Comité des droits de l'homme
Cinquante-deuxième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquante-deuxième session -
Communication No 437/1990
Présentée par : Renato Pereira
Au nom de : Benjamin Colamarco Patiño
Etat partie : Panama
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 21 octobre 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Renato Pereira, avocat panaméen né
en 1936 qui résidait à Paris au moment où la communication a été soumise.
Il agit au nom de M. Benjamin Colamarco Patiño, citoyen panaméen né en
1957, qui était détenu à la Modelo prison à Panama à la date à laquelle
la communication a été soumise. Il allègue que M. Colamarco a été victime
d'une violation, par le Panama, des articles 9 et 15 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. M. Pereira joint à sa lettre
une procuration écrite de l'épouse de M. Colamarco Patiño.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Benjamin Colamarco Patiño était l'un des commandants des "Batallones
de la Dignidad" panaméens, selon M. Pereira, une unité d'élite qui
a résisté à l'invasion du Panama par les forces américaines en décembre
1989 (opération "Juste Cause"). Sa résistance active a été confirmée
par le colonel américain D.T. qui commandait les opérations des forces
aériennes des Etats-Unis au cours de l'intervention. Le 10 janvier 1990,
M. Colamarco Patiño a, selon son représentant, été fait prisonnier par
les forces américaines et interné dans le camp du "Nuevo Emperador".
2.2 Lorsque le président George Bush a déclaré la fin des hostilités
avec le Panama, le 31 janvier 1990, la plupart des prisonniers de guerre
ont été libérés mais M. Colamarco Patiño a été transféré à la Modelo prison
à Panama et maintenu en détention. Il était accusé d'avoir commis certains
délits contre l'intégrité (territoriale) et l'ordre intérieur de la République
du Panama.
2.3 M. Pereira soutient que M. Colamarco a agi légitimement face à l'intervention
américaine. L'article 306 de la Constitution panaméenne fait d'ailleurs
obligation à tous les citoyens panaméens de défendre l'intégrité du territoire
panaméen et la souveraineté de l'Etat.
2.4 Pour ce qui est de la règle de l'épuisement des recours internes,
M. Pereira affirme, sans donner aucun autre détail, que M. Colamarco a
épuisé tous les recours internes disponibles, y compris en introduisant
une requête devant la Cour suprême du Panama, la plus haute instance judiciaire
du pays, pour obtenir une ordonnance d'habeas corpus.
2.5 Dans d'autres communications faites au cours des années 1992 et 1993,
M. Pereira faisait valoir, là encore sans donner d'autres détails, que
la Cour suprême du Panama avait elle-même reconnu que les faits imputés
à M. Colamarco et à ses coaccusés ne constituaient pas des délits pénaux
mais que son client n'en continuait pas moins à être détenu à la Modelo
prison. Au début de l'année 1993, il a indiqué que le procès de M. Colamarco
et de ses coaccusés devant le juge No 4 de la "Circuit Court"
de Panama (Juez Cuarto de lo Penal del Primero Circuito Judicial de Panama)
devait débuter le 19 mai 1993, et que son client n'était plus seulement
accusé d'atteinte à "l'ordre intérieur" de l'Etat mais aussi
de crimes contre l'humanité. Il s'élève contre le fait que les délits
imputés à son client aient pu être assimilés à des "crimes politiques".
Teneur de la plainte
3. L'auteur affirme que les faits exposés témoignent d'une violation,
par le Panama, des articles 9 et 15 du Pacte.
Renseignements et informations communiqués par l'Etat partie
4.1 Dans ses observations au titre de l'article 91 du règlement intérieur,
l'Etat partie indique que le procès de M. Colamarco et de ses trois coaccusés
a commencé comme prévu le 19 mai 1993. M. Colamarco a été représenté,
tant au cours de l'instruction que durant le procès, par un avocat de
son choix. Le 4 juin 1993, le juge de la Circuit Court a jugé M. Colamarco
et ses coaccusés coupables d'atteintes contre l'ordre intérieur de l'Etat.
Ils ont été condamnés à 44 mois et 10 jours d'emprisonnement et interdits
d'exercer toute fonction publique pendant la même durée à compter de la
date à laquelle ils auraient achevé de purger leur peine. Tous quatre
ont été acquittés de l'accusation de crimes contre l'humanité.
4.2 La décision du tribunal a été notifiée à M. Colamarco. Bien que son
représentant ait initialement fait appel de la sentence, il a retiré cet
appel par la suite.
4.3 L'Etat partie conclut qu'en février 1994, l'affaire était classée
: le temps passé par M. Colamarco en détention préventive étant venu en
soustraction de la peine de prison qui lui avait été imposée, il avait
été libéré et aucune charge ne pesait plus contre lui.
Délibérations du Comité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 S'agissant de la référence au paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte,
le Comité note tout d'abord que l'auteur se fonde, pour démontrer le caractère
arbitraire de l'arrestation et de la détention de M. Colamarco, sur l'innocence
présumée de celui-ci. Or rien dans le dossier ne montre que M. Colamarco
n'a pas été placé en détention pour des chefs d'accusation précis (voir
le paragraphe 2.2 ci-dessus) en attendant qu'un tribunal se prononce sur
son innocence ou sa culpabilité, et qu'il n'a pas été dûment inculpé.
Quoi qu'il en soit, le Comité note que le conseil de M. Colamarco, qui
avait initialement fait appel du jugement du 4 juin 1993 rendu contre
son client, a ensuite retiré cet appel, qui avait permis de traiter ces
questions. En vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif,
un requérant est tenu de faire usage de tous les recours judiciaires ou
administratifs lui offrant des perspectives raisonnables d'obtenir réparation.
Le conseil de M. Colamarco ne l'a pas fait et il apparaît donc que tous
les recours internes disponibles n'ont pas été épuisés en l'espèce.
6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable en vertu de l'article 5, paragraphe
2 b), du Protocole facultatif;
b) que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur
de la communication.
[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol et en français.
Doit être publié ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans
le rapport du Comité à l'Assemblée générale.]