Comité des droits de l'homme
Quarante-septième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-septième session -
Communication No 429/1990
Présentée par : E. W. et al. [noms supprimés]
Au nom de : Les auteurs
Etat partie : Pays-Bas
Date de la communication : 19 novembre 1990 (date de la communication
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 8 avril 1993,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. La communication émane de 6 588 citoyens néerlandais qui affirment
que le Gouvernement néerlandais a violé les droits qui leur sont reconnus
à l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
en acceptant que des missiles de croisière pourvus d'ogives nucléaires
soient déployés sur le territoire néerlandais. Les auteurs sont représentés
par un conseil.
Les faits présentés
2.1 Lors d'une réunion tenue à Bruxelles le 12 décembre 1979, les ministres
de la défense et des affaires étrangères des Etats membres de l'OTAN ont
décidé, dans le cadre d'un plan de modernisation des capacités nucléaires
de l'OTAN, de déployer 108 missiles Pershing II et 464 missiles de croisière
sur le territoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
et sur le continent. Le 1er juin 1984, les Pays-Bas ont accepté le déploiement
de 48 missiles de croisière sur leur territoire, dans une base militaire
située à proximité de la ville de Woensdrecht, si, au 1er novembre 1985,
les négociations entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique
n'avaient pas abouti à un accord sur la maîtrise des armements. Juridiquement,
le déploiement des missiles était autorisé par un Traité conclu entre
les Etats-Unis et les Pays-Bas le 4 novembre 1985. Les travaux ont commencé
le 26 avril 1986 et se sont achevés en novembre 1987.
2.2 Au milieu des années 80, l'Union soviétique et les Etats-Unis ont
repris les négociations sur la réduction de leurs arsenaux nucléaires.
Ces négociations ont abouti à la conclusion, le 8 décembre 1987, du Traité
sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Des missiles de croisière
avaient déjà été installés dans d'autres pays européens mais la signature
du Traité rendait inutile l'installation de missiles de croisière sur
la base de Woensdrecht. Il n'a donc pas été déployé de missiles de croisière
sur le territoire néerlandais.
2.3 Les missiles de croisière sont des armes offensives d'une puissance
de destruction de 150 à 200 kilotonnes de trinitrotoluène (TNT), qui étaient
conçues comme "armes antiforces" faisant partie intégrante de
la puissance de guerre de l'OTAN. Se fondant sur la documentation établie
par l'Organisation mondiale de la santé et l'armée des Etats-Unis, les
auteurs font valoir que le tir d'un seul missile de croisière causerait
la mort, par contamination radioactive, de 55 % de la population sur une
surface de 120 kilomètres carrés et de 100 % de la population sur une
surface de 90 kilomètres carrés.
2.4 Au début des années 80, des centaines de milliers de citoyens néerlandais
alarmés ont organisé des campagnes de protestation et des manifestations
populaires contre le déploiement des missiles de croisière. D'autres,
convaincus que la possession et l'emploi éventuel de missiles de croisière
constituaient une violation du droit interne ou du droit international,
voire des deux, ont demandé aux tribunaux d'en interdire le déploiement.
Une fondation pour l'interdiction des missiles de croisière (Strichting
Verbiedt de kruisraketten) a été créée et chargée de coordonner l'ensemble
des activités menées à cette fin; environ 20 000 personnes, dont les auteurs,
ont accepté d'être demandeurs à une action en justice intentée contre
le Gouvernement néerlandais.
2.5 L'affaire a d'abord été portée devant le tribunal de district (Arrondissementsrechtbank)
de La Haye qui, le 20 mai 1986, s'est déclaré incompétent. La Cour d'appel
de La Haye, dans son arrêt du 30 décembre 1987, a déclaré qu'il incombait
au parlement néerlandais et non aux tribunaux d'examiner les traités auxquels
les Pays-Bas étaient parties pour déterminer s'ils étaient conformes aux
obligations internationales de l'Etat. La Cour d'appel a donc présumé
que le traité sur la base duquel les missiles seraient déployés était
conforme au droit international, sans examiner la question plus avant.
