Comité des droits de l'homme
Quarante-septième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-septième session -
Communication No 490/1992
Présentée par : A. S. et L. S. (noms supprimés)
Au nom de : Les auteurs
Etat partie intéressé : Australie
Date de la communication : 26 décembre 1991 (date de la communication
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 30 mars 1993,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. Les auteurs de la communication (datée du 26 décembre 1991) sont A.
S. et L. S., citoyens australiens résidant actuellement à Tuross Head,
Nouvelle-Galles du Sud (Australie). Ils affirment être victimes de violations,
par l'Australie, des articles 2, 16, 17 et 26 et "d'autres articles
que le Comité des droits de l'homme pourrait éventuellement déterminer"
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole
facultatif est entré en vigueur pour l'Australie le 25 décembre 1991.
Les faits présentés
2.1 Les auteurs sont actionnaires et directeurs de la société Sapphire
Investments Ltd. Ils acquièrent en 1981-1982 un certain nombre de lotissements
à Merimbula, dans la Nouvelle-Galles du Sud. Ils décident en 1984 de construire
sur ces terrains un village pour retraités "Valley High Resort Village"
: il s'agit d'un projet ambitieux nécessitant un emprunt d'un montant
élevé. Le financement de Sapphire Investments est assuré, à l'origine,
par Esanda Ltd., mais en mars 1985, Sapphire Investments voulant racheter
des parts d'Esanda et financer la poursuite de la réalisation de son projet,
contacte d'autres financiers en vue d'obtenir un prêt d'un montant considérable.
A. S. contacte ainsi le groupe E. M., qui exerce l'activité d'administrateur
de prêts hypothécaires, d'agent de change et de conseiller financier et
dont le siège social se trouve à Melbourne. Une autre société, B. P. T.,
établissement de crédit public agréé par le gouvernement, est dépositaire
de certains fonds de placement constitués et administrés par E.M. A ce
titre, B. P. T. avance des fonds à Sapphire Investments sur nantissement.
2.2 En 1985 et 1986, des différends opposent les auteurs et B. P. T./E.
M. à propos de l'étendue des engagements financiers de ces derniers. Ces
différends portent sur la question de savoir si B. P. T./E. M. fourniront
ou non la totalité des fonds requis pour construire, commercialiser et
gérer Valley High et si E. M. ouvrira ou fera ouvrir ou non au bénéfice
de la société constituée par les auteurs les crédits supplémentaires dont
elle a besoin, au cas où B. P. T. ne le ferait pas. Les auteurs affirment
que cette éventualité a été envisagée, les défendeurs le nient.
2.3 Le 15 mai 1987, les auteurs déposent auprès de la Cour suprême de
la Nouvelle-Galles du Sud et de la Cour fédérale d'Australie une plainte
pour violation de contrat et plusieurs violations présumées de la loi
australienne relative aux pratiques commerciales (Australian Trade
Practices Act). Le 16 décembre 1987, la Cour fédérale statue en faveur
de B. P. T. et E. M.
2.4 Selon les auteurs, l'affaire devant la Cour fédérale a été jugée
"dans la précipitation" : ils prétendent qu'ils se sont rendus
à l'audience sans s'y être préparés et contre leurs voeux exprès, après
que le juge eut refusé de fixer une nouvelle date. Ils considèrent, à
cet égard, que le juge a invoqué à mauvais escient une règle de la Bar
Association (barreau), qui a amené leur conseil, un Queen's Counsel (conseil
de la Reine), dûment avisé, à se retirer de l'affaire avec effet immédiat,
après qu'il eut été allégué "sans fondement" que ce dernier
leur avait auparavant donné des conseils en matière commerciale et juridique.
2.5 Suite aux décisions ainsi rendues à leur encontre, les auteurs ont
perdu leurs biens, y compris leur maison de famille : ils s'estiment victimes
de dépossession illégale et sont convaincus que cette dépossession a été
organisée et orchestrée de manière à masquer un énorme scandale financier
impliquant les défendeurs et pour couvrir des "criminels qui avaient
enfreint la législation sur les sociétés". Pour A. S., B. P. T. a
adopté sciemment un certain nombre de positions contradictoires à propos
du projet de Valley High, dans l'intention de dépouiller frauduleusement
de leurs avoirs Sapphire Investments et le A. S. Family Trust. Les défendeurs
auraient été aidés dans leur entreprise par le groupe E. M.
