Comité des droits de l'homme
Cinquante-et-unième session
ANNEXE*
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquante-et-unième session -
Communication No 471/1992
Présentée par : Theophilus Barry [nom supprimé] (représenté par
un conseil)
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Trinité-et-Tobago
Date de la communication : 29 septembre 1991
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 18 juillet 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Theophilus Barry, citoyen trinidadien,
actuellement détenu à la prison d'Etat de Port-of-Spain (Trinité-et-Tobago).
L'auteur n'invoque pas le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, mais il ressort de ses déclarations qu'il serait victime
d'une violation, par la Trinité-et-Tobago, de l'article 14 du Pacte. Il
est représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été arrêté le 3 avril 1980 et inculpé du meurtre de C.A.,
qui avait été commis le même jour dans un club de loisirs. Il a été traduit
devant un magistrat instructeur le 6 avril. L'audience préliminaire a
eu lieu en juillet 1980. L'auteur a été jugé par la cour d'assises de
Port-of-Spain. Le 17 juillet 1981, il a été déclaré coupable et condamné
à mort. La cour d'appel de la Trinité-et-Tobago l'a débouté de son appel
le 8 février 1983. La demande d'autorisation spéciale de recours qu'il
avait par la suite soumise à la section judiciaire du Conseil privé a
été rejetée en février 1985.
2.2 En mars 1985, l'auteur a formé un recours devant le conseil consultatif
trinidadien des grâces, dont il n'a reçu aucune réponse. Il lui a été
donné lecture de l'ordre d'exécution - laquelle était prévue pour le 10
juillet 1986 - moins de 24 heures avant la date à laquelle l'exécution
devait avoir lieu. L'avocat chargé de défendre l'auteur au titre de l'aide
judiciaire, à la Trinité-et-Tobago, a obtenu un sursis à l'exécution et
formé un recours fondé sur la Constitution au nom de son client. On ignore
si ce recours a été examiné. Le 4 janvier 1994, l'auteur a été informé
que la peine capitale avait été commuée en réclusion à perpétuité sur
ordre du Président de la Trinité-et-Tobago, à la suite des conclusions
auxquelles était arrivée la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire
Earl Pratt et Ivan Morgan c. Procureur général de la Jamaïque
/ Recours No 10 de 1993 formé auprès du Conseil privé; arrêt
rendu le 2 novembre 1993./.
2.3 La thèse de l'accusation est la suivante : dans la nuit du 2 avril
1980, C.A. et l'auteur se trouvaient au club de loisirs. C.A. avait quitté
le club vers 4 heures du matin mais y était retourné vers 6 heures et
s'était rendu dans une pièce séparée. On avait vu l'auteur, qui se trouvait
toujours au club, entrer dans cette pièce en compagnie d'une femme qui
lui avait montré C.A. du doigt. L'auteur et la femme avaient ensuite quitté
le club. Une trentaine de minutes plus tard, l'auteur était revenu au
club, s'était rendu dans la pièce où C.A. dormait à présent, à même le
sol, et lui avait porté un coup de couteau à la poitrine. Une personne
avait été témoin de cet acte. Plusieurs autres témoins avaient affirmé
que, lorsque l'auteur était sorti de la pièce, un couteau taché de sang
à la main, il avait fait certaines remarques d'où l'on pouvait déduire
qu'il avait poignardé C.A. L'accusation invoque également une déposition
compromettante que l'auteur aurait faite à la police dans la matinée du
3 avril 1980. Après un interrogatoire préliminaire (procédure de voir
dire), cette déposition a été retenue comme élément de preuve.
2.4 Pendant le procès, l'auteur a affirmé qu'il avait été volé par C.A.,
qu'une femme avait assisté à la scène et que, sur les conseils de cette
femme, il s'était rendu au commissariat de police le plus proche pour
signaler l'incident. Il était ensuite revenu au club et avait dit à C.A.
qu'il l'avait dénoncé à la police. C.A. l'avait alors attaqué avec un
couteau et avait trouvé la mort dans la rixe qui avait suivi. L'auteur
a en outre affirmé que l'enquêteur l'avait contraint à signer des aveux.
La défense n'a cité aucun témoin à décharge.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur prétend que son procès s'est déroulé dans des conditions
inéquitables, en violation de l'article 14 du Pacte. Il affirme à cet
égard que l'avocat initialement commis pour le défendre ne s'est pas présenté
devant la cour d'assises. Un autre avocat a alors été chargé de le représenter.
L'auteur affirme que, bien qu'il ait donné des instructions à son avocat,
celui-ci n'en a pas tenu compte et n'a pas relevé les nombreuses contradictions
contenues dans les témoignages des témoins à charge.