La Cour suprême (Hoge Raad), dans son arrêt du 10 novembre 1989,
a rejeté le raisonnement de la Cour d'appel; après avoir examiné les arguments
des auteurs, elle a néanmoins conclu que ni le déploiement, ni l'utilisation
éventuelle de missiles de croisière, prévus dans le Traité, ne constituerait
une violation du droit international.
La plainte
3.1 Les auteurs affirment que la décision du Gouvernement néerlandais
d'accepter le déploiement des missiles de croisière constitue une violation
de l'article 6 du Pacte; selon eux, une base de missiles de croisière
est une cible pour toute armée ennemie et les auteurs pourraient être
placés dans la situation de complices d'un crime contre l'humanité en
cas d'emploi de tels missiles. Ils invoquent à cet égard la jurisprudence
de la Commission européenne des droits de l'homme relative à l'article
2 de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence
du Comité des droits de l'homme relative à l'article 6 du Pacte
et en déduisent que l'article 6 fait obligation aux Etats parties de protéger
activement la vie de leurs citoyens et de prévenir toutes menaces contre
leur vie.
3.2 Les auteurs invoquent en particulier l'observation générale 14[23]
que le Comité a adoptée au sujet de l'article 6 le 2 novembre 1984, dans
laquelle il déclare que "la conception ..., la mise à l'essai, la
fabrication, la possession et le déploiement d'armes nucléaires constituent
l'une des plus graves menaces contre le droit à la vie qui pèsent aujourd'hui
sur l'humanité ... La fabrication, la mise à l'essai, la possession, le
déploiement et l'utilisation d'armes nucléaires devraient être interdits
et qualifiés de crimes contre l'humanité." Les auteurs soutiennent
qu'en préparant effectivement le déploiement de missiles de croisière,
l'Etat partie n'a pas agi conformément à l'observation générale du Comité
et a donc violé l'article 6 du Pacte.
3.3 Les auteurs reconnaissent que cette observation revêt un caractère
général et qu'elle n'exprime pas l'opinion du Comité sur les plaintes
individuelles dont il est saisi en vertu du Protocole facultatif. Mais
ils jugent en revanche pertinent que le Comité, loin d'envisager uniquement
l'emploi effectif d'armes nucléaires, ait également considéré les phases
préparatoires de leur utilisation; or, en l'occurrence, ce sont les préparatifs
en vue du déploiement d'armes nucléaires et les moyens de les tenir prêtes
à l'emploi qui sont en cause.
3.4 Les auteurs soutiennent que l'expression "crime contre l'humanité"
employée dans l'observation générale doit être interprétée comme signifiant
que les Etats parties au Pacte sont tenus de faire tout ce qui est en
leur pouvoir pour éliminer les armes nucléaires. En prenant part à l'élaboration
de plans en vue de leur déploiement, ils se rendent coupables d'un crime
contre l'humanité. Les auteurs rappellent que cette notion tire son origine
du Statut du Tribunal militaire international ("Statut de Nuremberg")
qui, en son article 6 c), définit comme crimes contre l'humanité, l'assassinat,
l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre
acte inhumain commis contre toutes populations civiles. L'article 6 prévoit
in fine ce qui suit : "Les dirigeants, organisateurs, provocateurs
ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan
concerté ou d'un complot ... sont responsables de tous les actes accomplis
par toutes personnes en exécution de ce plan".
3.5 Les auteurs admettent que la violation de leurs droits a cessé avec
la signature, en décembre 1987, du Traité sur les armes nucléaires à portée
intermédiaire. Ils soutiennent toutefois que le Procotole facultatif ne
prévoit pas que la violation alléguée d'un droit doive nécessairement
avoir lieu au moment où la communication est présentée. Ils observent
à cet égard que l'Etat partie n'a jamais reconnu qu'il y avait eu une
telle violation; il n'a pas non plus pris de mesures pour y remédier.
Au contraire, le Gouvernement néerlandais continue d'autoriser la présence
d'armes nucléaires sur le territoire néerlandais et d'appuyer la stratégie
de l'OTAN qui envisage le recours à l'arme nucléaire en cas de conflit
armé.
