Présentée par : Gerald John Griffin
Au nom de : L'auteur
État partie : Espagne
Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 4 avril 1995,
Ayant achevé l'examen de la communication No 493/1992, présentée
au Comité des droits de l'homme par M. Gerald John Griffin en vertu
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les Constatations suivantes au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif.
Rappel des faits présentés par l'auteur
1. L'auteur de la communication est Gerald John Griffin, citoyen canadien
né en 1948. Au moment où il l'a présentée, il était détenu dans un pénitencier
à Victoria (Espagne). Il se prétend victime de violations par l'Espagne
des articles 7, 9 (par. 1 et 2), 10, 14, 17 et 26 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques.
2.1 En mars 1991, l'auteur et une connaissance, R. L., ont commencé
un voyage d'agrément à travers l'Europe. À leur arrivée à Amsterdam,
ils ont loué une autocaravane. R. L. a proposé de payer les frais de
location au moyen de la carte de crédit de l'auteur, le montant de son
compte personnel étant limité, et de le rembourser par la suite. À Amsterdam,
R. L. a présenté l'auteur à un autre Canadien, I. G., avec lequel il
s'est rendu dans des bars à diverses occasions sans que l'auteur les
accompagnât. Un jour, R. L. et I. G. sont revenus avec une autre autocaravane,
prétendant que la première était tombée en panne.
2.2 I. G. a proposé qu'ils se retrouvent à Ketama (Maroc) où ils pourraient
séjourner chez un ami. L'auteur et R. L. ont ensuite pris l'autocaravane
pour se rendre au Maroc où ils ont passé cinq jours; le véhicule a été
parqué dans un garage.
2.3 Le 17 avril 1991, sur le chemin du retour aux Pays-Bas, l'auteur
et R. L. ont été arrêtés par la police de Melilla (Espagne). On a appris
par la suite que R. L., I. G. et son ami marocain avaient caché 68 kilogrammes
de hachisch dans l'autocaravane. R. L. aurait reconnu sa culpabilité
et dit à la police que l'auteur était innocent. L'auteur prétend que,
lors de l'interrogatoire, la police n'aurait pas demandé l'assistance
d'un interprète alors que ni R. L. ni lui-même ne parlaient l'espagnol
et que les policiers chargés de l'enquête ne connaissaient pas l'anglais.
Les dépositions ont été prises en espagnol.
2.4 Le 18 avril 1991, l'auteur et R. L. ont comparu devant un juge
d'instruction. Au moment où l'auteur est entré dans la salle du tribunal,
l'interprète lui aurait dit que R. L. avait avoué et déclaré l'auteur
innocent. Le juge d'instruction aurait fait observer que, si le casier
judiciaire de l'auteur était vierge depuis cinq ans, l'intéressé serait
libéré dans quelques jours. L'auteur avait admis qu'en 1971, il avait
été reconnu coupable d'être en possession de 28 grammes de hachisch
et qu'il avait été condamné à six mois de prison avec sursis.
2.5 L'auteur a été incarcéré à Melilla. Par l'entremise d'un détenu
qui parlait un peu l'anglais, l'auteur a obtenu les services d'un avoué
et d'une avocate, laquelle lui aurait demandé d'importantes sommes d'argent,
promettant à plusieurs reprises de revenir avec toutes les pièces du
dossier et un interprète afin de préparer sa défense en consultation
avec lui. L'auteur relève qu'elle n'a cessé de le tromper, lui donnant
à lui et à ses proches l'assurance qu'il serait prochainement remis
en liberté. Malgré ses promesses, elle n'a pas préparé sa défense. Dans
ce contexte, l'auteur ajoute que, deux jours avant l'ouverture du procès,
elle s'est rendue à la prison, toujours sans interprète. Avec le concours
d'un détenu qui parlait un mauvais anglais, elle lui a fait dire de
ne répondre que par "oui" ou par "non" à toutes
les questions qui lui seraient posées durant le procès.
2.6 Le 28 octobre 1991, l'auteur et R. L. ont comparu devant l'Audiencia
Provincial (secteur de Malaga) à Melilla. L'auteur affirme que l'interprète
du tribunal, qui ne parlait que peu d'anglais, traduisait les débats
en français, langue que ni R. L. ni l'auteur ne comprenaient réellement.
Toutefois, l'avocate n'a élevé aucune objection à ce sujet. Durant le
procès, le juge a demandé à l'auteur s'il accompagnait toujours R. L.
lorsque celui-ci prenait l'autocaravane. La question ayant été mal traduite,
l'auteur a répondu par l'affirmative.
2.7 L'auteur a été condamné à huit ans, quatre mois et un jour de prison.
Il a demandé à son avocate d'interjeter appel en son nom; elle a d'abord
refusé, puis lui a demandé une nouvelle fois une importante somme d'argent.
L'auteur a alors porté plainte contre elle auprès de l'ordre des avocats
(Colegio de Abogados) de Melilla.
2.8 Le 26 novembre 1991, des émeutes ont éclaté dans la prison. Des
détenus ont mis le feu à la cour intérieure et gagné les toits. L'auteur
explique que, boitant d'une jambe, il n'a pas pu les suivre et, les
gardiens ayant fermé la porte d'entrée du bâtiment principal, il a failli
être la proie des flammes. Ce n'est que parce qu'il avait aidé à transporter
un homme apparemment victime d'une crise cardiaque qu'il a été autorisé
par les surveillants à quitter la cour. Après l'intervention de la police,
armée de gaz lacrymogène et de balles de caoutchouc, et la promesse
faite par les autorités pénitentiaires d'une amélioration des conditions
de détention, le calme est revenu dans la prison. Le 28 novembre 1991,
l'auteur a été transféré dans une prison de Séville.
