Comité des droits de l'homme
Soixante-dixième session
16 octobre - 3 novembre 2000
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au
titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-dixième session -
Communication No 547/1993**
Présentée par : Apirana Mahuika et consorts (représentés par le
Maori Legal Service)
Au nom : Des auteurs
État partie : Nouvelle-Zélande
Date de la communication : 10 décembre 1992 (lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 27 octobre 2000,
Ayant achevé l'examen de la communication No 547/1993 présentée par
Apirana Mahuika et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été
communiquées par les auteurs de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif
1. Les auteurs de la communication sont Apirana Mahuika et 18 autres particuliers,
appartenant au peuple maori de la Nouvelle-Zélande. Ils affirment être victimes
de violations par la Nouvelle-Zélande des dispositions des articles 1, 2,
16, 18, 26 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ils sont représentés par un conseil. Le Pacte est entré en vigueur pour la
Nouvelle-Zélande le 28 mars 1979 et le Protocole facultatif le 26 août 1989.
2. À sa cinquante-cinquième session, le Comité des droits de l'homme a
examiné la recevabilité de la communication et a considéré que les conditions
prévues au paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif ne lui interdisaient
pas d'examiner la communication. Il a toutefois déclaré irrecevables les
allégations des auteurs au titre des articles 16, 18 et 26 du Pacte du fait
qu'ils n'avaient pas démontré, aux fins de la recevabilité, que les droits
que leur confèrent lesdits articles avaient été violés.
3. Lorsqu'il a déclaré que les autres allégations des auteurs étaient recevables
dans la mesure où elles pouvaient soulever des questions au regard du paragraphe
1 de l'article 14 et de l'article 27, lus conjointement avec l'article premier
du Pacte, le Comité a noté que seul l'examen de l'affaire quant au fond
lui permettrait de déterminer le champ d'application de l'article premier
au regard des revendications des auteurs au titre de l'article 27.
4. Dans leurs observations concernant la recevabilité, les deux parties
ont largement exposé leurs points de vue sur le fond des allégations dont
le Comité est saisi. Après que la communication a été déclarée recevable,
l'État partie a présenté de nouvelles observations, au sujet desquelles
les auteurs n'ont pas fait de commentaires.
Rappel des faits
5.1 La population tribale maorie en Nouvelle-Zélande compte environ 500
000 personnes, dont 70 % sont membres de l'une au moins des 81 iwi (1).
Les auteurs appartiennent à sept iwi différentes (dont deux sont parmi les
plus importantes et qui rassemblent au total plus de 140 000 Maoris), qu'ils
affirment représenter. En 1840, les Maoris et le prédécesseur du Gouvernement
néo-zélandais, à savoir la Couronne britannique, ont signé le Traité de
Waitangi qui énonçait les droits des Maoris, y compris leur droit à l'autodétermination
et leur droit de contrôler les pêches tribales. Dans le deuxième article
du Traité, la Couronne garantit aux Maoris :
"Le droit intégral, exclusif et incontesté, de posséder leurs terres,
forêts, pêches et autres biens qu'ils peuvent posséder collectivement ou
individuellement tant qu'ils désireront les conserver en leur possession..."
(2);
Le Traité de Waitangi n'est exécutoire en droit néo-zélandais que dans la
mesure où il acquiert force de loi, en tout ou en partie, en vertu d'une loi
adoptée par le Parlement. Toutefois, il impose des obligations à la Couronne
et le tribunal créé en application du Traité (3) est habilité à enquêter
sur les plaintes concernant des droits protégés par l'instrument.
5.2 Rien n'avait été fait pour tenter de déterminer les limites des pêches
avant l'introduction du système de quotas dans les années 80. Ce système,
qui est le mécanisme fondamental de préservation des ressources halieutiques
du pays et de réglementation de la pêche commerciale en Nouvelle-Zélande,
consiste à attribuer des droits de propriété permanents et cessibles, sous
forme de quotas, pour chaque espèce commerciale visée par le système.
5.3 L'industrie de la pêche en Nouvelle-Zélande avait connu une croissance
spectaculaire au début des années 60 à la suite de l'extension d'une zone
exclusive de pêche de 9, puis 12 milles. À cette époque, tous les Néo-Zélandais,
y compris les Maoris, pouvaient obtenir un permis de pêche commerciale.
Les Maoris, les moins nombreux des pêcheurs commerciaux, étaient pour la
plupart des pêcheurs à temps partiel. Au début des années 80, ayant constaté
que la pêche côtière entraînait une surexploitation des ressources halieutiques,
le Gouvernement a suspendu l'octroi de nouveaux permis de pêche commerciale
et exclu les pêcheurs à temps partiel. Cette mesure a eu pour conséquence
fortuite d'écarter de nombreux pêcheurs maoris de la pêche commerciale.
Les initiatives prises n'ayant pas donné les résultats escomptés, en 1986,
le Gouvernement a modifié la loi sur les pêches alors en vigueur et introduit
un système de quotas pour l'utilisation et l'exploitation commerciales des
pêches du pays. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 88 de cette loi
: "rien dans la présente loi ne porte atteinte aux droits de pêche
des Maoris". En 1987, les tribus maories, qui avaient introduit un
recours auprès de la Haute Cour de Nouvelle-Zélande, affirmant que l'application
du système de quotas porterait atteinte à leurs droits tribaux énoncés dans
le Traité, ce qui est contraire au paragraphe 2 de l'article 88 de la loi
sur les pêches, ont obtenu des jugements avant dire droit contre le Gouvernement.
5.4 En 1988, le Gouvernement a ouvert des négociations avec les Maoris,
représentés par quatre représentants. Les Maoris ont donné à leurs représentants
mandat de négocier pour obtenir 50 % de toutes les pêches commerciales néo-zélandaises.
En 1989, à la suite de négociations et en tant que mesure intérimaire, les
Maoris ont accepté l'adoption de la loi sur les pêches maories (Maori
Fisheries Act) qui prévoyait le transfert immédiat de 10 % des quotas
à une Commission des pêches maories (Maori Fisheries Commission)
qui administrerait les ressources au nom des tribus. Cela permettait d'introduire
dans les délais prévus le système de quotas. Conformément à la loi, les
Maoris peuvent aussi demander à gérer la pêche dans des zones ayant traditionnellement,
pour une tribu ou un clan, une importance particulière en tant que moyen
de subsistance ou d'un point de vue spirituel.
5.5 Bien que la loi sur les pêches maories de 1989 fût conçue uniquement
à titre de mesure provisoire, les possibilités d'acquérir sur le marché
une part plus importante des quotas étaient limitées. En février 1992, les
Maoris ont appris que la Sealords, la plus grande société de pêche en Australie
et en Nouvelle-Zélande, allait probablement être mise en vente dans l'année.
Les négociateurs maoris et la Commission des pêches maories ont demandé
au Gouvernement de financer l'achat de la Sealords en guise de règlement
partiel des questions liées au Traité de Waitangi (plaintes concernant les
pêches). Le Gouvernement a d'abord refusé la proposition, mais après la
publication, en août 1992, du rapport du tribunal créé en application dudit
traité sur la pêche en mer de la tribu Ngai Tahu - selon lequel cette tribu,
la plus grande dans l'île du Sud (Nouvelle-Zélande), avait un droit d'exploitation
d'une proportion raisonnable des pêches en eau profonde B il a décidé d'engager
des négociations. Celles-ci ont abouti à la signature, le 27 août 1992,
d'un Mémorandum d'accord entre le Gouvernement et les négociateurs maoris.
5.6 Selon ce Mémorandum, le Gouvernement fournirait aux Maoris les fonds
nécessaires pour acheter 50 % de la plus importante société de pêche néo-zélandaise,
la Sealords, qui détenait 26 % des quotas de pêche disponibles à l'époque.