3.6 Les auteurs soutiennent que le fait qu'en l'occurrence des milliers
d'individus se plaignent ensemble de violations de leurs droits ne donne
pas à la communication le caractère d'une action populaire, dans la mesure
où, de par sa nature, la violation alléguée a affecté tous les auteurs
simultanément. A cet égard, ils rappellent que dans ses constatations
relatives à la communication No 167/1984 , le Comité a estimé
que "rien ne s'oppose à ce qu'un groupe de personnes, s'estimant
victimes d'un même préjudice, soumette ensemble une communication alléguant
une atteinte à leurs droits".
3.7 Les auteurs affirment que le Gouvernement néerlandais les a placés
dans une situation où il existait un risque réel de violation du droit
qui leur est reconnu par l'article 6, ce qui, à leur avis, suffit pour
que le Comité conclue à une violation. Ils rappellent a cet égard les
arrêts rendus récemment par la Cour européenne des droits de l'homme
et la Cour suprême néerlandaise (Hode Raad) .,
dans lesquels il est dit que le simple fait de placer une personne dans
une situation où elle risque d'être exposée à un traitement cruel, inhumain
ou dégradant ou à la peine de mort constitue une violation des articles
2 et 3 de la Convention européenne.
3.8 Les auteurs font valoir qu'ils ont tous été menacés dans leur droit
à la vie dès qu'ont été commencés les travaux de transformation de la
base aérienne de Woensdrecht en base de missiles et, à fortiori, lorsque
la base a été prête à accueillir des missiles puisqu'on peut raisonnablement
supposer qu'elle avait alors été ajoutée à la liste des cibles éventuelles
d'attaques nucléaires dressée par le Haut Commandement du Pacte de Varsovie.
3.9 Hormis les griefs de violations passées de l'article 6, les auteurs
prétendent qu'ils continuent d'être victimes de telles violations du fait
de la présence ou du déploiement d'autres types d'armes nucléaires sur
le territoire néerlandais, à savoir les explosifs nucléaires dont dispose
la marine, l'artillerie nucléaire, les missiles "Lance" et les
armements placés à bord des chasseurs F-16 à capacité nucléaire. Tous
ces armements se trouvent dans des bases réparties dans tout le pays et,
de l'avis des auteurs, leurs caractéristiques sont les mêmes que celles
des missiles de croisière; en particulier, les missiles transportés à
bord de l'avion F-16 sont censés atteindre le même type de cibles que
celles contre lesquelles les missiles de croisière auraient été déployés.
3.10 L'affaire ayant fait l'objet d'un arrêt de la Cour suprême néerlandaise,
les auteurs affirment qu'ils ont épuisé tous les recours internes. Ils
déclarent que l'affaire n'a pas été portée devant une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement.
Observations de l'Etat partie et réponses des auteurs
4.1 Dans ses observations en date du 12 mars 1992, l'Etat partie soutient
que la communication est irrecevable, les auteurs ne pouvant être considérés
comme victimes d'une violation d'un droit énoncé dans le Pacte, au sens
de l'article premier du Protocole facultatif.
4.2 L'Etat partie fait valoir que, puisque les missiles de croisière
n'ont jamais été déployés, il n'y a pas eu risque de violation de l'article
6 du Pacte et que, par conséquent, les auteurs ne peuvent prétendre être
victimes d'une violation dudit article. Il soutient à cet égard qu'une
simple décision ne peut constituer une violation des droits de l'homme,
si elle n'est pas appliquée : on ne saurait prétendre qu'il y a eu violation
d'un droit de l'homme si l'acte censé être à l'origine de cette violation
n'a pas eu lieu.
4.3 L'Etat partie avance en outre que la communication a le caractère
d'une action populaire et est de ce fait irrecevable eu égard à l'article
premier du Protocole facultatif. Il affirme que le souci de tout citoyen
de ne pas être exposé aux représailles d'un ennemi en cas de conflit armé
ne suffit pas pour faire de lui une victime d'une violation de l'article
6 du Pacte. De plus, il soutient que l'argument des auteurs selon lequel
ils pourraient être appelés à participer d'une façon ou d'une autre au
déploiement ou à l'emploi des missiles de croisière est à rejeter comme
manquant de plausibilité.
