Comité des droits de l'homme
Cinquante-troisième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquante-troisième session -
Communication No 536/1993
Présentée par : Francis Peter Perera
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Australie
Date de la communication : 10 février 1993 (date de la lettre
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 28 mars 1995,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Francis Peter Perera, marin (marine
marchande) naturalisé australien, né à Sri Lanka et vivant actuellement
à Kangaroo Point, dans le Queensland (Australie). Il se déclare victime
d'une violation par l'Australie des paragraphes 1, 3 e) et 5 de l'article
14 ainsi que de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été arrêté le 11 juillet 1984 avec un certain Fred Jensen,
sous l'inculpation de diverses infractions à la législation en matière
de drogue et a été libéré sous caution. Le 17 mai 1985, il a été reconnu
coupable de deux infractions concernant la fourniture d'héroïne et d'une
infraction concernant la détention d'une somme d'argent obtenue par infraction
à la législation en matière de drogue. La Cour suprême du Queensland l'a
condamné à neuf ans d'emprisonnement. Le 21 août 1985, la cour d'appel
en matière criminelle a cassé le jugement et a ordonné un nouveau procès.
Le 3 mars 1986, à l'issue du deuxième procès, l'auteur a été reconnu coupable
d'avoir détenu et vendu plus de neuf grammes d'héroïne à Jensen le 11
juillet 1984 et a été condamné à huit ans d'emprisonnement. Il a fait
appel du jugement au motif que le juge avait induit le jury en erreur
et qu'en résumant les dépositions, il avait fait preuve de partialité.
La cour d'appel en matière criminelle l'a débouté le 17 juin 1986. Le
8 mai 1987, la High Court d'Australie lui a refusé l'autorisation spéciale
de former recours. Le 18 novembre 1989, l'auteur a été libéré de prison
et assigné à domicile pour raison de santé. A partir du 17 mars 1990,
il a été placé en liberté conditionnelle jusqu'à la date du 18 mars 1994.
2.2 Le ministère public a déclaré à l'audience que, le 11 juillet 1984,
tôt le matin, l'auteur se trouvait avec Jensen dans la voiture de ce dernier;
il avait arrêté le véhicule parallèlement à une autre voiture et y avait
attendu pendant que Jensen allait vendre pour 11 000 dollars d'héroïne
à une personne qui était en réalité un policier. Pendant que la vente
se déroulait, la police était arrivée et avait arrêté l'auteur et Jensen.
D'après le ministère public, au moment de l'arrestation l'auteur avait
spontanément et immédiatement reconnu que c'était lui qui avait remis
l'héroïne à Jensen. La police avait perquisitionné au domicile de l'auteur
et avait saisi de l'argent; elle n'avait pas trouvé de drogue. Le ministère
public a affirmé que les 3 000 dollars retrouvés au domicile de l'auteur
étaient des billets marqués utilisés pour acheter de l'héroïne à Jensen
le 1er juillet 1984.
2.3 Le 15 octobre 1985, lors d'un procès distinct, Jensen a été reconnu
coupable de quatre infractions consistant en fourniture d'une drogue dangereuse,
de deux infractions consistant en la vente d'une drogue dangereuse et
d'une infraction consistant en la détention d'argent provenant de la vente
d'une drogue dangereuse. Pour chaque chef d'inculpation, il a été condamné
à six ans d'emprisonnement à exécuter sous forme de peine cumulée.
2.4 L'auteur affirme ne rien savoir des faits qui lui étaient reprochés,
soulignant que la police n'a pas trouvé de drogue en sa possession. Il
soutient qu'il ignorait que Jensen faisait du trafic de drogue. A l'audience,
il a déclaré sous serment que Jensen travaillait pour lui en tant qu'homme
à tout faire et que le matin du 11 juillet 1984, ils se trouvaient dans
la voiture de Jensen et se rendaient à un terrain sur lequel l'auteur
voulait construire une cabane. Il a ajouté qu'à la fin de 1983, son épouse
et lui-même avaient donné à Jensen 4 000 dollars pour faire des réparations
dans la maison. En novembre 1983, ils étaient partis pour Sri Lanka et
à leur retour, en février 1984, ils avaient constaté que Jensen n'avait
pas fait les travaux demandés. En juillet 1984, Jensen avait restitué
3 000 dollars.