2.6 Les auteurs considèrent en outre que le gouvernement, pour limiter
les dégâts, a "agi de connivence" avec les autorités judiciaires,
leur déniant ainsi justice. Les nombreuses demandes en révision de la
décision prise introduites auprès du Commissaire fédéral aux droits de
l'homme, du Premier Ministre et du Chief Justice de la Nouvelle-Galles
du Sud sont demeurées sans effet. Les auteurs admettent qu'il serait possible
de contester la décision devant la Haute Cour, mais le Cabinet de l'Attorney
General a rejeté leur demande d'aide judiciaire.
La plainte
3.1 Les auteurs affirment qu'en précipitant le retrait de leur conseil
de la procédure engagée devant la Cour fédérale, le juge a pris à leur
encontre une mesure discriminatoire et privilégié indûment les défendeurs,
qui ont pu bénéficier de l'assistance d'un autre conseil, tandis qu'eux-mêmes
ne bénéficiaient plus des services d'un conseil compétent. La décision
du juge constituerait une violation des articles 2 et 26.
3.2 Les auteurs font valoir en outre que le juge a refusé sans raison
de statuer en vertu de l'article 57 de la loi de la Nouvelle-Galles du
Sud sur l'aide judiciaire, en rejetant la demande de report d'audience
présentée par eux, puisque la commission d'aide judiciaire n'avait pas
statué sur la question de la demande d'aide judiciaire. A. S. et L. S.
expliquent que le refus opposé par le juge a obligé leurs enfants et leurs
amis à leur avancer de l'argent pour éviter qu'ils ne perdent la maison
de famille pour cessation de paiement. Ils affirment que la décision sur
l'octroi de l'aide judiciaire n'a été rendue qu'après l'ouverture du procès,
le 28 août 1987, avec la désignation d'un nouveau conseil pour les représenter,
et ils ajoutent que leur nouvel avocat n'a disposé que de deux jours en
fin de semaine pour étudier le dossier.
3.3 Les auteurs affirment être victimes d'une violation de l'article
17 du Pacte, parce que le juge aurait autorisé les défendeurs à produire
comme éléments de preuve des documents confidentiels sur A. S., obtenus
par des "moyens illégaux" auprès du Département fédéral de la
sécurité sociale. De même, le juge n'a pas empêché les défendeurs de se
livrer à des observations de caractère, selon les auteurs, diffamatoire
et qui seraient non fondées, en vue de porter atteinte à leur honneur
et à leur réputation. Les défendeurs auraient ainsi été en mesure d'influencer
défavorablement la Cour en déformant les faits, qui, autrement, auraient
démontré qu'ils avaient enfreint la loi de l'Etat du Victoria sur la fiducie.
3.4 En ce qui concerne l'appel qu'ils ont interjeté, les auteurs prétendent
être victimes de violations des articles 16, 17 et 26, dans la mesure
où la Cour d'appel a examiné l'appel alors même qu'elle avait été informée
que L. S. ne pouvait être présente à l'automne de 1987 à l'audience en
raison de son état de santé. Les auteurs affirment en outre qu'ils se
sont vu dénier l'égalité devant la loi, le bénéfice de l'assistance d'un
conseil pour défendre les sept points sur lesquels se fondait leur appel
leur ayant été refusé. A cet égard, A. S. indique que la Cour a statué
qu'Australien d'origine non anglophone, il était en mesure de représenter
lui-même les intérêts de Sapphire Investments, alors que les défendeurs
étaient représentés par un conseil de la Reine.
3.5 Enfin, les auteurs affirment être victimes d'une violation des articles
2 et 26, parce que la Cour d'appel n'aurait pas rendu une décision indépendante
fondée sur les éléments de preuve figurant dans le dossier de l'appel,
leur déniant ainsi le droit à un recours utile.
Délibérations du Comité et questions dont il est saisi
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Pour ce qui est de l'application du Protocole facultatif à l'Australie,
le Comité rappelle que cet instrument est entré en vigueur pour ce pays
le 25 décembre 1991. Il note que le Protocole facultatif ne peut être
appliqué rétroactivement et conclut que le Comité ne peut ratione temporis
examiner des faits qui se sont produits dans la période 1985-1987, à moins
qu'il ne soit établi que les actes ou omissions considérés se sont poursuivis
ou ont eu des effets après l'entrée en vigueur du Protocole facultatif,
effets qui constituent, en soi, des violations du Pacte. Il n'a été produit
aucun élément de preuve établissant que la procédure en cause ait eu pareils
effets.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et, pour information,
à l'Etat partie.
[Texte établi en anglais (version originale) et traduit en espagnol et
en français.]