Comité des droits de l'homme
Cinquante-septième session
8 - 26 juillet 1996
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au
titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
Cinquante-septième session
Communication No 480/1991*
Présentée par : José Luis García Fuenzalida (représenté par un
conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie : Équateur
Date de la communication : 4 novembre 1991 (date de la communication
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 12 juillet 1996,
Ayant achevé l'examen de la communication No 480/1991, qui lui
été présentée par M. José Luis García Fuenzalida, en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et
l'État partie,
Adopte les constatations ci-après au titre du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif.
1. L'auteur de la communication est José Luis García Fuenzalida, citoyen
chilien résidant actuellement à Quito. Au moment de la présentation de
la communication, il était incarcéré à la prison No 2 à Quito. Il se déclare
victime de la violation par l'Équateur des articles 3, 7, 9 et 14 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté
par la Commission oecuménique des droits de l'homme, organisation non
gouvernementale équatorienne.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur est coiffeur de son état. Il a été arrêté le 5 juillet 1989
et inculpé deux jours plus tard du viol de D. K., volontaire du Peace
Corps des États-Unis, qui avait été commis le 5 mai 1989. Il affirme être
innocent et n'avoir jamais eu de relations sexuelles avec une femme. L'auteur
a été jugé par la quatrième juridiction de Pichincha; il a été déclaré
coupable de viol le 11 avril 1991 et condamné le 30 avril 1991 à huit
ans d'emprisonnement. Le 2 mai 1991, il a introduit auprès de la Cour
suprême un recours en nullité ainsi qu'un pourvoi en cassation. La Cour
n'a pas retenu le motif de nullité et n'a pas statué sur le pourvoi en
cassation dans le délai de 30 jours fixé par la loi. Après deux ans et
six mois pendant lesquels il a attendu la décision de la Cour de cassation,
l'auteur a retiré son pourvoi en cassation en échange de sa libération.
Il a été mis en liberté conditionnelle en octobre 1994.
2.2 À propos de son arrestation, l'auteur indique avoir été appréhendé
le 5 juillet 1989, vers 19 heures, par des agents de police qui lui auraient
bandé les yeux et l'auraient jeté dans un véhicule. Il n'apparaît pas
clairement si un mandat d'arrêt a ou non été délivré. Apparemment, l'auteur
ignorait la raison de son arrestation et avait d'abord pensé qu'elle était
liée à la drogue. Il n'avait entendu parler du viol présumé que deux jours
plus tard. La police l'avait interrogé sur son emploi du temps le jour
du viol. Il affirme avoir subi de graves sévices, et notamment avoir été
maintenu enchaîné à un lit pendant toute une nuit. On lui aurait prélevé
du sang et des cheveux en violation des lois et de la pratique équatoriennes.
2.3 Durant la soirée du 6 juillet 1989, l'auteur aurait encore eu les
yeux bandés et on lui aurait introduit de l'eau salée dans les yeux et
le nez. À un certain moment, durant l'interrogatoire, le bandeau qui lui
couvrait les yeux serait tombé, ce qui lui aurait permis de reconnaître
un agent de police qui, selon lui, lui en voulait, depuis qu'il avait
été arrêté, à une autre occasion, parce qu'il était soupçonné d'avoir
tué son ami homosexuel.
2.4 Le même soir, l'auteur avait été conduit au Service des enquêtes
criminelles, où il avait été menacé de mort jusqu'à ce qu'il accepte de
signer des aveux. Il ressort clairement du dispositif du jugement qu'au
procès, l'auteur a démenti les accusations portées contre lui et nié avoir
fait les aveux de son plein gré. Le jugement confirme que l'auteur a décrit
en détail au juge les circonstances de son arrestation et les pressions
exercées sur lui pour lui extorquer des aveux.
2.5 L'auteur déclare qu'il ignorait tout du viol jusqu'à ce qu'il ait
été informé des chefs d'accusation, le 7 juillet 1989, juste avant la
séance d'identification, au cours de laquelle la victime l'avait reconnu.
Il affirme, en outre, avoir été conduit, avant la séance d'identification,
à son domicile, où il avait pris une douche, s'était rasé et s'était habillé
en suivant les instructions de la police. Celle-ci aurait pris chez lui
plusieurs sous-vêtements qui avaient été ensuite utilisés comme pièces
à conviction contre lui, bien qu'une femme (MC. M. P.) appelée à témoigner
ait déclaré qu'ils lui appartenaient.