2.9 Le 10 janvier 1992, l'auteur a été informé qu'un avocat d'office
lui avait été attribué et qu'un appel était interjeté en son nom. Il
dit avoir fait de nombreuses et vaines tentatives pour obtenir des renseignements
sur l'identité de l'avocat et sur la date à laquelle sa requête en appel
serait examinée. Le 7 mars 1992, il a commencé une grève de la faim
afin de faire respecter son droit à un procès équitable. Il a été transféré
par la suite dans l'infirmerie d'une prison à Malaga. À la fin de juin
1992, il a appris par un autre avocat que la Cour suprême avait rejeté
sa requête le 15 juin 1992. Selon l'auteur, la Cour suprême n'a pas
indiqué les raisons de sa décision.
2.10 L'auteur dit que sa santé est mauvaise et qu'il souffre de moments
de profonde dépression en raison de la manière injuste dont les autorités
espagnoles le traitent. Il a perdu 21 kilos à la suite de sa grève de
la faim et a contracté une pneumonie. En septembre 1992, il a recommencé
à s'alimenter, sa grève de la faim ayant été sans effet sur les autorités
espagnoles.
2.11 Enfin, l'auteur soutient qu'il a épuisé tous les recours internes
disponibles. Il indique, dans ce contexte, qu'il a écrit des lettres
à plusieurs instances espagnoles, dont la Cour constitutionnelle, l'Ombudsman
(Defensor del Pueblo), le magistrat chargé de la surveillance et au
Procureur général (Fiscal General del Estado). La Cour constitutionnelle
aurait répondu qu'elle n'était pas en mesure de lui venir en aide, mais
que son affaire serait transmise au Procureur général. Ce dernier n'a
jamais répondu aux lettres de l'auteur. L'Ombudsman aurait répondu qu'il
ne pouvait lui être d'aucune aide du fait qu'il était en attente de
jugement. L'auteur conteste l'utilité de ce recours, l'Ombudsman ayant
répondu à un détenu de la prison ne pas pouvoir l'aider parce qu'il
avait déjà été condamné. Par une lettre du 3 mars 1992, le magistrat
chargé de la surveillance a informé l'auteur qu'il étudierait la plainte
en l'absence d'un interprète compétent, mais l'auteur n'a jamais reçu
de réponse.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme avoir été soumis à des traitements et peines cruels,
inhumains et dégradants durant son incarcération à la prison de Melilla
où les conditions de détention seraient "pires encore que celles
qui sont décrites dans le film Midnight Express". Construite
il y a 500 ans, elle n'a pour ainsi dire pas été rénovée; rats, poux,
cafards y pullulent; les maladies y sont nombreuses; les détenus sont
30 par cellule; il y avait parmi eux des hommes âgés, des femmes, des
adolescents et un bébé de 8 mois; il n'y a pas de fenêtre, mais seulement
des barreaux d'acier ouverts au froid et au vent; les cas de suicide
et d'automutilation, les rixes et les coups y sont fréquents; les latrines
débordant, des excréments humains recouvrent le sol; de l'eau de mer
alimente les douches et est souvent utilisée pour la consommation; les
matelas et couvertures utilisés pour dormir sont imprégnés d'urine bien
que le magasin soit plein de linge, de vêtements neufs, etc. L'auteur
ajoute qu'il a appris que la prison avait été complètement "nettoyée"
après les émeutes, mais qu'il peut fournir au Comité une liste de témoins
et un compte rendu plus détaillé de la situation dans ladite prison
et des événements qui s'y sont produits.
3.2 À propos de l'article 9 (par. 1 et 2) du Pacte, l'auteur affirme
avoir été arrêté et mis en détention de façon arbitraire, aucune preuve
n'ayant été établie à son encontre. Il soutient que certaines personnes
qu'il a rencontrées en prison et qui étaient accusées de délits semblables
ont été remises en liberté ou acquittées alors qu'il a été maintenu
en détention malgré les aveux de R. L. et la promesse du magistrat instructeur
de le remettre en liberté s'il n'avait pas de casier judiciaire. Il
soutient en outre que, aucun interprète n'étant là au moment de leur
arrestation, il n'a pas été convenablement informé des raisons de son
arrestation et des charges qui pesaient contre lui.
3.3 L'auteur affirme qu'en attendant d'être jugé, il était détenu dans
une cellule avec des personnes condamnées pour meurtre, viol, trafic
de drogue, vol à main armée, etc. Selon lui, on ne ferait pas en Espagne
la distinction entre les détenus ayant fait l'objet d'une condamnation
et les autres. Il affirme en outre que le système pénitentiaire espagnol
ne prévoit rien pour l'amendement et la réinsertion sociale des détenus.
Dans ce contexte, il indique qu'avec un codétenu de la Melilla, il a
tenté d'apprendre à lire et à écrire à certains prisonniers, mais que
le Directeur de la prison ne les y a pas autorisés. L'administration
pénitentiaire a en outre ignoré toutes les demandes qu'il avait faites
en vue d'obtenir des grammaires espagnoles et un dictionnaire. Tout
cela constituerait une violation de l'article 10.
