Comité des droits de l'homme
Soixante-et-unième session
20 octobre - 7 novembre 1997
ANNEXE*
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques**
- Soixante et unième session -
Communication No 554/1993 ***
Présentée par : Robinson LaVende
[représenté par Interights (Londres)]
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Trinité-et-Tobago
Date de la communication : 4 octobre 1993 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 29 octobre 1997,
Ayant achevé l'examen de la communication No 554/1993 présentée par M. Robinson LaVende en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'Etat partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations adoptées au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Robinson LaVende, citoyen trinidadien qui, au moment de la présentation de sa communication, était en attente d'exécution à la prison d'Etat de Port-of-Spain (Trinité-et-Tobago). Il se déclare victime de violations par la Trinité-et-Tobago de l'article 7, du paragraphe 1 de l'article 10 et du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le 31 décembre 1993, la peine de mort prononcée à l'encontre de l'auteur a été commuée en peine d'emprisonnement à vie, conformément à la jurisprudence constituée par la décision rendue le 2 novembre 1993 par la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Pratt and Morgan c. Attorney General of Jamaica. L'auteur est représenté par Interights, organisation ayant son siège à Londres.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été jugé pour meurtre, reconnu coupable et condamné à mort en juillet 1975; aucune information n'est fournie concernant les circonstances de l'affaire ou la conduite du procès. La Cour d'appel de la Trinité-et-Tobago a rejeté l'appel de l'auteur le 28 novembre 1977.
2.2 Au début de 1978, l'auteur a demandé une aide judiciaire au Ministre de la sécurité nationale de Trinidad, afin de pouvoir préparer un recours et le présenter à la section judiciaire du Conseil privé; sa demande d'aide judiciaire a été refusée. L'auteur déclare qu'en conséquence il n'a pas pu demander d'autorisation spéciale de recours auprès de la section judiciaire.
2.3 Le 30 septembre 1993, l'auteur a été informé que l'ordre avait été donné pour son exécution le 5 octobre 1993. Une requête constitutionnelle auprès de la Haute Cour de la Trinité-et-Tobago a été déposée en son nom le 1er octobre 1993. Un sursis à exécution a été accordé dans la nuit du 4 au 5 octobre 1993.
2.4 L'auteur affirme qu'il a épuisé les recours internes au sens du Protocole facultatif et que le fait qu'une requête constitutionnelle ait été déposée en son nom ne l'empêche pas de pouvoir s'adresser au Comité des droits de l'homme. En ce qui concerne le refus de l'aide judiciaire aux fins de recours devant la section judiciaire du Conseil privé, l'auteur déclare que l'Etat partie est désormais forclos à soutenir que l'auteur était tenu de poursuivre l'affaire devant les tribunaux nationaux avant de la porter devant le Comité.
2.5 Son conseil ajoute qu'en raison de la nature même de la situation de son client, ce dernier devra nécessairement avoir recours à toutes les procédures existantes, éventuellement jusqu'à l'heure prévue pour son exécution. Exiger que toutes les procédures de dernière minute aient été épuisées avant d'autoriser le requérant à s'adresser au Comité des droits de l'homme signifierait que le condamné soit doive attendre jusqu'à un moment dangereusement proche de celui de son exécution, soit doive renoncer à exercer tous les recours internes potentiellement disponibles. Le conseil déclare que ni l'une ni l'autre des deux options ne sont conformes à la lettre et à l'esprit du Protocole facultatif.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur, qui a été détenu dans le quartier des condamnés à mort depuis sa condamnation en juillet 1975 jusqu'à la commutation de sa peine le 31 décembre 1993, soit pendant plus de 18 ans, se déclare victime d'une violation de l'article 7, affirmant que la durée de sa détention dans le quartier des condamnés à mort équivaut à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Il ajoute que la durée de sa détention dans le quartier des condamnés à mort est contraire à son droit, conformément au paragraphe 1 de l'article 10, d'être traité avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à sa personne. Selon lui, l'exécution de la sentence après tant d'années passées dans le quartier des condamnés à mort équivaudrait à une violation des dispositions susmentionnées. A l'appui de ses arguments, le conseil se réfère à la jurisprudence récente, notamment à une décision rendue récemment par la Cour suprême du Zimbabwe / Décision de la Cour suprême du Zimbabwe No 73/93 de juin 1993./, à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Soering / Soering c. Royaume-Uni, 11 EHRR 439 (1989)./ et aux arguments avancés par le conseil des auteurs dans l'affaire Pratt and Morgan c. Attorney General of Jamaica.
