Comité des droits de l'homme
Cinquantième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquantième session -
Communication No 475/1991
Présentée par : S. B. [nom supprimé] (représenté par un conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie : Nouvelle-Zélande
Date de la communication : 3 septembre 1991
Le Comité des droits de l'homme, institué par l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 31 mars 1994,
Adopte la décision ci-après :
1. L'auteur de la communication est S. B., citoyen britannique, résidant
actuellement à Paraparauma Beach (Nouvelle-Zélande). Il affirme être
victime d'une violation de l'article 26 du Pacte par la Nouvelle-Zélande
et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. Il est représenté
par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la
Nouvelle-Zélande le 26 août 1989. Le Royaume-Uni n'étant pas partie
au Protocole facultatif, la communication, pour autant qu'elle a trait
à ce pays, n'est pas recevable au regard de l'article premier du Protocole
facultatif.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur est né en 1911 et a cotisé au régime de sécurité sociale
britannique à partir de l'âge de 16 ans. En 1971, il est allé s'installer
à l'île de Jersey où il avait trouvé emploi. À partir de 1976, alors
qu'il résidait encore à Jersey, il a perçu la pension britannique complète,
indexée en fonction de l'inflation, ainsi que 18 % de la pension de
retraite complète de Jersey.
2.2 En septembre 1987, l'auteur a émigré en Nouvelle-Zélande pour vivre
avec ses enfants. L'administration britannique de la santé et de la
sécurité sociale lui a alors fait savoir que tant qu'il résiderait en
Nouvelle-Zélande, il pourrait continuer à percevoir l'intégralité de
la pension britannique telle que son montant s'établissait à ce moment-là,
mais qu'il ne pourrait plus désormais bénéficier de l'indexation sur
l'inflation nationale.
2.3 À compter du 29 septembre 1987, l'auteur s'est vu octroyer, sur
sa demande, une pension nationale néo-zélandaise (superannuation).
Conformément à une convention sur la sécurité sociale conclue entre
le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, la pension nationale néo-zélandaise
a été calculée pour la période allant du 29 septembre 1987 au 19 janvier
1988 à un taux réduit pour tenir compte de la pension britannique perçue
par l'auteur. Par la suite, la pension de retraite britannique n'a plus
été versée, au motif que l'auteur recevait l'intégralité de la pension
néo-zélandaise.
2.4 Le 23 mars 1988, l'auteur a été informé que le montant de la pension
de retraite qu'il recevait de Jersey devait être déduit de sa pension
nationale en application de l'article 70 1) de la loi néo-zélandaise
sur la sécurité sociale (Social Security Act). Cet article dispose
qu'une prestation néo-zélandaise doit être réduite du montant de toute
pension versée à l'étranger dans le cadre d'un régime assurant prestations,
pensions ou allocations périodiques pour l'une quelconque des situations
pour lesquelles des prestations, pensions ou allocations peuvent être
accordées au titre de la partie pertinente de ladite loi, à la condition
que le régime en question soit administré par le gouvernement du pays
intéressé ou en son nom. Comme l'auteur avait bénéficié d'un trop-perçu
pour la période du 29 septembre 1987 au 15 mars 1988, il était prié
de rembourser la somme de 603,09 dollars néo-zélandais.
2.5 Le 14 avril 1988, la fille de l'auteur a demandé, au nom de son
père, la révision de la décision. Elle faisait valoir que la pension
de Jersey, qui était liée à un emploi, n'était pas comparable aux pensions
britannique et néo-zélandaise, et qu'en outre Jersey ne faisait pas
techniquement partie du Royaume-Uni et n'avait pas conclu d'accord de
réciprocité avec la Nouvelle-Zélande. La demande de révision a été rejetée
le 30 novembre 1988 par la Commission de révision du district de Porirnu,
qui a estimé que la décision de déduire de la pension néo-zélandaise
de S. B. le montant de la pension qu'il recevait de Jersey était correcte,
eu égard à l'article 70 1) de la loi sur la sécurité sociale.
2.6 Le cas de l'auteur a alors été porté devant l'Autorité d'appel
de la sécurité sociale. Celle-ci a estimé que l'auteur n'avait pas avancé
de raisons justifiant que la pension versée par Jersey soit exemptée
des dispositions de l'article 70 1) de la loi et elle a rejeté l'appel.