3.4 L'auteur affirme que les droits qu'il détient en vertu de l'article
14 du Pacte ont été violés. À propos du caractère inéquitable du procès,
il affirme que celui-ci a duré 10 minutes seulement, que ni R. L., ni
lui-même n'ont rien compris de ce qui se passait et qu'il n'a pas été
autorisé à fournir des éléments de preuve ou à se défendre. Il fait
ressortir que ni le juge, ni l'avocat n'ont élevé d'objection quant
à l'incompétence de l'interprète et que sa condamnation pourrait reposer
sur la contradiction entre sa première déposition devant le magistrat
instructeur (à savoir que R. L. et l'autre Canadien s'absentaient souvent
sans lui et qu'ils étaient revenus une fois avec un autre véhicule)
et sa réponse au procès (affirmation selon laquelle il accompagnait
toujours R. L. quand celui-ci conduisait le véhicule). L'auteur réaffirme
qu'il n'y a pas de preuve contre lui. À l'appui de ses affirmations,
il joint à sa communication deux déclarations par écrit et faites sous
serment par R. L., en date du 28 janvier 1992, concernant l'innocence
de l'auteur et l'incompétence de l'interprète. L'auteur prétend en outre
avoir été condamné à une peine d'emprisonnement plus longue que celle
qui est infligée aux ressortissants espagnols dans des cas semblables.
3.5 À propos de la préparation de sa défense, l'auteur affirme qu'il
n'a reçu aucune pièce de son dossier. Il fait observer que R. L. a reconnu
qu'il était le propriétaire du véhicule, qu'au Canada il en avait aménagé
le toit pour y dissimuler la drogue, que le véhicule avait ensuite été
expédié aux Pays-Bas où I. G. et lui-même avaient fabriqué de faux papiers
et de fausses plaques avec les papiers et les plaques du véhicule loué
à Amsterdam et que, s'il avait invité l'auteur à se joindre à lui pour
le voyage, c'était uniquement pour que le véhicule attire moins l'attention.
L'auteur affirme que l'avocate n'a rien fait pour prouver la véracité
des aveux de R. L. et qu'elle ne les a jamais interrogés en présence
d'un interprète.
3.6 Pour ce qui est de l'appel, l'auteur soutient que l'avocat qui
lui a été attribué n'a jamais cherché à se mettre en rapport avec lui
pour discuter de son affaire. C'est seulement en septembre 1992, trois
mois après le rejet de sa requête, qu'il a appris le nom de celui qui
le représentait. L'auteur ajoute qu'on ne lui a pas donné la possibilité
de se défendre en appel, l'audience ayant eu lieu en son absence.
3.7 Il prétend par ailleurs que les autorités espagnoles n'ont pas
respecté le secret de sa correspondance, en violation de l'article 17.
À plusieurs reprises, des lettres, qui lui avaient été adressées par
des amis, des membres de sa famille et son avocat au Canada, ont été
retournées à l'expéditeur ou ont simplement disparu.
3.8 Enfin, l'auteur affirme avoir fait l'objet d'une discrimination
de la part des autorités espagnoles. Dans ce contexte, il soutient ne
pas avoir été traité devant les tribunaux de la même manière que les
ressortissants espagnols, par exemple en ce qui concerne les moyens
offerts pour assurer sa défense ou la durée de la peine d'emprisonnement.
Il indique en outre que l'administration pénitentiaire a refusé de lui
fournir du travail (ce qui permet de voir sa peine réduite d'un jour
pour chaque journée de travail), alors que les détenus espagnols peuvent
obtenir du travail sur simple demande.
Renseignements et observations de l'État partie sur la recevabilité
et commentaires de l'auteur
4.1 Dans ses observations en date des 28 octobre 1992 et 22 mars 1993,
l'État partie affirme que la communication est irrecevable en vertu
du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, étant donné
que l'auteur n'a pas introduit de recours en amparo devant la
Cour constitutionnelle d'Espagne.
4.2 En ce qui concerne les allégations de mauvais traitements en prison,
l'État partie renvoie au rapport de l'Ombudsman sur les mauvais traitements
dans les prisons espagnoles de 1991, dans lequel l'Ombudsman souligne
les efforts déployés par le Directeur des affaires pénitentiaires ainsi
que par le personnel pénitentiaire pour faire cesser les mauvais traitements
en prison. L'Ombudsman fait observer qu'il fonde ses conclusions non
seulement sur les plaintes reçues ou les visites périodiques dans les
établissements pénitentiaires, mais aussi sur les résultats des enquêtes
auxquelles ces plaintes ont donné lieu. Il signale qu'en 1991, il n'a
reçu qu'un petit nombre de plaintes pour mauvais traitements suffisamment
étayées de preuves, et que l'administration pénitentiaire a immédiatement
enquêté sur deux d'entre elles. Il conclut que le Directeur des affaires
pénitentiaires a apporté son entière coopération à l'enquête sur les
plaintes qui lui ont été transmises par l'Ombudsman et que l'administration
pénitentiaire s'est toujours acquittée de sa tâche avec rapidité et
efficacité en enquêtant sur les incidents qui faisaient l'objet de ces
plaintes, en proposant des mesures de réparation appropriées chaque
fois que les allégations se sont avérées fondées, et en adoptant des
mesures de protection pour la conduite de la procédure disciplinaire.
L'État partie soutient que l'Ombudsman a reçu plusieurs lettres de l'auteur,
qu'il a examiné chacune d'elles et qu'à chaque fois, il a informé l'auteur
de ses conclusions.
4.3 L'État partie note que, le 31 mars 1992, l'auteur a été transféré
dans une prison de Malaga où il a reçu les soins médicaux que son état
nécessitait et s'est entretenu à plusieurs reprises avec le sociologue
et le conseiller juridique, qui l'ont informé des moyens de défense
qu'il pouvait invoquer. En outre, selon le rapport médical, l'auteur
n'a pas vraiment entamé de grève de la faim mais s'est contenté de se
nourrir de façon sélective, de sorte qu'il a perdu sept kilos mais que
sa santé n'en a pas été gravement affectée. Enfin, l'État partie fait
observer que l'auteur n'a pas engagé de procédure judiciaire concernant
les conditions inhumaines dans lesquelles il aurait été détenu.
