Comité des droits de l'homme
Cinquante et unième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquante et unième session -
Communication No 421/1990
Présentée par : Thierry Trébutien
Au nom de : L'auteur
État partie : France
Date de la communication : 27 juin 1990 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 18 juillet 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Thierry Trébutien, citoyen français
né en 1960 et actuellement incarcéré dans une prison française. Il se
dit victime de la violation par le Gouvernement français des articles
9 (par. 1 à 3), 14 (par. 1 et al. a) et b) du paragraphe 3) et 23 (par.
1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il
fait valoir son droit à réparation conformément au paragraphe 5 de l'article
9 du Pacte.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 7 mai 1982, à Nantes, l'auteur a été reconnu coupable de quatre
chefs de vols qualifiés et condamné à huit ans d'emprisonnement. Il a
été incarcéré à la prison de Caen. En 1985, à l'issue d'une permission
spéciale, il n'a pas regagné la prison. Il a été repris en décembre 1986,
après avoir commis plusieurs infractions pénales, y compris des vols à
main armée. Le 28 février 1988, il est parvenu à s'évader de nouveau,
cette fois de la prison de Cherbourg, et il aurait commis une autre série
d'infractions, notamment des vols à main armée (y compris dans des banques),
en compagnie de deux complices. Lors d'un vol à main armée commis dans
une banque de Saint-Fargeau-Ponthierry (Seine-et-Marne) le 22 mars 1988,
un caissier a été grièvement blessé par un coup de feu qui aurait été
tiré par l'auteur. A l'occasion de deux autres vols à main armée, commis
le 25 mars et les 19 et 20 avril 1988, il a pris cinq personnes en otage.
2.2 L'auteur et ses complices se sont ensuite réfugiés au Portugal, où
ils ont été appréhendés le 22 juin 1988 à Porto. Le 23 juin 1988, le magistrat
instructeur du tribunal de Fontainebleau a décerné un mandat d'arrêt international
contre l'auteur. Le 28 juin 1988, la cour d'appel d'Evora (Portugal) a
ordonné son extradition; le 11 juillet 1988, il a été extradé vers la
France.
2.3 A leur arrivée en France, l'auteur et ses complices ont été inculpés
de vol aggravé par le port d'armes apparentes ou cachées, arrestation,
détention et séquestration de personnes comme otages, escroquerie et vol
par le juge d'instruction du tribunal de Fontainebleau et placés en détention
provisoire.
2.4 Le 19 septembre 1989, l'auteur a été reconnu coupable d'un autre
vol à main armée par la cour d'assises de la Manche et condamné à 12 ans
d'emprisonnement. La Cour de cassation de Paris a rejeté le pourvoi ayant
trait à cet arrêt le 17 janvier 1990. Le 6 novembre 1989, la cour d'appel
de Caen a condamné l'auteur à deux ans d'emprisonnement pour le délit
d'évasion du 28 février 1988. Le 8 février 1990, la Cour de cassation
a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt. Le 11 juillet 1990, la chambre
d'accusation de la cour d'appel de Caen a renvoyé l'auteur, qui faisait
l'objet d'une inculpation pour les infractions commises le 28 février
1988, devant la cour d'assises de la Manche. Le 6 novembre 1990, la Cour
de cassation a rejeté un pourvoi qui avait été formé contre cet arrêt
de renvoi. L'affaire a été jugée au début de mars 1991 et la cour d'assises
de la Manche a condamné l'auteur à huit ans d'emprisonnement le 15 mars
1991. Le 4 décembre 1991, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi qui
avait été formé contre la condamnation et la peine.
2.5 Quant à l'instruction concernant les charges formulées contre Thierry
Trébutien le 11 juillet, le juge d'instruction a suspendu les autorisations
de visite de la famille du requérant le 3 novembre 1988; il les a rétablies
à l'égard de la soeur et la mère de l'auteur le 7 mars 1989, mais pas
à l'égard de ses frères et de sa compagne. Le requérant aurait été entendu
pour la dernière fois par le juge d'instruction le 7 avril 1990, exception
faite de sa comparution le 9 juillet 1990 devant le Président du tribunal
de grande instance de Fontainebleau faisant fonction de juge d'instruction,
préalable à la prolongation d'un an de sa détention provisoire.