En retour, les Maoris mettraient un terme à toute action en instance et
appuieraient l'abrogation du paragraphe 2 de l'article 88 de la loi sur
les pêches ainsi qu'un amendement à la loi sur le Traité de Waitangi (Treaty
of Waitangi Act) de 1975 ayant pour effet d'exclure de la compétence
du tribunal créé en application de ce Traité toute réclamation concernant
la pêche commerciale. La Couronne convenait également d'attribuer 20 % des
quotas accordés pour de nouvelles espèces intégrées au système de quotas
à la Commission des pêches maories et de garantir aux Maoris la possibilité
de participer à "tous organes réglementaires compétents en matière
de gestion et de mise en valeur des ressources halieutiques". En outre,
à propos des pêches non commerciales, la Couronne convenait d'autoriser
l'élaboration, après consultation des Maoris, de règlements reconnaissant
et définissant les moyens de subsistance coutumiers ainsi que les liens
particuliers entre les Maoris et les lieux où ils trouvaient cette subsistance.
5.7 Les négociateurs maoris ont demandé aux Maoris de leur conférer un
mandat pour qu'ils puissent conclure le contrat prévu dans le Mémorandum
d'accord. Le Mémorandum et ses incidences ont été débattus au cours d'un
hui (4) national et de hui qui ont eu lieu dans 23 marae (5)
répartis dans tout le pays. Il ressortait du rapport des négociateurs
maoris que 50 iwi, représentant 208 681 Maoris, étaient favorables à l'accord
(6). Ce rapport permettait à la Couronne de considérer qu'un mandat
avait bien été conféré en ce qui concerne le règlement et, le 23 septembre
1992, un Accord de règlement (Deed of Settlement) a été signé par
le Gouvernement néo-zélandais et les représentants des Maoris. Ce texte
porte application des dispositions du Mémorandum d'accord et vise non seulement
les pêches en mer mais aussi toutes les pêches en eau douce et dans les
eaux intérieures. En application de cet instrument, le Gouvernement verse
aux tribus maories une somme de 150 millions de dollars néo-zélandais pour
développer leur industrie de la pêche et donne aux Maoris 20 % des nouveaux
quotas pour les espèces. Les Maoris ne pourront plus faire valoir leurs
droits de pêche devant les tribunaux, la question faisant dorénavant l'objet
de règlements. Le paragraphe 5.1 de l'Accord est ainsi conçu :
"Les Maoris conviennent que le présent Accord et le règlement dont
il est la preuve règlent toutes réclamations - actuelles et futures - concernant
tous les droits et intérêts, en matière de pêche commerciale, des Maoris
pour ce qui est de la pêche en mer, de la pêche côtière ou de la pêche dans
les eaux intérieures (y compris tout aspect commercial des droits et intérêts
traditionnels concernant la pêche), qu'ils découlent de règlements, de la
common law (y compris du droit coutumier et des titres aborigènes),
du Traité de Waitangi, ou autre, - et éteignent lesdits droits et intérêts
-, que ces droits et intérêts aient fait ou non l'objet de recommandations
ou de décisions des tribunaux ou du tribunal constitué en application du
Traité de Waitangi."
Le paragraphe 5.2 en est ainsi conçu :
"La Couronne et les Maoris conviennent, s'agissant des droits et intérêts
des Maoris en matière de pêche autres que leurs droits et intérêts en matière
de pêche commerciale, de ne plus reconnaître de droits pour les Maoris ni
d'obligations pour la Couronne ayant force exécutoire au civil ou susceptibles
d'être invoqués au pénal ou dans toute autre procédure. Ils ne seront plus
reconnus sur le plan législatif. Lesdits droits et intérêts ne sont pas
éteints par le présent accord et le règlement dont il est la preuve. Ils
demeurent soumis aux principes consacrés dans le Traité de Waitangi et,
le cas échéant, sont source d'obligations pour la Couronne, conformément
audit Traité. Ces questions peuvent également faire l'objet de requêtes
adressées par les Maoris au Gouvernement ou d'initiatives prises de la part
du Gouvernement en consultation avec les Maoris en vue de mettre au point
des politiques qui contribuent à reconnaître les pratiques des Maoris en
matière d'utilisation et de gestion dans l'exercice de leurs droits traditionnels."
Il était dit dans l'Accord de règlement que la Commission des pêches maories
serait rebaptisée la "Commission des pêches du Traité de Waitangi"
(Treaty of Waitangi Fisheries Commission), et serait responsable devant
les Maoris et devant la Couronne afin de permettre aux Maoris de mieux exercer
le contrôle des pêches garanties par le Traité de Waitangi.
5.8 Selon les auteurs, le contenu du Mémorandum d'accord n'a pas toujours
été convenablement présenté ou expliqué aux tribus et aux clans. Dans certains
cas, par conséquent, l'adoption de décisions en connaissance de cause concernant
les propositions contenues dans le Mémorandum d'accord a été sérieusement
entravée. Les auteurs soulignent que si certains des hui étaient en faveur
du marché proposé en ce qui concerne la Sealords, un nombre important de
tribus et de clans soit y étaient totalement opposés, soit n'étaient prêts
qu'à apporter un soutien conditionnel. Les auteurs notent de plus que les
négociateurs maoris ont eu du mal à faire comprendre qu'ils n'avaient ni
le pouvoir ni l'intention de représenter les tribus et les clans individuels
à propos de quelque aspect que ce soit du contrat concernant la Sealords,
y compris la conclusion et la signature de l'Accord de règlement.
5.9 L'Accord de règlement a été signé par 110 signataires, à savoir les
huit négociateurs maoris (les quatre représentants et leurs suppléants),
dont deux agissaient au nom d'organisations représentant les Maoris en général
(7); 31 plaignants dans des actions contre la Couronne portant
sur les droits de pêche, dont les représentants de 11 iwi; 43 représentants
de 17 iwi et 28 représentants de 9 iwi, qui ont signé l'Accord ultérieurement.
Les auteurs font observer que l'une des difficultés que pose la détermination
du nombre exact de tribus qui ont signé l'Accord de règlement touche à la
vérification des pouvoirs de signer au nom des tribus et soutiennent qu'il
semble bien qu'un certain nombre de signataires ne détenaient pas ces pouvoirs
ou qu'il n'était pas certain qu'ils les détiennent. Les auteurs relèvent
en outre que les tribus qui ont les droits les plus importants sur les pêches
commerciales ne faisaient pas partie des signataires.
5.10 Après la signature de l'Accord, les auteurs et d'autres ont engagé
une action devant la Haute Cour de Nouvelle-Zélande en vue d'obtenir un
jugement avant dire droit pour empêcher le Gouvernement d'appliquer l'Accord
par voie législative. Ils ont fait notamment valoir que les mesures prises
par le Gouvernement constituaient une violation de la loi sur la Charte
des droits de Nouvelle-Zélande (Bill of Rights Act) de 1990 (8).
Déboutés le 12 octobre 1992, les auteurs ont alors introduit un recours
contre cette décision auprès de la cour d'appel. Le 3 novembre 1992, celle-ci
a rendu une décision selon laquelle elle n'était pas en mesure de faire
droit à leur demande au motif que les tribunaux ne pouvaient s'immiscer
dans les débats parlementaires et qu'aucune question n'avait à l'époque
été soulevée au titre de la Charte des droits.
5.11 Le recours a alors été porté devant le tribunal créé en application
du Traité de Waitangi, qui a publié son rapport le 6 novembre 1992. Le tribunal
y concluait que l'Accord n'était pas contraire au Traité sauf sur certains
points qui pourraient être revus dans la législation prévue. À cet égard,
le tribunal a estimé que l'extinction ou l'abrogation des intérêts en matière
de pêche commerciale et non commerciale consacrés par le Traité n'était
pas compatible avec ledit instrument ni avec les responsabilités fiduciaires
du Gouvernement. Le tribunal a recommandé au Gouvernement de s'assurer que
la législation ne contienne pas de dispositions prévoyant l'extinction des
intérêts en matière de pêche commerciale et qu'en fait elle consacre ces
intérêts et reconnaisse qu'ils ont été satisfaits, que les principes consacrés
par le Traité sont opposables à la réglementation et aux politiques concernant
les ressources halieutiques devant les tribunaux et que ces derniers sont
habilités à tenir compte de l'Accord en cas de plaintes portant sur la législation
en matière de gestion de la pêche commerciale.