2.6 L'auteur affirme enfin qu'un agent de police lui avait tiré dans
la jambe, le samedi 8 juillet 1989, au cours de ce qui, aux dires de la
police, aurait été une tentative d'évasion mais était, d'après l'auteur,
un coup monté. L'auteur affirme aussi avoir continué à être soumis à des
tortures psychologiques à l'hôpital où il avait été conduit. Dans une
déclaration sous serment faite durant le procès, un membre de la Commission
oecuménique équatorienne des droits de l'homme, qui avait rendu visite
à l'auteur à l'hôpital, a affirmé : "J'ai constaté qu'il avait deux
blessures par balle à une jambe. J'ai aussi remarqué plusieurs brûlures
de cigarettes sur la poitrine et la main", et, plus loin : "J'ai
demandé au malade qui était à côté de M. García si M. García était vraiment
harcelé par un agent de police; il a répondu qu'il avait effectivement
entendu la personne en question (l'agent de police) le menacer."
2.7 La thèse de l'accusation était que, durant la nuit du 5 mai 1989,
D. K. avait été enlevée et forcée de monter dans une voiture par son ravisseur.
Ce dernier l'avait plaquée au plancher du véhicule et l'avait violée à
plusieurs reprises. Elle avait ensuite été jetée hors de la voiture et
laissée au bord de la route. La victime s'était plainte à un conseiller
des États-Unis qui avait informé la police. Au procès, la police a affirmé
avoir trouvé les sous-vêtements de la victime au domicile de l'auteur.
2.8 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes sur la question
des sévices qui auraient été infligés à l'auteur, il est signalé qu'un
avocat a porté plainte au nom de ce dernier contre les agents de la police,
mais il n'est pas dit où en est l'enquête sur cette plainte.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur se déclare victime d'une violation de l'article 3 du Pacte,
lu conjointement avec l'article 26 du Pacte, car étant homosexuel, il
aurait eu des difficultés à trouver un avocat disposé à le défendre.
3.2 L'auteur affirme en outre avoir été victime de violations répétées
de l'article 7, ayant été torturé et maltraité après son arrestation.
Ses affirmations ont été corroborées au procès par un membre de la Commission
oecuménique équatorienne des droits de l'homme.
3.3 L'auteur se déclare en outre victime d'une violation de l'article
9 parce qu'il aurait été arrêté et détenu arbitrairement, alors que, selon
lui, il n'était pour rien dans le viol.
3.4 D'après l'auteur, il y aurait aussi violation de l'article 14 du
Pacte parce qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable. À cet égard,
le conseil fait valoir que l'auteur a été déclaré coupable malgré les
contradictions contenues dans la déclaration faite par la victime, qui
avait décrit son agresseur comme étant un individu de grande taille, avec
le visage grêlé. L'auteur, que la victime a identifié, est de petite taille,
puisqu'il ne mesure que 1,50 mètre, et ne porte aucune marque sur le visage.
3.5 L'auteur signale également qu'avant la présentation par la victime
des résultats d'une analyse de laboratoire concernant des prélèvements
(sang et sperme) effectués sur elle, et qui indiquaient la présence d'un
enzyme dont il n'y a pas trace dans le sang de l'auteur, celui-ci avait
demandé que soit effectuée une analyse de son propre sang et de son sperme,
ce que le tribunal avait refusé.
3.6 L'auteur se plaint en outre des lenteurs de la justice, et en particulier
du fait qu'il n'a pas été statué sur son pourvoi en cassation dans le
délai légal. Après plus de deux ans et demi d'attente, la Cour de cassation
n'ayant toujours pas statué, il a finalement renoncé à se pourvoir en
échange de la liberté conditionnelle.
Décision du Comité concernant la recevabilité
4. Le 26 août 1992, la communication a été transmise à l'État partie,
à qui il a été demandé de fournir des renseignements au Comité et de lui
faire part de ses observations en ce qui concerne la recevabilité de la
communication. En dépit de deux rappels envoyés le 10 mai 1993 et le 9
décembre 1994, aucune réponse n'a été reçue de l'État partie.