4.4 En ce qui concerne les autres plaintes de l'auteur, l'État partie
joint à sa communication des copies des documents pertinents et soutient
:
— Qu'il existait suffisamment de preuves contre les accusés
pour que la police les arrête. À cet égard, l'État partie renvoie aux
documents et aux photographies qui figurent au dossier concernant la
quantité de drogue découverte, sa valeur et l'autocaravane.
— Que ni l'auteur ni R. L. n'ont fait de déclaration à la police.
Lors de leur arrestation, ils ont été informés des charges qui pesaient
contre eux et de leurs droits, conformément à l'article 520 du Code
de procédure pénale. Bien qu'un avocat ait été commis d'office pour
les représenter, l'auteur et R. L. ont indiqué qu'ils ne feraient aucune
déclaration en l'absence d'interprète.
— Qu'au cours de l'audience préliminaire, où il était représenté
par un avocat et assisté d'un interprète, l'auteur a déclaré qu'"il
ne savait pas que de la drogue était cachée dans l'autocaravane, qu'il
voyageait avec son ami, qu'ils s'étaient arrêtés à Ketama où ils avaient
passé cinq jours, que l'autocaravane — celle de l'autre Canadien
qu'ils avaient rencontré à Amsterdam — était dans un garage près
de la maison".
— Dans sa déposition, R. L. a affirmé qu'"il était allé
au Maroc dans le but d'y prendre livraison du hachisch pour le transporter
au Canada, qu'une tierce personne l'avait contacté à cette fin, qu'il
ne connaissait pas le nom de cette personne, [...], que Gerald John
Griffin n'était pas au courant pour le hachisch, qu'il l'accompagnait
simplement dans un but de tourisme, qu'ils avaient passé sept jours
à Ketama pendant lesquels ils avaient fait des excursions, qu'ils étaient
logés chez un Marocain, qui était un ami de son ami canadien (I. G.),
...".
— Après enquête, le juge d'instruction a été informé par INTERPOL
au Canada que l'auteur avait des antécédents judiciaires et qu'il avait
été condamné à six mois de prison (avec sursis) pour détention et vente
de stupéfiants.
— Dans le dossier de l'affaire figurait une lettre datée du
9 octobre 1991, adressée par le Solicitor General du Canada au conseil
de l'auteur au Canada, pour l'informer que l'auteur avait été amnistié
en vertu des dispositions du Criminal Records Act (loi sur le
casier judiciaire).
— Selon les experts légistes de Melilla, les trafiquants de
drogue affirment généralement que l'un d'eux est innocent. Lors de l'évaluation
des éléments de preuve dans les affaires de trafic de drogue, les tribunaux
ne tiennent pas seulement compte des déclarations de l'accusé, mais
aussi de la quantité de drogue visée et de l'endroit où elle était cachée.
— Le fait que, comme l'affirme l'auteur, sa défense a été insuffisamment
préparée et mal conduite lors du procès, ne peut être imputé à l'État
partie étant donné que l'avocate qui en était chargée avait été engagée
par l'auteur.
— En outre, l'État partie affirme que les compétences professionnelles
de l'avocate en question ressortent de la lettre qu'elle a adressée,
le 22 novembre 1991, au Colegio de Abogados de Melilla et dans laquelle
elle dit que, le 30 octobre 1991, elle a informé l'auteur de la peine
à laquelle il était condamné et signalé qu'il pouvait se pourvoir en
cassation devant la Cour suprême par l'intermédiaire, soit des avocats
qui auraient été commis d'office pour le représenter par les autorités
judiciaires, soit de ceux qu'il aurait engagés lui-même à cette fin.
L'auteur lui a donné pour instructions de préparer et de déposer la
demande d'autorisation de recours, ce qu'elle a entrepris de faire le
2 novembre 1991. Mais, le 8 novembre 1991, l'auteur l'a informée de
sa décision d'engager un autre avocat pour former le pourvoi. Par lettre
recommandée du 11 novembre 1991, elle a fait observer à l'auteur qu'il
devait donner une procuration à tout avocat qu'il engagerait. Elle lui
a également dit qu'elle transmettrait le dossier de l'affaire à ses
représentants dès qu'il lui aurait communiqué leur nom et adresse et
qu'il lui aurait réglé le reste de ses honoraires. Le 21 novembre 1991,
elle a été avisée que l'Audiencia de Malaga avait estimé que le pourvoi
avait été préparé et que les défenseurs étaient invités à se présenter
devant la Cour suprême dans les 15 jours. Elle a alors immédiatement
appelé l'auteur et lui a fait de nouveau observer qu'il devait de toute
urgence donner sa procuration aux avocats qui le représenteraient. Lorsqu'elle
a pris contact avec l'avocat qui, selon l'auteur, avait accepté de le
représenter, celui-ci lui a dit qu'il n'était pas chargé du pourvoi.
— L'État partie fait observer qu'ultérieurement, l'avocate de
l'auteur, voyant s'approcher la date d'expiration du délai et préoccupée
par le fait que l'auteur n'avait pris aucune mesure pour se faire représenter,
a demandé au Colegio d'intervenir.
— Elle a également demandé à la Cour suprême, le 29 novembre
1991, de désigner un avocat pour représenter l'auteur et de suspendre
la procédure en attendant. L'État partie affirme que ce n'est qu'à la
suite de l'intervention de l'avocate que l'auteur a lui-même fait une
demande d'assistance judiciaire.
— Les deux accusés ont fait des dépositions au cours du procès
avec l'assistance d'un interprète et d'un avocat. Il n'a jamais été
reçu de plainte pour incompétence concernant l'interprète qui travaille
auprès des tribunaux de Melilla.