2.6 Le 25 avril 1990, le juge d'instruction a transmis une ordonnance
de soit-communiqué au Procureur de la République, aux fins de règlement.
Le 7 juin 1990, le Procureur a sollicité un supplément d'information.
Par ailleurs, à des dates qui ne sont pas précisées, le juge d'instruction
a délivré plusieurs commissions rogatoires. Le 14 mars 1991, le juge d'instruction
a rendu une nouvelle ordonnance de soit-communiqué au Procureur qui a
transmis, le 29 janvier 1991, un réquisitoire définitif. Le juge d'instruction
a clos l'instruction par ordonnance du 14 mars 1991, et par décision du
13 mai 1991, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a renvoyé
l'affaire devant la cour d'assises de Seine-et-Marne.
2.7 L'auteur a formé un pourvoi contre cet arrêt de renvoi, qui a été
rejeté par la Cour de cassation le 17 septembre 1991. Le requérant a bénéficié
de l'aide judiciaire, mais il semble que l'avocat nommé d'office n'ait
pas déposé de mémoire. M. Trébutien a produit un mémoire personnel. Le
8 octobre 1991, la cour d'assises de Seine-et-Marne a condamné l'auteur
à huit ans d'emprisonnement pour les délits commis le 25 mars et les 19
et 20 avril 1988.
2.8 Tout au long de sa détention provisoire, M. Trébutien a formulé plusieurs
demandes de mise en liberté. Une demande a été rejetée par le juge d'instruction
le 14 août 1990, rejet confirmé par la chambre d'accusation le 30 août
1990. Par arrêt du 18 décembre 1990, la Cour de cassation a cassé cet
arrêt au motif que la chambre d'accusation n'avait pas répondu à toutes
les demandes de l'auteur et a renvoyé l'affaire devant la même chambre
d'accusation autrement composée, qui, par ordonnance du 7 mai 1991, a
confirmé le rejet de la demande de mise en liberté. La Cour de cassation
a rejeté le pourvoi. Par ordonnance des 21 et 24 août 1990, le juge d'instruction
a rejeté deux autres demandes de mise en liberté formulées par l'auteur.
Sur appel, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a confirmé
ces ordonnances de rejet le 12 septembre 1990.
2.9 Par arrêt du 4 janvier 1991, la Cour de cassation a cassé cet arrêt
et renvoyé le cas devant la même chambre d'accusation composée différemment.
Le 28 février 1991, cette chambre a confirmé les ordonnances de rejet
des demandes de mise en liberté, en faisant référence notamment aux risques
renouvelés de fuite, aux lourds antécédents judiciaires de l'auteur et
à la gravité de la peine encourue. L'auteur a formé un nouveau pourvoi
et la Cour de cassation, par arrêt du 11 juin 1991, a cassé l'arrêt pour
violation des droits de la défense et a renvoyé l'affaire devant la chambre
d'accusation de la cour d'appel de Versailles. Celle-ci a ordonné, le
5 novembre 1991, la mise en liberté de l'auteur au motif qu'il purgeait
déjà, pour d'autres faits, une réclusion criminelle devenue définitive.
L'auteur a formé un nouveau pourvoi en cassation en invoquant le délai
mis par les autorités judiciaires à statuer sur ses requêtes. La Cour
de cassation a déclaré ce pourvoi irrecevable par arrêt du 2 mars 1992,
au motif que la décision attaquée ne lui faisait pas grief.
2.10 Une nouvelle demande de mise en liberté a été rejetée par le juge
d'instruction le 28 décembre 1990. Le 17 janvier 1991, la chambre d'accusation
a confirmé le rejet, soulignant en particulier les risques de fuite du
requérant. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi le 23 avril 1991.
Une autre demande de mise en liberté a été présentée directement à la
chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris qui, le 24 juillet 1991,
a ordonné la mise en liberté au motif que M. Trébutien purgeait déjà une
peine de réclusion criminelle devenue définitive. D'autres demandes de
mise en liberté ont été présentées par l'auteur par la suite, mais le
dossier n'a pas fourni de plus amples précisions.