3.2 Le conseil déclare que l'Etat partie a violé le paragraphe 3 d) de l'article 14 en refusant à l'auteur une aide judiciaire pour lui permettre de demander à la section judiciaire une autorisation spéciale de recours. Le conseil s'appuie sur la jurisprudence du Comité, selon laquelle l'aide judiciaire doit être accordée à tout détenu condamné à mort, à toutes les étapes de la procédure pénale / Voir la communication No 250/1987 (C. Reid c. Jamaïque), constatations adoptées le 20 juillet 1990, par. 11.4, et la communication No 230/1987 (Henry c. Jamaïque), constatations adoptées le 1er novembre 1991, par. 8.3./. Le conseil se réfère également aux décisions de la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique /Par exemple, Lane c. Brown, 372 U.S. 477 (1963)./.
Décision du Comité concernant la recevabilité
4.1 Le Comité a examiné la recevabilité de la communication à sa cinquante-cinquième session. Il a noté que l'Etat partie avait envoyé une note datée du 9 février 1994, dans laquelle il indiquait que, le 31 décembre 1993, la peine de mort prononcée à l'encontre de l'auteur avait été commuée en peine d'emprisonnement à vie; l'Etat partie a fait observer que la commutation avait été décidée comme suite à la décision de la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Pratt and Morgan c. Attorney General of Jamaica /Recours No 10 (1993) devant le Conseil privé, décision du 2 novembre 1993./. Aucune autre information n'avait été reçue de l'Etat partie conformément à l'article 91 du règlement intérieur du Comité, malgré le rappel qui lui avait été adressé le 7 décembre 1994.
4.2 Le Comité a accueilli avec satisfaction les renseignements qui lui ont été adressés le 9 février 1994 mais il a noté que l'Etat partie n'avait pas fourni d'informations ou d'observations concernant la recevabilité des allégations de l'auteur qui demeuraient valables après la commutation de la peine. Toute l'attention voulue devait donc être accordée aux allégations de l'auteur, dans la mesure où elles avaient été suffisamment étayées.
4.3 Pour ce qui était des allégations formulées au titre de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10, le Comité a constaté que l'Etat partie avait lui-même commué la peine de mort prononcée à l'encontre de l'auteur, de façon à se conformer à la jurisprudence constituée par la décision de la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire susmentionnée. Le Gouvernement n'avait pas informé le Comité de l'existence d'autres recours utiles dont l'auteur aurait pu disposer pour ce qui était des allégations susmentionnées; il convenait de considérer que le silence de l'Etat partie à cet égard revenait à reconnaître que ces recours n'existaient pas.
4.4 En ce qui concerne l'allégation au titre du paragraphe 3 d) de l'article 14, le Comité a noté que l'auteur s'était vu refuser l'aide judiciaire qu'il avait demandée pour pouvoir solliciter une autorisation spéciale de recours auprès de la section judiciaire du Conseil privé. Comme il n'était indiqué nulle part que l'auteur n'était pas en droit d'introduire ce genre d'appel, le Comité a conclu que cette allégation, qui semblait aussi soulever des questions au titre du paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte, devait être examinée quant au fond.
4.5 Le 12 octobre 1995, le Comité a déclaré que la communication était recevable dans la mesure où elle semblait soulever des questions au titre de l'article 7, du paragraphe 1 de l'article 10 et des paragraphes 3 d) et 5 de l'article 14 du Pacte.