— Il est noté que c'est à R. L. et non pas à l'auteur que le
juge a demandé s'il était toujours accompagné de ce dernier, ce à quoi
R. L. a répondu que "l'auteur l'avait accompagné pendant tout le
voyage". Selon l'État partie, les juges n'ont jamais posé aucune
question à l'auteur.
— Le 15 juin 1992, la Cour suprême a rejeté le pourvoi de l'auteur;
l'arrêt écrit a été publié le 3 juillet 1992. L'État partie soutient
que l'auteur a été dûment représenté devant la Cour et rappelle à cet
égard les motifs du pourvoi. Il affirme également que l'avocat désigné
d'office pour assister l'auteur et qui avait formé le pourvoi a reçu
un coup de téléphone d'un autre avocat qui lui demandait l'autorisation,
au nom de l'Ambassade du Canada, d'assurer la défense de l'auteur devant
la Cour suprême. L'avocat commis d'office a accordé cette autorisation
par lettre du 15 juin 1992.
4.5 L'État partie réaffirme que l'auteur n'a pas formé de recours en
amparo devant la Cour constitutionnelle bien qu'on lui ait bien
expliqué quelle était la procédure à suivre à cette fin.
5. Dans sa réponse, l'auteur réaffirme qu'il a épuisé les recours internes
et joint les lettres que lui ont adressées l'Ombudsman et les greffiers
de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle. Dans ses lettres
du 11 décembre 1991 et 7 avril 1992, l'Ombudsman informait l'auteur
qu'il avait le droit d'être représenté par un avocat et qu'il ne pouvait
pas l'aider tant que la procédure judiciaire dont il faisait l'objet
n'était pas achevée. Par lettre du 5 février 1992, le greffier de la
Cour constitutionnelle indiquait à l'auteur quelles étaient les formalités
à remplir pour introduire un recours en amparo, à savoir, entre
autres :
— Fournir une copie du texte de la décision dont il était fait
appel;
— Épuiser tous les recours disponibles concernant la protection
des droits constitutionnels invoqués;
— Introduire le recours en amparo dans les 20 jours suivant
la notification de la décision dont il ne pouvait plus être fait appel;
— Être représenté par un conseil et un avocat; à toute demande
d'aide judiciaire devait être joint un exposé détaillé des faits sur
lesquels le recours en amparo était fondé.
L'auteur a été en outre informé que sa lettre serait envoyée au Procureur
général qui donnerait suite à sa requête s'il le jugeait nécessaire.
La décision de recevabilité du Comité
6.1 À sa quarante-neuvième session, le Comité a examiné la question
de la recevabilité de la communication. Il a pris note de l'argument
de l'État partie selon lequel la communication était irrecevable au
motif que l'auteur n'a pas introduit de recours en amparo devant
la Cour constitutionnelle et n'a pas accompli les formalités requises
pour pouvoir exercer ce recours. Le Comité a pris note de l'allégation
de l'auteur, qui n'a pas été contestée, selon lequel il n'avait reçu
le texte d'aucune des décisions de justice le concernant, lesquelles
doivent être obligatoirement jointes à tout recours dont la Cour constitutionnelle
est saisie. Le Comité a constaté en outre que la Cour suprême a rejeté
le pourvoi de l'auteur le 15 juin 1992, que celui-ci a été notifié officieusement
de cette décision à la fin de juin 1992 et que l'avocat commis d'office
pour le représenter ne l'avait pas encore contacté à ce jour. Dans ces
conditions, le Comité n'a pas pensé qu'un recours en amparo devant
la Cour constitutionnelle constituait un recours que l'auteur pût exercer.
En outre, étant donné que le délai fixé pour l'introduction d'un recours
en amparo a expiré, ce recours n'était plus disponible. Il n'apparaissait
pas que l'on pût imputer la responsabilité de cette situation à l'auteur.
En conséquence, le Comité a considéré que rien ne l'empêchait d'examiner
la communication au titre du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole
facultatif.
6.2 Le Comité a estimé que l'auteur n'avait pas fourni, aux fins de
la recevabilité, les preuves à l'appui de ses allégations de violation
des articles 9 (par. 1), 17 et 28 du Pacte. Cette partie de la communication
est donc irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.3 Le Comité a noté que l'auteur avait invoqué l'article 7 à propos
de ses allégations concernant ses conditions de détention et les événements
qui ont eu lieu dans la prison de Melilla. Il a constaté, toutefois,
que les faits présentés par l'auteur entrent dans le champ d'application
de l'article 10 du Pacte.
6.4 Le 11 octobre 1993, le Comité a décidé que la communication était
recevable dans la mesure où elle semblait soulever des questions au
titre des articles 9 (par. 2), 10 et 14 du Pacte.
Observations de l'État partie quant au fond et commentaires de
l'auteur
7.1 Dans ses observations au titre de l'article 4 (par. 2) du Protocole
facultatif, datées du 31 mai 1994, l'État partie indique que, le 30
avril 1993, l'auteur a été déporté, conformément aux dispositions de
la Convention de Strasbourg sur la déportation des personnes condamnées
de 1983, afin de purger le reste de sa peine au Canada; il a été mis
en liberté conditionnelle le 8 août 1994. L'État partie se réfère à
ses observations antérieures et ajoute ce qui suit :
7.2 S'agissant des allégations de violation du paragraphe 2 de l'article
9, l'État partie fait observer que l'auteur et R. L. ont été arrêtés
le 17 avril 1991 à 23 h 30, après que la police eût fouillé leur autocaravane
et trouvé de la drogue. Les rapports de police (qui ont été également
signés par l'avocat commis auprès de l'auteur et de R. L. aux fins d'un
interrogatoire) indiquent que les policiers n'ont pas pris les dépositions
de ces deux personnes parce que le poste de police ne disposait pas
d'un interprète. En outre, l'État partie fait observer que, le lendemain,
les deux accusés ont comparu devant un juge d'instruction; représenté
par un avocat et assisté par un interprète, et après avoir été informé
des charges pesant contre lui et de ses droits, l'auteur a fait la déposition
mentionnée ci-dessus au paragraphe 4.4. Le même jour (18 avril 1991),
le juge d'instruction a ordonné la mise en détention provisoire de l'auteur.