2.11 L'auteur invoque les irrégularités qui auraient entaché les nombreuses
procédures judiciaires engagées contre lui. Il prétend, en particulier,
que les autorités judiciaires françaises n'ont pas cherché à s'assurer,
en l'interrogeant, des conditions de son extradition vers la France et
de son incarcération à la prison de Fleury-Mérogis. Selon lui, le juge
d'instruction était tenu de l'interroger sur ces événements dans les 24
heures, conformément aux articles 132 et 133 du Code de procédure pénale
français. Il en a conclu que sa détention était arbitraire et qu'il aurait
dû être remis en liberté conformément aux articles 125 et 126 dudit Code.
2.12 L'auteur relève également qu'au moment de sa comparution devant
la cour d'assises, le 19 septembre 1989, il avait passé un an, deux mois
et huit jours en détention; pendant tout ce temps, il n'aurait jamais
été interrogé et aucun défenseur n'aurait été commis d'office par la cour.
Lorsque enfin cela a été fait, le Président de la cour aurait refusé de
communiquer les pièces à son défenseur, ce qui expliquerait, selon l'auteur,
que la plaidoirie de son avocat n'ait duré que quelques minutes.
2.13 L'auteur note qu'entre 1991 et 1993, il a été transféré de prison
en prison, en passant par la prison de Saint-Maur. A la suite de l'évasion
spectaculaire de plusieurs prisonniers détenus à la prison de Saint-Maur
en juin 1993, l'administration pénitentiaire a requis l'isolement cellulaire
de l'auteur dont "tout portait à croire qu'il était en train de préparer
sa propre évasion". L'auteur affirme qu'il est étranger à l'évasion
de juin 1993 et que son transfèrement d'une prison à l'autre est arbitraire.
2.14 Le 7 mars 1990, l'auteur a introduit, auprès de la Commission européenne
des droits de l'homme, une première requête dans laquelle il se plaignait
de la violation du paragraphe 1 de l'article 5 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette
requête, enregistrée sous le numéro de dossier 17215/90, a été déclarée
irrecevable le 5 décembre 1990 au motif qu'elle était manifestement mal
fondée. Le 11 octobre 1991, l'auteur a introduit, auprès de la Commission
européenne, une deuxième requête, enregistrée sous le numéro de dossier
19228/91. Le 14 octobre 1992, la Commission a déclaré la requête irrecevable
en se fondant sur plusieurs motifs. En ce qui concerne les irrégularités
qui auraient entaché la procédure d'extradition, elle a estimé que la
requête était irrecevable ratione personae conformément au paragraphe
2 de l'article 27 de la Convention européenne. En ce qui concerne l'interdiction
faite à certains membres de sa famille de rendre visite à l'auteur en
prison, la Commission a conclu que l'auteur n'avait pas épuisé les voies
de recours internes. Enfin, la partie de la requête où l'auteur faisait
valoir des lacunes dans sa représentation en justice, le fait que sa cause
n'avait pas été entendue équitablement et la lenteur indue des procédures
engagées contre lui a été déclarée "manifestement mal fondée"
conformément au paragraphe 2 de l'article 27 de la Convention européenne.
L'auteur a ensuite introduit, auprès de la Commission, une troisième requête
enregistrée sous le numéro de dossier 21476/93 et déclarée irrecevable
le 14 octobre 1993, au motif que les faits n'étaient pas fondamentalement
différents de ceux qui avaient été à la base de la décision rendue par
la Commission le 14 octobre 1992.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur soutient que les faits susvisés sont constitutifs d'une
violation des articles 9 (par. 1 à 3), 14 (par. 1 et al. a) et b) du paragraphe
3), et 23 (par. 1) du Pacte.
3.2 M. Trébutien prétend, en particulier, que sa détention entre le 11
juillet 1988 et le mois de septembre 1989 était arbitraire, car les accusations
sur la base desquelles il a été reconnu coupable le 19 septembre 1989
ne lui avaient pas été notifiées et différaient de celles sur la base
desquelles il avait été extradé du Portugal ou sur la base desquelles
les autorités portugaises avaient accepté cette extraditiona.
3.3 L'auteur fait valoir en particulier que des irrégularités ont entaché
la procédure qui a conduit à sa condamnation le 15 mars 1991. A ce sujet,
il accuse plusieurs des juges de la chambre d'accusation de la cour d'appel
de Caen et de la Cour de cassation de s'être rendus coupables de faux
en écriture publique sur des actes judiciaires, y compris sur les décisions
du 10 juillet et du 6 novembre 1990.