Examen quant au fond
5.1 Le délai dans lequel l'Etat partie avait été prié de soumettre des informations et observations, conformément au paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, a expiré le 16 mai 1996. Aucune information n'a été reçue de l'Etat partie, malgré le rappel qui lui a été adressé le 11 mars 1997. Le Comité déplore le manque de coopération dont l'Etat partie fait preuve. Il a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations qui lui avaient été communiquées par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
5.2 Le Comité doit tout d'abord établir si la durée de la détention de l'auteur dans le quartier des condamnés à mort - de juillet 1975 à décembre 1993 (plus de 18 ans) - constitue une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Le conseil n'évoque à l'appui de l'allégation de violation de ces dispositions que la durée de la détention de l'auteur dans le quartier des condamnés à mort à la prison d'Etat de Port-of-Spain. La durée, en l'espèce, de la détention dans le quartier des condamnés à mort est sans précédent et gravement préoccupante. Toutefois, il reste que le Comité estime, conformément à sa jurisprudence, que la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort ne constitue pas, en soi, une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. La position du Comité à ce sujet a été exposée en détail dans ses constatations concernant la communication No 588/1994 (Errol Johnson c. Jamaïque) /Voir la communication No 588/1994 (Errol Johnson c. Jamaïque), constatations adoptées le 22 mars 1996, par. 8.1 à 8.6./. Etant donné l'importance de la question, le Comité juge utile de réaffirmer sa position.
5.3 En examinant la question de savoir si la seule durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort peut représenter une violation des articles 7 et 10 du Pacte, il faut tenir compte des facteurs ci-après :
a) Le Pacte n'interdit pas la peine capitale, mais il prévoit des restrictions sévères à son application. Etant donné que l'incarcération dans le quartier des condamnés à mort est une conséquence nécessaire de l'imposition de la peine capitale, aussi cruelle, dégradante et inhumaine qu'elle puisse paraître, elle ne saurait en soi être considérée comme une violation de l'article 7 et de l'article 10 du Pacte.
b) Bien que le Pacte n'interdise pas la peine capitale, l'opinion du Comité, qui est reflétée dans le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, est que "d'une manière générale, l'abolition est évoquée dans [l']article [6] en des termes qui suggèrent sans ambiguïté que l'abolition est souhaitable". On peut donc considérer que l'un des objets et buts du Pacte est de limiter l'application de la peine capitale.
c) Il faut interpréter les dispositions du Pacte à la lumière de ses objets et buts (art. 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). Etant donné que l'un de ces objets et buts est de promouvoir une diminution de l'application de la peine capitale, il faudrait éviter autant que possible d'interpréter une disposition du Pacte dans un sens qui risquerait d'encourager un Etat partie qui a maintenu la peine capitale à l'appliquer.
5.4 Compte tenu de ces facteurs, il faut examiner les conséquences qu'il y aurait à considérer que la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort est en soi une violation des articles 7 et 10. La première - et la plus grave - serait que si un Etat partie exécute un condamné lorsque celui-ci a passé un certain temps dans le quartier des condamnés à mort, cet acte ne constituerait pas une violation des obligations contractées en vertu du Pacte, alors que dans le cas contraire, il y aura violation du Pacte. Une interprétation du Pacte qui aboutirait à un tel résultat ne saurait être conforme à l'objet et au but du Pacte. Il ne faudrait pas croire que l'on pourrait éviter cette conséquence en s'abstenant de fixer un nombre d'années au bout desquelles la détention dans le quartier des condamnés à mort pourrait être présumée constituer une peine cruelle et inhumaine. Fixer une limite exacerbe assurément le problème et permet à l'Etat partie d'avoir une échéance claire pour exécuter le condamné s'il ne veut pas se rendre coupable d'une violation de ses obligations en vertu du Pacte. Toutefois, cette conséquence n'est pas la résultante de la détermination d'une durée maximale autorisée de détention dans le quartier des condamnés à mort, mais découle du fait que le facteur temps est, en soi, le facteur déterminant. S'il n'est pas fixé de durée maximale acceptable, les Etats parties qui veulent éviter de dépasser l'échéance seront tentés de consulter les décisions prises par le Comité dans des affaires précédentes, afin de déterminer quelle est la durée de la détention que le Comité a par le passé jugée acceptable.