L'État partie conclut que l'auteur a été arrêté conformément à la loi
et a bénéficié de toutes les garanties procédurales et que les dépositions
prouvent que l'arrestation a été effectuée en bonne et due forme et
que l'auteur a comparu rapidement devant un magistrat.
7.3 L'État partie fait observer que les allégations de violation de
l'article 10 ne sont pas fondées. En ce qui concerne l'allégation de
l'auteur selon laquelle on ne fait pas de distinction en Espagne entre
les détenus ayant fait l'objet d'une condamnation et les autres, l'État
partie renvoit aux articles 15 et 16 de la loi sur les établissements
pénitentiaires et fait observer que l'on fait bel et bien une distinction
entre les détenus et les condamnés et, dans le cas de cette dernière
catégorie, entre les délinquants primaires et les récidivistes. L'article
16 de la loi susmentionnée prévoit notamment qu'à leur entrée dans un
établissement pénitentiaire, les prisonniers doivent être immédiatement
séparés en fonction du sexe, de l'âge, des antécédents, de leur état
physique et mental et, dans le cas d'un condamné, des soins médicaux
que son état nécessite.
7.4 L'État partie se réfère aux rapports des deux médecins qui ont
examiné l'auteur à la prison de Malaga et qui ont constaté qu'il n'avait
pas vraiment entamé de grève de la faim mais s'était contenté de se
nourrir de façon sélective, de sorte qu'il avait perdu sept kilos mais
que sa santé n'en avait pas été gravement affectée. Il se réfère en
outre à l'article 134 de la loi sur les établissements pénitentiaires
qui fait mention du droit des détenus de se plaindre de la manière dont
ils sont traités ou du régime des établissements pénitentiaires en général
ainsi que la procédure à suivre et les personnes à qui la plainte doit
être adressée. L'État partie fait observer qu'il n'existe aucun document
faisant état de plaintes de l'auteur au sujet de mauvais traitements
subis ou du régime de l'établissement pénitentiaire en général; l'auteur
a en fait bénéficié d'une réduction de sa peine en faisant des travaux
de nettoyage et a fait l'objet de toute l'attention nécessaire. L'État
partie conclut que les allégations de mauvais traitements en prison
ne sont étayées par aucune preuve et que l'auteur n'a pas épuisé les
voies de recours internes en ce qui concerne ses allégations au regard
de l'article 10 du Pacte. Il ressort des pièces jointes qu'une nouvelle
prison a été ouverte à Melilla, le 3 juillet 1993, et que l'ancienne
prison, qui datait de 1885, a été fermée.
7.5 S'agissant des allégations de violation de l'article 14, l'État
partie réitère que l'Audiencia Provincial n'a jamais reçu de plainte
touchant l'incompétence de M. Hassan Mohatar, l'interprète du tribunal.
En outre, l'État partie appelle l'attention sur la déposition que l'auteur
a faite le 18 avril 1991 devant le juge d'instruction et fait observer
que l'auteur n'a pas mentionné le fait que R. L. et l'autre Canadien
s'absentaient souvent sans lui et qu'ils étaient revenus une fois avec
un autre véhicule. L'État partie rappelle en outre qu'au cours du procès,
c'est à R. L. et non pas à l'auteur que le juge a demandé s'il était
toujours accompagné de ce dernier, ce à quoi R. L. a répondu que "Gerald
l'avait accompagné pendant tout le voyage" Dans ce
contexte, l'État partie se réfère aux annotations manuscrites figurant
sur l'Acta del Juicio (Oral).
7.6 L'État partie soutient que la décision de l'Audiencia Provincial
est fondée sur la loi pertinente et qu'il incombe aux tribunaux d'apprécier
les faits et les éléments de preuve. Il fait observer que la Cour suprême
a examiné l'affaire et est parvenue à la conclusion suivante : "...
que les faits ont été clairement établis lors de l'audience et reconnus
par le requérant lui-même qui admet avoir été arrêté par la Guardia
Civil dans le port de Melilla alors qu'il se trouvait en compagnie de
l'autre accusé dans un véhicule qui contenait 68 kilos de hachisch ...
cachés sous le toit ... et provenant du Maroc. La découverte de la drogue,
les déclarations des accusés et l'examen de leurs passeports permettent
de conclure qu'ils se sont rendus ensemble au Maroc où ils se sont procurés
la drogue pour se livrer ensuite à un trafic... La preuve de la culpabilité
existe donc ... qui remet en cause la présomption d'innocence invoquée
par l'auteur. Le requérant cherche à apprécier lui-même les éléments
de preuve, alors que cette appréciation relève exclusivement de la compétence
du tribunal...".
