Comité des droits de l'homme
Cinquantième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquantième session -
Communication No 477/1991
Présentée par : Mme J. A. M. B.-R. [nom supprimé] ([représentée
par un conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie : Pays-Bas
Date de la communication : 22 octobre 1991
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 7 avril 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Mme J. A. M. B.-R., citoyenne néerlandaise
résidant à De Lier aux Pays-Bas. Elle affirme être victime d'une violation,
par les Pays-Bas, de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques. Elle est représentée par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, qui est une femme mariée, a travaillé comme institutrice
d'août 1982 à août 1983. Ayant perdu son emploi le 1er août 1983, elle
a demandé et obtenu une allocation de chômage au titre de la loi sur le
chômage. En application des dispositions de cette loi, ladite allocation
lui a été versée pendant une durée maximum de six mois, c'est-à-dire jusqu'au
1er février 1984. L'auteur a trouvé par la suite un nouvel emploi à partir
du 18 août 1985.
2.2 Ayant perçu l'allocation chômage pendant la durée légale maximale
qui se terminait dans son cas le 1er février 1984, l'auteur affirme qu'elle
avait ensuite droit pendant un maximum de deux ans, à une allocation au
titre de la loi sur les prestations de chômage qui était alors en vigueur.
Cette allocation aurait représenté 75 % de son dernier salaire, contre
80 % pour l'allocation versée au titre de la loi sur le chômage.
2.3 Le 1er avril 1985, l'auteur a demandé à bénéficier de l'allocation
prévue par la loi sur les prestations de chômage mais sa demande a été
rejetée par la municipalité de De Lier le 23 mai 1985 au motif qu'étant
une femme mariée n'ayant pas qualité de soutien de famille, elle ne remplissait
pas les conditions requises. Le refus s'appuyait sur l'alinéa 1 du paragraphe
1 de l'article 13 de la loi sur les prestations de chômage qui ne s'appliquait
pas aux hommes mariés.
2.4 Le 26 février 1987, la municipalité a confirmé sa décision. Mais
le 26 avril 1989, elle est revenue en partie sur celle-ci en accordant
à l'auteur le bénéfice de l'allocation pour la période comprise entre
le 23 décembre 1984 et le 18 août 1985, tout en continuant à la lui refuser
pour la période allant du 1er février 1984 au 23 décembre 1984 (voir le
paragraphe 2.5 ci-après). L'auteur a fait appel de cette décision devant
la Commission de recours de La Haye qui, le 15 novembre 1989, a rejeté
cet appel comme mal fondé. L'auteur a alors saisi la Commission centrale
de recours, qui par sa décision du 5 juillet 1991, a confirmé la décision
de la Commission de recours.
2.5 Dans cette décision du 5 juillet 1991, la Commission centrale de
recours renvoyait au jugement qu'elle avait prononcé le 10 mai 1989 dans
l'affaire de Mme Cavalcanti Araujo-Jongena, et dans lequel elle constatait
que l'article 26, interprété à la lumière de l'article 2 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, s'applique aussi à l'octroi de
prestations de sécurité sociale et autres droits. Elle faisait en outre
observer que l'exclusion expresse des femmes mariées, sauf dans les cas
où elles remplissent des conditions déterminées qui ne s'appliquent pas
aux hommes mariés, constitue une discrimination directe fondée sur le
sexe et la situation de famille. La Commission centrale a déclaré que
l'article 26 du Pacte devait être reconnu comme étant directement applicable
à compter du 23 décembre 1984.
2.6 Le 24 avril 1985, l'État partie a supprimé la condition posée par
l'alinéa 1 du paragraphe 1 de l'article 13 de la loi sur les prestations
de chômage, en limitant toutefois l'effet rétroactif de cette décision
aux personnes qui avaient perdu leur emploi à partir du 23 décembre 1984.
En 1991, à la suite de nouveaux amendements à la loi sur les prestations
de chômage, cette limitation a été supprimée, ce qui a ouvert également
la possibilité de réclamer une indemnité aux femmes ayant perdu leur emploi
avant le 23 décembre 1984, pour autant qu'elles satisfassent aux autres
conditions prévues par la loi. L'une de ces conditions était que le requérant
soit au chômage au moment où il déposait sa demande.
