle de la victime présumée du viol;

c) L'auteur s'est vu dénier le droit de prouver que, comme il l'affirme, les trous laissés par les balles dans ses vêtements ne correspondaient pas aux blessures que lui avait infligées la police;

d) La police a affirmé que les balles qui l'avaient atteint avaient été tirées à une distance d'environ cinq mètres alors qu'un certificat médical délivré par le chirurgien de l'hôpital public de Kingston atteste que les coups de feu ont été tirés à bout portant 11;

e) Aucun expert médical n'a été appelé à la barre pour corroborer les affirmations du ministère public; quant au viol, l'auteur se plaint d'avoir été condamné uniquement sur des preuves indirectes;

f) le juge n'a fait aucun cas des informations diffusées par deux stations de radiodiffusion (RJR et JBC)les 18 et 19 octobre 1980, respectivement, selon lesquelles on lui aurait tiré dessus en un autre lieu que celui où l'on avait tiré sur le cambrioleur; il n'a pas non plus cherché à savoir pourquoi l'auteur n'avait pas été conduit au poste de police de Constant Spring le matin du 18 octobre 1980;

g) Son avocat ne l'a pas convenablement représenté lors du procès;

h) Son pourvoi a été entendu hors de la présence d'un avocat.

3.3 L'auteur affirme qu'il est victime en prison d'un traitement inhumain et dégradant. Il continue de souffrir à la suite de laparotomies et les autorités pénitentiaires ne l'autorisent pas à se faire soigner.

3.4 Enfin, il dit être victime de discrimination du fait qu'il n'a toujours pas été statué sur sa demande de libération conditionnelle.

Observations de l'Etat partie et de l'auteur

4.1 Dans une lettre du 3 octobre 1991, 1'Etat partie fait valoir que la communication est irrecevable, les recours internes n'ayant pas été épuisés puisque la section judiciaire du Conseil privé n'a pas statué sur le cas considéré. Il fait remarquer que l'auteur pourrait bénéficier d'une aide judiciaire en vertu de l'article 3 du Poor Prisoners'Defence
Act (loi relative à la défense des prisonniers indigents). Il ajoute qu'outre le recours que l'auteur pourrait former devant la section judiciaire du Conseil privé au sujet des poursuites pénales dont il a fait l'objet, il Peut encore exercer des recours constitutionnels au titre des violations présumées de ses libertés et de ses droits fondamentaux.

4.2 En réponse aux observations de 1'Etat partie, l'auteur affirme que le droit de faire recours: en vertu de l'article 25 de la Constitution jamaïquaine lui a été refusé. Il demande au Comité des droits de l'homme de l'aider à obtenir communication du texte des décisions judiciaires le concernant et de lui assurer une aide judiciaire pour lui permettre d'épuiser les recours internes.

Questions à régler et procédure à suivre

6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme décide, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, si la communication est ou n'est pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a)de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

6.3 En ce qui concerne la règle de l'épuisement des recours internes, le Comité note que 1'Etat partie a indiqué que l'auteur peut encore demander à la section judiciaire du Conseil privé l'autorisation spéciale de former un recours et qu'une aide judiciaire sera mise à sa disposition à cet effet. Le Comité note en outre que d'après les éléments présentés par l'auteur, il n'apparaît pas que celui-ci s'est adressé aux autorités compétentes au sujet de son affirmation selon laquelle on lui refuse des soins médicaux en prison. Vu les circonstances, le Comité conclut que les conditions énoncées au paragraphe 2 b)de l'article 5 ne sont pas réunies.

7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :

a) que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;

b) que, conformément au paragraphe 2 de l'article 92 de son règlement intérieur, il pourra reconsidérer sa décision s'il est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressortirait que les motifs d'irrecevabilité ont cessé d'exister;

c) que la présente décision sera communiquée à 1'Etat partie et à l'auteur.



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