Elle a néanmoins décidé d'annuler l'obligation de remboursement des
603,09 dollars néo-zélandais perçus en trop, considérant qu'il serait
inéquitable, étant donné l'âge de l'auteur, le profond sentiment d'injustice
qu'il éprouvait et la manière dont la situation semblait avoir affecté
sa santé, de demander ce remboursement.
2.7 Ayant été débouté de son appel, l'auteur a essayé de trouver une
solution par d'autres moyens. Le 13 juillet 1988, il a écrit à l'Ombudsman,
qui lui a répondu, le 1er août 1988, qu'il était dans l'impossibilité
de mener une enquête parce que d'autres voies de recours restaient ouvertes
à l'auteur. Celui-ci s'est également adressé à une émission de la télévision
néo-zélandaise, "Fair Go", qui a fait suivre la plainte
au Ministre de la protection sociale. Par des lettres datées des 28
septembre, 19 octobre et 27 novembre 1989, l'auteur a saisi de l'affaire
la Commission néo-zélandaise des droits de l'homme, qui s'est déclarée
incompétente en la matière. Il a écrit également à un député, au Ministre
de la protection sociale et au Premier Ministre, le tout sans résultat.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur soutient que ses "droits fondamentaux de possession
juste et légitime" et son droit à l'égalité ont été violés, et
qu'il est victime de discrimination du fait qu'il est un immigrant âgé.
Il affirme être victime d'une violation de l'article 26 du Pacte.
3.2 L'auteur affirme plus précisément que l'article 70 1) de la loi
néo-zélandaise de 1964 sur la sécurité sociale établit une discrimination
à l'encontre des immigrants étrangers, puisqu'un citoyen néo-zélandais
qui a travaillé toute sa vie en Nouvelle-Zélande peut recevoir deux
pensions, n'importe quelle pension privée pouvant s'ajouter à la pension
néo-zélandaise de protection sociale.
Observations de l'État partie et commentaires de l'auteur
4.1 Dans sa réponse du 13 novembre 1992, l'État partie affirme que
la communication est irrecevable. Il ajoute qu'une partie de la communication
semble mettre en cause le Royaume-Uni.
4.2 L'État partie fait observer que l'auteur n'a pas épuisé tous les
recours internes disponibles, puisqu'il n'a pas appelé devant la Haute
Cour de la décision de l'Autorité d'appel de la sécurité sociale.
4.3 L'État partie fait également valoir que la communication est irrecevable
parce que l'auteur n'a avancé aucun grief tendant à faire présumer qu'il
serait victime d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés
dans le Pacte et lui permettant de se prévaloir de l'article 2 du Protocole
facultatif. L'État partie soutient que l'auteur n'a pas montré en quoi
l'application de l'article 70 1) serait discriminatoire. Il souligne
que cet article ne fait, entre bénéficiaires de prestations, aucune
distinction fondée sur le statut personnel, quel qu'il soit, et que
ses dispositions sont applicables à tous ceux qui ont droit à des prestations
en vertu de la loi sur la sécurité sociale. Les bénéficiaires, qu'ils
soient néo-zélandais ou étrangers, âgés ou non, s'ils reçoivent de l'étranger
des prestations de la nature définie dans cet article, sont soumis à
une réduction de leurs prestations. L'État partie soutient donc que
rien dans l'article 70 1) ne permet de conclure qu'il soit discriminatoire,
et il renvoie à la décision prise par le Comité à propos de la communication
No 212/1986a.
4.4 L'État partie estime en outre que l'article 70 1) n'a pas, en pratique,
d'effet discriminatoire. Il explique que l'objet de cet l'article est
d'assurer un traitement égal aux bénéficiaires de prestations sociales
néo-zélandaises, et d'empêcher que ceux qui reçoivent aussi une prestation
semblable d'un autre gouvernement ne soient placés dans une situation
avantageuse.