5.12 Le 3 décembre 1992, le Gouvernement a saisi le Parlement du projet
de loi sur le règlement des prétentions concernant les pêches protégées
par le Traité de Waitangi (Treaty of Waitangi (Fisheries Claims) Settlement
Bill). Du fait que le temps pressait pour présenter l'offre concernant
la Sealords, le projet de loi n'a pas été renvoyé pour examen devant la
commission compétente, mais a été immédiatement soumis et discuté au Parlement.
Le projet de loi a été adopté le 14 décembre 1992. Il est dit dans le préambule
de la loi :
"L'application de l'Accord par voie législative et le maintien des
liens entre la Couronne et les Maoris constitueraient un règlement complet
et définitif de toutes les réclamations des Maoris quant à leurs droits
de pêche commerciale et modifieraient le statut des droits de pêche non
commerciale qui ne seraient plus source de droits pour les Maoris ni d'obligations
pour la Couronne ayant force exécutoire, mais demeureraient soumis aux principes
consacrés dans le Traité de Waitangi et seraient source d'obligations pour
la Couronne conformément audit Traité."
La loi prévoit, entre autres, le versement de 150 millions de dollars néo-zélandais
aux Maoris. En outre, l'article 9 dispose que "la présente loi met fin
à toutes prétentions (actuelles et futures) des Maoris en matière de pêche
commerciale, (...) qui sont ainsi définitivement réglées" et que, par
conséquent,
"Par la présente loi, la Couronne satisfait à ses obligations vis-à-vis
des Maoris en ce qui concerne la pêche commerciale et s'en acquitte et aucune
cour ni aucun tribunal n'aura compétence pour enquêter sur la validité de
telles prétentions, sur l'existence de droits et intérêts des Maoris en
matière de pêche commerciale, sur la quantification de tels droits et intérêts..."
"La présente loi met fin à toutes prétentions (actuelles et futures)
portant sur les droits et intérêts des Maoris en matière de pêche commerciale
ou fondées directement ou indirectement sur ces droits et intérêts, qui
sont ainsi pleinement et définitivement réglées."
En ce qui concerne l'effet du règlement sur les droits et intérêts des Maoris
en matière de pêche non commerciale, il est affirmé que les prétentions à
cet égard demeurent source d'obligations pour la Couronne conformément au
Traité de Waitangi et que des règlements reconnaissant et définissant les
moyens de subsistance coutumiers des Maoris seront élaborés. Les droits ou
intérêts des Maoris en matière de pêche non commerciale qui sont source de
telles prétentions n'ont dorénavant aucune force exécutoire et, en conséquence,
ne sont pas exécutoires au civil et ne peuvent être invoquées au pénal ni
dans aucune autre procédure, si ce n'est dans la mesure où ces droits ou intérêts
sont prévus dans des règlements. Conformément à la loi, la Commission des
pêches maories a été rebaptisée la "Commission des pêches du Traité de
Waitangi" (Treaty of Waitangi Fisheries Commission), et le nombre
de ses membres porté de 7 à 13. Ses fonctions ont en outre été élargies. En
particulier, la Commission est maintenant responsable au premier chef de la
protection des intérêts maoris en matière de pêche commerciale.
5.13 La mise en adjudication de la Sealords à titre de coentreprise a été
un succès. Après consultation des Maoris, de nouveaux membres de la Commission
des pêches du Traité de Waitangi ont été désignés. Depuis lors, la part
des Maoris dans la pêche commerciale a rapidement pris de la valeur. En
1996, leurs avoirs nets atteignaient une valeur comptable de 374 millions
de dollars. Outre qu'elle possède la moitié des parts de la Sealords, la
Commission contrôle maintenant aussi la Moana Pacific Fisheries Limited
(la plus grande société de pêche côtière en Nouvelle-Zélande), la Te
Waka Huia Limited, la Pacific Marine Farms Limited et la Chatham
Processing Limited. La Commission a versé une aide substantielle sous
la forme de concessions de quotas actualisées chaque année, de bourses d'études
et d'une contribution aux investissements maoris dans le développement d'un
régime de pêche coutumier. Un règlement de la pêche coutumière a été élaboré
par la Couronne en consultation avec les Maoris.
Teneur de la plainte
6.1 Les auteurs affirment que la loi sur le règlement des prétentions concernant
les pêches protégées par le Traité de Waitangi revient à confisquer leurs
ressources halieutiques, les prive du droit de déterminer librement leur
statut politique et porte atteinte à leur droit d'assurer librement leur
développement économique, social et culturel. Les auteurs estiment que ladite
loi est contraire aux obligations que l'État partie a contractées en vertu
du Traité de Waitangi. Dans ce contexte, ils affirment que le droit à l'autodétermination
prévu à l'article premier du Pacte n'est effectif que si les peuples ont
accès à leurs ressources et les contrôlent.
6.2 Les auteurs affirment enfin que les mesures prises par le Gouvernement
menacent leur mode de vie et la culture de leurs tribus, en violation de
l'article 27 du Pacte. Ils déclarent que la pêche constitue l'un des principaux
éléments de leur culture traditionnelle, qu'ils ont actuellement des intérêts
dans la pêche et le vif désir de manifester leur culture en pêchant sur
tout l'ensemble de leurs territoires traditionnels. Ils précisent en outre
que leur culture traditionnelle a des aspects commerciaux et qu'elle n'établit
pas clairement de distinction entre pêche commerciale et autres types de
pêche. Ils affirment que la nouvelle législation les prive de leur droit
de continuer à pêcher comme de coutume si ce n'est dans les limites fixées
par la loi et qu'ils doivent renoncer à la pêche commerciale en échange
d'une part des quotas de pêche. À cet égard, les auteurs renvoient aux constatations
du Comité concernant la communication No 167/1984 (Ominayak c. Canada),
dans lesquelles il est dit "qu'au nombre des droits protégés par l'article
27 figure le droit pour des personnes d'avoir, en commun avec d'autres,
des activités économiques et sociales qui s'inscrivent dans la culture de
leur communauté" (9).
6.3 Les auteurs rappellent que le tribunal créé en application du Traité
de Waitangi a estimé que le système de quotas était en contradiction avec
ledit Traité puisqu'il conférait des droits de propriété exclusifs en matière
de pêche à des non-Maoris, et que la Haute Cour et la cour d'appel néo-zélandaises
avaient, entre 1987 et 1990, rendu plusieurs décisions qui avaient pour
effet de freiner la mise en uvre du système, considérant qu'il était "nettement
défendable" que le système de quotas constituait une atteinte illicite
aux droits de pêche des Maoris, protégés par le paragraphe 2 de l'article
88 de la loi sur les pêches de 1983. L'adoption en 1992 de la loi sur le
règlement des prétentions concernant les pêches protégées par le Traité
de Waitangi a permis de légitimer le système de quotas en toutes circonstances.
Les auteurs affirment que, du fait que le paragraphe 2 de l'article 88 de
la loi sur les pêches de 1983 a été abrogé, les droits de pêche des Maoris
ne sont plus protégés.
6.4 Certains des auteurs font valoir qu'aucun des avis de suspension des
actions en instance n'a été signé au nom de leurs tribus ou de leurs clans
et que les procédures ont été suspendues par voie législative, sans l'assentiment
de leurs tribus ou de leurs clans, en vertu des alinéas 2 g) et i) de l'article
11 de la loi sur le règlement des prétentions concernant les pêches protégées
par le Traité de Waitangi. Ils considèrent que cela constitue une violation
du droit que leur garantit le paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte de s'adresser
aux tribunaux en cas de contestation de leurs droits et obligations. À cet
égard, les auteurs considèrent que les droits de pêche des Maoris sont bien
des "droits et obligations en matière civile" au sens du paragraphe
1 de l'article 14 du Pacte, puisqu'il s'agit de droits patrimoniaux. Avant
l'adoption de la loi de 1992 sur le règlement des prétentions concernant
les pêches protégées par le Traité de Waitangi, ("Règlement concernant
les pêches"), les Maoris avaient porté devant les tribunaux de nombreuses
affaires concernant la pêche. Les auteurs estiment que le paragraphe 1 de
l'article 14 du Pacte leur garantit, à eux-mêmes ainsi qu'à leurs tribus
ou à leurs clans, le droit que ces litiges soient tranchés par un tribunal
remplissant toutes les conditions énoncées dans cet article. À cet égard,
ils font valoir que, même si les droits ou intérêts coutumiers des aborigènes
peuvent toujours être examinés par le tribunal créé en application du Traité
de Waitangi eu égard aux principes consacrés par cet instrument, les décisions
dudit tribunal ont une simple valeur de recommandation.
