Comité des droits de l'homme
Cinquante-deuxième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquante-deuxième session -
Communication No 438/1990
Présentée par : Renato Pereira
Au nom de : Enrique Thompson
Etat partie : Panama
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 21 octobre 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Renato Pereira, avocat panaméen qui
résidait à Paris au moment où la communication a été soumise. Il agit
au nom de M. Enrique Thompson, citoyen panaméen et architecte de profession,
qui était détenu à la prison Modelo de Panama à la date à laquelle la
communication a été soumise. Il allègue que M. Thompson est victime d'une
violation, par le Panama, des articles 9, paragraphes 1 et 2, et 15, paragraphe
1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. M.
Pereira joint à sa communication une procuration de l'épouse de M. Thompson.
Exposé des faits présentés par l'auteur
2.1 M. Thompson était l'un des principaux membres des "Batallones
de la Dignidad" panaméens, selon M. Pereira une unité d'élite qui
a résisté à l'intervention des forces américaines au Panama en décembre
1989 (Opération "Juste Cause"). Sa résistance active a été confirmée
par le colonel américain D.T. qui commandait les opérations des forces
aériennes des Etats-Unis au cours de cette intervention. Le 10 janvier
1990, M. Thompson a été, selon son représentant, fait prisonnier par les
forces américaines et interné au camp du "Nuevo Emperador".
2.2 Lorsque le président George Bush a déclaré la fin des hostilités
avec le Panama le 31 janvier 1990, la plupart des prisonniers de guerre
ont été libérés mais M. Thompson a été transféré à la prison Modelo de
la ville de Panama et maintenu en détention. Il a été accusé de délits
contre l'intégrité (territoriale) et l'ordre intérieur de la République
de Panama.
2.3 L'auteur soutient que M. Thompson a agi légitimement face à l'intervention
américaine. L'article 306 de la Constitution panaméenne fait d'ailleurs
obligation à tous les citoyens panaméens de défendre l'intégrité du territoire
panaméen et la souveraineté de l'Etat.
2.4 L'auteur déclare, sans donner d'autres détails, que tous les recours
internes disponibles en l'espèce ont été épuisés.
2.5 Dans d'autres communications présentées au cours des années 1992
et 1993, M. Pereira a fait observer, là encore sans donner aucune précision,
que bien que la Cour suprême du Panama ait elle-même reconnu que les faits
imputés à M. Thompson et à ses coaccusés ne constituaient pas des délits
pénaux, son client continuait à être détenu à la prison Modelo. Au début
de l'année 1993, il a indiqué que le procès de M. Thompson et de ses coaccusés
devait débuter le 19 mai 1993 devant le juge No 4 du tribunal de district
de la ville de Panama (Juez Cuarto de lo Penal del Primero Circuito Judicial
de Panamá) et que son client n'était plus seulement accusé d'atteinte
à l'ordre intérieur de l'Etat mais aussi de crimes contre l'humanité.
Il s'élève contre le fait que les délits imputés à M. Thompson soient
qualifiés de "crimes politiques".
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur soutient que M. Thompson est victime d'une violation des
articles 9, paragraphes 1 et 2, et 15, paragraphe 1, du Pacte. Il affirme
que la détention de M. Thompson est arbitraire car celui-ci n'aurait commis
aucun délit punissable et n'a pas été informé des raisons de sa détention
ou des accusations portées contre lui. Il y aurait eu notamment violation
de l'article 15 car aucun des actes imputés à M. Thompson ne constituait
un délit pénal au moment des faits.
Renseignements et observations communiqués par l'Etat partie
4.1 Dans ses observations au titre de l'article 91 du règlement intérieur,
l'Etat partie indique que le procès de M. Thompson et de trois coaccusés
a débuté comme prévu le 19 mai 1993. M. Thompson a été représenté pendant
tout le procès par un conseil de son choix. Le 4 juin 1993, le juge du
tribunal de district a déclaré M. Thompson et ses coaccusés coupables
d'atteinte à l'ordre intérieur de l'Etat et les a condamnés à 44 mois
et dix jours d'emprisonnement; il leur a en outre été interdit d'exercer
toute fonction publique pendant la même durée, à compter de la date à
laquelle ils auraient achevé de purger leur peine de prison. Aucun des
accusés n'a été reconnu coupable de crime contre l'humanité.
4.2 La décision du tribunal a été notifiée à M. Thompson et à son représentant.
Bien que son avocat ait initialement fait appel de la sentence, il a retiré
cet appel par la suite.
4.3 L'Etat partie conclut qu'en février 1994 l'affaire était classée,
étant donné que le temps que M. Thompson avait passé en détention provisoire
avait été déduit de la peine de prison qui lui avait été imposée. Il avait
donc été libéré et aucune autre charge ne pesait plus contre lui.
Délibérations du Comité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 S'agissant des plaintes au titre des paragraphes 1 et 2 de l'article
9 du Pacte, le Comité note tout d'abord que l'auteur se fonde, pour démontrer
le caractère arbitraire de l'arrestation et de la détention de M. Thompson,
sur l'innocence présumée de celui-ci. Or, rien dans le dossier n'indique
que des charges précises n'ont pas été retenues contre M. Thompson (voir
par. 2.2 ci-dessus) qui motivaient sa détention en attendant qu'un tribunal
ait statué sur sa culpabilité ou son innocence, ni qu'il n'a pas été dûment
inculpé. Quoi qu'il en soit, le Comité note que le conseil de M. Thompson,
après avoir initialement fait appel de la sentence du 4 juin 1993 prononcée
contre son client, a retiré par la suite cet appel qui aurait permis de
traiter ces questions. En vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole
facultatif, l'auteur d'une plainte doit faire usage de tous les recours
judiciaires ou administratifs lui offrant des chances raisonnables d'obtenir
réparation. Le conseil de M. Thompson ne l'a pas fait et tous les recours
internes disponibles n'ont donc pas été épuisés en l'espèce.
6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 5, paragraphe
2 b), du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur
de la communication.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français. Doit aussi être publié ultérieurement en arabe, en chinois
et en russe, dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]