Teneur de la plainte
3.1 De l'avis de l'auteur, le refus de lui accorder une allocation au
titre de la loi sur les prestations de chômage constitue une mesure de
discrimination au regard de l'article 26 du Pacte. Elle fait référence
à cet égard aux constatations du Comité des droits de l'homme concernant
les communications Nos 172/1984 (Broeks c. Pays-Bas) et
182/1984 (Zwaan-de Vries c. Pays-Bas).
3.2 L'auteur note que le Pacte est entré en vigueur à l'égard des Pays-Bas
le 11 mars 1979, ce qui fait que l'article 26 est devenu directement applicable
à partir de cette date. Elle fait valoir que la date du 23 décembre 1984
a été fixée arbitrairement, puisqu'il n'existe aucun lien formel entre
le Pacte et la troisième Directive de la Communauté économique européenne.
Dans des décisions antérieures, la Commission centrale de recours n'a
d'ailleurs pas toujours adopté une position uniforme en ce qui concerne
l'applicabilité de l'article 26. Ainsi, dans une affaire se rapportant
à la loi générale sur l'incapacité (AAW), elle a jugé que le moment à
partir duquel l'article 26 était devenu directement applicable était le
1er janvier 1980.
3.3 L'auteur affirme qu'en ratifiant le Pacte, les Pays-Bas ont accepté
que ses dispositions deviennent directement applicables dans le droit
interne, conformément aux articles 93 et 94 de la Constitution néerlandaise.
Elle soutient en outre que même si une élimination progressive de la discrimination
était autorisée par le Pacte, la période transitoire de près de 13 ans
qui s'était écoulée entre l'adoption du Pacte en 1966 et son entrée en
vigueur à l'égard des Pays-Bas en 1979 était suffisante pour permettre
à ce pays de modifier sa législation en conséquence.
3.4 L'auteur fait valoir que les modifications récemment apportées à
la législation ne lui offrent pas de recours contre la discrimination
dont elle a fait l'objet en vertu de l'alinéa 1 du paragraphe 1 de l'article
13 de l'ancienne loi. En effet, bien qu'elle ait présenté sa demande d'allocation
alors qu'elle était encore au chômage, elle ne peut toujours pas, en vertu
de la nouvelle loi, l'obtenir pour la période comprise entre le 1er février
et le 23 décembre 1984. Selon l'interprétation actuelle de la loi fondée
sur la jurisprudence de la Commission centrale de recours, des allocations
au titre de la loi sur les prestations de chômage peuvent être accordées
aux femmes qui avaient perdu leur emploi avant le 23 décembre 1984, mais
la mesure ne prend réellement effet qu'à partir de cette date, ce qui
signifie que pour la période de chômage antérieure au 23 décembre 1984,
il n'est toujours pas possible de percevoir une indemnité. Dans un mémoire
du Vice-Ministre des affaires sociales en date du 14 mai 1990, qui explique
les projets d'amendements à la loi sur les prestations de chômage, il
est clairement indiqué que la date à partir de laquelle l'allocation peut
être perçue est le 23 décembre 1984.
3.5 L'auteur affirme avoir subi un préjudice financier du fait de l'application
de dispositions discriminatoires figurant dans la loi sur les prestations
de chômage, en ce sens qu'elle n'a pu bénéficier de l'allocation chômage
pour la période comprise entre le 1er février 1984 et le 23 décembre 1984.
Elle demande au Comité des droits de l'homme de constater que l'article
26 du Pacte était devenu directement applicable dans le droit interne
néerlandais à compter de la date d'entrée en vigueur du Pacte à l'égard
des Pays-Bas, c'est-à-dire le 11 mars 1979, et que le fait de lui refuser
une allocation sur la base de l'alinéa 1 du paragraphe 1 de l'article
13 de la loi sur les prestations de chômage constituait une discrimination
au sens de l'article 26 du Pacte. Elle fait valoir que les allocations
au titre de cette loi auraient dû être accordées aux femmes tout comme
aux hommes à compter du 11 mars 1979 et, dans son cas, être versées rétroactivement
à compter du 1er février 1984.
Observations de l'État partie
4. Dans sa réponse du 18 février 1993, l'État partie reconnaît que l'auteur
a épuisé toutes les voies de recours internes et indique qu'il n'y a,
à sa connaissance, aucun autre obstacle s'opposant à ce que la communication
soit déclarée recevable.