5.5 Si le facteur temps est en soi considéré comme déterminant, c'est-à-dire comme étant l'élément qui fait de la détention dans le quartier des condamnés à mort une violation du Pacte, il s'ensuivrait une deuxième conséquence : les Etats parties qui n'ont pas aboli la peine capitale concluraient qu'ils doivent exécuter un condamné à mort le plus rapidement possible après le prononcé du jugement. Ce n'est pas le message que le Comité veut adresser aux Etats parties. Mieux vaut être vivant dans le quartier des condamnés à mort, aussi dur que cela puisse être, que d'avoir cessé de vivre. De surcroît, l'expérience montre que les délais apportés à l'exécution d'un condamné peuvent être la conséquence nécessaire de plusieurs facteurs, dont un grand nombre peuvent être attribuables à l'Etat partie. Parfois, un moratoire est décidé pendant qu'un débat a lieu sur toute la question de la peine capitale. Il arrive aussi que le pouvoir exécutif sursoie aux exécutions même s'il n'est pas politiquement possible d'abolir la peine capitale. Le Comité voudrait éviter d'adopter une jurisprudence tendant à amoindrir des facteurs qui peuvent très bien aboutir à une diminution du nombre de prisonniers exécutés. Il faut souligner qu'en adoptant la position consistant à ne pas considérer qu'une détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort est en soi une peine ou un traitement cruel et inhumain au sens du Pacte, le Comité ne veut pas donner l'impression qu'il est acceptable de laisser des individus dans le quartier des condamnés à mort pendant de nombreuses années. Cela ne l'est pas. Toutefois, la cruauté du syndrome du quartier des condamnés à mort découle avant toute chose de la possibilité laissée dans le Pacte de prononcer la peine capitale. Cette situation a des conséquences fâcheuses.
5.6 Admettre qu'une détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort ne constitue pas en soi une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte ne signifie pas que d'autres circonstances entourant la détention ne puissent pas faire de l'incarcération une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. D'après la jurisprudence du Comité, cette détention peut constituer une violation de l'article 7 et/ou du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte si cette qualification est étayée par l'existence d'autres circonstances impérieuses.
5.7 Dans le cas d'espèce, le conseil n'a pas allégué l'existence de circonstances, hormis la durée de la détention de l'auteur dans le quartier des condamnés à mort à la prison d'Etat, qui fassent de cette détention une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Devant, en vertu du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif, examiner la communication en tenant compte de toutes les informations soumises par les parties, le Comité ne peut, en l'absence d'informations sur des éléments supplémentaires, conclure qu'il y a eu violation de ces dispositions.
5.8 En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte, l'Etat partie n'a pas nié que la demande d'aide judiciaire faite par l'auteur pour pouvoir présenter un recours devant la section judiciaire du Conseil privé lui avait été refusée. Le Comité rappelle qu'il est impératif qu'un condamné à mort puisse obtenir une aide judiciaire, et ce à toutes les étapes de la procédure judiciaire / Voir la communication No 230/1987 (Raphael Henry c. Jamaïque), constatations adoptées le 1er novembre 1991, par. 8.3./. L'article 109 de la Constitution de la Trinité-et-Tobago prévoit la possibilité de former un recours devant la section judiciaire du Conseil privé. Il n'a pas été contesté que, dans le cas d'espèce, le Ministère de la sécurité nationale a refusé à l'auteur l'aide judiciaire dont il avait besoin pour pouvoir former un recours gratuitement devant la section judiciaire du Conseil privé, le privant ainsi de l'assistance voulue pour pouvoir se prévaloir de toutes les voies de recours judiciaires, comme le prévoit la Constitution; de l'avis du Comité, ce refus constitue une violation du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte, dont les garanties s'appliquent à tous les niveaux des procédures de recours. En conséquence, son droit, énoncé au paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte, de faire examiner "par une juridiction supérieure" sa déclaration de culpabilité et sa condamnation "conformément à la loi" a également été violé, le refus de l'aide judiciaire qui lui aurait permis de former un recours devant la section judiciaire du Conseil privé l'ayant empêché de faire examiner sa déclaration de culpabilité et sa condamnation par cet organe.
6. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des paragraphes 3 d) et 5 de l'article 14 du Pacte.
7. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'auteur a droit à un recours utile. Le Comité se félicite que la condamnation à mort de l'auteur ait été commuée par les autorités de l'Etat partie le 31 décembre 1993 mais il estime qu'un recours utile dans le cas à l'examen nécessiterait une autre mesure de clémence.
8. Etant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'Etat partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité, tout en réaffirmant sa satisfaction que la peine de mort à laquelle l'auteur avait été condamné ait été commuée, souhaite recevoir de l'Etat partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.
_____________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la présente communication : M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra N. Bhagwati, M. Thomas Buergenthal, Mme Christine Chanet, lord Colville, M. Omran El Shafei, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitan de Pombo, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Fausto Pocar, M. Julio Prado Vallejo, M. Martin Scheinin, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
** En vertu de l'article 85 du règlement intérieur du Comité, M. Rajsoomer Lallah n'a pas participé à l'adoption des constatations.
*** Le texte d'une opinion individuelle, émanant de cinq membres du Comité, est joint au présent document.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
APPENDICE
Opinion individuelle de M. Fausto Pocar, membre du Comité,
approuvée par M. Prafullachandra N. Bhagwati, Mme Christine Chanet
et Mme Pilar Gaitan de Pombo ainsi que M. Julio Prado Vallejo et M. Maxwell Yalden, concernant les
affaires LaVende et Bickaroo
Le Comité réaffirme dans ses constatations concernant ces deux affaires que la détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort ne saurait constituer en soi une violation de l'article 7 du Pacte. Cette position témoigne d'un manque de souplesse qui empêcherait le Comité d'examiner les circonstances de chaque affaire pour déterminer si, dans un cas donné, la détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort ne constitue pas un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de la disposition susmentionnée. Cette position amène le Comité à conclure, dans les cas considérés, que la détention dans le quartier des condamnés à mort pendant près de 16 ans dans un cas et de près de 18 ans dans l'autre, après épuisement des recours internes, ne constitue pas une violation de l'article 7. Nous ne pouvons approuver une telle conclusion. Le maintien d'une personne en détention dans le quartier des condamnés à mort pendant un si grand nombre d'années, après épuisement des recours internes, et en l'absence de toute explication de la part de l'Etat partie quant aux raisons de cette mesure, constitue en soi un traitement cruel et inhumain. L'Etat partie devait expliquer pourquoi la détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort était nécessaire ou justifiée, ce qu'il n'a fait dans aucun des deux cas considérés.
Même en admettant, ce qui est l'avis de la majorité des membres du Comité, que la détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort ne saurait constituer en soi une violation de l'article 7 du Pacte, il n'en reste pas moins que les circonstances de la communication examinée font apparaître qu'il y a violation de ladite disposition du Pacte. Les faits rapportés par l'auteur dans la communication, faits que l'Etat partie ne conteste pas, montrent que "le 30 septembre 1993, l'auteur a été informé que l'ordre avait été donné pour son exécution le 5 octobre 1993 ... un sursis à exécution a été accordé dans la nuit du 4 au 5 octobre 1993". Nous estimons que le fait de lire l'ordre d'exécution à un condamné à mort incarcéré depuis si longtemps et de commencer à procéder à son exécution après tant d'années, alors que l'Etat partie avait laissé le détenu légitimement espérer qu'il ne serait jamais exécuté, constitue en soi un traitement cruel et inhumain au sens de l'article 7 du Pacte. En outre, ces faits constituent les "circonstances impérieuses" qui auraient dû amener le Comité, même s'il voulait réaffirmer sa jurisprudence antérieure, à conclure que la détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort constituait, dans les cas examinés, une violation de l'article 7 du Pacte.