3.4 L'auteur allègue en outre qu'il s'est vu refuser le droit de recevoir
en prison la visite de membres de sa famille, en violation du paragraphe
1 de l'article 23 du Pacte.
3.5 Enfin, l'auteur se plaint de la lenteur excessive des procédures
judiciaires engagées contre lui.
Renseignements et observations communiqués par l'État partie et
commentaires de l'auteur
4.1 Dans la déclaration présentée conformément à l'article 91 du règlement
intérieur, l'État partie affirme que la communication est irrecevable
en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5, de l'article 3 et de l'article
premier du Protocole facultatif.
4.2 L'État partie rappelle que l'auteur a introduit trois requêtes auprès
de la Commission européenne, lesquelles ont toutes été déclarées irrecevables.
Dans ce contexte, il soutient que la réserve faite par la France à l'alinéa
a) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole, qui exclut la compétence
du Comité si la même question a déjà été examinée par une autre instance
internationale d'enquête ou de règlement, s'applique en l'espèce. Il soutient
que, la Commission européenne ayant déclaré irrecevable la requête de
l'auteur alléguant une violation du paragraphe 1 de l'article 5 de la
Convention européenne (dossier No 17215/90) et la plainte de l'auteur
devant le Comité portant essentiellement sur l'article 9 du Pacte, le
Comité est saisi de "la même question" que la Commission européenne.
Cependant, l'État partie ne précise pas si son argumentation vaut également
pour les deux autres plaintes considérées et déclarées irrecevables par
la Commission européenne des droits de l'homme.
4.3 L'État partie soutient en outre que, s'agissant de l'allégation de
l'auteur selon laquelle la procédure liée à son extradition du Portugal
aurait été entachée d'irrégularités, la communication doit être déclarée
irrecevable, au motif qu'elle est incompatible avec les dispositions du
Pacte, conformément à l'article 3 du Protocole facultatif, la question
de l'extradition étant en soi hors du champ d'application du Pacte.
4.4 Subsidiairement, l'État partie soutient que l'auteur n'a pas qualité
à se prétendre victime d'une violation au sens de l'article premier du
Protocole. Sur ce point, il explique que, si, devant les diverses juridictions
françaises, les procédures ont été entachées d'irrégularités liées à une
mauvaise interprétation de l'ordonnance d'extradition, ces irrégularités
ont été corrigées respectivement en février 1990, en juin 1990 et en février
1991. Il s'ensuit que, depuis cette dernière date, l'auteur n'a pas de
raisons de se plaindre d'une violation de ses droits au titre du Pacte
dans le contexte de la procédure d'extradition.
4.5 Enfin, l'État partie soutient que, s'agissant de la plainte de l'auteur
concernant l'arrêt de la cour d'assises de la Manche du 19 septembre 1989,
les recours internes n'ont pas été épuisés, car l'auteur n'a pas fourni
les moyens à l'appui de son pourvoi devant la Cour de cassation.
5.1 Dans ses observations, l'auteur rejette les arguments de l'État partie
et considère que sa communication doit être déclarée recevable, au moins
en ce qui concerne ses allégations de violation des paragraphes 3 et 4
de l'article 9 et des paragraphes 1 et 3 a) de l'article 14.
5.2 À ce propos, l'auteur fait valoir que ses plaintes auprès de la Commission
européenne diffèrent en fait sensiblement de celles qu'il a présentées
au Comité des droits de l'homme. Il fait remarquer que sa troisième plainte
à la Commission européenne (dossier No 21476/93) concerne exclusivement
une requête en confusion de peine, déposée auprès de la cour d'appel de
Paris, tendant à ce que les peines de prison qui lui ont été infligées
les 15 mars et 8 octobre 1991 soient confondues. La cour d'appel a rejeté
cette requête le 30 juin 1992, à tort, de l'avis de M. Trébutien. M. Trébutien
note que les termes employés par la Commission européenne dans sa décision
du 14 octobre 1993 renvoient spécifiquement à la décision de la Commission
du 14 octobre 1992 dans l'affaire No 19228/91; il affirme que cette (deuxième)
affaire n'a porté que sur la procédure à l'origine de sa condamnation,
le 8 octobre 1991, par la cour d'assises de Seine-et-Marne.
