University of Minnesota



W. J. H. (nom supprimé) c. Pays- Bas, Communication No. 408/1990, U.N. Doc. CCPR/C/45/D/408/1990 (1992).



Comité des droits de l'homme
Quarante-cinquième session
Décision prise par le Comité des droits de l'homme conformément
au Protocole facultatif se rannortant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
quarante-cinquième session

concernant la

Communication No 408/1990



Présentée par : W. J. H. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

Etat partie : Pays-Bas

Date de la communication : 15 novembre 1989 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 1992,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

1. L'auteur de la communication (datée du 15 novembre 1989)est W. J. H., citoyen des Pays-Bas résidant actuellement en Belgique. Il prétend avoir été victime de violations par les Pays-Bas des paragraphes 2 et 6 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil.

Rappel des faits tels qu'ils ont été présentés par l'auteur :

2.1 L'auteur a été arrêté le 8 décembre 1983 et placé en détention provisoire jusqu'au 8 février 1984. Le 24 décembre 1985, la cour d'appel d'Arnhem l'a jugé sur divers chefs d'accusation, dont celui de faux et usage de faux, et condamné. Le 17 mars 1987, la Cour suprême (Boue Raad)a cassé le jugement antérieur et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Bois-le-Duc, qui a acquitté l'auteur le 11 mai 1988.

2.2 Conformément aux articles 89 et 591a du Code de procédure pénale, l'auteur a présenté ultérieurement une demande d'indemnisation devant la cour d'appel de Bois-le-Duc pour le préjudice causé par la détention provisoire et pour les frais de représentation juridique qu'il avait dû supporter. Le paragraphe 1 de l'article 90 du Code de procédure pénale dispose que, après un acquittement, la Cour peut octroyer des dommages-intérêts pour des raisons d'équité. Le 21 novembre 1988, la cour d'appel a rejeté la demande de l'auteur. Elle estimait qu'il n'était pas légitime de lui octroyer des dommages-intérêts car son acquittement était imputable à un vice de procédure; elle faisait référence à cet égard au jugement prononcé le 24 décembre 1985 par la cour d'appel d'Arnhem, qui avait condamné l'auteur sur la base de preuves que l'on avait ensuite rEjetées car elles avaient été illégalement obtenues.

2.3 L'auteur prétend que, comme il n'existe pas de recours légal contre le rejet de la demande d'indemnisation, les recours internes ont été épuisés.

Teneur de la Plainte :

3.1 D'après l'auteur, la décision de la cour d'appel de Bois-le-Duc du 21 novembre 1988 constituait tine violation du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte, qui lui reconnaît le droit d'être présumé innocent. Il fait valoir que, comme il n'a pas été reconnu coupable par la Cour, il ne doit pas subir de dommages pécuniaires à cause des poursuites pénales qui ont été engagées contre lui.

3.2 L'auteur soutient en outre que le rejet de sa demande d'indemnisation constitue une violation du paragraphe 6 de l'article 14 du Pacte. Selon lui, le jugement de la cour d'appel d'Arnhem daté du 24 décembre 1985 doit être considéré comme une condamnation définitive au sens du paragraphe 6 de l'article 14, car il a été prononcé par la plus haute instance qui a statué sur les faits. D'autre part, les acquittements ultérieurs constitueraient des "faits nouveaux" au sens du paragraphe 6 de l'article 14. Enfin, l'auteur prétend que sa détention provisoire doit être assimilée à la "peine" mentionnée dans le paragraphe en question.

Observations de 1'Etat Partie et commentaires de l'auteur :

4.1 Dans sa déclaration datée du 9 juillet 1991, 1'Etat partie affirme que les voies de recours internes n'ont pas été épuisées et que la communication est de ce fait irrecevable. Selon lui, l'auteur n'a pas invoqué le paragraphe 6 de l'article 14 du Pacte lorsqu'il a demandé des dommages-intérêts. I1 a simplement fait valoir que les doutes concernant sa culpabilité ou son innocence ne devaient pas porter atteinte à son droit à indemnisation en vertu de l'article 89 du Code de procédure pénale. L'Etat partie soutient en outre que l'auteur aurait pu réclamer un dédommagement dans le cadre d'une action civile en application de l'article 1401 du Code civil.

4.2 L'Etat partie affirme également que les paragraphes 2 et 6 de l'article 14 du Pacte ne s'appliquent pas à l'auteur et que, par conséquent, la communication est irrecevable car incompatible avec les dispositions du Pacte, conformément à l'article 3 du Protocole facultatif.