7.7 En outre, la Cour suprême a rejeté la plainte de l'auteur selon
laquelle le tribunal de première instance avait commis une erreur en
appréciant les éléments de preuve fondés sur les documents qui lui avaient
été soumis lors du procès; dans ce contexte, l'auteur s'est référé à
sa déposition ainsi qu'à celle de l'autre accusé, aux lettres qu'ils
avaient adressées au juge d'instruction et aux actes du procès. En déclarant
la plainte irrecevable, la Cour suprême a réitéré sa jurisprudence selon
laquelle les dépositions des témoins ou des accusés ne sont rien d'autre
que des éléments de preuve personnels et ne peuvent donc servir à se
pourvoir en cassation contre une erreur de fait découlant de documents
qui expliquent l'erreur du juge de première instance; et les lettres
mentionnées ... constituent une déclaration ... non entourée de la garantie
d'un juge, d'un greffier et d'un avocat défenseur, en particulier lorsqu'elle
est faite lors de l'enquête préliminaire et par la suite à l'audience".
L'État partie conclut que l'auteur, conseillé par un avocat, n'a pas
formé de recours en amparo contre la décision de la Cour suprême.
8.1 L'auteur affirme que le 8 août 1994, il a été mis en liberté conditionnelle
au Canada. Il déclare qu'il est toujours prêt à être jugé à nouveau
en Espagne pour prouver son innocence, à condition d'être assuré des
services d'un avocat et d'un interprète compétents et de la présence
d'observateurs impartiaux. En ce qui concerne ses commentaires sur les
observations de l'État partie, il renvoie à ses lettres précédentes
dans lesquelles il a fait observer notamment que, conformément au paragraphe
2 de l'article 4 du Protocole facultatif, l'État partie est tenu d'enquêter
de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte par lui
et ses autorités.
8.2 Dans ce contexte, l'auteur soutient que l'État partie n'a pas fourni
d'explications au sujet de plaintes spécifiques, mais a réfuté ces allégations
d'une manière générale et qu'en tant que détenu ayant fait l'objet d'un
procès inéquitable, emprisonné et condamné en dépit de l'existence de
preuves surabondantes attestant son innocence, démuni de ressources,
on ne saurait s'attendre à ce qu'il fournisse les éléments de preuve
nécessaires, dont la plupart sont entre les mains des personnes et des
organisations qu'il dénonce. L'auteur met l'État partie au défi d'inviter
le Comité à visiter la prison de Melilla et de communiquer au Comité
le dipl_me attestant la compétence de l'interprète et la date de son
obtention. Dans ce contexte, l'auteur réitère que l'interprète lui-même
avait indiqué qu'il n'était pas censé interpréter les débats en anglais,
mais en français et en arabe. L'auteur a, en outre, prié l'État partie
de mettre à sa disposition tous les documents de justice concernant
l'affaire.
Examen quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations écrites qui lui sont soumises
par le particulier et par l'État partie intéressé, conformément au paragraphe
1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
9.2 S'agissant de l'allégation de l'auteur selon laquelle il n'a pas
été informé des motifs de son arrestation et des charges pesant contre
lui du fait que l'interprète n'était pas présent au moment de son arrestation,
le Comité note, d'après les informations dont il dispose, que l'auteur
a été arrêté et incarcéré à 23 h 30, le 17 avril 1991, après que la
police eût, en présence de l'auteur, fouillé le véhicule et découvert
la drogue. Les rapports de police indiquent en outre que la police n'a
pas pris sa déposition du fait qu'un interprète n'était pas présent
et que le lendemain la drogue a été pesée en présence de l'auteur. Il
a ensuite comparu devant le juge d'instruction et, par l'intermédiaire
d'un interprète, il a été informé des charges pesant contre lui. Le
Comité fait observer que bien que l'interprète n'ait pas été présent
lors de l'arrestation, il est déraisonnable de faire valoir que l'auteur
ignorait les motifs de son arrestation. En tout état de cause, il a
promptement été informé dans sa propre langue des charges retenues contre
lui. Le Comité estime donc qu'il n'y a pas eu violation du paragraphe
2 de l'article 9 du Pacte.
9.3 Quant à l'allégation de l'auteur selon laquelle il y a eu violation
de l'article 10 du fait de ses conditions de détention, le Comité note
qu'il s'agit essentiellement de son incarcération à la prison de Melilla,
où il a été détenu du 18 avril au 28 novembre 1991. M. Griffin a présenté
un exposé détaillé de ces conditions (voir par. 3.1 ci-dessus). L'État
partie n'a pas considéré cette partie de la plainte de l'auteur et s'est
contenté d'aborder la question du traitement de ce dernier à la prison
de Malaga, où il a été transféré après sa détention à Melilla, et d'énoncer
la législation pertinente. Cela mis à part, il a simplement indiqué
que l'ancienne prison de Melilla avait été remplacée par une prison
moderne au cours de l'été 1993. L'État partie n'ayant pas donné d'informations
sur les conditions de détention à la prison de Melilla en 1991, et à
la lumière du compte rendu détaillé qu'a donné l'auteur de ces conditions
et de leur effet sur lui, le Comité en conclut que les droits de M.
Griffin au titre du paragraphe 1 de l'article 10 ont été violés au cours
de sa détention du 18 avril au 28 novembre 1991.
9.4 Le Comité a également noté l'allégation de l'auteur selon laquelle,
alors qu'il attendait d'être jugé à la prison de Melilla, il était détenu
avec des personnes condamnées. L'État partie s'est contenté d'expliquer
que la législation espagnole pertinente (art. 15 et 16 de la loi sur
les établissements pénitentiaires) prévoyait une distinction entre détenus
et condamnés (voir par. 7.3 ci-dessus), sans préciser si l'auteur était
effectivement séparé des prisonniers condamnés en attendant d'être jugé.
Le Comité note que l'auteur a suffisamment étayé cette allégation et
conclut qu'il y a eu dans son cas violation de l'article 10, paragraphe
2.
