Comité des droits de l'homme
Quarante-neuvième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Quarante-neuvième session -
Communication No 534/1993
Présentée par : H. T. B. [nom supprimé] (représenté par un conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie : Canada
Date de la communication : 5 janvier 1993 (communication initiale)
Le Comité des droits de l'homme, créé en vertu de l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 19 octobre 1993,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication (datée du 5 janvier 1993) est H. T. B.,
citoyen canadien né en 1939 à Labiau (Prusse orientale) qui purge actuellement
une peine de 25 ans d'emprisonnement au pénitencier de Kingston (Ontario).
Il se déclare victime d'une violation par le Canada des articles 9 et
14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il
est représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été reconnu coupable par un jury le 13 février 1986 au
tribunal de la ville de Ste. Catharines et condamné à 25 ans d'emprisonnement
sans possibilité de libération conditionnelle, pour l'assassinat de sa
femme, Hanna. L'appel qu'il a formé auprès de la cour d'appel de l'Ontario
a été rejeté le 13 avril 1989 et sa demande d'autorisation de se pourvoir
devant la Cour suprême du Canada a été rejetée le 5 octobre 1989. Le 2
mars 1990, l'auteur s'est adressé au Ministre de la justice pour solliciter
la grâce de la Couronne et lui demander d'ordonner un nouveau procès.
La requête a été rejetée le 19 décembre 1991. Les recours internes ont
donc été épuisés. Le conseil de l'auteur indique que la même affaire n'a
pas été soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
2.2 Lors du procès, l'accusation a affirmé que l'assassinat de l'épouse
de l'auteur était au départ prévu pour le matin du 5 juillet 1984; ce
matin-là, l'auteur, qui se rendait à Toronto accompagné de sa femme, s'était
arrêté derrière une voiture bleue de marque Nova stationnée sur le bas-côté
de l'autoroute 402. Deux hommes, P. A. et T. A., attendaient près de la
voiture et un troisième, G. F., était caché. Peu après, une voiture de
police s'était arrêtée et le plan n'avait donc pas pu être exécuté. Le
5 juillet 1984, en début de soirée, l'auteur, de retour de Toronto avec
sa femme et son neveu, avait arrêté à nouveau sa voiture sur le bas-côté
de l'autoroute 402, derrière la Nova bleue déjà mentionnée. Immédiatement
après, G. F. était sorti du fossé, avait obligé Hanna B. à sortir de la
voiture en lui appliquant une arme sur la tempe et lui avait demandé son
argent et ses bijoux. Il l'avait traînée par-dessus la glissière de sécurité
et l'avait abattue.
2.3 D'après le ministère public, l'auteur avait payé un certain B. pour
qu'il assassine sa femme, il avait participé aux préparatifs de l'assassinat
et avait conduit la victime à l'endroit où elle avait été tuée, selon
le plan. L'auteur, en revanche, a déclaré que c'était par hasard qu'ils
s'étaient arrêtés à l'endroit où sa femme devait être assassinée. Le seul
argument développé pour assurer la défense de l'auteur au procès, qui
a duré plus de 75 jours, était qu'il n'avait pas participé à un plan quelconque
en vue d'assassiner sa femme.
2.4 L'aliénation mentale n'a pas été invoquée au procès alors que le
conseil de l'auteur avait apporté des preuves substantielles de troubles
psychiatriques. Des témoignages d'experts ont été fournis concernant l'état
d'esprit de la victime au moment des préparatifs et de l'exécution de
l'assassinat, mais il n'a pas été demandé aux experts de déterminer si,
à leur avis, l'auteur était légalement en état de démence au moment du
crime. En fait, l'argument de l'irresponsabilité pour démence a été expressément
écarté par le défenseur, de sorte que les jurés n'ont pas examiné la question
de savoir si l'auteur pouvait être considéré comme dément au sens du Code
pénal canadien. La défense a axé sa plaidoirie sur l'argument selon lequel
les témoins à charge n'étaient pas fiables, car ils avaient des motifs
personnels de tuer Hanna B., et qu'au contraire le témoignage de l'auteur
était fiable et aurait dû inspirer au jury des doutes raisonnables quant
à sa culpabilité.