6.5 Les auteurs font valoir qu'avant l'adoption du Règlement concernant
les pêches, ils avaient le droit, conformément à l'article 88 de la loi
sur les pêches de 1992, de demander à une juridiction de protéger les droits
ou les intérêts en matière de pêche qui leur sont garantis par la common
law et le Traité de Waitangi, d'en déterminer la nature et la portée
et de les faire respecter. L'abrogation de cet article par la loi de 1992
entrave et restreint le droit des auteurs de faire entendre équitablement
et publiquement leur cause s'agissant de leurs droits et obligations de
caractère civil, ainsi que le garantit le paragraphe 1 de l'article 14 du
Pacte, puisqu'il n'y a plus de cadre légal dans lequel ces droits ou intérêts
pourraient être invoqués.
Observations de l'État partie
7.1 En ce qui concerne la demande des auteurs au titre de l'article 27,
l'État partie admet que le droit des Maoris à la culture comprend le droit
de se livrer à la pêche, et qu'il a l'obligation concrète d'assurer la reconnaissance
de ces droits. Il fait valoir que ces droits ont été consacrés par le Règlement
concernant les pêches (Fisheries Settlement). Selon l'État partie,
le droit des Maoris à un revenu consacré par le système des quotas, ainsi
que leur participation dans la Sealords sont la traduction contemporaine
des droits des Maoris en matière de pêche commerciale. Avec le Règlement
concernant les pêches, les Maoris, qui représentent 15 % environ de la population
néo-zélandaise, sont désormais de fait à la tête de la plus grande flotte
de pêche en haute mer de Nouvelle-Zélande et détiennent plus de 40 % des
quotas de pêche de la Nouvelle-Zélande. Le Règlement est l'instrument qui
a garanti la participation des Maoris à la pêche commerciale, selon les
modalités définies par eux dans le cadre d'une société dont ils ont le contrôle
effectif par le biais de leurs actionnaires et de leurs représentants au
conseil d'administration. Selon l'État partie, grâce au Règlement concernant
les pêches, les Maoris sont dorénavant mieux placés que jamais pour renforcer
leur présence sur le marché en acquérant davantage de quotas et d'éléments
d'actifs dans le secteur des pêches, ainsi qu'en se diversifiant au niveau
international sur le plan des prises, de la transformation et de la commercialisation.
La Commission des pêches créée en vertu du Traité de Waitangi et les sociétés
qui en dépendent, ainsi que différentes tribus, s'engagent d'ailleurs de
plus en plus dans cette voie. D'autre part, le Règlement concernant les
pêches protège expressément les droits de pêche non commerciale des Maoris,
et des règlements d'application ont été adoptés pour garantir la prise en
compte des moyens de subsistance coutumiers et la reconnaissance de la relation
spéciale que les Maoris entretiennent avec les lieux où ils trouvent cette
subsistance.
7.2 En outre, le Gouvernement fait observer que les droits des minorités
visés à l'article 27 ne sont pas illimités. Ces droits peuvent être soumis
à des réglementations raisonnables et à d'autres contrôles ou limitations,
dès lors que ces mesures ont une justification raisonnable et objective,
qu'elles sont compatibles avec les autres dispositions du Pacte et qu'elles
ne reviennent pas à dénier un droit. Dans le cas du Règlement concernant
les pêches, le Gouvernement devait concilier un certain nombre d'obligations
importantes. Il lui fallait en effet trouver un juste milieu entre les préoccupations
de ceux qui étaient opposés et l'engagement qu'il avait pris à l'égard de
l'ensemble des Maoris de trouver une solution pour le règlement des prétentions
concernant les pêches d'une part, et la nécessité d'adopter des mesures
visant à assurer la pérennité des ressources, de l'autre.
7.3 En outre, l'État partie fait observer qu'il ressort clairement du mémorandum
d'accord que le Gouvernement et les négociateurs maoris étaient expressément
convenus que la confirmation du mandat des négociateurs d'agir au nom de
tous les Maoris était une condition résolutoire. Sous réserve de cette confirmation,
l'achat de la société Sealords constituerait un règlement de toutes les
réclamations des Maoris quant à leurs droits et intérêts en matière de pêche
commerciale en Nouvelle-Zélande, le règlement impliquerait l'introduction
d'une législation portant abrogation du paragraphe 2 de l'article 88 de
la loi sur les pêches de 1983 et toute autre législation donnant droit à
des recours juridiques, eu égard à tous les droits et intérêts des Maoris
en matière de pêche, et l'interruption de toute procédure faisant valoir
des droits ou intérêts des Maoris en matière de pêche commerciale et l'acceptation
par les Maoris du système de quotas. L'État partie se réfère au jugement
de la cour d'appel dans l'affaire Te Runanga o Wharekauri Rekohu
c. Procureur général, selon lequel la proposition négociée entre
le Gouvernement et les négociateurs maoris était compatible avec les obligations
du Gouvernement au titre du Traité de Waitangi et que ne pas saisir l'occasion
qui se présentait de racheter la société Sealords aurait été un manquement
à ces obligations. L'État partie se réfère aussi à l'opinion analogue exprimée
par le tribunal constitué en application du Traité de Waitangi.
7.4 En ce qui concerne l'allégation des auteurs selon laquelle le Règlement
a reçu un soutien limité de la part des Maoris, l'État partie rappelle les
consultations auxquelles les négociateurs maoris ont procédé après la signature
du mémorandum d'accord, sur la foi de quoi les négociateurs, puis la Couronne,
ont considéré que le mandat conféré était suffisant pour négocier et appliquer
l'Accord de règlement. L'État partie renvoie à l'avis du tribunal créé en
application du Traité de Waitangi selon lequel le rapport présenté par les
négociateurs maoris donnait l'impression qu'un mandat avait bel et bien
été conféré en ce qui concerne le Règlement, sous réserve que le Traité
lui-même ne soit pas mis en cause, et qu'au vu dudit rapport, la Couronne
était en droit de considérer qu'il était légitime d'aller de l'avant. L'État
partie renvoie également à l'avis du tribunal créé en application du Traité
de Waitangi qui a estimé que "le Règlement devait être appliqué en
dépit de la concession inévitable concernant le rangatiratanga (10)
de ceux qui n'étaient pas d'accord.... Étant donné que le Règlement est
destiné à mettre en place une nouvelle politique nationale au profit des
tribus, à parfaire des droits plutôt qu'à les abroger et à protéger la situation
coutumière, nous estimons que la question peut être abordée non pas au niveau
de chaque iwi, mais au niveau de tous les iwis, c'est-à-dire à un niveau
où l'approbation de chaque iwi n'est pas indispensable, et que l'on peut
compter sur un consensus". L'État partie souligne qu'il incombait aux
négociateurs de garantir au Gouvernement que les Maoris appuyaient la proposition,
et que le processus de prise de décision au sein de la communauté maorie
ne concernait pas directement le Gouvernement, qui était autorisé à se fonder
sur le rapport des négociateurs. L'État partie renvoie en outre à la décision
adoptée par le Comité dans l'affaire Grand Chef Donald Marshall et consorts
c. Canada (11) par laquelle le Comité a rejeté l'allégation
selon laquelle tous les groupes tribaux devaient avoir le droit de participer
à des consultations sur des questions intéressant les autochtones.