4.3 L'Etat partie soutient que la présomption d'innocence, telle qu'elle est définie au paragraphe 2 de l'article 14, n'exclut pas une détention provisoire et se réfère &cet égard au paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte. Selon 1'Etat partie, l'auteur n'a pas contesté la légalité de la détention et aucune disposition du Pacte ne confère à un accusé le droit de réclamer des dommages-intérêts pour avoir été placé légalement en détention provisoire s'il était par la suite acquitté.

4.4 L'Etat partie fait observer en outre que l'arrêt de la Cour suprême du 17 mars 1987 ne constitue pas un "fait nouveau" au sens du paragraphe 6 de l'article 14, mais qu'il doit être considéré comme la poursuite de l'action engagée concernant les faits présentés devant les juridictions inférieures. Il fait également valoir que, comme un pourvoi formé devant la Cour suprême constitue la dernière voie de recours interne, l'arrêt de la cour d'appel d'Arnhem du 24 décembre 1985 ne peut pas être considéré comme une "condamnation définitive". Enfin, il affirme que la détention provisoire ne peut pas être considérée comme une peine au sens du paragraphe 6 de l'article 14 du Pacte et qu'il s'agit en l'occurrence d'une mesure coercitive initiale et non d'une mesure qui avait été appliquée à la suite d'une condamnation.

5.1 Dans sa réponse aux observations formulées par 1'Etat partie, l'auteur conteste l'assertion selon laquelle il aurait pu entamer une action civile en vertu de l'article 1401 du Code civil. Il soutient qu'une procédure civile concernant une demande d'indemnisation n'est possible qu'en cas de delit commis par un service public. Il renvoie, à cet égard, à
un arrêt rendu par la Cour suprême le 7 avril 1989. Etant donné que 1'Etat partie estime que la détention provisoire doit être considérée comme légale, l'on ne saurait invoquer ici un délit commis par un service public. L'auteur estime fort improbable qu'un juge rejette, au cours d'une action civile, la décision du Tribunal pénal.

5.2 L'auteur déclare également qu'il n'était pas tenu d'invoquer des articles spécifiques du Pacte au cours de la procédure judiciaire. 11 se réfère, à Cet égard, à la décision adoptée par le Comité au sujet de la communication No 305/1988. I1 soutient que le fait d'avoir avancé que de simples doutes au sujet de la culpabilité ou de l'innocence n'excluaient pas qu'il ait droit à des dommages-intérêts sous-entendait de toute évidence que le principe de la présomption d'innocence au sens du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte avait été invoqué.

5.3 L'auteur soutient que 1'Etat partie donne une interprétation trop restrictive des paragraphes 2 et 6 de l'article 14 du Pacte et qu'il n'est pas fondé, en ce qui concerne le versement de dommages-intérêts, de distinguer entre l'annulation d'un jugement et l'acquittement par une cour d'appel. En outre, lorsque la culpabilité n'a pas été établie au regard de la loi, l'accusé ne doit pas avoir à supporter les frais des poursuites pénales. Il rappelle, à cet égard, que s'il a été acquitté, c'est uniquement grâce à l'assistance fournie par son conseil et fait valoir que, dans ces conditions, les règles d'équité en matière de procédure exigent que la personne acquittée n'ait pas à supporter les dépenses engagées pour assurer sa défense.

Délibérations du Comité

6.1 Avant de se prononcer sur les questions soulevées dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, décider si la communication est recevable aux termes du Protocole facultatif.

6.2 Pour ce qui est de l'allégation formulée par l'auteur selon laquelle il y a eu violation du principe de la présomption d'innocence énoncée au paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte, le Comité fait observer que cette disposition s'applique uniquement aux procédures pénales et non aux procédures engagées à des fins d'indemnisation: elle ne s'applique donc pas aux faits tels qu'ils ont été présentés.

6.3 S'agissant de la demande d'indemnisation déposée par l'auteur en vertu du paragraphe 6 de l'article 14 du Pacte, le Comité note qu'elle n'est recevable que lorsque :


a) Une condamnation pénale définitive a été prononcée;

b) La personne a subi une peine en conséquence de cette condamnation et

c) Une annulation ou une grâce ultérieure est accordée parce qu'un fait nouveau ou nouvellement révélé prouve qu'il s'est produit une erreur judiciaire.

Le Comité note que puisque la décision définitive, à savoir celle prononcée par la cour d'appel le 11 mai 1988, acquitte l'auteur, lequel n'a pas subi de peine par suite de sa condamnation antérieure en date du 20 décembre 1985, la demande de l'auteur ne relève pas du paragraphe 6 de l'article 14 du Pacte.

7. Le Comité des droits de l'homme décide en conséquence :

a) Que la communication n'est pas recevable aux termes de l'article 3 du Protocole facultatif;

b) Que cette décision sera communiquée à 1'Etat partie, à l'auteur et à son conseil.



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