5.1 Avant d'examiner toute plainte soumise dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en
vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Le Comité s'est assuré, comme l'exige le paragraphe 2 a) de l'article
5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours
d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
5.3 Le Comité a noté avec préoccupation l'absence de coopération de la
part de l'État partie, malgré les deux rappels qui lui avaient été adressés.
Compte tenu des renseignements dont il disposait, le Comité a conclu que
rien dans le paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif ne
l'empêchait d'examiner la communication.
5.4 Le Comité a estimé que l'auteur n'avait pas étayé, aux fins de la
recevabilité de la communication, ses allégations de traitement inéquitable
en raison de son homosexualité, présentée comme la cause de ses difficultés
à s'assurer les services d'un avocat. Par conséquent, cette partie de
la communication a été jugée irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif.
5.5 Pour ce qui est des allégations — appuyées par un membre de
la Commission oecuménique équatorienne des droits de l'homme au cours
du procès — selon lesquelles l'auteur aurait été torturé et maltraité
en violation de l'article 7 du Pacte, le Comité a été d'avis que les faits
présentés par l'auteur qui n'avaient pas été contestés par l'État partie
pouvaient soulever des questions au titre de l'article 7 et de l'article
10 du Pacte. En l'absence de toute coopération de la part de l'État partie,
le Comité a conclu que les allégations de l'auteur étaient suffisamment
étayées pour que la partie de la communication les concernant soit recevable.
5.6 S'agissant de l'allégation de détention arbitraire en violation de
l'article 9 du Pacte, le Comité a conclu que les faits présentés étaient
suffisamment étayés pour que la partie de la communication les concernant
soit recevable, et devaient donc faire l'objet d'un examen au fond, en
particulier en ce qui concernait le mandat d'arrêt et le moment où l'auteur
avait été informé des raisons de son arrestation.
5.7 Pour ce qui est des allégations de l'auteur selon lesquelles le tribunal
n'avait pas apprécié comme il convient les éléments de preuve qui lui
avaient été soumis, le Comité a renvoyé à sa jurisprudence et réaffirmé
que c'était généralement aux cours d'appel des États parties au Pacte
qu'il incombait d'apprécier les faits et les éléments de preuve dans une
affaire donnée. Cette partie de la communication était donc irrecevable,
en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif, car elle était incompatible
avec les dispositions du Pacte.
5.8 L'auteur a également donné des informations sur le déroulement du
procès et sur le retard de plus de deux ans et demi intervenu dans l'examen
du pourvoi en cassation qui soulevaient des questions au titre de l'article
14 du Pacte et qui devaient être examinées au fond.
6. Le 15 mars 1995, le Comité des droits de l'homme a décidé que la communication
était recevable et que l'État partie et l'auteur seraient priés de lui
soumettre des copies du mandat d'arrêt et de toute ordonnance et tout
jugement rendu dans l'affaire ainsi que les rapports médicaux et les rapports
d'enquête concernant les sévices dont M. García aurait été victime.
Observations communiquées par l'État partie quant au fond et commentaires
de l'auteur à leur sujet
7.1 Le 18 octobre 1995, l'État partie a adressé au Comité un certain
nombre de documents concernant l'affaire, sans faire de présentation contestant
la communication de l'auteur.
7.2 Les rapports de police donnent une version des faits différente de
celle de l'auteur pour ce qui est des allégations de torture et de sévices.
L'État partie explique que l'agent présumé coupable de ces agissements
n'a pas pu être interrogé, car il a quitté la police et on ignore son
domicile.
7.3 S'agissant du jugement condamnant l'auteur, il apparaît que le juge
a fait crédit à la version présentée par la police et n'a pas tenu compte
du témoignage d'une religieuse — dont il est fait état au paragraphe
2.6 ci-dessus — qui avait rendu visite à l'auteur à l'hôpital.
7.4 S'agissant de la blessure à la jambe infligée à M. García, l'État
partie insiste sur le fait qu'elle est due à un coup de feu tiré alors
que l'intéressé essayait de prendre la fuite.