7.5 Quant à la critique formulée par les auteurs, au sujet du système des
quotas, l'État partie déclare que ce système a été introduit pour assurer
une protection efficace des ressources halieutiques intérieures qui s'amenuisent.
Dans ce contexte, l'État partie soutient qu'il est de son devoir envers
tous les Néo-Zélandais de protéger et de gérer les ressources naturelles
dans l'intérêt des générations futures. Il rappelle que les décisions du
tribunal créé en application du Traité de Waitangi et celles de la Cour
d'appel, tout en critiquant la mise en uvre initiale, ont reconnu que le
but et les intentions du système des quotas n'étaient pas nécessairement
contraires aux principes et aux clauses du Traité de Waitangi. L'État partie
souligne que, si le système des quotas a modifié la nature des intérêts
des Maoris en ce qui concerne la pêche commerciale, il a été introduit dans
le souci objectif et raisonnable d'assurer une mise en valeur durable de
l'ensemble des ressources.
7.6 En ce qui concerne la déclaration que le Comité a faite lorsqu'il a
décidé que la communication était recevable, à savoir qu'il lui fallait
examiner l'affaire au fond pour déterminer la pertinence de l'article premier
au regard des allégations des auteurs en vertu de l'article 27, l'État partie
indique qu'il serait extrêmement préoccupé si le Comité s'écartait de la
position qui a été acceptée par les États parties au Pacte et par le Comité
lui-même, selon laquelle celui-ci n'est pas compétent pour examiner les
demandes portant sur les droits prévus à l'article premier. Ces droits ont
été depuis longtemps reconnus comme des droits collectifs. Ils ne relèvent
donc pas du mandat du Comité, qui est d'examiner les plaintes déposées par
des individus, et il n'entre pas dans le cadre des procédures prévues dans
le Protocole facultatif que des individus prétendant représenter les Maoris
invoquent des violations présumées des droits collectifs prévus à l'article
premier. L'État partie fait en outre valoir que les droits visés à l'article
premier appartiennent aux "populations" d'un État dans leur ensemble,
et non à des minorités, que celles-ci soient ou non autochtones, dès lors
qu'il s'agit d'un État indépendant et démocratique. En outre, l'État partie
conteste que les auteurs aient autorité pour s'exprimer au nom de la majorité
des membres de leurs tribus.
7.7 S'agissant des allégations des auteurs selon lesquelles ils sont victimes
d'une violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, l'État partie
soutient que leur plainte est singulièrement dénuée de fondement, et qu'elle
vise à donner de l'article une interprétation que sa teneur n'autorise pas
et qui n'était pas prévue lorsque le Pacte a été rédigé. Selon l'État partie,
l'article 14 ne garantit pas un droit général d'ester en justice en l'absence
de droits et de juridiction reconnus par la loi. Bien plutôt, il prescrit
les normes de procédures qui doivent être respectées pour garantir une bonne
administration de la justice. Les dispositions de l'article 14 ne doivent
pas être interprétées hors contexte. L'État partie soutient que le début
de l'article établit clairement que la garantie prévue par ces normes de
procédures ne s'applique que dans le cas d'une action à caractère pénal
ou civil, c'est-à-dire lorsqu'il existe une cause sur laquelle une juridiction
compétente doit statuer. La position avancée par les auteurs aurait pour
conséquence que le législateur national ne pourrait pas déterminer la compétence
des juridictions de l'État, et que le Comité serait amené à prendre des
décisions de fond quant à la possibilité d'invoquer, devant les juridictions
internes, des droits qui vont bien au-delà des garanties consacrées par
le Pacte.
7.8 L'État partie ajoute que la plainte des auteurs a pour but d'obscurcir
l'élément central du Règlement de 1992. De l'avis de l'État partie, l'argument
des auteurs selon lequel le Règlement a éteint un droit d'ester en justice
au sujet de demandes préexistantes ne tient pas compte du fait que ledit
Règlement a, en réalité, réglé ces demandes en les transformant en un droit
garanti de participer à la pêche commerciale. Dès lors que ces demandes
avaient été réglées, il ne pouvait plus, par définition, y avoir de droit
d'ester en justice pour faire valoir ces droits. Toutefois, l'État partie
précise que, bien que toute demande préexistante ne puisse désormais fonder
une action en justice, les tribunaux demeurent compétents pour connaître
des questions relatives aux pêches maories. Les décisions de la Commission
créée en application du Traité de Waitangi concernant la répartition des
avantages découlant du Règlement peuvent être déférées aux tribunaux de
la même manière que les décisions de tout autre organe réglementaire. De
même, les tribunaux et le tribunal créé en application du Traité de Waitangi
peuvent se prononcer sur les réglementations en matière de droits de pêche
coutumiers et les décisions prises en vertu de ces réglementations. De récents
litiges, portés devant les tribunaux néo-zélandais, notamment celui porté
devant la cour d'appel concernant, d'une part, la question de savoir dans
quelle mesure les Maoris vivant en milieu urbain, qui ne sont pas rattachés
à des iwi, ont le droit de bénéficier du Règlement, et, d'autre part, une
proposition de répartition des avantages découlant du Règlement, démontrent
de façon probante que la possibilité d'ester en justice est maintenue. En
outre, les Maoris qui se livrent à la pêche ont exactement les mêmes droits
que tout autre Néo-Zélandais de contester devant les tribunaux les décisions
du Gouvernement qui ont une incidence sur ces droits, ou de demander que
ces droits soient protégés contre toute atteinte par des tiers.
7.9 En conclusion, l'État partie soutient que le Règlement concernant les
pêches n'a pas violé les droits des auteurs, ou de tout autre Maori, en
vertu du Pacte. Au contraire, le Règlement devrait être considéré comme
l'un des meilleurs moyens, mis en place ces dernières années, pour garantir
la reconnaissance des droits des Maoris, conformément aux principes du Traité
de Waitangi. L'État partie indique qu'il s'engage à résoudre et à régler
les réclamations des Maoris d'une manière honorable et équitable. Il reconnaît
qu'il est peu probable que ce type de règlement, qui exige que chaque partie
accepte certaines concessions et certains accommodements, reçoive un appui
unanime de la part des Maoris. À cet égard, il fait valoir que le Règlement
ne bénéficiait pas non plus du soutien unanime des Néo-Zélandais non maoris.
En effet, les réactions du public montraient clairement qu'à l'époque une
proportion importante des Néo-Zélandais non maoris était opposée au Règlement,
et n'acceptait pas que des droits spécifiques sur les pêches en Nouvelle-Zélande
soient accordés aux Maoris. Toutefois, l'État partie fait observer qu'il
ne peut se laisser paralyser par une absence d'unanimité, et que le non-consentement
d'un certain nombre de personnes, qu'il s'agisse ou non de Maoris, ne lui
servira pas d'excuse pour ne pas prendre des mesures concrètes en vue de
réparer les torts faits aux Maoris, dès lors qu'il apparaît clairement que
la majorité des Maoris concernés appuie ces mesures. L'État partie estime
donc que le Comité devrait déclarer les demandes des auteurs irrecevables.
Commentaires des auteurs concernant les observations de l'État partie
8.1 Les auteurs soutiennent que l'article 27 du Pacte impose au Gouvernement
néo-zélandais d'avancer des preuves convaincantes et décisives de la nécessité
et du caractère proportionné des entraves mises par lui à l'exercice des
droits et libertés des auteurs et de leurs tribus ou clans qui sont garantis
par l'article 27. Les auteurs considèrent que l'État partie n'a avancé ni
arguments ni preuves empiriques permettant de démontrer que les articles
9, 10, 11, 33, 34, 37 et 40 de la loi de 1992 sur le règlement des prétentions
concernant les pêches protégées par le Traité de Waitingi étaient "raisonnables
ou nécessaires" pour garantir une bonne gestion des pêches, y compris
pour remplir les obligations internationales de la Nouvelle-Zélande touchant
la conservation et la gestion de la faune et de la flore marines. Les auteurs
soutiennent en outre que "si le Gouvernement néo-zélandais souhaite
s'arroger le pouvoir de réglementer les pêches des Maoris sans le consentement
des auteurs et de leurs tribus ou clans, dont le rangatiratanga et
le pouvoir ainsi que les droits sur ces pêches sont reconnus conformément
au Traité de Waitangi, il doit, en vertu de l'article 27 du Pacte avancer
des preuves convaincantes et décisives de la nécessité et du caractère proportionné
des entraves mises par lui à l'exercice des droits et libertés des auteurs
et de leurs tribus ou clans qui sont garantis par l'article 27". Les
auteurs soutiennent que l'État partie n'a pas produit de telles preuves.