2.5 Selon l'auteur, les seules preuves directes existant contre lui et
sur lesquelles la condamnation a été fondée étaient le témoignage des
deux policiers qui avaient affirmé qu'il avait reconnu certains faits
concernant la vente d'héroïne sur les lieux de l'arrestation, le 11 juillet
1984, et, plus tard dans la matinée, au poste de police. L'un des policiers
avait pris des notes concernant les faits admis par l'auteur, notes que
l'auteur n'a pas signées.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur prétend que son procès n'a pas été équitable. Il affirme
qu'il n'a jamais fait de déclaration à la police et que les notes retenues
comme preuves lors du procès sont des faux. Il affirme en outre que la
police l'a menacé et frappé et qu'il était dans le désarroi le plus total
pendant les interrogatoires. Il prétend que tous ces éléments ont été
invoqués au procès mais que le juge, après un interrogatoire préliminaire
des témoins, a admis le témoignage des policiers en ce qui concerne la
déclaration que l'auteur leur aurait faite.
3.2 L'auteur affirme en outre qu'au cours du procès, il a demandé plusieurs
fois à son avocat de faire venir Jensen à la barre des témoins mais qu'il
lui a été répondu qu'il n'était pas nécessaire pour sa défense de faire
appeler ce témoin; Jensen n'a pas non plus été cité comme témoin à charge.
D'après l'auteur, l'avocat n'a pas mentionné au nombre des motifs d'appel
que Jensen n'avait pas été cité à comparaître alors que, toujours d'après
l'auteur, cette non-comparution était à l'origine d'un déni de justice.
L'auteur affirme que la non-comparution de Jensen, malgré ses nombreuses
demandes, constitue une violation du paragraphe 3 e) de l'article 14 du
Pacte. Il ajoute avoir découvert par la suite que l'avocat qu'il avait
engagé à titre privé avait eu entre les mains une déclaration, faite par
Jensen le 1er mars 1986, qui disculpait l'auteur, mais ne l'avait pas
portée à la connaissance du tribunal. Dans cette déclaration, Jensen reconnaissait
avoir des difficultés à se remémorer ce qui s'était passé deux ans auparavant,
du fait qu'il se droguait à l'époque; il disait toutefois que l'auteur
ignorait qu'il vendait de l'héroïne.
3.3 L'auteur affirme en outre qu'il y a atteinte à son droit à la révision
de la condamnation et de la peine par une instance supérieure, reconnu
dans la loi, parce que selon la loi du Queensland, l'appel ne peut porter
que sur des questions de droit (pourvoi en cassation) et non sur les faits.
D'après l'auteur, il y a là une violation du paragraphe 5 de l'article
14 du Pacte.
3.4 L'auteur affirme en outre qu'il a été victime d'une discrimination
de la part de la police en raison de son origine raciale et nationale.
Les policiers qui l'ont arrêté lui auraient lancé des injures racistes,
et ce serait pour des raisons de discrimination raciale qu'ils auraient
décidé de fabriquer des preuves à charge.
Observations de l'Etat partie et commentaires de l'auteur
4.1 Dans sa réponse, communiquée en décembre 1993, l'Etat partie affirme
que la communication est irrecevable.
4.2 En ce qui concerne le grief général de l'auteur, qui se plaint que
son procès n'a pas été équitable, l'Etat partie estime que cette plainte
n'est pas suffisamment étayée et qu'elle manque de précision. Il fait
observer que l'indépendance du pouvoir judiciaire et les conditions d'un
procès équitable sont garanties par la Constitution du Queensland et satisfont
aux critères énoncés à l'article 14 du Pacte. L'Etat partie rappelle que
le premier jugement de condamnation de l'auteur a été cassé par la cour
d'appel en matière criminelle, qui a considéré que les instructions données
par le juge au jury étaient partiales. Il affirme que le second procès
de l'auteur a été équitable et qu'il n'appartient pas au Comité des droits
de l'homme d'examiner en appel ou de contrôler les décisions rendues par
les autorités judiciaires nationales.
4.3 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle le droit
que lui reconnaît le paragraphe 3 e) de l'article 14 a été violé parce
que son avocat n'a pas fait comparaître Jensen comme témoin, l'Etat partie
affirme qu'il n'a empêché à aucun moment l'auteur de faire comparaître
ce témoin et que c'est le conseil de l'auteur qui a lui-même décidé de
ne pas le faire. Il fait valoir que la police disposait du texte, signé
par Jensen, de l'interrogatoire au cours duquel celui-ci a déclaré avoir
versé de l'argent à l'auteur qui lui avait fourni de la drogue. L'Etat
partie fait en outre observer que cette question n'a jamais été évoquée
en appel et que par conséquent, les recours internes n'ont pas été épuisés.