"Concernant la blessure qui a été infligée au détenu, je précise
qu'au cours d'une vérification effectuée le 8 juillet dans la rue Bosmediano,
où était censé habiter l'autre suspect, il a profité d'un moment d'inattention
des agents chargés de sa surveillance pour prendre subitement la fuite,
de sorte que les agents en question, après sommation, ont commencé à
tirer dans sa direction. Une balle l'a touché à la jambe, provoquant
une fracture du fémur gauche, aussi a-t-il été conduit à l'hôpital Eugenio
Espejo pour recevoir des soins médicaux. Il est faux de dire que la
blessure ait été infligée dans les bureaux de l'ex-Service des enquêtes
criminelles de Pichincha, comme l'atteste également la déclaration relative
à ces faits qui a été signée devant Mme Hilda María Argüello L., deuxième
procureur du tribunal pénal de Pichincha."
D'après les documents envoyés par l'État, il ne semble pas que le tribunal
ait mené une enquête sur les circonstances dans lesquelles M. García a
été blessé, et qu'il ait notamment interrogé les témoins qui auraient,
selon la police, assisté à la tentative de fuite de l'auteur.
7.5 Les documents envoyés par l'État partie comprenaient également le
texte du rapport No 4271-SICP daté du 8 juillet 1989 rédigé par Claudio
Guerra et dans lequel il est indiqué que M. García a été arrêté par les
services de police le jeudi 6 juillet 1989 à 10 heures comme suite à l'enquête
qui avait été faite sur l'affaire de viol, et que la police a saisi au
domicile de M. García des sous-vêtements de femme dont il a été établi
qu'ils appartenaient à Mlle K. Était jointe une copie de la déclaration
faite par M. García le 7 juillet 1989, dans laquelle il reconnait être
l'auteur du viol et avoir volé les sous-vêtements de Mlle K., et de la
déclaration, datée du 9 juillet 1989, dans laquelle il admet avoir essayé
de prendre la fuite, les deux déclarations ayant été faites devant Mme
Hilda Argüello, deuxième procureur du tribunal pénal de Pichincha. Était
également jointe la note datée du 8 juillet 1989 de l'agent 06, décrivant
la tentative d'évasion et indiquant que d'autres témoins pouvaient confirmer
les faits, et, en particulier, que les policiers avaient d'abord tiré
un coup de feu en l'air avant de blesser l'accusé en fuite. Les documents
comprenaient en outre une copie de la déclaration de Mlle K., datée du
7 juillet 1989, concernant la séance d'identification tenue le 6 juillet
1989, au cours de laquelle elle a "immédiatement" reconnu M.
García dans un groupe de 10 hommes, "absolument certaine que l'homme
qui se trouvait en face d'elle était effectivement son agresseur",
ainsi que le rapport médical délivré à la suite de l'hospitalisation de
M. García. Dans un autre rapport de police faisant partie du jeu de documents,
il est indiqué qu'avant la séance d'identification, des photographies
avaient été envoyées à Mlle K., mais que la photographie de M. García
lui avait d'abord été transmise par télécopie et que Mlle K. avait déclaré,
lors d'une conversation téléphonique à partir des États-Unis, que cette
photographie était la plus ressemblante de toutes celles qu'elle avait
vues.
7.6 M. García a été placé en liberté conditionnelle à compter du 5 octobre
1994, avec obligation de se présenter au centre de détention une fois
par semaine. M. García ne s'y est pas présenté et l'on n'a pu retrouver
sa trace dans la mesure où il ne réside plus à son ancienne adresse.
7.7 Il ressort des documents envoyés par l'État partie que M. García
a été arrêté le 6 juillet 1989 dans le cadre de l'enquête sur le délit
de viol dont la citoyenne américaine K. a été victime le 5 mai 1989. D'après
le registre des étrangers, M. García était marié avec une Équatorienne.
L'État partie n'a pas joint les textes du mandat d'arrêt et du jugement
concernant M. García.
8.1 Dans sa lettre du 29 décembre 1995, la Commission oecuménique des
droits de l'homme, qui représente M. García, se réfère à une déclaration
faite par l'auteur devant le juge en 1989, dans laquelle il affirme être
innocent, nie avoir essayé de prendre la fuite et accuse l'agent 06 de
lui avoir tiré dessus dans une salle d'interrogation après lui avoir entouré
la jambe d'un mouchoir. Il affirme que ses aveux lui ont été extorqués
sous la torture. Cette déclaration apparaît dans la procédure.