8.2 Qui plus est, les auteurs considèrent que l'article 27 du Pacte impose
au Gouvernement néo-zélandais l'adoption de mesures positives afin de permettre
aux Maoris d'avoir leur propre vie culturelle. Ils soutiennent que, loin
d'honorer cet aspect de ses obligations au regard de l'article 27 du Pacte,
le Gouvernement néo-zélandais a, par suite de l'adoption de la loi de 1992
sur le règlement des prétentions concernant les pêches protégées par le
Traité de Waitangi, gravement entravé la jouissance par les auteurs et leurs
tribus ou clans des droits ou libertés garantis à l'article 27. Les auteurs
ajoutent que l'article 27 du Pacte impose au Gouvernement néo-zélandais
d'appliquer le Traité de Waitangi. Les auteurs soulignent que la pêche est
un aspect fondamental de la culture et de la religion maories. Pour exprimer
ce lien intime, ils citent le passage suivant du rapport sur les pêches
de Muriwhena du tribunal de Waitangi (12) :
"Pour comprendre l'importance de mots clefs contenus dans le Traité
tels que "raonga" et "tino rangatiratanga", il faut
les envisager dans le contexte des valeurs culturelles maories. Dans l'idiome
maori, le mot "taonga", lorsqu'il est employé dans le contexte
de la pêche, signifie ressource, source de nourriture, occupation, et source
de biens pour l'échange de présents, et s'inscrit dans la relation complexe
existant entre les Maoris et leurs terres et eaux ancestrales. Dans le contexte
de la pêche, le taonga dénote une vision qui s'étend au passé, englobant
1 000 ans d'histoire et de légende, et se confond du point de vue mythologique
avec les concepts de dieux et de taniwha ainsi que de tipuna et de kaitiaki.
Le taonga se perpétue dans le temps par-delà les changements dans l'occupation
des zones tribales et dans la propriété des ressources, fondant en un tout
- englobant tout ce qui est vivant et non vivant - la terre, les eaux, les
cieux, les animaux, les plantes et le cosmos lui-même dans leur totalité.
Ce taonga requiert des ressources particulières, un environnement sain,
des pratiques de pêche déterminées et confère un rôle héréditaire dans
le domaine de la sauvegarde des ressources. Lorsque des segments de terres
ancestrales et les zones de pêche adjacentes souffrent de surexploitation
ou de pollution, il est porté atteinte aux tangata whenua et à leurs valeurs.
Ceux qui font office aujourd'hui de kaitiaki (gardiens) ressentent cet
affront non seulement personnellement mais aussi pour leurs tipuna dans
le passé.
Dans le contexte de la pêche, le "taonga" maori est un concept
d'une profondeur et d'une ampleur qui vont au-delà des questions quantitatives
et matérielles ayant trait aux volumes des prises et aux recettes. Il
dénote un souci profond de préservation et un sens aigu de la responsabilité
vis-à-vis du futur qui marquent la pensée, l'attitude et le comportement
des Maoris à l'égard de leurs pêches.
S'agissant de la pêche, le taonga crée des relations entre l'individu
et la tribu, les poissons et les zones de pêche, non seulement en termes
de propriété ou d'appartenance, mais aussi du point de vue de l'identité
personnelle ou tribale, des liens du sang et de la généalogie, et de la
vie spirituelle. Cela signifie qu'une "atteinte" à l'environnement
ou aux pêches peut être ressentie personnellement par un Maori ou une
tribu maorie, et c'est non seulement l'être physique, mais aussi le prestige,
les émotions et le mana qui en pâtissent.
Le taonga de la pêche à l'instar d'autres taonga est une manifestation
de la conception physico-spirituelle complexe que les Maoris ont de la
vie et des forces de la vie. Il est non seulement une source de bienfaits
économiques, mais aussi un fondement de l'identité personnelle, un symbole
de stabilité sociale et un réservoir de force émotionnelle et spirituelle.
Cette vision est à l'origine de la maori (force vitale) qui a permis
aux iwi maoris de perdurer. Pour les Maoris, le concept de pêche englobe,
sans se limiter à cela, les poissons, les zones et les méthodes de pêche
et la vente des ressources dans un but lucratif; mais il a aussi une signification
beaucoup plus profonde dans l'esprit maori."
8.3 Dans ce contexte, les auteurs se réfèrent aux observations générales du
Comité concernant l'article 27, et soutiennent que l'article 27 du Pacte protège
clairement l'exercice par les Maoris de leurs droits de pêche. Ils contestent
la position de l'État partie selon laquelle le droit des Maoris de se livrer
à la pêche a été "garanti" par les dispositions de la loi de 1992
sur le règlement des prétentions concernant les pêches protégées par le Traité
de Waitangi et la loi de 1989 sur les pêches maories. En effet, ils soutiennent
que ces droits ont été effectivement éteints et/ou abrogés, et que les avantages
offerts aux Maoris, en vertu de la loi, ne constituent pas une satisfaction
légitime. Ils font valoir que la loi de 1992 leur impose une division artificielle
de leurs droits ou intérêts en matière de pêche, au mépris du caractère sacré
du lien qui existe entre les auteurs (liens personnels et liens tribaux) et
leurs pêches; elle restreint effectivement la possibilité pour les auteurs
et leurs tribus ou leurs clans de protéger leurs pêches pour les générations
futures; elle éteint et/ou abroge effectivement leurs droits ou intérêts au
regard de la common law et du Traité de Waitangi; elle restreint leurs
possibilités d'exploiter et de gérer leurs pêches conformément à leurs coutumes
et traditions culturelles et religieuses; elle institue un régime qui a pour
effet de transférer entre les mains du Directeur général des pêches le pouvoir
réglementaire sur les pêches maories.
8.4 Les auteurs soutiennent par ailleurs que le tribunal créé en application
du Traité de Waitangi a émis catégoriquement l'avis que l'acceptabilité
de toutes les "concessions inévitables concernant le rangatiratanga
indépendant de ceux qui n'étaient pas d'accord" dépendait de la modification,
par le Gouvernement néo-zélandais, de la loi d'application, conformément
aux recommandations du tribunal. Ils ajoutent que l'affaire les concernant
est différente de l'affaire Grand Chef Donald Marshall et consorts
c. Canada, qui n'avait pas trait à la nécessité d'obtenir l'assentiment
d'un groupe minoritaire touchant l'extinction et/ou l'abrogation effective
de ses droits de propriété et au refus de l'accès aux tribunaux pour faire
valoir ces droits.
8.5 En ce qui concerne l'abandon des actions engagées devant les tribunaux,
cinq auteurs soutiennent que les déclarations d'abandon signées au nom de
leur tribu n'ont pas été signées par les personnes qui avaient l'autorité
pour le faire. Cinq autres auteurs indiquent qu'aucune déclaration d'abandon
n'a été signée au nom de leurs tribus.
Délibérations du Comité
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises
par les parties, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole
facultatif.
9.2 Le Comité note que le Protocole facultatif établit une procédure permettant
à des particuliers de présenter des allégations de violation de leurs droits
individuels. Ces droits sont consacrés dans la troisième partie du Pacte,
aux articles 6 à 27 inclus (13). Comme il ressort de la jurisprudence
du Comité, le Comité n'a pas d'objection à ce qu'un groupe d'individus,
prétendant être collectivement victime de la violation d'un droit, présente
une communication au sujet de ces prétendues violations. En outre, les dispositions
de l'article premier peuvent être pertinentes pour interpréter d'autres
droits protégés par le Pacte, en particulier ceux énoncés à l'article 27.
