Comité des droits de l'homme
Quarante-huitième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-huitième session -
Communication No 450/1991
Présentée par : I. P. (nom supprimé)
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Finlande
Date de la communication : 30 juillet 1990 (date de la lettre
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 26 juillet 1993,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est I. P., citoyen finlandais, né en
1945, domicilié actuellement à Naarajärvi (Finlande). Il affirme être
victime de violations, par la Finlande, des articles 2, 5, 14 et 17 du
Pacte.
Les faits présentés
2.1 En 1979, l'auteur a fondé une société de traitement de données, tout
en continuant à travailler comme employé d'une autre société jusqu'en
1983, année où il s'est établi à son compte. En novembre 1985, les comptes
de deux sociétés, H. K. et N. O., avec lesquelles l'auteur avait conclu
des contrats commerciaux ont fait l'objet de vérifications; l'auteur était
employé par l'une de ces sociétés avant de fonder sa propre entreprise.
Le 27 juin 1986, le Service fiscal de la province a ordonné aux deux sociétés
de payer des impôts et des cotisations de sécurité sociale sur le salaire
de l'auteur, la vérification ayant fait apparaître que l'auteur travaillait
avec ces sociétés en tant qu'employé et non en tant qu'associé. D'après
l'auteur, les inspecteurs des impôts ont indiqué à tort aux deux sociétés
qu'il avait un arriéré de trois ans dans le paiement de ses impôts.
2.2 Par la suite, les deux sociétés ont déduit les sommes qu'elles avaient
versées à titre d'impôts du montant qu'elles devaient à l'auteur, lui
causant de grosses difficultés financières qui compromettaient l'avenir
de son entreprise. L'auteur a alors adressé une lettre au Service fiscal,
lui demandant d'annuler sa décision du 27 juin 1986. Le Service a traité
la lettre comme une réclamation et l'a transmise au tribunal administratif
local. En décembre 1986, le tribunal a rendu une ordonnance de non-lieu
: l'auteur n'était pas habilité à faire appel car la décision concernait
les sociétés H. K. et N. O. et non lui-même.
2.3 En mai 1987, l'auteur a intenté une action civile contre les deux
sociétés pour recouvrer les sommes qu'elles lui devaient. Il a été débouté
par le tribunal de district de Pieksämäki en juillet 1987. En avril 1989,
la cour d'appel a enjoint aux sociétés de payer à l'auteur l'intégralité
de leur dette : les sociétés ont bien payé l'auteur, mais déduction faite
d'un certain pourcentage. L'auteur a alors porté plainte devant la cour
d'appel de la Finlande orientale, afin de toucher ce pourcentage.
2.4 Le 3 septembre 1987, l'auteur a déposé une plainte en diffamation
contre les inspecteurs du fisc, alléguant qu'ils avaient divulgué aux
deux sociétés des informations fallacieuses sur son compte. En décembre
1987, il a été informé que l'enquête était suspendue. L'auteur s'est alors
adressé au Médiateur parlementaire, qui a conclu, en septembre 1989, qu'il
n'existait pas de preuve de décision erronée de la part des inspecteurs.
2.5 En avril 1988, l'auteur a appris qu'il faisait l'objet d'une enquête
de police pour dénonciation calomnieuse. A la fin de l'année, il a été
informé que l'enquête était abandonnée. A son tour, l'auteur a déposé,
en octobre 1988, une demande de poursuites pénales contre le chef adjoint
de la police rurale pour dénonciation calomnieuse, mais le Procureur du
comté a décidé de ne pas engager de poursuite, faute de preuves; l'auteur
a été avisé de cette décision en juillet 1989.
2.6 L'auteur a aussi des griefs contre le Comité des impôts et le Comité
d'appel pour les questions fiscales, griefs qui découlent d'un désaccord
sur la contribution qui lui était réclamée pour l'exercice 1986. Il a
déposé auprès de la police une plainte au pénal contre l'inspecteur du
Service rural des impôts, pour contrefaçon de pièces de son dossier. Le
Procureur de la République a refusé d'engager des poursuites, au motif
qu'il n'y avait pas de preuve attestant qu'un délit eût été commis.
2.7 En novembre 1989, l'auteur a demandé au Procureur de la cour d'appel
de la Finlande orientale d'ouvrir une enquête au pénal contre l'administration
fiscale. Le 3 avril 1990, le Procureur a informé l'auteur qu'à la suite
d'une enquête préliminaire, il avait décidé de ne pas engager de poursuites.
2.8 En février 1990, l'auteur a demandé à la Directrice du Service fiscal
local de prendre des mesures contre les employés de son service, qui auraient
fait preuve de négligence dans le traitement de son affaire. Là encore,
il s'est vu opposer une fin de non-recevoir. L'auteur a alors déposé une
réclamation auprès du tribunal administratif local; il a en outre prié
le Directeur général du Comité national des impôts d'ordonner à la Directrice
du Service fiscal de répondre à ses lettres et de réparer les erreurs
commises. Le Directeur général n'a pas répondu à cette demande. En mai
1990, le tribunal administratif local a confirmé la décision du Service
fiscal local de ne pas ouvrir d'enquête.