Délibérations du Comité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Le Comité note que l'État partie ne conteste pas la recevabilité
de la communication. Le Comité est cependant tenu de s'assurer que tous
les critères de recevabilité énoncés dans le Protocole facultatif sont
respectés.
5.3 Le Comité note que l'auteur affirme avoir droit, sans discrimination,
à une allocation pour la période comprise entre le 1er février et le 23
décembre 1984, et constate que les amendements apportés à la loi ne lui
offrent aucun recours. Le Comité remarque que l'auteur a demandé cette
allocation au titre de la loi sur les prestations de chômage le 1er avril
1985, et que celle-ci lui a été accordée rétroactivement à compter du
23 décembre 1984. Se référant à sa jurisprudence antérieure en la matièreb,
le Comité rappelle que si l'article 26 du Pacte prévoit que la loi doit
interdire la discrimination et garantir à toutes les personnes une protection
égale contre toute discrimination, il ne précise pas quelles sont les
questions qui devraient être réglementées par la loi. Ainsi, cet article
ne fait-il pas en lui-même obligation aux États parties de prévoir des
prestations de sécurité sociale ou de les accorder rétroactivement, par
rapport à la date du dépôt de la demande. Toutefois, si ces prestations
sont réglementées par la loi, les dispositions pertinentes doivent être
conformes à l'article 26 du Pacte.
5.4 Le Comité note que la loi en question stipule que l'allocation sera
versée aux hommes comme aux femmes à compter du jour où ils en auront
fait la demande, sauf s'il y a des motifs suffisants de l'accorder rétroactivement.
Le Comité note également que la Commission centrale de recours a estimé
que l'indemnité devait être accordée rétroactivement aux femmes qui n'y
avaient pas droit en vertu de l'ancienne loi, à compter du 23 décembre
1984 mais pas antérieurement. Or l'auteur n'a pas prouvé, ce qui aurait
été utile pour juger de la recevabilité de sa demande, que cette disposition
ne lui a pas été également appliquée et, en particulier, que les hommes
qui réclamaient tardivement une prestation pour une période plus longue,
l'obtenaient rétroactivement à compter du jour où les conditions requises
étaient remplies, alors qu'elle-même en tant que femme n'avait pu l'obtenir.
En conséquence, le Comité estime que l'auteur ne peut se prévaloir de
l'article 2 du Protocole facultatif à cet égard.
5.5 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle, par suite
de la loi discriminatoire en vigueur entre le 1er février et le 23 décembre
1984, et de ses modalités d'application durant cette période, elle a subi
une violation de son droit à l'égalité devant la loi, le Comité note que
l'auteur, durant la période comprise entre le 1er février et le 23 décembre
1984, n'a pas réclamé d'allocation au titre de la loi sur les prestations
de chômage. Par conséquent, elle ne peut prétendre être victime d'une
violation de l'article 26 du fait de l'application de la loi en vigueur
durant cette période, même s'il s'avérait que ladite loi était discriminatoire
à l'égard des personnes visées par ses dispositions. Cet aspect de la
communication est donc irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole
facultatif.
5.6 Quant à la question, posée par l'auteur, à savoir si l'article 26
du Pacte était devenu directement applicable aux Pays-Bas dès le 11 mars
1979, date à laquelle le Pacte est entré en vigueur à l'égard de cet État
partie, ou s'il l'était en tout état de cause à compter du 1er février
1984, le Comité note que les dispositions du Pacte s'appliquent aux Pays-Bas
à compter de la date à laquelle il est entré en vigueur. Néanmoins, la
question de savoir si ces dispositions peuvent être invoquées directement
devant les tribunaux des Pays-Bas, est une question de droit interne.
Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l'article
3 du Protocole facultatif.
6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles premier,
2 et 3 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie, à l'auteur
et à son conseil.
______________
* Le texte d'une opinion individuelle de M. B. Wennergren est reproduit
en appendice.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français.]
Notes
a La communication de Mme Cavalcanti au Comité des droits de l'homme
a été enregistrée sous le No 418/1990; les constatations pertinentes ont
été adoptées le 22 octobre 1993 (voir annexe IX.Q ci-dessus).
b Voir notamment les constatations du Comité concernant les communications
No 172/1984 (Broeks c. Pays-Bas) et No 182/1984 (Zwaan-de
Vries c. Pays-Bas), adoptées le 9 avril 1987 (Documents
officiels de l'Assemblée générale, quarante-deuxième session, Supplément
No 40 (A/42/40), annexes VIII.B et D; et concernant la communication
No 415/1990 (Pauger c. Autriche) adoptée le 26 mars 1992
(ibid., quarante-septième session, Supplément No 40 (A/47/40),
annexe IX.R).