9.3 La première question dont est saisi le Comité est donc celle de savoir
si le Règlement concernant les pêches, tel qu'il figure dans l'Accord de
règlement et dans la loi de 1992 sur le règlement des prétentions concernant
les pêches protégées par le Traité de Waitangi, constitue une violation
des droits des auteurs en vertu de l'article 27 du Pacte. Il n'est pas contestable
que les auteurs sont membres d'une minorité, au sens de l'article 27 du
Pacte, ni que la pratique de la pêche et le contrôle des pêches constituent
un élément essentiel de leur culture. À cet égard, le Comité rappelle que
les activités économiques peuvent relever de l'article 27, dès lors qu'elles
constituent un élément essentiel de la culture d'une communauté (14).
Le fait que le Traité de Waitangi reconnaisse les droits des Maoris en matière
de pêche confirme que l'exercice de ces droits est un aspect majeur de la
culture maorie. Toutefois, il n'appartient pas au Comité de déterminer si
la loi de 1992 est compatible avec le Traité de Waitangi.
9.4 Le droit d'avoir sa propre vie culturelle ne saurait être déterminé
in abstracto mais doit être apprécié dans son contexte. En particulier,
l'article 27 protège certes les moyens de subsistance traditionnels des
minorités, mais implique également que ceux-ci puissent s'adapter aux modes
de vie et aux technologies modernes. En l'occurrence, la législation adoptée
par l'État partie influe, de différentes manières, sur les possibilités
qu'ont les Maoris de se livrer à la pêche commerciale et non commerciale.
La question est de savoir si cela constitue un déni de droits. Dans une
décision antérieure, le Comité a précisé :
"Il est compréhensible qu'un État puisse souhaiter encourager le développement
des entreprises ou d'en favoriser l'activité économique. Sa latitude en
la matière ne doit pas être évaluée par rapport à une marge de liberté d'appréciation,
mais par rapport aux obligations auxquelles il a souscrit au titre de l'article
27, lequel dispose qu'un membre d'une minorité ne doit pas se voir dénier
le droit de jouir de sa propre culture. Des mesures dont l'effet équivaut
à dénier ce droit ne sont donc pas compatibles avec les obligations souscrites
au titre de l'article 27. Mais les mesures ayant un certain effet limité
sur le mode de vie de personnes appartenant à une minorité n'équivaudront
pas nécessairement à un déni du droit énoncé à l'article 27." (15)
9.5 Le Comité rappelle son observation générale au sujet de l'article 27,
selon laquelle, en particulier dans le cas de populations autochtones, l'exercice
du droit à sa propre culture peut exiger qu'un État partie adopte des mesures
juridiques positives de protection, ainsi que des mesures visant à assurer
la participation effective des membres des communautés minoritaires aux décisions
qui les concernent (16). Dans sa jurisprudence au titre du Protocole
facultatif, le Comité souligne que l'acceptabilité des mesures qui affectent
ou entravent les activités économiques culturellement importantes d'une minorité
dépend de la question de savoir si les membres de la minorité concernée ont
eu la possibilité de participer au processus de prise de décisions qui a abouti
à l'adoption de ces mesures et s'ils continueront de bénéficier de leurs activités
économiques traditionnelles. (17)
Le Comité reconnaît que la loi de 1992 sur le règlement des prétentions
concernant les pêches protégées par le Traité de Waitangi, et les mécanismes
institués par elle, limitent les droits des auteurs à l'exercice de leur
propre culture.
9.6 Le Comité observe que l'État partie a entrepris un processus complexe
de consultations pour assurer un large appui maori à un accord et à une
réglementation des activités de pêche à l'échelle de tout le pays. Les communautés
et les organisations nationales maories ont été consultées et leurs propositions
ont été prises en compte dans l'arrangement conclu. Le Règlement n'a été
promulgué qu'après que les représentants des Maoris eurent indiqué qu'ils
bénéficiaient d'un appui réel parmi les Maoris. Pour de nombreux Maoris,
la loi de 1992 réglait de manière acceptable leurs demandes. Le Comité a
noté que les auteurs faisaient valoir qu'eux-mêmes et la majorité des membres
de leurs tribus n'avaient pas approuvé le Règlement, et qu'ils affirmaient
que leurs droits en tant que membres de la minorité maorie n'avaient pas
été pris en compte. Dans de telles circonstances, où le droit des individus
d'avoir leur propre culture est en conflit avec des droits parallèles exercés
par d'autres membres du groupe minoritaire, ou par la minorité dans son
ensemble, le Comité peut se demander si la limitation en cause est dans
l'intérêt de tous les membres de la minorité, et s'il existe une justification
raisonnable et objective à son application aux individus qui prétendent
en subir des conséquences néfastes (18).
9.7 Pour ce qui est des effets de l'accord, le Comité observe qu'avant
les négociations qui ont débouché sur le Règlement les tribunaux avaient
statué que le système de quota était susceptible de constituer une atteinte
aux droits des Maoris dans la mesure où, en pratique, les Maoris n'y participaient
pas et étaient ainsi privés de leurs pêches. Avec le Règlement, le quota
de pêches des Maoris a été relevé et ils ont ainsi recouvré la possession
effective des pêches. En ce qui concerne les pêches commerciales, le Règlement
a eu pour effet que l'autorité des Maoris et leurs méthodes traditionnelles
de contrôle, telles que reconnues dans le Traité, ont été remplacées par
une nouvelle structure de contrôle s'inscrivant dans une entité où les Maoris
ont non seulement un rôle dans la protection de leurs intérêts en matière
de pêches mais aussi un contrôle effectif. S'agissant des pêches non commerciales,
les obligations de la Couronne en vertu du Traité de Waitangi demeurent
et des règlements sont élaborés qui reconnaissent et définissent les moyens
de subsistance coutumiers.
9.8 Au cours du processus de consultation, une attention particulière a
été accordée à l'importance que revêt la pêche pour les Maoris sur les plans
culturel et religieux et notamment à la garantie aux Maoris, pris individuellement
et collectivement, de la possibilité de se livrer à la pêche non commerciale.
Tout en notant avec préoccupation que le règlement et le processus qui y
a conduit ont contribué à des divisions au sein des communautés maories,
le Comité conclut que l'État partie, en procédant à un vaste processus de
consultation avant de légiférer et en accordant une attention particulière
au maintien des activités de pêche des maoris, a pris les mesures nécessaires
pour faire en sorte que le Règlement sur les pêches et son application,
y compris par le biais du système des quotas, soient compatibles avec l'article
27.
9.9 Le Comité tient à souligner que l'État partie continue d'être tenu
par l'article 27 qui exige que l'attention voulue soit accordée à l'importance
culturelle et religieuse de la pêche pour les Maoris dans la mise en uvre
de la loi sur le Règlement des prétentions concernant les pêches protégées
par le Traité de Waitangi. Se référant à sa jurisprudence antérieure (19),
le Comité tient à souligner qu'afin de satisfaire aux dispositions de l'article
27, les mesures susceptibles d'influer sur les activités économiques des
Maoris doivent être appliquées de manière à ce que les auteurs puissent
continuer de jouir de leur culture et de professer et de pratiquer la religion
de concert avec d'autres membres de leur groupe. L'État partie est tenu
de garder cela à l'esprit en poursuivant l'application de la loi susmentionnée.
9.10 Les plaintes des auteurs concernant l'abandon des actions engagées
devant les tribunaux concernant leurs demandes sur les pêches doivent être
examinées à la lumière de ce qui précède. Si, dans l'absolu, il serait critiquable
qu'un État partie décide, par voie législative, que des actions en instance
soient abandonnées, ce qui constituerait une violation du droit d'ester
en justice, dans les circonstances particulières de la cause, les actions
ont été abandonnées dans le cadre d'un règlement, au niveau national, des
demandes qui étaient précisément en instance devant les tribunaux, et qui
avaient été ajournées en attendant le résultat des négociations. Dans ces
circonstances, le Comité considère que l'abandon des actions des auteurs
devant les tribunaux ne constitue pas une violation du paragraphe 1 de l'article
14 du Pacte.