3.2 L'auteur affirme en outre que, au tribunal, l'enquêteur a indiqué
lors de sa déposition qu'il avait inculpé l'auteur dans la matinée du
3 avril 1980, alors que les résultats de l'autopsie effectuée par le médecin
légiste n'avaient été connus que dans l'après-midi du même jour. L'auteur
pose qu'il était illégal de l'inculper avant que le résultat de l'autopsie
ne soit connu. En outre, il affirme que la personne qui a procédé à l'autopsie
n'était pas un pathologiste qualifié et que son diagnostic n'était donc
pas fiable. Il se plaint qu'aucun rapport scientifique (sur les traces
de sang ou les empreintes laissées sur le couteau) n'ait été produit devant
le tribunal et que l'arme avec laquelle l'enquêteur l'aurait menacé et
obligé à signer sa déclaration n'ait pas non plus été produite.
3.3 L'auteur estime que le juge n'aurait pas dû laisser le procès se
poursuivre, à cause de la non-concordance des témoignages et parce qu'il
était clair que l'avocat ne représentait pas correctement son client.
Il ajoute qu'il voudrait présenter des preuves à l'appui de ses dires
mais qu'il se heurte depuis 1983 à des difficultés pour obtenir les documents
judiciaires pertinents. Les nombreuses demandes formulées pour obtenir
ces documents auprès du cabinet du Ministre de la justice, du greffe de
la Cour d'assises, de la Cour d'appel et de ses propres avocats sont restées
sans réponse.
Observations de l'Etat partie et commentaires de l'auteur
4. Dans une communication datée du 27 juillet 1992, l'Etat partie confirme
que l'auteur a épuisé les recours internes en ce qui concerne son affaire
pénale et ajoute qu'un recours constitutionnel a été formé en sa faveur.
5. Dans des communications suivantes, l'auteur réitère son grief, à savoir
que les autorités judiciaires de la Trinité-et-Tobago ne lui ont pas fourni
les documents judiciaires pertinents aux fins de sa communication au Comité
des droits de l'homme. En outre, dans deux lettres datées respectivement
du 27 mai 1993 et du 7 juillet 1993, le conseil de l'auteur à Londres,
qui représente l'auteur devant le Comité, affirme que toutes les démarches
qu'elle a entreprises auprès des autorités compétentes et des avocats
d'office de l'auteur à la Trinité-et-Tobago pour obtenir ces documents
sont restées sans effet. Le conseil indique que, sans lesdits documents,
elle n'est pas en mesure de représenter M. Barry.
6. Sous le couvert d'une note verbale datée du 2 juillet 1993, l'Etat
partie a transmis une copie de l'arrêt rendu par la Cour d'appel dans
l'affaire Theophilus Barry.
Délibérations du Comité
7.1 Avant d'examiner une plainte présentée dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en
vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
7.2 Le Comité note que l'Etat partie ne conteste pas la recevabilité
de la communication. Toutefois, il incombe au Comité de s'assurer que
la communication remplit toutes les conditions requises par le Protocole
facultatif pour être recevable.
7.3 Le Comité estime que les allégations de l'auteur, selon lesquelles
il n'aurait pas été représenté convenablement à son procès et qu'en conséquence
celui-ci ne se serait pas déroulé dans des conditions équitables, n'ont
pas été étayées aux fins de la recevabilité. L'auteur n'a pas indiqué
quelles instructions il aurait aimé voir son avocat suivre, ou sur quels
points l'avocat n'avait pas procédé à l'audition contradictoire des témoins
à charge. Ses affirmations gardent un caractère de généralité. Cette partie
de la communication est donc irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif.
7.4 Le Comité fait en outre observer que les autres allégations de l'auteur
ont toutes trait à l'évaluation des faits et des preuves par le juge de
première instance. Il rappelle que c'est en général aux cours d'appel
des Etats parties au Pacte qu'il appartient d'évaluer les faits et les
preuves concernant une affaire donnée. Il n'incombe pas, en principe,
au Comité de réexaminer les faits et les preuves produites devant les
tribunaux internes et évalués par ces mêmes tribunaux, sauf s'il peut
être établi que le procès a été mené d'une manière arbitraire, que la
procédure a été entachée d'irrégularités qui équivalent à un déni de justice
ou que le juge a manqué à son obligation d'impartialité. Après avoir examiné
les documents qui lui ont été soumis, le Comité estime que le procès ne
présente pas de telles irrégularités. Cette partie de la communication
est donc irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
8. En conséquence le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3
du Protocole facultatif;
b) que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie, à l'auteur
et à son conseil.
[Fait en anglais (version originale), et traduit en espagnol et en français.
Sera également publié par la suite en arabe, chinois et russe dans le
rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]