5.3 L'auteur explique en outre que sa requête initiale auprès de la Commission
européenne (dossier No 17215/90) concernait à la fois sa condamnation
pour évasion de prison par la cour d'appel de Caen (6 novembre 1989) et
sa condamnation, le 19 septembre 1989, par la cour d'assises de la Manche.
S'agissant de ces deux condamnations, il a invoqué des violations du paragraphe
1 de l'article 5 de la Convention européenne, faisant valoir le caractère
arbitraire de sa détention en raison du non-respect de certaines exigences
de forme dans la procédure d'extradition. Il soutient que l'affaire No
17215/90 n'est en rien liée à sa condamnation à huit ans de prison prononcée
par la cour d'assises de la Manche, le 15 mars 1991, pour évasion de prison,
et que ce sont les irrégularités qui ont entaché la procédure à l'origine
de cette dernière condamnation qui ont fondé sa communication "supplémentaire"
du 27 janvier 1992 au Comité des droits de l'homme.
5.4 En conclusion, l'auteur dit que si le Comité est saisi de "la
même question" que la Commission européenne, cela n'est le cas qu'en
ce qui concerne le caractère arbitraire de sa détention du mois de juillet
1988 au mois de septembre 1989, c'est-à-dire seulement en ce qui concerne
des allégations pouvant relever du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte.
Il affirme que ses autres prétentions au titre des paragraphes 3 et 4
de l'article 9 et des paragraphes 1 et 3 a) de l'article 14 ne constituent
pas "la même question" que celle déjà soulevée, car elles n'ont
pas été examinées en tant que telles par la Commission européenne des
droits de l'homme.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si cette communication est recevable en vertu
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité a pris note des arguments de l'État partie à propos du
paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole ainsi que des commentaires
de l'auteur à leur sujet. Il relève que, lors de la ratification du Protocole
facultatif, la France a fait la réserve ci-après au sujet de l'alinéa
a) du paragraphe 2 de l'article 5 :
"Le Comité ... ne sera pas compétent pour examiner une communication
émanant d'un particulier si la même question est en cours d'examen ou
a déjà été examinée par une autre instance internationale d'enquête ou
de règlement."
6.3 L'auteur a fait observer que, étant donné que la Commission européenne
des droits de l'homme n'avait pas examiné tous les griefs dont était saisi
le Comité des droits de l'homme, elle n'avait pas examiné "la même
question" au sens de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 5 du
Protocole facultatif. Le Comité estime que ce qu'il faut entendre par
"la même question" au sens de l'alinéa a) du paragraphe 2 de
l'article 5 du Protocole, en l'espèce, ce sont les faits et événements
qui ont constitué la base des requêtes introduites par l'auteur auprès
de la Commission européenne des droits de l'homme.
6.4 Même si la requête de l'auteur a été déclarée en tous points irrecevable,
fût-ce pour des motifs différents, en vertu de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle
a néanmoins été "examinée" par la Commission européenne. Le
Comité a établi que la requête présentée par l'auteur à cet organe se
fondait sur des circonstances et des faits identiques à ceux évoqués dans
la communication qu'il a présentée en vertu du Protocole facultatif se
rapportant au Pacte; le Comité est, dès lors, saisi de "la même question"
que la Commission européenne des droits de l'homme et n'est pas compétent
pour examiner la communication de l'auteur, compte tenu de la réserve
faite par la France au sujet de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article
5.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'alinéa a) du paragraphe
2 de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur
de la communication.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français.]
Note
a Cette situation est expliquée dans une décision de la première chambre
criminelle de la Cour d'appel de Paris, du 29 mai 1991, dans laquelle
il est précisé que les motifs d'inculpation retenus contre M. Trébutien
et ses complices n'ont pu leur être notifiés par les voies normales car
ils étaient en fuite. Dans une lettre adressée à l'auteur le 22 juillet
1991, le Ministère de la justice explique que la détention de l'auteur
entre le 11 juillet 1988 et le 19 septembre 1989 ne peut en aucun cas
être considérée comme arbitraire, compte tenu de l'existence du mandat
d'arrêt international décerné le 23 juin 1988.