4.5 L'État partie ajoute que la communication est incompatible avec
les dispositions du Pacte. Il soutient que l'auteur n'a pas montré qu'il
était victime d'une violation d'un droit protégé par le Pacte, ni qu'il
avait été victime d'une discrimination fondée sur l'un quelconque des
éléments énumérés à l'article 26 du Pacte. L'État partie estime que
le fait que l'auteur bénéficie d'une pension en provenance de l'étranger
ne constitue aucune "situation", au sens de l'article 26,
qui lui serait particulière. À cet égard, l'État partie se réfère à
la décision prise par le Comité à propos de la communication No 273/1988b,
déclarant cette communication irrecevable, notamment parce que les auteurs
n'avaient pas démontré que le traitement différent dont ils se plaignaient
constituait une discrimination fondée sur l'un des éléments énumérés
à l'article 26 du Pacte ou sur "toute autre situation".
4.6 Enfin, l'État partie fait observer qu'il est loisible à l'auteur
de renoncer à tout moment au droit de bénéficier d'une allocation au
titre de la loi néo-zélandaise sur la sécurité sociale, et de ne percevoir
que les pensions du Royaume-Uni et de Jersey.
5.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie, le
conseil soutient qu'un appel devant la Haute Cour n'est pas un recours
utile, car il ne peut qu'être rejeté.
5.2 Le conseil soutient également que l'article 70 1) est discriminatoire,
puisqu'il ne s'applique que lorsqu'une prestation est administrée par
un gouvernement ou au nom d'un gouvernement, mais non à l'égard d'un
régime privé. L'argument exposé est que si l'auteur avait contribué
à un fonds de pension privé, et non à un régime administré par le Gouvernement
de Jersey, il n'aurait pas eu à souffrir de l'article 70. Il est donc
affirmé que l'auteur a été victime d'une discrimination du simple fait
qu'il a contribué à un fonds de pensions géré par l'État, et non à un
fonds privé.
5.3 L'auteur fait observer, par ailleurs, que l'une des difficultés
réside dans le fait que le Gouvernement néo-zélandais ne tient compte
que du montant nominal de la pension reçue de l'étranger et ne s'assure
que rarement du taux de change. Selon l'auteur, ce fait joue à son désavantage
lorsque la monnaie néo-zélandaise perd de la valeur par rapport à la
monnaie du pays étranger. Il estime que l'État partie devrait noter
le taux de change à la date de chaque versement de la pension néo-zélandaise,
et qu'aussi longtemps qu'il ne le fait pas, le jeu de l'article 70 1)
est inéquitable et arbitraire.
5.4 L'auteur affirme, par ailleurs, que le jeu de l'article 70 1) fait
que les personnes qui ont contribué à des fonds de pension à l'étranger,
ou qui se trouvent avoir contribué à un régime financé par l'État et
non à un régime privé à l'étranger, ne sont pas traitées également.
Il affirme que cette discrimination est fondée sur l'origine nationale,
puisque les avantages accumulés dans un pays donné sont ou non déduits
de la pension néo-zélandaise selon le régime de pension dans ce pays.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte, le Comité des droits de l'homme doit,
conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si
cette communication est recevable au regard du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité note que l'article 70 1) de la loi néo-zélandaise sur
la sécurité sociale s'applique à toutes les personnes qui reçoivent
des prestations en vertu de cette loi, que celle-ci ne fait pas de distinction
entre citoyens néo-zélandais et étrangers, et qu'une déduction est toujours
effectuée lorsqu'un bénéficiaire reçoit aussi une allocation de même
nature de l'étranger. Le Comité estime que l'auteur n'a pas apporté,
en ce qui concerne la recevabilité de la communication, d'éléments étayant
ses allégations de discrimination et qu'il ne peut donc se prévaloir
de l'article 2 du Protocole facultatif. Le Comité considère de même
que le fait que l'État partie n'opère pas de déduction sur la pension
qu'une personne s'est constituée à l'étranger auprès d'une caisse privée
ne constitue pas un motif pour faire intervenir l'article 2 du Protocole.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du
Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie, à l'auteur
de la communication et à son conseil.
[Texte adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français.]
Notes
a Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-troisième
session, Supplément No 40 (A/43/40), annexe VIII.B, P. P. C.
c. Pays-Bas, communication déclarée irrecevable le 24 mars 1988.
b Ibid., quarante-quatrième session, Supplément No 40 (A/44/40),
annexe XI.F, B. d. B. c. Pays-Bas, communication déclarée
irrecevable le 30 mars 1989.