Comité des droits de l'homme
Quarante-neuvième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-neuvième session -
Communication No 510/1992
Présentée par : P. J. N. (nom supprimé)
Au nom de : L'auteur
État partie : Pays-Bas
Date de la communication : 28 avril 1992
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 19 octobre 1993,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est M. P. J. N., citoyen néerlandais
résidant actuellement à Brunssum, aux Pays-Bas. Il affirme être victime
d'une violation par les Pays-Bas des paragraphes 1 et 3 e) de l'article
14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, concessionnaire automobile, soupçonné de revendre des voitures
volées, surtout des Mercedes, a été arrêté le 13 juin 1983. Le 27 février
1984, le tribunal de district de Maastricht (Arrondissementsrechtbank)
l'a condamné à trois ans de prison. L'intéressé a fait recours devant
la cour d'appel (Gerechtshof) de 's Hertogenbosch, qui a apprécié à son
tour les éléments de preuve et, le 26 novembre 1984, l'a condamné à son
tour à trois ans de prison. Le pourvoi en cassation introduit par l'auteur
a été rejeté par la Cour suprême (Hoge Raad) le 10 décembre 1985. La demande
de réexamen de l'arrêt de la cour d'appel, présentée par l'auteur à raison
d'éléments de preuve nouveaux, a été rejetée par la Cour suprême le 9
décembre 1986.
2.2 Le 16 mai 1989, l'auteur a porté plainte auprès de la Commission
européenne des droits de l'homme. Le 15 juin 1990, il a été informé que
la Commission avait jugé sa requête irrecevable, parce qu'elle avait été
présentée plus de six mois après la date à laquelle la Cour suprême avait
rendu sa décision finale en l'espèce.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur soutient que son procès a été entaché de vices de procédure.
Il prétend que la déposition du principal témoin à charge a été obtenue
illégalement et n'aurait pas dû être jugée recevable par les tribunaux.
Le principal témoin, qui était un complice, aurait fait de fausses déclarations
à la police, après que celle-ci lui eut promis une réduction de peine.
L'auteur affirme en particulier que ce témoin a fait ces déclarations
alors qu'il se trouvait en détention, du 13 juin au 17 juin 1983, et non
pas, comme il a été dit au tribunal, les 20 et 23 juin 1983. Il fait valoir
que les policiers chargés de l'enquête ont falsifié les déclarations et
porté de faux témoignages.
3.2 Au cours du procès, de même qu'en deuxième instance, ces allégations
ont été portées à la connaissance du tribunal, qui les a rejetées. Le
30 septembre 1985, le témoin a fait une déposition écrite par devant notaire,
dans laquelle il disait avoir fait des dépositions à la police de Heerlen,
non pas les 20 et 23 juin 1983, mais avant le 17 juin 1983. Le 12 décembre
1985, l'auteur, invoquant l'article 466 du Code de procédure pénale, a
demandé à la Cour suprême de réexaminer le jugement rendu par la cour
d'appel le 26 novembre 1985, au motif que ces nouveaux éléments de preuve
soulevaient des doutes quant à la fiabilité de la déposition dudit témoin.
En conséquence, la Cour suprême a ordonné l'ouverture d'une enquête, au
cours de laquelle les policiers intéressés et le témoin ont été entendus.
Les policiers ont soutenu avoir recueilli les dépositions du témoin les
20 et 23 juin 1983. Le témoin a dit au policier chargé de l'enquête que
l'auteur lui avait demandé de faire par devant notaire une déposition
que l'auteur avait dictée et que le témoin avait ensuite signée. Se fondant
sur les résultats de l'enquête, la Cour suprême a débouté l'auteur de
son recours le 9 décembre 1983. Quant à la requête de l'auteur demandant
que des poursuites soient engagées contre les policiers chargés de l'enquête,
elle a été rejetée par la Cour d'appel de 's Hertogenbosch le 19 décembre
1986.
3.3 L'auteur soutient par ailleurs que la cour d'appel n'a pas fait droit
à sa demande d'audition d'experts et ne l'a pas autorisé à poser certaines
questions aux experts du laboratoire légal du Ministère de la justice.
Les experts en question avaient identifié des voitures trouvées dans le
hangar de l'auteur comme ayant été volées, en utilisant une méthode de
travail tenue secrète, grâce à certaines caractéristiques ajoutées à la
voiture par le fabricant. À cette occasion, le conseil de l'auteur a prié
la cour d'entendre des personnes qui travaillaient pour Daimler-Benz en
Allemagne, afin de mieux comprendre la méthode d'identification utilisée
par cette entreprise. La cour a rejeté cette requête, qualifiée de tardive,
considérant que le conseil aurait eu la faculté de la présenter déjà au
stade de la procédure préliminaire, lors du procès en première instance
ou au début de la procédure de recours. Le conseil a toutefois été autorisé
à passer un enregistrement d'une conversation téléphonique qu'il avait
eue avec un employé de Daimler-Benz.
3.4 Au cours de l'audience en deuxième instance, le 12 novembre 1984,
la cour n'a pas autorisé le conseil à interroger les experts du laboratoire
judiciaire au sujet de la procédure d'identification, en particulier sur
les caractéristiques secrètes et leur localisation. La cour a estimé que
répondre à cette question porterait atteinte à l'efficacité des enquêtes
criminelles qui pourraient être entreprises à l'occasion de nouvelles
affaires du même ordre. La Cour suprême, en rejetant le pourvoi en cassation
de l'auteur, a jugé que la cour, eu égard au caractère général de la question,
avait pu en déduire qu'elle n'avait pas pour objet de contester les éléments
de preuve spécifiques qui pesaient contre l'auteur. Elle est parvenue
à la conclusion qu'au vu des intérêts en jeu, le refus de la cour ne violait
pas les garanties d'un procès équitable.
3.5 L'auteur fait valoir que les vices présumés dont son procès aurait
été entaché reviennent à violer les paragraphes 1 et 3 e) de l'article
14 du Pacte.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son Règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Le Comité note que les allégations de l'auteur portent essentiellement
sur l'évaluation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux.
Il rappelle que c'est généralement aux cours d'appel des États parties
et non au Comité qu'il appartient d'évaluer les faits et les éléments
de preuve dans une affaire donnée, à moins que les décisions des tribunaux
soient manifestement arbitraires ou constituent un déni de justice. Le
Comité ne dispose en l'espèce d'aucun élément de preuve lui donnant à
penser que les décisions des tribunaux aient été entachées de tels vices.
Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l'article
3 du Protocole facultatif.
4.3 Quant aux griefs formulés par l'auteur au sujet de l'audition des
témoins, le Comité estime que l'auteur n'a pas suffisamment étayé, pour
justifier une décision de recevabilité, l'allégation selon laquelle le
refus de la cour d'appel d'entendre certains experts et d'autoriser certaines
questions était arbitraire et pourrait constituer une violation du paragraphe
3 e) de l'article 14 du Pacte. En conséquence, cette partie de la communication
est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3
du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
[Texte adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français.]