APPENDICE
Opinion individuelle présentée par M. Bertil Wennergren
en vertu du paragraphe 3 de l'article 92 du règlement intérieur
du Comité des droits de l'homme
Je ne suis pas d'accord avec la décision du Comité tendant à déclarer
cette communication irrecevable en vertu des articles premier, 2 et 3
du Protocole facultatif. À mon avis, elle aurait dû être déclarée recevable,
car elle peut soulever des questions relevant de l'article 26 du Pacte.
Voici mes raisons :
1. La communication doit être comparée avec la communication No 182/1984
(F. H. Zwaan-de Vries c. Pays-Bas), constatations adoptées
le 9 avril 1987, la communication No 418/1990 (C. H. J. Cavalcanti
Araujo-Jongen c. Pays-Bas), constatations adoptées le 22 octobre
1993, et la communication No 478/1991 (A. P. L.-v. d. M.), déclarée irrecevable
le 26 juillet 1993.
2. Les faits concernant la présente affaire sont énoncés dans les paragraphes
2.1 à 2.3 de la décision du Comité. Ce sont pratiquement les mêmes que
dans l'affaire Zwaan-de Vries, à une différence près : Mme Zwaan-de
Vries a demandé une prorogation de ses prestations, en invoquant les dispositions
de la loi sur les prestations de chômage, le jour de l'échéance de la
période de versement des prestations auxquelles elle avait droit en vertu
de la loi sur le chômage, soit le 10 octobre 1979, alors que Mme B.-R.,
qui a cessé de recevoir une allocation de chômage qui lui était versée
en vertu de la loi sur le chômage le 1er février 1984, n'a pas demandé
à bénéficier de l'allocation prévue par la loi sur les prestations de
chômage avant le 1er avril 1985; à l'époque, elle était toujours au chômage.
3. Il convient de noter que le Conseil des Communautés européennes a
adopté, le 19 décembre 1978, une directive relative à la mise en oeuvre
progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes
en matière de sécurité sociale (79/7/CEE), donnant aux États membres jusqu'au
23 décembre 1984 pour modifier leur législation compte tenu de ses dispositions.
C'est ainsi que le 29 avril 1985, les Pays-Bas ont apporté un amendement
à l'alinéa 1 du paragraphe 1 de l'article 13 de la loi sur les prestations
de chômage conformément à la directive de la CEE. Comme suite à cet amendement,
l'alinéa 1 du paragraphe 1 de l'article 13 de la loi a été supprimé, de
sorte qu'il est devenu possible aux femmes mariées n'ayant pas qualité
de soutien de famille de demander à bénéficier de l'allocation prévue
par la loi sur les prestations de chômage.
4. Dans ses constatations concernant l'affaire Zwaan-de Vries,
le Comité a fait observer que la question n'était pas de savoir s'il convenait
ou non qu'un système de sécurité sociale fut progressivement établi aux
Pays-Bas, mais si la loi de ce pays prévoyant la sécurité sociale violait
l'interdiction de discrimination qui était formulée à l'article 26 du
Pacte, ainsi que les garanties de protection égale et efficace contre
la discrimination que le même article donnait à tout un chacun. Le Comité
a expliqué que, lorsqu'un État adoptait une loi prévoyant un système de
sécurité sociale dans l'exercice de sa souveraineté, cette loi devait
être conforme à l'article 26 du Pacte. Il a ensuite déclaré que la différence
qui était faite à l'alinéa 1 du paragraphe 1 de l'article 13 de la loi
sur les prestations de chômage et qui plaçait les femmes mariées dans
une position désavantageuse par rapport aux hommes mariés, n'était pas
raisonnable et que c'était bien ce que l'État partie lui-même semblait
avoir reconnu en adoptant un amendement à la loi du 29 avril 1985 avec
effet rétroactif à partir du 23 décembre 1984. Du fait des circonstances
dans lesquelles elle se trouvait au moment considéré et de l'application
de la loi néerlandaise alors en vigueur, Mme Zwaan-de Vries a été victime,
en raison de son sexe, d'une violation de l'article 26 du Pacte, parce
qu'en refusant de lui accorder une prestation de sécurité sociale on ne
l'a pas traitée sur un pied d'égalité avec les hommes. Bien que l'État
partie eût pris les mesures nécessaires pour mettre fin à cette discrimination
dont l'auteur avait eu à pâtir, le Comité a estimé que l'État partie devait
offrir à Mme Zwaan-de Vries une réparation appropriée.