9.11 En ce qui concerne l'allégation des auteurs selon laquelle la loi
de 1992 les empêche de saisir les tribunaux de demandes concernant l'étendue
de leurs pêches, le Comité observe que le paragraphe 1 de l'article 14 prévoit
le droit de saisir les tribunaux pour que ceux-ci se prononcent sur des
droits et des obligations de caractère civil. Dans certaines circonstances,
le fait qu'un État partie n'ait pas créé un tribunal compétent pour statuer
sur des droits et des obligations peut constituer une violation du paragraphe
1 de l'article 14. Dans le cas d'espèce, la loi de 1992 prévoit que les
tribunaux ne sont pas compétents pour se prononcer sur la validité des demandes
des Maoris concernant la pêche commerciale, précisément parce qu'elle est
destinée à régler ces demandes. En tout état de cause, le recours des Maoris
aux tribunaux pour faire valoir leurs droits en matière de pêches était
déjà limité avant l'adoption de la loi de 1992; les Maoris ne pouvaient
faire valoir leurs droits en matière de pêche commerciale que dans la mesure
où le paragraphe 2 de l'article 88 de la loi sur les pêches stipulait expressément
que rien dans cette loi ne portait atteinte aux droits de pêche des Maoris.
Indépendamment de la question de savoir si des demandes portant sur des
intérêts en matière de pêche correspondent ou non à la définition d'une
action civile, le Comité estime que la loi de 1992, par ses dispositions
spécifiques, s'est substituée aux modalités de détermination des réclamations
faites en vertu du Traité, en ce qui concerne les pêches. Cependant, d'autres
aspects du droit des pêches sont encore susceptibles de donner lieu à une
action en justice, par exemple ceux relatifs à la répartition des quotas
et aux règlements applicables aux droits de pêche coutumiers. Les autres
n'ont pas prouvé l'allégation selon laquelle la mise en place du nouveau
régime les empêche d'accéder aux tribunaux pour toute question relevant
du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité est
d'avis que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître une violation
du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi ne font pas apparaître une violation des articles du Pacte.
_____________
Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication
: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitán de Pombo, M. Louis
Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga,
M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski,
M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia. Le texte d'une opinion individuelle
d'un membre du Comité est joint au présent document.*
[Adopté en anglais (version originale), en français et en espagnol. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Appendice
Opinion individuelle de M. Martin Scheinin
(exprimant son désaccord partiel)
Je partage les principales conclusions du Comité concernant l'article 27 du
Pacte. Je tiens toutefois à exprimer mon désaccord au sujet du paragraphe
9.10 des constatations. À mon avis, le fait qu'un règlement global des prétentions
sur les pêches soit jugé compatible avec l'article 27 - sous réserve que soient
réunies les conditions requises, à savoir une consultation effective et la
garantie du maintien des formes de pêche qui revêtent une importance pour
les Maoris du point de vue culturel - ne décharge pas l'État partie des obligations
qui lui incombent en vertu du paragraphe 1 de l'article 14. À mon sens, il
y a eu violation des droits des auteurs consacrés par le paragraphe 1 de l'article
14 dans la mesure où :
- la législation en question a eu pour effet d'interrompre les actions en
justice intentées par les auteurs ou leurs représentants attitrés;
- une telle mesure n'a pas été approuvée par les auteurs ou par d'autres
personnes dûment autorisées à interrompre l'action en justice en question;
et
- l'application de la loi sur le règlement des prétentions concernant
les pêches protégées par le Traité de Waitangi ou d'autres mesures adoptées
par l'État partie n'ont pas eu pour effet d'assurer aux auteurs, sous
réserve du respect des conditions susmentionnées d'interruption de l'action
en justice, un recours utile conformément au paragraphe 3 de l'article
2 du Pacte.
(Signé) M. Scheinin
[Adopté en anglais (version originale), en français et en espagnol. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
-----
Notes
1. Iwi : tribu comprenant un certain nombre de hapu (clans).
2. Le conseil soutient que le texte maori offre une garantie plus
étendue que celle qui apparaît à la lecture du texte anglais. Il précise
que l'une des différences de sens les plus importantes entre les deux textes
touche à la garantie qui s'attache à l'expression maorie "te tino rangatiratanga"
(pouvoir sans réserve), par rapport au terme "taonga" (toutes
les choses qui sont importantes pour eux), et qui recouvre les lieux de
pêche et les pêches. Selon le conseil, la garantie qui s'attache au rangatiratanga
comporte trois éléments principaux : la protection sociale, culturelle,
économique et spirituelle de la base tribale; la reconnaissance de la source
spirituelle du taonga et le fait que le pouvoir s'exerce non seulement sur
les biens, mais sur les personnes de la lignée et leur accès aux ressources
de la tribu. Les auteurs soutiennent que c'est le texte maori du Traité
de Waitangi qui fait foi.
3. Il s'agit d'un organe réglementaire spécialisé créé en vertu
de la loi sur le Traité de Waitangi
(Treaty of Waitangi Act) de 1975 qui a le statut d'une commission
d'enquête et est habilité, notamment, à enquêter sur certaines plaintes
touchant aux principes consacrés par le Traité de Waitangi.
4. Hui : assemblée.
5. Marae : lieu réservé pour la pratique des coutumes maories.
6. Le rapport montrait également que 15 iwi, représentant 24 501
Maoris, étaient opposés à l'accord, et que sept groupes tribaux, représentant
84 255 Maoris, étaient d'avis partagés.
7. Le Congrès national maori, organisation non gouvernementale comprenant
des représentants de 45 iwi, et le Conseil maori de Nouvelle-Zélande, organe
qui représente les conseils de district maoris répartis dans tout le pays.
8. Ils invoquaient une violation des articles 13 (liberté de pensée,
de conscience et de religion), 14 (liberté d'expression), 20 (droits des
minorités) et 27 (droit à la justice).
9. Communication No 167/1984, constatations adoptées le 26 mars
1990 (CCPR/C/38/D/167/1984, par. 32.2).
10. Rangatiratanga : capacité d'exercer un pouvoir sur les avoirs,
corporels et incorporels.
11. Communication No 205/1986, constatations adoptées le 4 novembre
1991, CCPR/C/43/D/205/1986.
12. Tribunal de Waitangi, Rapport sur les pêches de Muriwhenua,
p. 180 et 181, par. 10.3.2.
13. Voir les constatations du Comité concernant l'affaire No 167/1984
(Ominayak c. Canada), adoptées le 26 mars 1990 (CCPR/C/38/D/167/1984).
14. Voir, notamment, les constatations du Comité dans l'affaire
Kitok c. Suède, communication No 197/1985, adoptées le 27
juillet 1988, CCPR/C/33/D/197/1985 par. 9.2. Voir également les constatations
du Comité concernant les deux affaires Länsman, Nos 511/1992 (26 octobre
1994) (CCPR/C/52/D/511/1992) et 671/1995 (30 octobre 1996) (CCPR/C/58/D/671/1995).
15. Constatations du Comité concernant l'affaire No 511/1992, Länsman
et consorts c. Finlande(CCPR/C/52/D/511/1992, par. 9.4.)
16. Observation générale No 23, adoptée par le Comité à sa cinquantième
session en 1994, par. 3.2.
17. Voir les constatations du Comité dans l'affaire 511/1992, I.
Länsman et consorts c. Finlande, par. 9.6 et 9.8 (CCPR/C/52/D/511/1992).
18. Voir les constatations du Comité dans l'affaire No 197/1985,
Kitok c. Suède, adoptées le 27 juillet 1988 (CCPR/C/33/D/197/1985).
19. Voir les constatations du Comité dans l'affaire 511/1992, I.
Länsman et consorts c. Finlande, par. 9.8, (CCPR/C/52/D/511/1992).