4.4 L'Etat partie fait observer enfin que lors des procédures de recours
internes, seule la question de l'installation effective des 48 missiles
de croisière sur le territoire néerlandais était en cause. Il soutient
par conséquent que, dans la mesure où les auteurs affirment que le simple
fait d'accepter le déploiement des missiles de croisière est en soi une
violation de l'article 6 du Pacte ou que la présence d'armes nucléaires
quelles qu'elles soient sur le territoire néerlandais serait contraire
aux dispositions de l'article 6, les recours internes n'ont pas été épuisés.
5.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'Etat partie, le conseil
des auteurs soutient que la communication répond à tous les critères de
recevabilité énumérés dans le Protocole facultatif. Il fait une distinction
entre le grief relatif à l'installation de missiles de croisière à Woensdrecht
et celui relatif à la présence d'autres types d'armes nucléaires aux Pays-Bas.
Selon lui, le deuxième grief aussi devrait être jugé recevable bien que
les tribunaux néerlandais n'en aient pas été saisis. Il fait valoir que
l'arrêt rendu par la Cour suprême dans l'affaire des missiles de croisière
a un caractère général, qu'on ne peut s'attendre à ce qu'elle statue différemment
sur la légalité d'autres armes nucléaires et que, par conséquent, un recours
devant les tribunaux ne serait pas un recours utile au sens du paragraphe
2 de l'article 5 du Protocole facultatif.
5.2 Le Conseil des auteurs souligne en outre que la plainte ne vise pas
la décision de principe d'accepter le déploiement de missiles de croisière
mais l'application de cette décision et les préparatifs actifs en vue
du déploiement desdits missiles. Tel était également l'objet du recours
intenté au niveau national. Le Conseil affirme d'ailleurs que, même dans
le cas contraire, cette partie de la communication devrait quand même
être déclarée recevable, car rien ne permet de penser que la décision
des tribunaux sur les préparatifs en vue du déploiement serait différente
de celle rendue sur le déploiement lui-même; il en conclut qu'il n'existe
pas de recours interne utile.
5.3 Le conseil fait observer que la communication a été présentée au
nom de 6 588 personnes qui se prétendent toutes victimes d'une violation
de leurs droits par les Pays-Bas. Déclarer la communication irrecevable
en tant qu'action populaire parce qu'un grand nombre de personnes s'estiment
victimes d'un même préjudice reviendrait à priver d'effet le Pacte en
cas de violations à grande échelle de ses dispositions.
5.4 En ce qui concerne l'argument de l'Etat partie selon lequel les auteurs
ne sauraient être considérés comme victimes de la violation alléguée,
le conseil soutient que la question devrait être examinée au fond car
elle intéresse la portée et la teneur du Pacte. Il affirme à cet égard
que s'agissant de la violation alléguée de l'article 6 du Pacte, il n'y
a pas de différence notable entre les travaux effectués sur la base aérienne
de Woensdrecht en vue du déploiement des missiles de croisière et le déploiement
effectif de ces derniers. Il propose de communiquer éventuellement au
Comité des attestations des auteurs dans lesquelles ceux-ci expliquent
de quelle manière ils ont été individuellement affectés par la participation
de l'Etat partie au déploiement des missiles.
5.5 Le conseil des auteurs réaffirme que les effets du déploiement d'armes
nucléaires (ou des préparatifs en vue de leur déploiement) sont réels
et redoutables parce qu'ils font du site la cible d'éventuelles attaques
nucléaires. A ce propos, il soutient qu'un risque réel d'exposition à
un traitement qui serait contraire au Pacte peut en soi déjà constituer
une violation du Pacte. Selon lui, lorsqu'on interprète l'article 6 du
Pacte, il faudrait faire la différence entre les armes nucléaires et les
armes classiques. Les auteurs affirment qu'ils ne sont pas obligés d'accepter
le risque d'être exposés à la riposte d'un ennemi lorsque ce risque résulte
d'actes qui constituent en eux-mêmes une violation du droit international
et qu'en l'espèce ce risque donne lieu à une violation de l'article 6.
Leur conseil cite à cet égard la décision du Comité concernant la communication
No 35/1978 .