2.5 Devant la cour d'appel de l'Ontario, le nouveau défenseur de l'auteur
a non seulement maintenu le système précédent de défense mais a, en outre,
demandé par écrit à apporter des preuves nouvelles sur la question de
l'aliénation mentale. La demande était accompagnée de certificats de sept
spécialistes de la santé mentale qui, d'après le conseil, permettaient
d'avoir une présomption d'aliénation mentale. D'après les diagnostics,
l'auteur souffrirait d'un trouble psychiatrique appelé trouble organique
de la personnalité, qui se caractérise essentiellement par un changement
de personnalité dû à un facteur organique spécifique, en l'occurrence
une lésion du lobe frontal du cerveau causée par une attaque en 1982.
D'après les certificats des experts, ce trouble rendrait l'auteur notamment
incapable d'apprécier la nature et les conséquences de ses paroles et
de ses actes.
2.6 La cour d'appel de l'Ontario a rejeté la demande d'autorisation de
présenter de nouvelles preuves en appel, estimant que ces preuves étaient
déjà à la disposition du défenseur lors du procès. Elle a considéré en
outre qu'il n'était pas acceptable de se rabattre sur l'aliénation mentale
à titre de deuxième système de défense car la position ainsi défendue
était complètement incompatible avec celle qui avait été exposée devant
le jury. La cour d'appel a conclu qu'il serait contraire à l'intérêt de
la justice d'admettre les nouvelles preuves étant donné que, au vu de
toutes les preuves administrées lors du procès, il était improbable que
le jury eût suivi cette autre ligne de défense, compte tenu du fait qu'elle
aurait été vigoureusement contestée.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur prétend que le fait que la cour d'appel de l'Ontario, puis
la Cour suprême du Canada, n'aient pas voulu prendre en considération
les preuves d'aliénation mentale en refusant d'entendre tout argument
qui en fasse mention, a abouti à le priver de sa liberté sans que la procédure
prévue par la loi soit respectée, en violation de l'article 9 du Pacte.
À cet égard, l'auteur cite le paragraphe 1 de l'article 16 du Code pénal
canadien qui stipule que "nul ne sera reconnu coupable d'une infraction
consistant en un acte ou une omission commis par lui alors qu'il était
en état de démence"; il affirme que cet article a été violé dans
son cas.
3.2 L'auteur déclare en outre qu'en ne l'autorisant pas à présenter de
nouvelles preuves concernant son état mental, la cour d'appel de l'Ontario
a enfreint son droit à un procès équitable et son droit à la révision
de la condamnation et de la sentence.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication est ou n'est pas recevable
en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 En ce qui concerne la plainte présentée par l'auteur en vertu de
l'article 9 du Pacte, le Comité note que l'auteur a été arrêté et inculpé
d'assassinat, qu'il a été ensuite déclaré coupable et condamné à une peine
d'emprisonnement conformément à la législation canadienne. Il estime que
ni les faits concernant cette affaire, ni les allégations de l'auteur
ne soulèvent de question justifiant l'invocation de l'article 9 du Pacte.
Cette partie de la communication est donc jugée irrecevable en vertu de
l'article 3 du Protocole facultatif.
4.3 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle son droit
à un procès équitable n'a pas été respecté parce qu'il n'a pas été autorisé
à plaider l'irresponsabilité pour démence devant la cour d'appel de l'Ontario,
le Comité note que l'auteur aurait déjà pu invoquer pour sa défense l'aliénation
mentale dès le début de son procès mais qu'il a décidé, en toute connaissance
de cause, de ne pas le faire. Le Comité note en outre que la condamnation
et la peine prononcées à l'encontre de l'auteur ont été revues par la
cour d'appel de l'Ontario et que celle-ci a décidé de ne pas admettre
les preuves relatives aux troubles psychiatriques, conformément à la législation
canadienne qui prévoit que de nouvelles preuves ne peuvent être présentées
en appel puisqu'elles ont déjà été à la disposition de la défense lors
du procès. Le Comité rappelle qu'il incombe en principe aux tribunaux
des États parties au Pacte, et non au Comité, d'évaluer les faits et les
preuves concernant une affaire donnée, sauf s'il apparaît que les décisions
des tribunaux sont manifestement arbitraires ou constituent un déni de
justice. Rien ne permet au Comité d'établir que la procédure judiciaire
a été entachée de ces irrégularités. En ce qui concerne la présente affaire,
le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable
en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur de la communication
et à son conseil, ainsi qu'à l'État partie pour information.
[Texte établi en anglais (version originale), en espagnol et en français.]