5. Dans ses constatations concernant l'affaire Cavalcanti, le
Comité a examiné si la loi sur les prestations de chômage modifiée constituait
encore à l'endroit de l'auteur une mesure discriminatoire indirecte en
posant comme condition que le demandeur fût au chômage au moment où il
faisait la demande, ce qui empêchait en réalité l'auteur d'avoir accès
aux prestations avec effet rétroactif. Cependant, le Comité a estimé que
cette condition était en soi raisonnable et objective et il a conclu que
les faits dont il était saisi ne faisaient pas apparaître de violation
de l'article 26 du Pacte. À propos de l'affaire L.-v. d. M. (No
478/1991), le Comité a noté que la condition d'être sans emploi à la date
d'introduction de la demande d'allocation contenue dans la loi sur les
prestations de chômage s'appliquait également aux hommes et aux femmes
et a déclaré la communication irrecevable.
6. Mme B.-R. satisfaisait aux conditions qui n'étaient pas remplies dans
les deux cas que je viens d'évoquer puisqu'elle était sans emploi au moment
où elle a demandé à bénéficier de l'allocation prévue par la loi sur les
prestations de chômage. Cependant, sa demande, du fait qu'elle l'avait
présentée non pas à la cessation du versement des prestations prévues
par la loi sur le chômage mais environ 14 mois plus tard, portait non
seulement sur le futur mais aussi sur le passé. La Commission centrale
de recours n'a pas prêté particulièrement attention à cela dans sa décision
du 5 juillet 1991; elle s'est concentrée sur la question de savoir si
l'article 26 était directement applicable. Elle a conclu que l'article
26 du Pacte devait être reconnu comme étant directement applicable après
le 23 décembre 1984, date fixée par la troisième Directive de la CEE relative
à l'élimination de la discrimination entre hommes et femmes au sein de
la Communauté. Dans ses constatations concernant l'affaire Cavalcanti
(par. 7.5), le Comité a déclaré expressément que la question de savoir
si l'article 26 avait acquis un effet direct aux Pays-Bas relevait du
droit interne et n'était pas du ressort du Comité. Il appartenait par
contre au Comité, comme il l'avait souligné dans l'affaire Zwaan-de
Vries, de vérifier si la législation nationale violait l'interdiction
de discrimination formulée à l'article 26 du Pacte. À cet égard, je ne
vois pas de différence significative entre l'affaire Zwaan-de Vries
et l'affaire à l'examen. Ce dont il est précisément question dans l'affaire
à l'examen c'est de savoir si la loi nationale fait de Mme B.-R. une victime
d'une violation, fondée sur le sexe, de l'article 26 du Pacte dans les
circonstances où elle se trouvait au moment considéré, c'est-à-dire entre
le 1er février 1984 et le 1er avril 1985. Ce point, qui doit être examiné
indépendamment de la directive de la CEE et du délai fixé par celle-ci
peut, à mon avis, tout comme dans le cas de l'affaire Zwaan-de Vries,
soulever des questions relevant de l'article 26 du Pacte de même que des
questions concernant la réparation appropriée. On ne peut considérer automatiquement
que le versement rétroactif de prestations à compter du 23 décembre 1984
est une réparation appropriée.
7. Si la Commission centrale de recours a accordé des prestations à l'auteur
à compter du 23 décembre 1984, comme je présume qu'elle l'a fait, il aurait
fallu employer une formulation différente pour faire comprendre que le
fait que la loi ait ultérieurement limité la rétroactivité au 23 décembre
1984 ne concernait pas l'affaire à l'examen, la décision prise dans ce
cas ayant été fondée sur la troisième Directive de la CEE et le délai
qui y est prévu et non sur la loi telle qu'elle avait été modifiée. Je
voudrais donc dire que c'est au Comité qu'il appartient d'étudier si une
limitation de ce genre à une obligation incombant à un État partie en
vertu de l'article 26 du Pacte, en ce qui concerne l'application d'une
loi, est conforme à cette disposition.
[Texte établi en anglais (version originale), français et espagnol.]