Il ajoute que ce n'est pas au gouvernement d'organiser la défense d'une
personne accusée d'avoir commis un crime.
4.4 Quant à l'affirmation de l'auteur selon laquelle il y a eu violation
de son droit à demander le réexamen de la déclaration de culpabilité et
de la condamnation, l'Etat partie déclare que cette affirmation n'est
pas suffisamment étayée et qu'en outre, elle est incompatible avec la
disposition énoncée au paragraphe 5 de l'article 14. Il explique que,
selon le Code pénal du Queensland, le principal motif qui peut être invoqué
pour infirmer une condamnation est le "déni de justice". Des
instructions arbitraires ou inéquitables données au jury et l'attitude
partiale du juge du fond constitueraient un déni de justice. Il est fait
mention du recours formé par l'auteur contre sa première condamnation,
jugement qui a été cassé par la cour d'appel. L'auteur a été débouté du
recours qu'il a formé contre sa seconde condamnation à l'issue du nouveau
procès. L'Etat partie affirme que dans l'affaire de l'auteur, les cours
d'appel ont bien évalué les faits et les éléments de preuve dont étaient
saisies les juridictions de jugement et ont examiné l'interprétation que
ces juridictions avaient donnée du droit interne, conformément au paragraphe
5 de l'article 14. Enfin, l'Etat partie rappelle la jurisprudence du Comité
selon laquelle "c'est aux tribunaux d'appel des Etats parties et
non au Comité qu'il appartient d'évaluer les faits et les éléments de
preuve dont sont saisis les tribunaux nationaux et d'examiner l'interprétation
qui est donnée du droit interne par ces tribunaux. Pareillement, c'est
aux tribunaux d'appel et non à lui qu'il appartient d'examiner les instructions
données au jury par le juge du fond, sauf s'il ressort clairement de la
communication de l'auteur que ces instructions étaient manifestement arbitraires
ou équivalaient à un déni de justice, ou que le juge a manifestement contrevenu
à son obligation d'impartialité" / Communication No 331/1988,
G. J. c. Trinité-et-Tobago, déclarée irrecevable le 5 novembre
1991, par. 5.2.. L'Etat partie explique que les procédures d'appel australiennes
sont conformes à l'interprétation du paragraphe 5 de l'article 14 formulée
par le Comité.
4.5 Selon l'Etat partie, l'auteur présente une plainte irrecevable lorsqu'il
dit avoir fait l'objet d'une discrimination raciale et de brutalités de
la part de la police du Queensland. L'Etat partie fait également observer
que les incidents incriminés se sont produits en juillet 1984. Il fait
valoir qu'il n'y a aucune preuve que les agents de police aient effectivement
eu un comportement raciste. Au procès, ils ont nié toutes les allégations
dans ce sens. Quant à l'affirmation de l'auteur selon laquelle la police
a monté de toutes pièces les éléments de preuve retenus contre lui, l'Etat
partie note que les tribunaux ont été saisis de cette allégation et l'ont
rejetée; l'auteur ne donne pas à entendre que ce rejet ait été une manifestation
de discrimination raciale. L'Etat partie conclut par conséquent que lorsque
l'auteur se plaint que les preuves apportées contre lui ont été fabriquées
pour des raisons de discrimination raciale, cette affirmation n'est pas
fondée. Quant aux plaintes formulées par l'auteur au sujet des brutalités
et des insultes racistes policières, elles ont été portées à l'attention
de la Commission de justice criminelle en 1989, laquelle a décidé, le
15 mars 1991, de ne pas faire d'enquête plus poussée. En revanche, l'Etat
partie fait valoir que l'auteur disposait d'un autre recours en vertu
de la loi fédérale sur la discrimination raciale de 1975, aux termes de
laquelle des plaintes peuvent être adressées à la Commission des droits
de l'homme et de l'égalité des chances (Human Rights and Equal Opportunity
Commission) dans un délai de 12 mois à compter de l'acte prétendument
illicite. L'auteur n'ayant pas utilisé ce recours, l'Etat partie soutient
que la plainte qu'il formule au titre de l'article 26 est irrecevable
pour non-épuisement des recours internes.