La plainte
3. L'auteur affirme être victime d'une violation de l'article 17 du Pacte,
étant donné que les inspecteurs des impôts ont divulgué à des tiers des
renseignements confidentiels concernant le paiement de ses contributions.
Il soutient que ces renseignements étaient erronés et que les services
fiscaux ne lui ont pas permis d'apporter les corrections nécessaires et
ne l'ont pas fait eux-mêmes. Il affirme aussi être victime d'une violation
de l'article 14, pour ce qui est de déterminer son statut d'employé, les
décisions touchant ses droits et obligations ayant été prises sans qu'il
ait été appelé à connaître et sans qu'il ait eu la possibilité de faire
appel.
Observations de l'Etat partie et réponse de l'auteur
4.1 Dans ses observations datées du 14 octobre 1991, l'Etat partie fait
valoir que la communication est irrecevable pour cause de non-épuisement
des recours internes et d'incompatibilité avec les dispositions du Pacte.
4.2 En ce qui concerne la plainte de l'auteur en vertu de l'article 17
du Pacte, l'Etat partie reconnaît que l'intéressé a déposé une plainte
auprès de la police contre les inspecteurs des impôts, mais il ajoute
que l'auteur n'a pas usé du droit que lui donnait la Constitution d'intenter
une action civile contre les fonctionnaires en cause. L'Etat précise que
dans des affaires analogues, ce recours a débouché sur l'ouverture de
poursuites effectives contre des fonctionnaires.
4.3 L'Etat partie affirme que la divulgation de renseignements par le
Service des impôts était fondée sur un règlement parfaitement légal et
qu'elle était nécessaire pour calculer l'impôt des deux sociétés en cause.
Il fait valoir que l'auteur n'a pas apporté la preuve que cette divulgation
violait ses droits en vertu de l'article 17 du Pacte.
4.4 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle il serait
victime d'une violation de l'article 14 pour n'avoir pas été appelé à
comparaître au cours de la procédure administrative, l'Etat partie fait
valoir que la décision du Service des impôts d'ordonner aux employeurs
de l'intéressé de payer des impôts n'avait aucun effet sur la position
de celui-ci vis-à-vis de la loi. Il fait valoir aussi que si le Service
des impôts avait décidé, en recevant la déclaration de revenus de l'auteur
pour l'exercice fiscal 1985, qu'il était un salarié et non un travailleur
indépendant, la décision aurait pu faire l'objet d'un recours auprès du
tribunal administratif local. Or, selon l'Etat partie, l'auteur n'a pas
rempli de déclaration pour les exercices 1985, 1986 et 1987, mais seulement
pour 1983 et 1984.
4.5 L'Etat partie fait valoir enfin que le prélèvement d'un impôt ou
les questions de fiscalité en général ne préjugent pas des droits et obligations
dans une action civile.
5. Le 17 décembre 1991, l'auteur a informé le Comité qu'il avait l'intention
de lui communiquer, d'ici à janvier 1992, ses commentaires sur la communication
de l'Etat partie. Mais aucun commentaire n'a été reçu, malgré un rappel
envoyé le 19 juin 1992.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication est ou non recevable
en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité traite d'abord de la plainte de l'auteur relative à l'article
14. Il constate que la question de savoir si les questions de fiscalité
constituent ou non des "droits et obligations dans une action civile"
n'a pas à être tranchée car, en tout état de cause, l'auteur ne s'est
pas vu dénier le droit de contester la décision du Service fiscal devant
un tribunal indépendant. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle
l'auteur n'a pas pu faire appel, même à supposer que ces questions entrent
dans le champ d'application de l'article 14 ratione materiae, le
droit d'appel se rapporte à une infraction pénale, ce qui n'est pas le
cas en l'espèce. Cette partie de la communication est donc irrecevable
en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
6.3 En ce qui concerne l'argument selon lequel la divulgation par les
inspecteurs des impôts de renseignements concernant le paiement de contributions
par l'auteur constitue une violation de l'article 17 du Pacte, le Comité
relève que l'Etat partie a indiqué qu'il existait des recours internes
que l'auteur avait encore la possibilité d'exercer. Le Comité relève aussi
que selon l'Etat partie, la divulgation des renseignements était fondée
sur des règlements valables et était nécessaire au calcul de l'impôt des
sociétés H. K. et N. O. Le Comité fait observer que l'article 17 protège
tout individu contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie
privée et contre les "atteintes illégales à son honneur et à sa réputation".
Après avoir examiné soigneusement le dossier dont il était saisi, le Comité
estime que l'auteur n'a pas apporté la preuve, pour justifier une décision
de recevabilité, qu'il avait bien été victime d'une immixtion arbitraire
et illégale dans sa vie privée, ni que la divulgation d'informations par
les inspecteurs des impôts pouvait constituer une atteinte illégale à
son honneur et à sa réputation. Ces parties de la communication sont donc
irrecevables en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3
du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur
de la communication.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français.]