5.6 En réponse à l'argument de l'Etat partie selon lequel il est peu
plausible que les auteurs puissent, comme ils le prétendent, être appelés
à coopérer au déploiement ou à l'utilisation des missiles de croisière,
le conseil renvoie à l'article 97 de la Constitution néerlandaise qui
stipule que tout citoyen néerlandais peut être appelé à participer à la
sauvegarde de l'indépendance du Royaume et à la défense du territoire
national.
Délibérations du Comité et questions dont il est saisi
6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication est ou non recevable
en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Les auteurs affirment que les travaux entrepris par l'Etat partie
pour préparer le déploiement de missiles de croisière à Woensdrecht et
la présence sur le territoire néerlandais d'autres armes nucléaires portent
atteinte aux droits qui leur sont reconnus par l'article 6 du Pacte. Le
Comité rappelle à cet égard sa deuxième observation générale concernant
l'article 6 dans laquelle il a déclaré que "la conception, la mise
à l'essai, la fabrication, la possession et le déploiement d'armes nucléaires
constituent l'une des plus graves menaces contre le droit à la vie qui
pèsent aujourd'hui sur l'humanité" . Le Comité relève
par ailleurs que les procédures prévues dans le Protocole facultatif n'ont
pas été conçues pour donner l'occasion d'un débat public sur des sujets
d'intérêt général, comme le désarmement, ou les questions relatives aux
armements nucléaires et à d'autres armes de destruction massive.
6.3 Le Comité a examiné l'argument de l'Etat partie selon lequel la communication
constitue en fait une action populaire. Il observe que, sous réserve que
chacun des auteurs soit une victime au sens de l'article premier du Protocole
facultatif, il n'est pas interdit à un grand nombre de personnes d'engager
une action en application du Protocole facultatif. Le nombre élevé d'auteurs
ne suffit pas à transformer la communication en action populaire, et le
Comité conclut que la plainte ne saurait être rejetée pour ce motif.
6.4 Le Comité a ensuite recherché si les auteurs sont des victimes au
sens du Protocole facultatif. Toute personne qui se prétend victime de
la violation d'un droit protégé par le Pacte doit démontrer soit qu'un
Etat partie a, par action ou par omission, déjà porté atteinte à l'exercice
de son droit, soit qu'une telle atteinte est imminente, en se fondant
par exemple sur le droit en vigueur ou sur une décision ou pratique judiciaire
ou administrative. Il s'agit en l'espèce de savoir si les préparatifs
en vue du déploiement des armes nucléaires, ou leur déploiement effectif,
ont été cause pour les auteurs d'une violation effective ou imminente
de leur droit à la vie, violation propre à chacun. Le Comité constate
que les travaux qui ont été effectués du 1er juin 1984 au 8 décembre 1987
en vue du déploiement de missiles de croisière et la poursuite du déploiement
d'autres armements nucléaires aux Pays-Bas n'ont pas, à l'époque pertinente,
créé pour les auteurs une situation telle qu'ils puissent se prétendre
victimes d'une violation effective de leur droit à la vie ou d'une menace
imminente de violation de ce droit. Après examen approfondi des arguments
invoqués et des éléments d'information dont il dispose, le Comité conclut
donc que les auteurs ne peuvent prétendre être des victimes au sens de
l'article premier du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article premier
du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie, aux auteurs
et à leur conseil.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français]
Notes
Il est fait référence, entre autres, aux décisions du Comité concernant
les communications Nos 84/1981 (Dermit Barbato c. Uruguay, constatations
adoptées le 21 octobre 1982), 30/1978 (Bleier c. Uruguay, constatations
adoptées le 29 mars 1982), et 161/1983 (Herrera Rubio c. Colombie,
constatations adoptées le 2 novembre 1987).
Ominayak c. Canada, constatations adoptées le 26 mars 1990, par.
32.1.
Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, (Publications de
la Cour européenne des droits de l'homme, Série A : Arrêts et décisions,
vol. 161).
S. c. Pays-Bas, arrêt du 30 mars 1990
S. Aumeerruddy-Cziffra e.a. c. Maurice, constatations adoptées
le 9 avril 1981.
CCPR/C/21/Add.4, Observation générale 14 [23], par. 4.