5.1 Dans ses commentaires sur la réponse de l'Etat partie, l'auteur réaffirme
avoir explicitement demandé à ses avocats de faire comparaître Jensen
comme témoin au procès, mais que ceux-ci ne l'avaient pas fait, en lui
expliquant que le témoignage de Jensen ne présentait pas d'intérêt pour
la défense et que c'était à l'accusation de le faire comparaître. L'auteur
déclare que, étant immigré et connaissant mal la loi, il devait s'en remettre
à l'avis de son avocat, ce qui avait été au détriment de sa défense. Il
indique qu'en vertu du droit australien, il ne peut faire valoir son droit
à faire comparaître des témoins que par l'entremise de son avocat et non
de manière indépendante. Selon l'auteur, son conseil était avoué auprès
de la Cour suprême du Queensland et l'Etat partie devrait contrôler les
auxiliaires de justice auprès des tribunaux, pour s'assurer qu'ils s'acquittent
bien des obligations que leur prescrit la loi. L'auteur affirme en outre
que les déclarations signées de Jensen, mentionnées par l'Etat partie,
ont été obtenues sous l'influence de la drogue, fait qui aurait été révélé
si Jensen avait été cité à comparaître comme témoin, d'autant plus que
ce témoignage selon lequel l'auteur n'était impliqué dans aucun trafic
de drogue était corroboré par d'autres témoins.
5.2 L'auteur réaffirme que l'attitude raciste des policiers, qui s'est
traduite par des brutalités et la fabrication des preuves retenues contre
lui, est à l'origine de sa condamnation pour un délit dont il n'avait
pas connaissance. Il estime que les preuves apportées contre lui étaient
des preuves indirectes, excepté les prétendus aveux faits à la police,
qui étaient montés de toutes pièces. Selon l'auteur, le fait que le juge
n'ait pas déclaré les aveux irrecevables en tant que preuve constitue
un déni de justice et une violation du paragraphe 1 de l'article 14; l'auteur
fait valoir que le juge n'a pas retenu le témoignage à sa décharge présenté
par un avocat qui s'était rendu auprès de l'auteur au poste de police
et avait constaté que celui-ci était perturbé et pleurait, vraisemblablement
à la suite du traitement infligé par les policiers. L'auteur prétend également
qu'il y avait des contradictions dans les témoignages présentés contre
lui, que certains des témoins à charge n'étaient pas fiables et que les
preuves recueillies ne suffisaient pas à justifier un verdict de culpabilité.
A ce propos, l'auteur fait observer qu'il a été acquitté de deux autres
chefs d'inculpation, où les preuves étaient de pure présomption et que
sa condamnation pour un seul chef d'inculpation était apparemment fondée
sur le fait qu'il avait reconnu son implication dans l'affaire lors de
l'arrestation.
5.3 L'auteur estime en outre qu'il ressort du procès-verbal des débats
qu'il avait des difficultés à comprendre l'anglais utilisé à l'audience.
Il prétend que, de ce fait, il a mal compris certaines des questions qui
lui ont été posées. Son conseil ne l'aurait jamais informé qu'il avait
le droit d'avoir un interprète et qu'en outre, le juge du fond avait l'obligation
d'assurer la conduite équitable du procès et, par conséquent, de faire
appel à un interprète à partir du moment où il se rendait compte que l'auteur
ne parlait pas suffisamment bien l'anglais.
5.4 L'auteur relève en outre que l'un des juges d'appel qui a examiné
son recours après le premier procès a également pris part à l'examen de
l'appel interjeté après le second procès. Selon lui, cela montre que la
cour d'appel statuant en matière criminelle n'était pas impartiale, ce
qui est une violation du paragraphe 1 de l'article 14.
5.5 L'auteur soutient qu'il y a eu en l'espèce violation du paragraphe
5 de l'article 14, parce que la cour d'appel en matière criminelle réexamine
le verdict de culpabilité et la condamnation seulement sur la base des
arguments juridiques présentés par le conseil du défendeur (intimé) et
ne procède pas à un réexamen complet des faits. Selon l'auteur, la disposition
du paragraphe 5 de l'article 14 exige un réexamen complet des faits. L'auteur
ajoute qu'il n'existe aucune possibilité d'interjeter directement appel
devant la High Court, et que le justiciable doit demander l'autorisation
de faire appel, ce qui lui a été refusé.