8.2 La Commission dénonce le fait que si la police est chargée d'enquêter
sur la plainte de M. García, la vérité sera faussée, en raison de ce qu'on
appelle à tort l'esprit de corps, pour étayer les thèses de la police,
laquelle échappera à toute sanction.
Examen de la question quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la communication à la lumière
de l'ensemble des informations, pièces et éléments du dossier présentés
par les parties. Les conclusions tirées reposent sur les considérations
suivantes.
9.2 En ce qui concerne l'arrestation et la détention de M. García, le
Comité a examiné les documents soumis par l'État partie, qui ne montrent
pas que l'arrestation ait été illégale ou arbitraire ou qu'il n'ait pas
été informé des motifs de sa détention. Par conséquent, le Comité ne peut
conclure qu'il y a eu violation de l'article 9 du Pacte.
9.3 Pour ce qui est des sévices qui auraient été commis par un agent
de police, le Comité fait remarquer que ces allégations ont été présentées
par l'auteur à la quatrième juridiction de Pichincha qui les a rejetées,
tel qu'il ressort du jugement du 30 avril 1991. En principe, il n'appartient
pas au Comité de mettre en question l'appréciation des preuves faite par
les tribunaux des États parties, à moins qu'elle n'ait été manifestement
arbitraire ou n'ait représenté un déni de justice. Les éléments mis à
la disposition du Comité par l'auteur ne montrent pas que la procédure
suivie devant les tribunaux ait été entachée de telles irrégularités.
9.4 En revanche, rien dans le dossier n'indique que l'incident au cours
duquel l'auteur a été blessé par balle ait été examiné par le tribunal.
Le rapport médical qui y est joint ne fait pas mention de la manière dont
la blessure aurait pu se produire. Compte tenu des informations présentées
par l'auteur, et de l'absence d'enquête concernant le grave incident au
cours duquel l'auteur a été blessé, le Comité conclut qu'il y a eu violation
des articles 7 et 10 du Pacte.
9.5 Pour ce qui est du jugement rendu en première instance, le Comité
regrette que l'État partie n'ait pas présenté des observations détaillées
sur les allégations de l'auteur selon lesquelles le jugement n'a pas été
impartial. Il a examiné les ordonnances judiciaires et le prononcé du
jugement daté du 30 avril 1991, en particulier le refus du tribunal d'ordonner
une expertise d'une importance capitale dans cette affaire, et conclut
que ce refus constitue une violation du paragraphe 3 e) et du paragraphe
5 de l'article 14 du Pacte.
9.6 S'agissant des informations fournies par l'auteur sur les retards
de procédure et notamment sur le fait que la cour n'avait pas statué sur
son pourvoi en cassation dans les délais fixés par la loi et qu'après
plus de deux ans et demi d'attente, il avait dû renoncer à ce recours
en échange d'une libération conditionnelle, le Comité fait observer que
l'État partie n'a fourni aucune explication à ce sujet ni envoyé des copies
des décisions pertinentes. S'en remettant à sa jurisprudence, le Comité
réitère que, conformément à l'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 14
du Pacte, l'État partie doit garantir à toute personne accusée d'une infraction
pénale le droit à être jugée sans retard excessif. L'État partie n'a soumis
aucune information qui justifie les retards survenus. Le Comité conclut
qu'il y a eu violation du paragraphe 3 c) et du paragraphe 5 de l'article
14 du Pacte parce que l'auteur a été contraint de retirer son pourvoi
en échange de sa libération conditionnelle.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation, par l'Équateur, de l'article
7, du paragraphe 1 de l'article 10, et des paragraphes 3 c), 3 e) et 5
de l'article 14 du Pacte.
11. En vertu de l'alinéa a) du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte,
l'État partie doit garantir que toute personne dont les droits reconnus
auront été violés disposera d'un recours utile. Pour le Comité, cela implique
une indemnisation et la garantie que l'État partie veillera à ce que de
telles violations ne se reproduisent pas à l'avenir.
12. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'État partie
a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y a eu ou
non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il
s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire
et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, et à
assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie,
le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours,
des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.
_________
* Conformément à l'article 85 du règlement intérieur, M. Julio Prado
Vallejo, membre du Comité, n'a pas pris part à l'examen de la communication.
[Texte adopté en anglais, espagnol et français. Version originale : espagnol.]