9.5 Le Comité note que l'auteur soutient qu'il n'a pas été jugé de
manière équitable en raison de l'incompétence de l'interprète du tribunal
et du fait que le juge n'est pas intervenu à cet égard et qu'il a été
condamné en raison de la contradiction entre sa première déposition
devant le juge d'instruction et sa réponse au procès du fait que la
question posée avait été mal traduite. Le Comité note toutefois que
l'auteur ne s'est pas plaint au juge de l'incompétence de l'interprète
du tribunal, alors qu'il aurait pu le faire. Dans ces conditions, le
Comité estime qu'il n'y a pas eu violation de l'alinéa f) du paragraphe
3 de l'article 14 du Pacte.
9.6 L'auteur réaffirme qu'il n'existe aucune preuve de sa culpabilité.
Le Comité rappelle qu'il incombe généralement aux cours d'appel des
États parties au Pacte d'apprécier les faits et les éléments de preuve
d'une affaire. Il n'appartient donc pas en principe au Comité d'apprécier
les faits et les éléments de preuve qui ont été présentés à des tribunaux
internes et appréciés par ces instances, à moins que l'on puisse déterminer
que le procès a été manifestement arbitraire, et qu'il y a eu des vices
de procédure ayant provoqué un déni de justice ou que le juge a manifestement
failli à son devoir d'impartialité.
9.7 Le Comité note que l'auteur était assisté d'un avocat et d'un interprète
lorsqu'il a fait la déposition énoncée au paragraphe 4.4 ci-dessus.
Il note, en outre, que l'auteur a signé la déclaration qui ne fait nulle
mention du fait que R. L. et l'autre Canadien le laissaient souvent
seul et que ces deux personnes étaient revenues une fois avec un véhicule
différent. En outre, il ressort de l'Acta del Juicio que l'auteur a
déclaré lors du procès qu'il ignorait que de la drogue avait été cachée
dans l'autocaravane et que, comme le soutient l'État partie, R. L. avait
déclaré que l'auteur l'avait accompagné pendant tout le voyage. L'auteur
se plaint de ne pas avoir été autorisé à fournir des preuves et du fait
que les débats ont été interprétés de manière erronée; le Comité estime
que cette plainte n'est pas suffisamment étayée. L'auteur a eu la possibilité
de faire une déposition et c'était R. L. et non l'auteur lui-même qui
a fait la déposition contestée.
9.8 Quant à la plainte de l'auteur selon laquelle sa défense n'a pas
été préparée convenablement, le Comité note que R. L. et l'auteur se
sont assurés eux-mêmes les services d'une avocate et que l'auteur lui
a donné une procuration le 26 avril 1991. Le Comité note, en outre,
d'après les renseignements fournis par l'auteur, qu'il a été constamment
en contact avec son avocat au Canada ainsi qu'avec l'ambassade du Canada
à Madrid et qu'un avocat lui a été attribué d'office pour l'enquête
préliminaire. Si l'auteur n'était pas satisfait des services de son
avocat, il aurait pu demander aux autorités judiciaires de lui attribuer
un autre avocat ou solliciter l'aide de son avocat canadien pour lui
trouver un autre avocat. L'auteur a en fait conservé ce même avocat
après le procès, jusqu'au 8 novembre 1991. Le Comité estime que dans
ces conditions toute plainte, qu'elle soit vérifiée ou pas, concernant
la conduite de l'avocat de l'auteur, ne relève pas de la responsabilité
de l'État partie. Le Comité considère donc qu'il n'y a pas eu violation
de l'article 14 du Pacte.
9.9 Le Comité a pris note des renseignements fournis par l'État partie
au sujet des efforts déployés par l'avocat de l'auteur et l'Ordre des
avocats (Colegio de Abogados) de Melilla pour la préparation de son
pourvoi devant la Cour suprême et de l'attitude ambivalente de l'auteur
bien qu'il ait été informé de l'obligation de se faire représenter par
un avocat et de la prescription. Il note que l'auteur avait été représenté
par un avocat qui avait eu accès aux pièces pertinentes de son dossier.
Cela permet donc de douter du bien-fondé de sa plainte selon laquelle
il n'a reçu aucune pièce de son dossier. Le Comité fait observer qu'un
avocat a été désigné pour former un recours, que les moyens de recours
ont été invoqués et que le recours a été entendu par la Cour suprême
statuant selon une procédure écrite (sin celebración de vista),
conformément à l'article 893 bis a) du Code de procédure pénale.
Dans ces conditions, et compte tenu du fait que la Cour suprême a examiné
l'affaire, le Comité considère qu'il n'y a pas eu violation de l'article
14 en ce qui concerne le pourvoi de l'auteur.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation de l'article 10 du Pacte.
11. Le Comité est d'avis que M. Griffin a droit, en vertu du paragraphe
3 a) de l'article 2 du Pacte, à un recours, y compris à un dédommagement
approprié pour sa période d'incarcération dans la prison de Melilla.
12. Compte tenu du fait qu'en devenant partie au Protocole facultatif,
l'État partie a reconnu la compétence du Comité à déterminer s'il y
a eu violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte,
l'État partie s'est engagé à respecter et à garantir à tous les individus
se trouvant sur leur territoire et relevant de sa compétence les droits
reconnus dans le Pacte et à garantir un recours utile en cas de violation
de ces droits, tout en se félicitant d'apprendre que l'ancienne prison
de Melilla a été fermée et remplacée en 1993 par une nouvelle prison,
le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans les 90 jours, des
informations sur les mesures qu'il aura prises pour donner effet à ses
constatations.
[Texte adopté en anglais, espagnol et français, le texte anglais étant
la version originale. Ce texte sera également publié par la suite en
arabe, chinois et russe dans le cadre du rapport annuel que le Comité
présentera à l'Assemblée générale.]