5.6 En ce qui concerne l'affirmation de l'Etat partie selon laquelle
l'auteur n'avait pas épuisé les recours internes au sujet des brutalités
policières dont il se plaint, l'auteur indique qu'en fait, il a adressé
des plaintes au tribunal des plaintes concernant la police (Police Complaints
Tribunal), à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances
et au Médiateur, tout cela en vain.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte présentée dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en
vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité fait observer que les allégations de l'auteur portent en
partie sur l'appréciation des preuves par le tribunal. Il rappelle que
c'est aux juridictions d'appel des Etats parties et non à lui qu'il appartient
d'apprécier les faits et les éléments de preuve rapportés dans une affaire
donnée, sauf s'il ressort clairement qu'il y a eu déni de justice ou que
le tribunal a contrevenu à son obligation d'impartialité. Les allégations
et explications de l'auteur ne montrent pas que la conduite de son procès
ait été entachée de tels défauts. Sur ce point, par conséquent, les plaintes
formulées par l'auteur ne relèvent pas de la compétence du Comité. Il
en découle que cette partie de la communication est irrecevable parce
que incompatible avec les dispositions du Pacte, selon les termes de l'article
3 du Protocole facultatif.
6.3 En ce qui concerne le grief de l'auteur selon lequel Jensen n'a pas
été cité à comparaître comme témoin pendant le procès, le Comité note
que le conseil de l'auteur, que celui-ci avait engagé à titre privé, avait
toute latitude de le citer à comparaître mais a décidé en l'espèce de
ne pas le faire. Le Comité considère que l'Etat partie ne peut être tenu
pour responsable des erreurs faites par un défenseur, sauf si le juge
avait constaté ou aurait dû constater que la conduite de l'avocat était
incompatible avec l'intérêt de la justice. Dans le cas présent, il n'y
a aucune raison de penser que l'avocat n'a pas fait ce qui lui paraissait
le mieux. Cette partie de la communication est irrecevable au regard de
l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 En ce qui concerne la plainte formulée par l'auteur au sujet du réexamen
de sa condamnation, le Comité relève dans l'arrêt rendu par la cour d'appel
en matière criminelle le 4 juillet 1986 que la cour a effectivement évalué
les preuves rapportées contre l'auteur et les instructions données par
le juge au jury au sujet des témoignages. Il rappelle que le paragraphe
5 de l'article 14 du Pacte n'exige pas qu'une cour d'appel conduise un
nouveau procès sur les faits de la cause, mais simplement qu'elle procède
à une évaluation des éléments de preuve présentés au procès et de la conduite
de celui-ci. Par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable
car selon les termes de l'article 3 du Protocole facultatif, elle est
incompatible avec les dispositions du Pacte.
6.5 Pour ce qui est de l'affirmation de l'auteur selon laquelle la procédure
d'appel de la décision rendue à l'issue du second procès était inéquitable
parce que l'un des juges avait participé à l'examen du précédent appel
interjeté après le premier verdict, le Comité note que cet élément n'a
pas été contesté par la défense et que de ce fait les recours internes,
sur ce point, n'ont pas été épuisés. Cette partie de la communication
est donc irrecevable.
6.6 Quant à la plainte de l'auteur touchant le fait de ne pas avoir bénéficié
des services d'un interprète, le Comité observe que cette question n'a
jamais été portée à l'attention des tribunaux, ni pendant le procès, ni
en appel. Cette partie de la communication est par conséquent irrecevable
pour non-épuisement des recours internes, en vertu du paragraphe 2 b)
de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.7 En ce qui concerne le fait que l'auteur se plaint que les policiers
l'ont brutalisé et traité de manière discriminatoire en raison de sa race,
le Comité relève que, dans la mesure où l'auteur ne formule pas ces allégations
dans le cadre de la plainte selon laquelle il n'aurait pas bénéficié d'un
procès équitable, elles ne peuvent être considérées, car les événements
invoqués se sont produits en juillet 1986, c'est-à-dire avant l'entrée
en vigueur du Protocole facultatif pour l'Australie (25 décembre 1991),
et ne continuent pas à produire des effets qui constitueraient en soi
une violation du Pacte. Cette partie de la communication est par conséquent
irrecevable ratione temporis.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur
de la communication.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Sera
publié ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport
annuel du Comité à l'Assemblée générale.]